Justice sociale et légitimation de l'intervention publique - Mécanismes et concepts

Sommaire

Biens premiers : Dans la théorie rawlsienne, les biens premiers désignent l’ensemble des biens utiles pour un individu quel que soit le projet de vie rationnel qu’il décide de mener. Ils comprennent les cinq catégories suivantes : les libertés et droits fondamentaux, les opportunités offertes aux individus, les pouvoirs et privilèges, le revenu et la richesse, et les bases sociales du respect de soi.

 

Capabilités : Développées par Amartya Sen, les capabilités (« capabilities ») renvoie à la liberté réelle de choisir entre des combinaisons particulières de fonctionnements, quel que soit le choix que la personne décidera effectivement de faire. Autrement dit, elle désigne l’ensemble de ce qu’une personnea peut faire et être, quoi quelle choisisse de faire ou de devenir. Un même niveau de capabilités de deux individus différents peut nécessiter pour être atteint des ressources différentes si, par exemple, l’un des deux est handicapé.

Contrat social : Courant de philosophie politique et morale moderne qui pense l’origine de la société et de la justice comme un contrat originel entre les hommes, par lequel ces derniers acceptent une limitation de leurs libertés en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social. Il présuppose un état de nature qui lui serait préalable et avec lequel il rompt pour entrer sans l’ère de la vie en société. Généralement, on fait remonter cette méthode de pensée au Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau (1762), qui a inspiré une grande partie des idées de la Révolution Française. En 1971, John Rawls (La théorie de la justice) a renouvelé cette approche en fondant sa théorie de la justice sur la base d’un voile d’ignorance hypothétique (voir définition).

Démocratie : Régime politique au sein duquel tous les citoyens participent à la vie politique, la souveraineté appartenant au peuple. Par extension, la démocratie peut renvoyer à un système de valeurs ou à un état social ayant l’égalité entre tous les citoyens comme principe moteur.

Discrimination : Une discrimination est une différence de traitement arbitraire entre deux individus, sur la base d’un critère injuste ou prohibé (sexe, âge, ethnie, etc.). En France, les premières lois prohibant les discriminations raciales dates de 1972. Elles ont ensuite été étendues à d’autres domaines et approfondies, sous l’influence du droit international et du droit européen. Par exemple, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a été créée en 2004 dans le but de faciliter l’accès au droit des victimes en les aidant à consister un dossier de plainte ou à engager une médiation avec le mis en cause. Fusionnée avec le Défenseur des droits en 2011, cette autorité indépendante joue un rôle majeur dans la lutte contre les discriminations.

Discrimination positive : La discrimination « positive » renvoie à l’ensemble des mesures qui visent à mettre les groupes discriminés par le passé au niveau des groupes dominants en leur accordant des traitements de faveur. C’est une inégalité qui irait dans le sens d’une plus grande justice, comme manière de compenser des inégalités durables entre les individus. Par exemple, la loi Copé-Zimmerman de 2011 en France impose des quotas femmes dans les conseils d’administration. En France, contrairement aux Etats-Unis par exemple, la discrimination positive connaît une grande résistance car elle remet en cause le principe d’égalité républicaine entre les citoyens. Par ailleurs, elle ne concerne pas les discriminations raciales, ce qui tient en partie au refus de procéder à des formes de catégorisation et de statistiques ethno-raciales sur lesquels s’appuient ces politiques. Toutefois, la mise place de politiques de discrimination positive sur des critères économiques et territoriaux peut être interprété comme une « discrimination positive indirecte » ciblant indirectement des populations où les immigrés ou descendants d’immigrés sont surreprésentés.

Efficacité : Au sens large, l’efficacité est la qualité de ce qui permet d’obtenir les résultats escomptés. Elle est à distinguer de l'efficience, dont la définition est liée à la relation entre les ressources utilisées et les résultats. Elle est obtenue à travers une utilisation optimale des ressources, par le fait d’utiliser le moins de ressources possible pour atteindre un certain résultat. Par conséquent, il est possible d’être efficace sans être efficient et inversement.

Égalité des chances : Forme d’égalité désignant le fait d’offrir à chaque individu les mêmes opportunités de développement social indépendamment de critères indépendant de son mérite individuel comme moyens financiers de ses parents, de son lieu de naissance, de son genre, de son lieu de naissance, de sa conviction religieuse, d’un éventuel handicap, etc. Elle tolère l’inégalité de position sociale à condition que celle-ci soit justifiée par une différence de mérite entre les individus.

Égalité des résultats : Forme d’égalité cherchant à rapprocher les positions sociales des individus en réduisant notamment les écarts de revenus ou de conditions de vie. Elle est indifférente à l’égalité des chances (voir définition) et vise à corriger le résultat de la compétition sociale ex post, sans chercher à influencer son processus.

