Déviance
Synthèse
Déroulé du chapitre :
QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.
QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.
Conforme au programme officiel (BO)
1) les difficulté de mesure de la délinquance.
S'il existe une définition sociologique claire et délimitée de la délinquance (voir question 4), sa mesure, au contraire, l'est moins. En effet, comme la délinquance rassemble les actes déviants sanctionnés juridiquement, on peut recenser un certain nombre de difficultés d 'évaluation liées à ce premier constat.
En premier lieu, des difficultés sont d'ordre méthodologique: l'acte en question doit être identifié comme tel aux yeux des institutions mais aussi des victimes, ce qui signifie que si l'acte n'est pas répertorié et si les victimes ne se perçoivent pas comme telles il n'y a pas de comptabilisation possible; c'est ainsi que les chiffres de certaines violences faites aux femmes (harcèlement de rue par exemple) ont pu sembler sous- estimés notamment au regard des évènements de la période «#me too». Par ailleurs, nous avons déjà évoqué le caractère variable de la déviance selon les époques, les lieux, les cultures; il en est de même pour le contrôle social formel juridique (voir les modifications du code pénal au sujet de l 'homosexualité ou de l 'avortement en France, par exemple) ce qui rend délicat les comparaisons des chiffres de la délinquance notamment dans le temps et, en tous cas, complique l'appréhension d'un phénomène peu homogène;
Deuxièmement, des difficultés se posent aussi sur un plan technique: puisque les actes sont liés aux sanctions juridiques, il est préalablement nécessaire qu'ils soient recensés par les institutions qui les appliquent. Les juristes distinguent plusieurs types d'infractions à la loi selon la gravité des actes et les sanctions qui s'appliquent:
contraventions pour les tribunaux de police, délits pour les tribunaux correctionnels et crimes pour les Cours d'asisse. Donc les données relatives à la délinquance sont nécessairement issues des services de police, de la gendarmerie (contraventions, dépôts de plaintes et procès verbaux) et de la justice (jugements); Or il s'avère que ces chiffres peuvent être tributaires d'un certain nombre de variables: les effectifs des institutions compétentes, leurs cahiers des charges, l'orientation des politiques publiques etc ; ainsi la «culture du chiffre» de certains services de police et de gendarmerie a par exemple pu contribuer à accroître certains chiffres de la délinquance (travaux de L.Mucchielli et les Rapports de recherche de l 'Observatoire de la délinquance 2017).
2) La problématique du chiffre noir s'applique à la délinquance.
Ce dernier aspect renvoie plus généralement à la problématique bien connue en sociologie du «chiffre noir». Il s'agit de comprendre que réside un écart entre la mesure d'un phénomène social et sa réalité.
On la retrouve également ici du point de vue des victimes, car pour que l'acte soit juridiquement traité, il faut aussi qu'il soit déclaré. Ainsi bon nombre de faits délinquants ne peuvent être comptés car ou ils ne font pas l 'objet d'une plainte. De multiples raisons expliquent ces non -déclarations: les victimes ne déclarent pas par craintes des représailles, par ce qu'elles éprouvent des freins psychologiques à communiquer sur l 'acte dont elles ont été victimes,ou parce qu'elles ne perçoivent pas l 'intérêt de la plainte ou de la poursuite judiciaire; de même, pour certaines situations, on peut aussi constater des phénomènes de sur-déclarations, par exemples en matière de vol (cela étant ici en lien avec les nécessités des organismes d'assurance).
Ainsi pour toutes ces raisons, les données dont nous disposons sur la mesure de la délinquance n'offrent-elles qu'une vision partielle et/ou incomplète du phénomène. Elles nous renseignent tout autant sur la délinquance que sur l'activité des institutions qui la sanctionnent et elles constituent des jalons pour comprendre l' évolution des positions des citoyens face à ces institutions et aux normes de la société.
3) les différentes sources des chiffres de la délinquance.
En France, L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a pour missions la production et la diffusion de statistiques sur la délinquance, les réponses pénales, ainsi que tout autre question liée à la sécurité. Il analyse et diffuse les données sur les crimes et délits enregistrés par les services de police et les unités de gendarmerie. Il a également la responsabilité de la production d'études sur l'évolution des phénomènes criminels à travers une approche multi-sources et, depuis 2010, en y intégrant les données sur les réponses pénales produites par le ministère de la Justice. Il organise la communication des résultats de ses études à travers des publications régulières.
