L’Alabama a voté, mercredi 15 mai,la loi la plus répressive en matière d'avortement des Etats -Unis. Le texte ne prévoit pas d’exception en cas de viol ou d’inceste, et punit de peine de prison, de dix ans à quatre-vingt-dix-neuf ans les médecins pratiquant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), sauf en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’«anomalie létale» du fœtus. L’Alabama a toujours été un territoire ultraconservateur, situé en plein cœur de la « ceinture de la Bible », qui rassemble une vingtaine d’Etats du Sud-Est. Pour cet électorat majoritairement blanc et évangélique, l’interdiction de l’avortement a toujours été une revendication primordiale. Ce n’est donc pas surprenant de voir émerger cette loi particulièrement répressive.Sauf que cette loi reste de toute façon inconstitutionnelle tant que la jurisprudence de 1973 – appelée«Roe versus Wade» permettant l’autorisation de pratiquer des avortements aux Etats-Unis – n’est pas renversée par la Cour suprême.
Aux Etats-Unis, ce qui autorise le droit à l’avortement se fonde constitutionnellement sur une interprétation du quatorzième amendement, qui garantit le droit à l’intimité (right to privacy). A l’époque, en 1973 donc, par sept voix contre deux, la Cour suprême avait estimé que ce droit s’étendait à la décision d’une femme de se faire avorter.Mais cette lecture est combattue avec acharnement depuis plusieurs décennies par les militants anti-avortements. Jusqu’à présent, elle a été restreinte – notamment par l’arrêt de 1992,Planned Parenthood versus Casey,qui fixe des modalités d’avortement pour en réduire notamment le délai – mais a toujours été confirmée sur le fond. La dernière fois, ce fut en2016, par l’arrêt Whole Woman’s Health versus Hellersted.Et cette jurisprudence peut toujours être cassée. Or, depuis l’élection de Donald Trump, il y a une majorité de juges conservateurs à la Cour suprême – cinq contre quatre. Donc le but de la manœuvre est bien de pousser les neuf juges à réétudier l’arrêt de 1973, et faire bouger les lignes sur le droit à l’avortement. Avant son élection, Donald Trump, interrogé par Fox News, avait fait part de sa volonté de renverser la jurisprudence Roe versus Wade. Ce qui est assez ironique en soi, puisque dans les années 1990, Donald Trump se disait volontiers favorable à l’avortement sur les plateaux télévisés.Depuis son élection, le président américain a nommé deux juges à la Cour suprême : Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. Tout prouve que ces deux conservateurs ont des positions anti-avortement. Leur nomination est donc un signal donné à son électorat anti-avortement. Pour rappel, plus de 80 % des Blancs évangélistes ont voté pour Donald Trump.En outre, l’administration de Donald Trump n’a eu de cesse de restreindre le droit à l’avortement ces derniers mois. Elle a notamment passé récemment une loi qui autorise tous les travailleurs de santé du privé et du public à recourir à leur clause de conscience pour ne pas pratiquer d’avortements. Le président lui-même, depuis plusieurs semaines, emploie dans chacun de ses meetings une rhétorique très violente envers les démocrates, qu’il accuse d’exterminer les bébés, et envers les médecins pratiquant l’IVG, qualifié «d’assassins». De fait, le droit à l’avortement est déjà largement remis en question sur une large partie du territoire américain. Dans certains Etats, notamment ceux des Grandes Plaines, les femmes doivent faire des centaines de kilomètres pour trouver un médecin qui pratique des IVG. Elles y sont souvent victimes de situations de harcèlement de la part des militants anti-avortement, qui les prennent violemment à partie. En revanche, dans d’autres Etats, plus libéraux, le droit à l’avortement est considéré comme un acquis indéboulonnable. On se retrouve ainsi avec une nation où coexistent deux visions diamétralement opposées sur le sujet. Toute la question est de savoir si elles pourront continuer à vivre ensemble, malgré ces divergences sociales de plus en plus évidentes.
SOURCE : Charlotte Chabas, «Aux Etats-Unis,l’élection de Donald Trump a galvanisé les anti-avortement» Le Monde , 15 MAI 2019.
QUESTIONS :
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dans l'exemple évoqué ici quel comportement est considéré comme déviant? S'agit -il d'un acte déviant au regard de la loi américaine ?
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Expliquez ici qui sont les «entrepreneurs de morale»tels que les nomme H.S Becker ? Comment s'établit l'étiquette du déviant dans ce cas ?
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REPONSE :
1) dans l'exemple évoqué ici quel comportement est considéré comme déviant? S'agit -il d'un acte déviant au regard de la loi américaine?
il s'agit de l'avortement qui est considéré comme déviant pour une partie de l 'électorat de D.Trump. Si en Alabama une loi a récemment encore minoré l'accès au droit à l 'avortement, cette pratique est pourtant anticonstitutionnelle au regard du 14 ème amendement .
2) Expliquez ici qui sont les «entrepreneurs de morale»tels que les nomme H.S Becker ? Comment s'établit l'étiquette du déviant dans ce cas ?
Les entrepreneurs de morale sont ici les groupes anti-avortement et d'une manière plus générale l'électorat conservateur et notamment évangéliste qui soutient D.Trump. Tant que la Cour suprême n'a pas renversé la jurisprudence du 14 ème amendement ce droit reste acquis aux Etats-Unis. Mais on constate que ce droit recule désignant ainsi comme déviant-es des personnes qui ne le sont pas ou plus depuis ; on vient bien que rien n'est figé en matière de déviance , le discours actuel du président Trump identifie les «tueurs de bébés et «d'assassins» pour désigner les médecins qui pratiquent l 'acte .