Mobilité sociale et transformations des structures sociales - Mécanismes et concepts

La nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles

C’est l’Insee qui en 1954 élabore une nomenclature des catégories socioprofessionnelles (CSP) en vue du recensement.

La nomenclature comporte quatre niveaux d'agrégation emboîtés

Pour réaliser cette nomenclature, l’Insee a dressé une liste de 486 professions (repérées par un code à 4 positions comportant trois chiffres et une lettre) qui constituent le niveau le plus détaillé de la nomenclature.

Les 486 professions ont été regroupées dans un ensemble de 42 catégories socioprofessionnelles repérées par un code à deux chiffres et constituant le niveau intermédiaire de la nomenclature de l’Insee (il existe une version agrégée à 24 postes)

Les 42 CSP ont enfin été ramenées à une liste de huit groupes socioprofessionnels repérés par un code à un chiffre.

Cette nomenclature a été modifiée en 1982 afin de tenir compte des mutations profondes de la structure économique et sociale et donc des emplois pour devenir la grille des PCS (professions et catégories socioprofessionnelles), on passe ainsi des CSP aux PCS.

Il faut retenir les six groupes socioprofessionnels d’actifs (dans l’ordre) :

  1. les agriculteurs
  2. les artisans, commerçants et chefs d’entreprise
  3. les cadres et professions intellectuelles supérieures
  4. les professions intermédiaires
  5. les employés
  6. les ouvriers

L’objectif  de l’INSEE  est de « classer l’ensemble de la population, ou tout au moins l’ensemble de la population active, en un nombre restreint de grandes catégories présentant chacune une certaine homogénéité sociale ».

 Cette homogénéité suppose trois éléments :

Tour d’abord, cette homogénéité suppose l’existence de certaines relations entre les personnes que l’on classe dans la même catégorie : relations de voisinage, de fréquentation, éventuellement de mariage, etc.

Ensuite, ces personnes doivent également avoir des comportements et des opinions analogues : modèles de consommation, comportements culturels, opinions politiques…

Enfin, elles doivent témoigner d’un certain sentiment d’appartenance recueillant, si possible, l’assentiment des autres membres du groupe : « je me considère comme ouvrier, et les personnes de ce même groupe me considèrent effectivement comme tel ». Cette dernière condition n’est pas toujours réalisée, car les enquêtes font confiance à la déclaration de l’intéressé, et le contrôle exercé par le groupe n’est donc pas pris en compte.

Les critères retenus pour atteindre cet objectif :

La nomenclature se veut multidimensionnelle, ainsi, elle prend en compte plusieurs critères :

Le métier ou la spécialité individuelle,

le statut de l’emploi, ce critère permet de distinguer, les inactifs des actifs, les chômeurs de ceux qui ont un emploi, les indépendants des salariés, et chez ces derniers, les salariés du privé et les fonctionnaires.

La qualification.

Le secteur d’activité : le secteur primaire correspond à l’ensemble des activités productrices de matières premières (agricultures, mines) ; le secteur secondaire concerne les activités industrielles prises dans un sens large (énergie, industrie agroalimentaire, industries de biens de production et de consommation, bâtiments et travaux publics) ; le secteur tertiaire recense toutes les activités qui ne sont pas classées dans les deux autres secteurs (services marchands et non marchands).

La taille de l’entreprise.

La place dans la hiérarchie professionnelle pour les salariés.

Ces différents critères interviennent à des degrés différents de la grille.

Attention, contrairement à une idée reçue, le niveau de revenu ne figure pas parmi les critères de classement. Le revenu moyen par PCS est le résultat du découpage et non à la base du découpage. Par exemple, le niveau relativement élevé du revenu des cadres supérieurs résulte de leurs statuts socio-économique, mais ce n’est pas un revenu élevé qui confère le statut de cadre.

Cette grille multidimensionnelle empêche donc de réaliser des classements entre les 6 groupes socioprofessionnels, néanmoins, on peut classer les salariés les uns par rapport aux autres, comme le montre le graphique suivant :

Depuis 2016, l’Eurostat, l’organisme de statistiques européennes propose une nomenclature européenne : la classification ESeG présentée ici comprend 9 groupes et 42 sous-groupes.

Pour les personnes ayant un emploi, la nomenclature repose, au niveau agrégé comme au niveau détaillé, sur deux variables essentielles des enquêtes européennes (« core variables»): la profession (selon la nomenclature de  classification internationale du travail et des professions : CITP à deux positions (en anglais : Isco-2008) (CITP/Isco-2008)) et le statut d’emploi (salarié/non salarié).