D'autres outils viennent compléter les chiffres institutionnels de la délinquance : les enquêtes de victimation et les déclarations auto reportées. L'INSEE en partenariat avec le SSMSI (service statistique ministériel de la sécurité intérieure) et l'ONDRP conçoit et exploite l'enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité ». . Les enquêtes de victimation existent en France depuis 2007 et sont réalisées par l'INSEE au premier trimestre de chaque année; elles portent sur un échantillon de 25500 personnes. Il s'agit donc, ici d'interroger anonymement des échantillons représentatifs et en dehors d'un cadre administratif ou juridique. L 'approche est donc subjective. Les dernières enquêtes montrent, par exemple, que le taux de plaintes varie beaucoup selon le genre d'infractions: très fort pour les cambriolages et les agressions physiques les plus graves et, au contraire, faible pour les agressions verbales et les agressions sexuelles principalement intrafamiliales.(L.Mucchielli, «techniques et enjeux de la mesure de la délinquance»2010)
Les enquêtes de délinquance auto déclarée, quant à elles, recensent anonymement les agressions à partir de ceux qui les commettent.Le principe de base repose sur l’invitation faite à un échantillon d’un segment de la population de déclarer, avec des garanties d’anonymat. L’hypothèse est que les auteurs seront beaucoup plus sincères que devant un policier ou un magistrat: face à l’enquêteur, ils ne risquent rien à se comporter ainsi. Et, effectivement, les taux de personnes auteurs d’une ou plusieurs infractions qu’on obtient par cette méthode sont tout à fait spectaculaires. La très grande majorité déclare n’avoir jamais été pris par les autorités (Sebastian Roché, 2005).
Ces autres mesures apportent, certes, un autre éclairage sur la mesure de la délinquance mais ne sont, au même titre que les chiffres officiels, que des images partielles de ce phénomène et qui ont le mérite de mettre en évidence et parfois d'expliquer les écarts en termes de sur ou de sous estimations.
C'est pourquoi, compte tenu des difficultés de mesure,et de la question du chiffre noir, il convient d'aborder les chiffres de la délinquance à partir d'une approche multi sources.
Synthèse
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de la déviance à la délinquance
Comme nous l'avons vu la déviance est à la fois une situation sociale de non conformité aux normes mais aussi un processus de désignation lors d'interactions sociales; la délinquance, quant à elle, se définit en sociologie comme la partie de la déviance juridiquement sanctionnée. Elle renvoie donc expressement au contrôle social formel.
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la définition sociologique de la déviance
Pour autant, le concept de délinquance est parfois présenté dans un sens beaucoup plus large dans le débat public: associé aux actes d'incivilité ou à la violence ou encore aux transgressions des lois en vigueur à l 'exception des plus graves (on les distingue ici des crimes). Il convient donc de clarifier la distinction déviance /délinquance en insistant sur la dimension juridique retenue par la définition sociologique; celle-ci implique donc nécessairement une délimitation institutionnelle en lien avec le contrôle social formel.
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la distinction déviance/délinquance permet de s'interroger sur l'évolution des valeurs, normes, des mentalités et du contrôle social dans les sociétés.
Pour illustrer cette distinction on pourra évoquer de nombreuses situations; l'exemple de l 'avortement en France est intéressant à commenter de ce point de vue: acte délinquant jusqu'à la loi Veil puis non délinquant depuis,mais acte encore déviant pour certaines communautés religieuses.
Synthèse
Déroulé du chapitre :
QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.
QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.
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de la déviance à la délinquance
Comme nous l'avons vu la déviance est à la fois une situation sociale de non conformité aux normes mais aussi un processus de désignation lors d'interactions sociales; la délinquance, quant à elle, se définit en sociologie comme la partie de la déviance juridiquement sanctionnée. Elle renvoie donc expressement au contrôle social formel.
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la définition sociologique de la déviance
Pour autant, le concept de délinquance est parfois présenté dans un sens beaucoup plus large dans le débat public: associé aux actes d'incivilité ou à la violence ou encore aux transgressions des lois en vigueur à l 'exception des plus graves (on les distingue ici des crimes). Il convient donc de clarifier la distinction déviance /délinquance en insistant sur la dimension juridique retenue par la définition sociologique; celle-ci implique donc nécessairement une délimitation institutionnelle en lien avec le contrôle social formel.