Fonctionnements : Chez Amartya Sen, les fonctionnements désignent l’ensemble des états et des comportements qui caractérisent effectivement une personnes. Ils vont du plus trivial (faire du vélo, être bien habillé, etc.) au plus complexe (bénéficier d’une éducation, participer à la vie politique, etc.). Ils se différencient des capabilités, qui regroupent les différents fonctionnements auxquels les individus ont accès, qu’ils décident de les mettre en œuvre ou non.

Inégalité : Différence dans l’accès à des ressources rares et valorisées permettant à un groupe ou un individu d’exercer des pratiques ou d’avoir accès à des biens et services socialement valorisés, participant de ce fait à la constitution d’une hiérarchie sociale.

Justice commutative : La justice corrective égalise le rapport entre les choses, indépendamment de la valeur des personnes. On l’appelle aussi justice arithmétique, car elle respecte une égalité stricte entre les choses. Elle se subdivise entre justice commutative et justice rectificative. La première concerne les transactions marchandes qui doivent se faire entre des biens de valeurs égales, quelque soit la valeur des personnes qui les échangent. La deuxième vise à compenser les pertes qui font suite à des rapports inégaux imposés comme le vol, la diffamation etc.

Justice distributive : La justice distributive égalise le rapport entre la valeur des personnes d’un côté, et la valeur des biens, des honneurs ou des avantages en général de l’autre. Elle repose sur une exigence d’équité, dans le sens où la distribution doit dépendre du mérite de chacun. On parle aussi de justice géométrique : chacun doit recevoir en proportion de son mérite.

Justice procédurale : La justice procédurale est fondée sur l’équité des processus utilisés pour régler des conflits ou décider l’allocation des ressources rares. Elle s’oppose au « conséquentialisme » qui renvoie évalue le caractère juste d’une action ou d’une décision à l’aune de ses résultats ou conséquences, indépendamment de la procédure utilisée pour y parvenir. Tandis que la théorie de la justice rawlsienne est procédurale, l’utilitarisme est une approche conséquentialiste.

Libertarisme : À ne pas confondre avec le libéralisme, le libertarisme est une position en philosophie morale développée principalement aux États-Unis qui caractérise les libertariens (Robert Nozick, Murray Rothbard, Charles Murray, etc.). Selon eux, une société juste est une société qui respecte et protège la liberté fondamentale de chaque individu d’exercer son plein droit de propriété sur lui-même ainsi que sur les objets qu’il a acquis légitimement. Cette conception de la justice s’oppose à toute forme de redistribution des richesses qui constitue une violation de la liberté individuelle.

Mérite : Le mérite est la qualité d’une personne digne d’estime ou de récompense en raison des difficultés qu’elle a surmontées. Il est le principe fondateur de la méritocratie, société où l’ensemble des avantages sociaux sont distribués en fonction des efforts et qualités de chacun.  La méritocratie privilégie l’égalité face aux règles de la sélection, en acceptant les inégalités de position auxquelles conduit cette sélection. La notion de mérite est très proche de celle d’égalité des chances, qui promeut ainsi une certaine conception de la justice acceptant les inégalités sociales dès lors que ce sont les inégalités des mérites individuels qui les régissent.

Principe de différence : Le principe de différence est le deuxième pilier de la théorie de la justice de John Rawls, après le principe d’égalité des libertés fondamentales. Il doit permettre de concilier égalité et efficience, en stipulant que les inégalités sont justes si elles améliorent la situation des moins bien lotis. C’est le « maximin » qui consiste à maximiser la dotation minimale. Si deux situations conduisent à un accès identique aux biens premiers sociaux, alors il convient de trancher en fonction de la dotation des membres qui précèdent les moins favorisés. On parle alors de « leximin » puisqu’il s’agit de remonter catégorie par catégorie à partir de la dernière pour déterminer la situation la plus juste.

Théorie de la reconnaissance : Courant de philosophie morale qui considère que la justice est relative à l’expérience du sentiment de reconnaissance. L’humiliation ou le manque de respect par les autres membres de la société, soit l’expérience de l’injustice, est au cœur des luttes visant à fonder une société juste. Selon Axel Honneth, la reconnaissance est un nouveau paradigme pour penser la justice qui remplace le paradigme de la justice distributive.

Valeur ajoutée : Indicateur économique qui mesure la valeur ou la richesse créée par une unité de production au cours d’une période donnée. Elle se répartit ensuite entre revenus du travail, revenus du capital, et prélèvements par l’État.

Voile d’ignorance : Chez Rawls, le voile d’ignorance est une procédure permettant de garantir les critères d’impartialité et donc d’équité et d’obtenir un accord sur les principes de justice. Elle consiste à placer les individus dans une situation hypothétique dans laquelle ils ignorent tout ce qu’ils seront et feront dans la société qui appliquera les principes de justice ainsi déterminés. L’idée est d’éviter que les individus soient influencés par leurs intérêts liés à la place qu’ils occupent dans la société au moment de la définition des grands principes de justice.

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