PROJET ESeg

 

Mobilité sociale et fluidité sociale

D’après l’Insee, la fluidité sociale mesure, par un rapport de chances relatives, l’égalité des chances d’accéder à une catégorie socioprofessionnelle plutôt qu’à une autre pour les personnes issues de ces milieux sociaux. Plus ce rapport des chances relatives est proche de 1 et plus origines et destinée sociales sont indépendantes l’une de l’autre et donc plus il y a égalité des chances.

Depuis  les années 1970-1980 les sociologues considèrent que les phénomènes de mobilité doivent être étudiés selon deux points de vue complémentaires :  

La mobilité observée (ou taux absolus de mobilité tels que les tables de mobilité les donnent). Cette mobilité observée est influencée par l’évolution de la distribution socioprofessionnelle entre la génération des pères et celle des fils. La mobilité observée ne permet pas  de saisir l’égalité des chances. Par exemple si la probabilité pour les enfants d’ouvriers de devenir cadre augmente, cela ne signifie pas que l’égalité des chances progresse car sur la même période, les enfants de cadre peuvent eux-aussi voir leur probabilité de devenir cadre augmenter. Ainsi, lorsque la structure sociale se modifie et opère un glissement vers le haut (par exemple lorsque le nombre cadres et professions intellectuelles supérieures augmente) cela permet d’accroitre la mobilité sociale : davantage d’individus vont pouvoir devenir cadres, mais cela ne signifie pas forcément que l’égalité des chances progresse.

La fluidité sociale (ou taux relatifs de mobilité) vise à saisir l'égalité des chances d'accès aux différentes positions sociales, quel que soit le milieu social.

Un progrès de la fluidité signifie que la force du lien statistique entre origines et destinées tend à s’affaiblir ; autrement dit qu’on tend à se rapprocher d’une situation où les destinées seraient indépendantes des origines, les inégalités sociales d’accès aux différentes positions sociales se réduisant globalement.

La mesure de la fluidité sociale passe par le calcul de odds ratio ou rapport des chances relatives qui exprime l’avantage ou le handicap dont disposent les individus d’une origine sociale donnée par rapport aux individus d’une autre origine sociale pour atteindre ou éviter une catégorie sociale de destination plutôt qu’une autre. Il s’agit de comparer les chances relatives d’individus issus de deux origines sociales distinctes d’atteindre ou d’éviter deux catégories de destination distinctes.

Déterminons le calcul à partir de la table de destinées des hommes en 2014-2015 en comparant les situations des enfants de cadres et des enfants d’ouvriers de devenir cadres ou  ouvriers.

On extrait tout d’abord dans la table des destinées, les seules données qui nous intéressent :

Destinées des fils de cadres et d’ouvriers en 2014-2015 :

Pour obtenir un odd ratio, il faut suivre plusieurs étapes :

Etape 1 :

A partir de ces données, on peut calculer la probabilité pour chacun de devenir cadre plutôt que ouvrier

 

Etape 2, on établit un « rapport de rapport » :

4,7/0,197 =23,85.

Ce qui signifie qu’en 2014/2015, un fils de cadre a 23,85 fois plus de chance de devenir cadre qu’ouvrier par rapport à un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier.

Ces calculs ont été menés en France par Louis André Vallet pour toutes les enquêtes :

Il constate qu’en 1977, le  rapport de chances relatives entre fils de cadres et fils d’ouvrier était de 90, cela signifiait que, en 1977 la probabilité qu’un fils de cadre devienne cadre plutôt que ouvrier était 90 fois plus élevée à celle qu’un fils d’ouvrier devienne cadre plutôt que ouvrier.

En 2003 le odd ratio diminue à 26,5, puis à 23,85 en 2014/2015.

La diminution de ce rapport témoigne d’une progression de l’égalité des chances, en effet, plus le résultat est proche de 1 plus l’égalité des chances progresse. Mais cette progression est très lente.

Sur quarante ans Vallet dit que l’on a une lente érosion de l’inégalité des chances sociales, plus précisément, selon lui la fluidité sociale a augmenté de 0,5% par an en moyenne pendant 40  donc de 20% au total en quarante ans.

Louis-André Vallet montre que le relâchement du lien entre origine et position sociale correspond à la fois à un surplus de mouvements ascendants et de mouvements descendants. L’augmentation de la fréquence des déclassements sociaux constitue ainsi, pour partie au moins l’une des facettes de l’accroissement de la fluidité sociale entre les générations.

 

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