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la distinction déviance/délinquance permet de s'interroger sur l'évolution des valeurs, normes, des mentalités et du contrôle social dans les sociétés.
Pour illustrer cette distinction on pourra évoquer de nombreuses situations; l'exemple de l 'avortement en France est intéressant à commenter de ce point de vue: acte délinquant jusqu'à la loi Veil puis non délinquant depuis,mais acte encore déviant pour certaines communautés religieuses.
Synthèse
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QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.
QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.
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la déviance comme produit de différents processus sociaux
Comme nous venons de le voir, au delà de la transgression d'une norme, la déviance s'analyse aussi comme le produit de différents processus sociaux; c'est l'axe de recherche privilégié par le courant interactionniste à partir des années 60. En effet les sociologues partisans de ce point de vue estiment qu'il est nécessaire de remettre en question l'hypothèse d'uniformité des normes et des valeurs au sein d'une société. Dès lors, la déviance s'explique bien par l'interaction sociale et notamment par le fait qu'un groupe peut faire prévaloir son système de normes et de valeurs et ainsi désigner comme déviants tous ceux qui ne s'y conforment pas.
Ce constat fait donc bien de la déviance un concept relatif qui doit d'être expliqué par l'étude et la compréhension des trajectoires sociales.
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la déviance comme résultat de l 'étiquetage
Howard Becker en 1963 propose dans son essai Outsiders une étude qui fait référence dans le renouveau de l 'analyse de la déviance. Sa théorie de l 'étiquetage permet de comprendre le processus de déviance au travers de trois étapes spécifiques.
La première étape est celle de la transgression d'une norme; ce moment ne constitue pas fondamentalement la déviance car Becker explique que l 'acte peut-être «secrètement» déviant (transgressant mais non perçu comme tel) ou «pleinement» déviant ou encore «accusé à tort» (obéissant à la norme mais jugé comme déviant) selon la perception sociale de l'acte par la société.
Ainsi la déviance est bien le résultat de «l 'étiquette» (ici négative) apposée à un individu par le groupe qui a su imposer son système de normes «les entrepreneurs de morale». Il s'agit ici de la deuxième étape constitutive de la déviance: un déviant est donc: «celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès» selon les termes de Becker.
Enfin, la troisième étape est constituée par l'entrée dans «la carrière déviante»; l'individu intègre alors un groupe socialement organisé qui attribue à ses membres une légitimité et un sentiment d'appartenance à ce groupe et qui suppose des apprentissages et des phases socialisantes. Ainsi, Becker qui a déjà montré que la déviance n'est pas liée à une prédisposition ou une intention de trangresser prolonge le raisonnement en ajoutant l 'idée d'apprentissage où l'individu après avoir été socialement étiqueté entre dans une sorte de mécanisme autoréalisateur. La dernière dimension de cette carrière est donc une transformation identitaire des personnes étiquetées qui se reconnaissent désormais dans une sous-culture déviante, même s' il faut bien comprendre que cette carrière n'a rien d'automatique.
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la déviance comme résultat de la stigmatisation
Avec son essai Stigmate (1975), Erving Goffman insère une nouvelle perspective dans l'analyse interactionniste de la déviance; partant de l 'étymologie grecque du terme-le stygma étant la marque physique d'infamie- le sociologue propose une définition de la déviance encore plus spécifique. En effet, il énonce le fait que l 'identité d'un individu est à la fois sociale, c'est à dire composée des attendus de la société en fonction du statut et des rôles de l 'individu et réelle c'est à dire composée de ses attributs effectifs ; partant de ce principe Goffman explique que parfois l'identité sociale est disjointe de l'identité réelle. Ce décalage peut constituer un stigmate et entrainer un discrédit. Ces stigmates peuvent être de natures différentes: physiques, psychologiques, culturelles etc , et aboutissent à des sanctions sociales et/ou juridiques qui peuvent entrainer les individus dans des carrières déviantes, mais là encore il n'y a pas d'automatisme et la plupart du temps les individus tentent de contrecarrer ces stigmatisations et cherchent à masquer ces caractéristiques «non conformes».