Politiques structurelles et interventions de l'Etat face aux défaillances de marché - Mécanismes et concepts(23330)

Sommaire

La croissance potentielle est définie à partir de la notion de PIB potentiel. Ce dernier est le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes. La croissance potentielle est donc son taux de croissance et  représente la croissance que l’économie peut maintenir à long terme, hors effets de court terme liés à un écart entre la demande et le niveau potentiel de l’offre. Cette notion permet à son tour de définir l’écart de production (output gap), qui mesure l’écart entre le PIB et PIB potentiel, décrit l’excès ou le déficit de demande par rapport à l’offre potentielle.

La difficulté de ces notions vient du fait qu’elles sont avant tout théoriques et, contrairement au PIB, elles ne peuvent pas être observées. Elles doivent donc être estimées. Plusieurs méthodes de calcul existent, chacune ayant des avantages mais aussi des limites. Pour comprendre la notion de croissance potentielle, il faut donc faire le point sur ces méthodes.

La première méthode consiste à estimer la croissance potentielle à partir des tendances passées en éliminant du PIB les fluctuations de court terme pour ne conserver que les mouvements de moyen et long terme. Cette méthode simple qui permet de mettre en avant la croissance tendancielle ne permet pas de donner une explication aux  évolutions de la croissance potentielle, et est surtout basée sur les tendances passées et ne permet donc pas de repérer  les ruptures ce qui est particulièrement important pour les politiques économiques.

La deuxième méthode consiste à intégrer de l’information conjoncturelle au modèle pour mieux différencier ce qui relève du cycle économique. Le plus souvent, il va s’agir d’intégrer des indicateur comme le taux d’utilisation des capacités de production, le chômage ou l’inflation qui vont permettre de prédire ou d’annoncer les fluctuations et les ruptures dans le rythme de croissance. Si les entreprises utilisent peu leurs équipements, ou si le chômage est élevé, il y a des grandes chances que l’économie soit en dessous de ses capacités potentielles et donc que le PIB potentiel est supérieur au PIB. Cette méthode a d’importantes qualités descriptives de l’état de l’économie, elle ne permet toujours pas d’expliquer d’où vient la croissance.

Pour permettre d’estimer la croissance potentielle tout en expliquant cette dernière, il est nécessaire d’utiliser des estimations intégrant une fonction de production dans laquelle les facteurs de la croissance sont  explicités à savoir le  travail (nombre de personnes en emploi, de leurs qualifications et de la durée du travail) , le capital productif et la productivité globale des facteurs, PGF, qui correspond à l’efficacité avec laquelle ce travail et ce capital productif sont conjointement mobilisés. Pour obtenir la production potentielle, on enlève la partie cyclique de la PGF et du travail (par exemple s’il y a du chômage conjoncturel). C’est cette méthode qui aujourd’hui est la plus utilisée pour expliciter les sources de la croissance (potentielle).

 

Le concept de soutenabilité doit être distingué de celui de liquidité et de solvabilité. Ces derniers sont surtout utilisés pour évaluer la santé des banques ou des entreprises. La solvabilité est le fait pour un agent d'avoir des actifs suffisants pour faire face à ses dettes. Néanmoins la solvabilité ne veut pas dire que l'on est en capacité de rembourser immédiatement ses dettes. En effet, un agent peut être solvable mais illiquide, si ses actifs ne peuvent pas être facilement et rapidement vendus pour faire face à ses échéances. Certes , un état peut être insolvable momentanément : dans ce cas, Le FMI, les créanciers et plus largement la communauté internationale peuvent être mis à contribution pour annuler, rééchelonner tout ou partie de sa dette. Cependant un État n’est pas soumis aux mêmes contraintes de solvabilité qu’un ménage ou une entreprise. Sa durée de vie étant infinie et ayant le pouvoir de lever des impôts, il n’a pas les mêmes problèmes qu’un agent privé.

Le concept de soutenabilité est plus pertinent. Selon la définition du FMI, une dette publique est soutenable si, compte tenu de la politique publique prévue ou prévisible, l’État ne risque pas de se trouver face à un problème de solvabilité ou face à une obligation d’ajustement irréaliste des finances publiques. Cette condition, qui n’implique pas nécessairement un solde budgétaire à l’équilibre, Peut se traduire de différentes manières. Ceci implique plusieurs conceptions de la soutenabilité des dettes publiques. La première approche est celle «  tax gap » : la situation des finances publiques est soutenable si la dette publique est stable en pourcentage du PIB à un horizon infini, à politique économique inchangée, quel que soit le niveau auquel elle est stabilisée. La seconde approche est celle de l'espace budgétaire disponible qui correspond à la distance entre le niveau actuel de la dette publique et, avec une certaine probabilité, celui qui déclenche une crise des finances publiques définie comme la situation où les créanciers de l’Etat refusent de lui accorder de nouveaux financements ou seulement à des taux prohibitifs.

Quelle que soit l'approche, la soutenabilité des finances publiques varie beaucoup en fonction du contexte économique et notamment du taux de croissance, du taux d'intérêt, de l'inflation, et de la crédibilité des politiques menées. Tant que le taux de croissance et supérieur au taux d'intérêt réel, et que les politiques menées sont jugées crédibles, il n'y a pas de problème de soutenabilité des dettes publiques. Mais, si les taux d'intérêt augmentent, que la croissance diminue et que les dépenses publiques continuent à augmenter, il peut y avoir un risque de retournement des anticipations. Ceci peut conduire à une augmentation forte des taux obligataires pouvant aller jusqu'à générer en effet boule de neige.

Pour un État, le constat d’une absence de soutenabilité des finances publiques n’est pas synonyme de faillite  mais implique la nécessité d’un ajustement budgétaire très important et donc économiquement et socialement coûteux car se traduisant par une baisse des dépenses ou par une hausse des recettes. L’ajustement peut aussi se faire par une croissance plus vive ou par monétisation directe ou indirecte de la dette: la dette n’étant en général pas indexée sur l’activité ni sur l’inflation, sa valeur rapportée au PIB nominal diminue si la production réelle et/ou les prix augmentent. Enfin, un gouvernement peut faire défaut sur sa dette, reportant le poids de l’ajustement sur ses créanciers. Cette possibilité est rarement délibérément choisie car elle risque de réduire la capacité ultérieure du pays à faire appel au marché financier.

Historiquement, plusieurs moyens ont été utilisés par les pays développés pour retrouver des marges de manœuvre budgétaire quand ils sont arrivés à des niveaux d’endettement important:

  • l’inflation:  ce fut le cas notamment à la suite des guerres où les Etats ont monétisé leur dettes générant le plus souvent des épisodes d’inflation très important.
  • la croissance économique avec une réduction importante des dépenses publiques: en Grande-Bretagne après les guerres napoléoniennes, aux États-Unis après la Grande crise et après la Seconde Guerre mondiale;
  • l’ajustement budgétaire par les dépenses et les recettes : en Europe, les critères budgétaires fixés par le traité de Maastricht pour entrer dans la zone euro ont fortement incité les gouvernements à mener des ajustements budgétaires, principalement à partir du milieu des années 1990;
  • une combinaison des trois permettant d’abaisser les primes de risques sur les titres émis: ce fut le cas de la France, dont la dette est passée de 185 % du PIB en 1922 à 100 % en 1929, et de la Grande-Bretagne à la également dans les années 1920.

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