Quelles mutations du travail et de l’emploi ?
Synthèse
Déroulé du chapitre :
Question 1. Du travail à l’emploi : de quoi parle-t-on ?
Question 2. Comment évoluent le travail et l’emploi ?
Question 3. Quels sont les effets des mutations du travail et de l’emploi ?
Les modèles tayloriens d’organisation du travail
A la fin du 19e siècle, Taylor introduit dans l’entreprise son organisation scientifique du travail (OST). Il s’agit d’augmenter la productivité en rationalisant le travail. Taylor fait la chasse aux temps morts en chronométrant les différentes activités productives. Il a pour ambition de déterminer la méthode productive la plus efficace, le « one best way », qui repose sur une logique de double division du travail. D’abord, la division verticale du travail consiste à séparer les tâches de conception et d’exécution de la production autour d’une hiérarchie stricte. Le travail de conception est confié aux ingénieurs du bureau des méthodes, le travail d’exécution aux ouvriers. Ensuite, la division horizontale décompose le travail en différentes tâches élémentaires, ce qui accroît la dextérité des ouvriers alors spécialisés.
Henri Ford poursuit au début du 20e siècle cette logique de parcellisation des tâches en introduisant la chaîne de montage dans ses usines automobiles. Ce sont désormais les pièces qui se déplacent automatiquement vers les ouvriers. Le contrôle des cadences de production est ainsi assuré et le volume de production considérablement augmenté. Le convoyeur automatique favorise la standardisation des produits et les gains de productivité induits permettent d’augmenter les salaires des ouvriers. Ainsi, le fordisme articule production et consommation de masse.
Les nouvelles formes d’organisation du travail
Les transformations économiques et sociales qui s’amorcent dans les années 1970 induisent des mutations de l’organisation du travail. Dès les années 1960, l’organisation taylorienne est rejetée par les salariés et voit augmenter absentéisme et turn-over. Le gaspillage et les malfaçons sont également montrés du doigt. Par ailleurs, l’augmentation de la concurrence mondiale et l’émergence d’une demande plus exigeante et plus diversifiée remettent en question la production de masse standardisée.
Face à ces évolutions, de nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT) voient le jour. Introduit dans les usines Toyota dans les années 1970, le toyotisme est l’un des exemples les plus connus. La flexibilité est placée au cœur du modèle, notamment avec le principe de production en juste-à-temps. L’introduction d’un management participatif qui vise à inclure l’ensemble des salariés dans la prise de décision au sein de l’entreprise assouplit la logique taylorienne de division verticale du travail. Les NFOT remettent également en question la division horizontale du travail grâce à la recomposition des tâches qui enrichit le travail des salariés.
Des effets inévitables sur les conditions de travail
Les mutations de l’organisation du travail ont des effets significatifs sur les conditions de travail. Les NFOT ont permis de remédier à certaines limites du modèle taylorien, jugé déshumanisant, en permettant la participation des salariés et en introduisant un principe de polyvalence et de recomposition des tâches. Cependant, l’impact des modèles post-tayloriens sur les conditions de travail reste controversé. Certains travaux mettent ainsi en évidence une intensification des rythmes et des contraintes qui pèsent sur le travail. Les travailleurs restent alors exposés aux troubles musculosquelettiques (TMS) et aux risques psychosociaux. De plus, les NFOT n’ont permis d’assouplir que partiellement les logiques de division horizontale et verticale du travail.
Synthèse
Travail, emploi et activité : des notions à distinguer
Lorsque l’on s’intéresse au travail et à ses mutations, il est d’abord nécessaire de distinguer le travail de l’emploi. Le travail désigne au sens large toutes les activités de production de biens et de services. La notion d’emploi désigne la situation dans laquelle ce travail est déclaré et rémunéré. Tous les emplois n’ont pas le même statut. Certains sont salariés, c'est-à-dire qu’un contrat de travail unit le salarié à son employeur. D’autres ne sont pas salariés : il s’agit des travailleurs indépendants.
La population totale se divise en deux catégories : celles des actifs et des inactifs. Selon le BIT, la population active regroupe l’ensemble des personnes âgées de 15 ans ou plus qui occupent un emploi ou qui en recherchent un. Les chômeurs, c'est-à-dire les personnes disponibles pour travailler et en recherche active d’emploi, sont donc des actifs. Parmi les inactifs on retrouve les individus âgés de moins de 15 ans et ceux qui n’exercent pas d’activité professionnelle et qui ne cherchent pas un emploi. Les élèves, les retraités et les personnes au foyer sont donc classés parmi les inactifs.
Des frontières de plus en plus incertaines entre l’emploi, le chômage et l’inactivité
Les évolutions récentes des formes d’emploi rendent les frontières entre l’emploi, le chômage et l’inactivité beaucoup plus incertaines. Le développement des formes particulières d’emploi telles que les contrats à durée déterminée (CDD) ou les intérims augmente la précarité de l’emploi. Le halo du chômage désigne ainsi la situation des individus considérés comme inactifs qui cherchent un emploi mais ne sont pas disponibles pour l’occuper, qui sont disponibles mais ne cherchent pas d’emploi et ceux qui disent vouloir travailler mais qui ne sont ni disponibles, ni en recherche active. On retrouve parmi eux les chômeurs découragés.
Le développement des contrats atypiques conduit également à l’apparition de formes de sous-emploi. Il s’agit de la situation des actifs occupés qui subissent une réduction involontaire de leur temps de travail. C’est notamment le cas du temps partiel subi qui représente environ 1/3 des contrats à temps partiel.
Evaluer la qualité des emplois
Tous les emplois n’ont pas les mêmes caractéristiques et ne se valent pas. Pour évaluer la qualité des emplois, il faut tenir compte de plusieurs dimensions. Les indicateurs tels que le niveau de salaire, les revenus exceptionnels, les avantages en nature ou la sécurité économique renseignent sur la qualité économique de l’emploi. Il faut également tenir compte de dimensions non économiques telles que les conditions de travail, la pénibilité ou la variété des tâches à accomplir, la qualité des relations professionnelles ou encore l’exposition au stress. Les perspectives de carrière et le potentiel de formation offerts constituent également des critères importants pour évaluer la qualité de l’emploi.
Le développement des formes particulières d’emploi remet en question la stabilité de la société salariale et accroit le phénomène de polarisation de l’emploi qui sépare d’un côté des emplois stables, qualifiés, de qualité et de l’autre des emplois atypiques, précaires, de qualification et de qualité moindres.