La définition :
Le policy-mix désigne l’utilisation conjointe des politiques monétaires et budgétaires et leurs interactions. L’étude du policy-mix suppose de s’interroger sur les effets de complémentarité ou de contradiction entre les deux politiques et sur les relations entre les autorités monétaires et budgétaires.
L'essentiel :
Dans la logique des politiques conjoncturelles, il est possible d’utiliser des instruments monétaires ou budgétaires et fiscaux pour agir sur la stabilité des prix, la croissance économique, l’équilibre extérieur et l’emploi (objectifs du carré magique de Kaldor). Quand les deux types de politiques (monétaire et budgétaire) sont utilisées de façon coordonnée, on parle de policy-mix. Les effets de ce policy-mix peuvent être schématisés à l’aide du modèle IS-LM si on raisonne en économie fermée ou IS-LM-BP en économie ouverte. Selon la règle de Tinbergen, chaque politique devrait être assignée à un objectif spécifique, mais ce n’est pas toujours le cas.
Théoriquement, si on raisonne sur la base d’une combinaison de politique monétaire et politique budgétaire, plusieurs combinaisons sont possibles. Par exemple, quand l’objectif est de relancer l’économie après une crise économique, les politiques budgétaires et monétaires de relance peuvent être utilisées conjointement. Dans ce cas, la relance monétaire, en tirant les taux d’intérêt vers le bas peut contrer l’effet d’éviction de la politique budgétaire. Dans une certaine mesure, c’est ce qu’ont utilisé les économies avancées suite à la crise financière de 2008, même si les politiques monétaires ont rapidement pris une forme non conventionnelle. De la même façon, on peut imaginer que les politiques monétaires et budgétaires aillent toutes deux dans le sens de la rigueur, par exemple, pour limiter les risques d’une forte inflation.
Cependant, les politiques peuvent être menées de façon opposée, pour poursuivre des objectifs différents et limiter les effets négatifs de l’une ou l’autre des politiques. Par exemple, les pays européens qui ont été dans l’obligation de réduire leur dette publique à partir de 2010 ont généralement mené des politiques budgétaires de rigueur, mais ont pu profiter de politiques monétaires très accommodantes pour limiter les effets négatifs sur l’activité de cette rigueur budgétaire. Sur cette période assez particulière, on peut dire aussi que le policy-mix a été utilisé dans un sens un peu spécifique puisque la politique monétaire a aussi été mise au service d’une réduction des spreads, écarts de taux d’intérêts sur les bons du Trésor, pour réduire les difficultés des économies les plus endettées sur l’émission de titres sur les marchés financiers. À l’inverse, la politique monétaire de rigueur peut s’accompagner d’une politique budgétaire expansionniste. C’est ce qui a caractérisé le policy-mix des États-Unis au début des années 1980 : des programmes d’allègements fiscaux et des dépenses publiques importantes (dépenses militaires et de sécurité intérieure notamment) ont accompagné une politique monétaire de rigueur. Suite à la crise inflationniste à partir de 2022, les autorités monétaires ont généralement opté pour la rigueur monétaire (remontée des taux directeurs) alors que des programmes de dépense publique ont été menés. Ces politiques budgétaires expansionnistes ont poursuivi un double objectif : limiter les effets négatifs sur l’activité de la rigueur monétaire et réduire les effets « de second tour » de l’inflation. En soutenant les revenus et l’emploi, ces dépenses ont limité les revendications salariales et les risques de boucle prix/salaires.
La question du policy-mix n’est pas qu’une question de réactions mécaniques à des stimuli monétaires ou budgétaires, elle doit être aussi regardée sous l’angle des relations entre autorités monétaires et budgétaires. Cette question se pose spécifiquement dans la zone euro. La politique monétaire est commune à tous les pays et menée par la Banque centrale européenne, à la tête du système européen des banques centrales, alors que les politiques budgétaires sont nationales, même si un embryon de politique budgétaire européenne est apparu depuis la pandémie de Covid. Si les règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance conduisent à une certaine coordination de ces politiques budgétaires, il n’en reste pas moins que ce policy-mix est déséquilibré. Ce déséquilibre est renforcé par l’indépendance de la banque centrale.
Cette indépendance de la banque centrale tend à créer une situation de « dominance monétaire ». On oppose en effet deux situations différentes concernant le policy-mix : il peut y avoir dominance budgétaire quand la politique monétaire est subordonnée aux décisions budgétaires, par exemple quand la politique monétaire doit accompagner les décisions budgétaires et faciliter le financement des dépenses. À l’opposé, on parle de dominance monétaire quand la politique budgétaire est subordonnée à la politique monétaire. À partir des années 1980, l’indépendance accordée aux banques centrales, l’existence de règles budgétaires et la priorité accordée à l’inflation ont orienté le policy-mix vers une dominance monétaire. Dans la zone euro, les différentes politiques de relance depuis 2008 ont légèrement changé la donne, puisque les politiques monétaires ont aussi été menées pour limiter les risques liés à l’endettement des États et on a aussi pu voir un léger relâchement concernant la règle monétaire d’une inflation inférieure à 2 %. D’un point de vue théorique, les partisans de la « finance fonctionnelle », comme Abba Lerner et ceux de la « théorie monétaire moderne », comme Stephanie Kelton prônent un retour à la dominance budgétaire.
La notion de policy-mix peut parfois être mobilisée pour désigner l’utilisation conjointe de politiques qui ne sont pas des politiques monétaires et budgétaires. Par exemple, elle peut désigner l’action conjointe de la politique monétaire et de la politique macroprudentielle.