QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.

Synthèse

Déroulé du chapitre :

QUESTION 1 : comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des formes de contrôle social.

QUESTION 2 : comprendre que la déviance et/ou la désignation d'un acte comme déviant se définissent comme une transgression des normes et qu'elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux.

QUESTION 3 : comprendre que la déviance peut s'analyser comme le produit de différents processus sociaux (étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).

QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.

QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.

 

Conforme au programme officiel (BO)

 

1) les difficulté de mesure de la délinquance.

S'il existe une définition sociologique claire et délimitée de la délinquance (voir question 4), sa mesure, au contraire, l'est moins. En effet, comme la délinquance rassemble les actes déviants sanctionnés juridiquement, on peut recenser un certain nombre de difficultés d 'évaluation liées à ce premier constat.

En premier lieu, des difficultés sont d'ordre méthodologique: l'acte en question doit être identifié comme tel aux yeux des institutions mais aussi des victimes, ce qui signifie que si l'acte n'est pas répertorié et si les victimes ne se perçoivent pas comme telles il n'y a pas de comptabilisation possible; c'est ainsi que les chiffres de certaines violences faites aux femmes (harcèlement de rue par exemple) ont pu sembler sous- estimés notamment au regard des évènements de la période «#me too». Par ailleurs, nous avons déjà évoqué le caractère variable de la déviance selon les époques, les lieux, les cultures; il en est de même pour le contrôle social formel juridique (voir les modifications du code pénal au sujet de l 'homosexualité ou de l 'avortement en France, par exemple) ce qui rend délicat les comparaisons des chiffres de la délinquance notamment dans le temps et, en tous cas, complique l'appréhension d'un phénomène peu homogène;

Deuxièmement, des difficultés se posent aussi sur un plan technique: puisque les actes sont liés aux sanctions juridiques, il est préalablement nécessaire qu'ils soient recensés par les institutions qui les appliquent. Les juristes distinguent plusieurs types d'infractions à la loi selon la gravité des actes et les sanctions qui s'appliquent:

contraventions pour les tribunaux de police, délits pour les tribunaux correctionnels et crimes pour les Cours d'asisse. Donc les données relatives à la délinquance sont nécessairement issues des services de police, de la gendarmerie (contraventions, dépôts de plaintes et procès verbaux) et de la justice (jugements); Or il s'avère que ces chiffres peuvent être tributaires d'un certain nombre de variables: les effectifs des institutions compétentes, leurs cahiers des charges, l'orientation des politiques publiques etc ; ainsi la «culture du chiffre» de certains services de police et de gendarmerie a par exemple pu contribuer à accroître certains chiffres de la délinquance (travaux de L.Mucchielli et les Rapports de recherche de l 'Observatoire de la délinquance 2017).

 

2) La problématique du chiffre noir s'applique à la délinquance.

Ce dernier aspect renvoie plus généralement à la problématique bien connue en sociologie du «chiffre noir». Il s'agit de comprendre que réside un écart entre la mesure d'un phénomène social et sa réalité.

On la retrouve également ici du point de vue des victimes, car pour que l'acte soit juridiquement traité, il faut aussi qu'il soit déclaré. Ainsi bon nombre de faits délinquants ne peuvent être comptés car ou ils ne font pas l 'objet d'une plainte. De multiples raisons expliquent ces non -déclarations: les victimes ne déclarent pas par craintes des représailles, par ce qu'elles éprouvent des freins psychologiques à communiquer sur l 'acte dont elles ont été victimes,ou parce qu'elles ne perçoivent pas l 'intérêt de la plainte ou de la poursuite judiciaire; de même, pour certaines situations, on peut aussi constater des phénomènes de sur-déclarations, par exemples en matière de vol (cela étant ici en lien avec les nécessités des organismes d'assurance).

Ainsi pour toutes ces raisons, les données dont nous disposons sur la mesure de la délinquance n'offrent-elles qu'une vision partielle et/ou incomplète du phénomène. Elles nous renseignent tout autant sur la délinquance que sur l'activité des institutions qui la sanctionnent et elles constituent des jalons pour comprendre l' évolution des positions des citoyens face à ces institutions et aux normes de la société.

 

3) les différentes sources des chiffres de la délinquance.

En France, L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a pour missions la production et la diffusion de statistiques sur la délinquance, les réponses pénales, ainsi que tout autre question liée à la sécurité. Il analyse et diffuse les données sur les crimes et délits enregistrés par les services de police et les unités de gendarmerie. Il a également la responsabilité de la production d'études sur l'évolution des phénomènes criminels à travers une approche multi-sources et, depuis 2010, en y intégrant les données sur les réponses pénales produites par le ministère de la Justice. Il organise la communication des résultats de ses études à travers des publications régulières.

D'autres outils viennent compléter les chiffres institutionnels de la délinquance : les enquêtes de victimation et les déclarations auto reportées. L'INSEE en partenariat avec le SSMSI (service statistique ministériel de la sécurité intérieure) et l'ONDRP conçoit et exploite l'enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité ». . Les enquêtes de victimation existent en France depuis 2007 et sont réalisées par l'INSEE au premier trimestre de chaque année; elles portent sur un échantillon de 25500 personnes. Il s'agit donc, ici d'interroger anonymement des échantillons représentatifs et en dehors d'un cadre administratif ou juridique. L 'approche est donc subjective. Les dernières enquêtes montrent, par exemple, que le taux de plaintes varie beaucoup selon le genre d'infractions: très fort pour les cambriolages et les agressions physiques les plus graves et, au contraire, faible pour les agressions verbales et les agressions sexuelles principalement intrafamiliales.(L.Mucchielli, «techniques et enjeux de la mesure de la délinquance»2010)

Les enquêtes de délinquance auto déclarée, quant à elles, recensent anonymement les agressions à partir de ceux qui les commettent.Le principe de base repose sur l’invitation faite à un échantillon d’un segment de la population de déclarer, avec des garanties d’anonymat. L’hypothèse est que les auteurs seront beaucoup plus sincères que devant un policier ou un magistrat: face à l’enquêteur, ils ne risquent rien à se comporter ainsi. Et, effectivement, les taux de personnes auteurs d’une ou plusieurs infractions qu’on obtient par cette méthode sont tout à fait spectaculaires. La très grande majorité déclare n’avoir jamais été pris par les autorités (Sebastian Roché, 2005).

Ces autres mesures apportent, certes, un autre éclairage sur la mesure de la délinquance mais ne sont, au même titre que les chiffres officiels, que des images partielles de ce phénomène et qui ont le mérite de mettre en évidence et parfois d'expliquer les écarts en termes de sur ou de sous estimations.

C'est pourquoi, compte tenu des difficultés de mesure,et de la question du chiffre noir, il convient d'aborder les chiffres de la délinquance à partir d'une approche multi sources.

Notions

Infraction aux normes légales relevant d’un tribunal de police en raison du faible trouble apporté à l’ordre public.
Transgression des normes légales relevant des tribunaux correctionnels.
Grave infraction au droit relevant des cours d’assises et passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.
Fait d’avoir subi un fait de délinquance sur les plans matériel, physique ou psychique.

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