Justice sociale et légitimation de l'intervention publique - Grands auteurs

Sommaire

Philippe Aghion (né en 1956) : Economiste français, il est professeur au Collège de France depuis 2015 et spécialiste de macroéconomie. Ses recherches s’orientent principalement vers les concepts d’innovation et de croissance. Influencé par les travaux de Schumpeter, il considère l’innovation comme la base de la croissance. Il est favorable à une économie résiliente, qui combine réformes structurelles (orientées vers la flexisécurité) et du système d'éducation (permettant la mobilité sociale) et des politiques macroéconomiques contracycliques. Ses principaux ouvrages sont L’Économie de la croissance, 2010 ; Repenser l'État écrit avec Alexandra Roulet, 2011 ; Changer de modèle écrit avec Gilbert Cette et Elie Cohen, 2014 ; Repenser la croissance économique, 2016 et Le Pouvoir de la destruction créatrice, écrit avec Céline Antonin et Simon Bunel, 2020.

Anthony B. Atkinson (1944-2017) : Economiste britannique, spécialiste de l’étude des inégalités et d’économie publique. Il est l’un des pionnier de l’étude empirique des inégalités économiques et de la pauvreté, ses travaux ayant notamment influencé ceux de Thomas Piketty. Il est connu notamment pour avoir développe l’indice d’Atkinson, indice de l’inégalité des revenus basé sur la théorie économique du bien-être. Son autre domaine théorique de prédilection a été l'économie publique, en fait la théorie de la redistribution au sens large. Ses travaux avec Joseph Stiglitz (notamment Le Prix de l'inégalité, 2012) sont des références incontournables. Il a co-écrit Inégalités (2016) exposant les risques associés à l’explosion des inégalités dans les pays riches, exposant les contre-vérités sur le sujet er proposant un programme visant à lutter contre elles.

Aristote (384-322 avant notre ère) : Philosophe grec de l'Antiquité. Avec Platon, dont il a été le disciple, il est l'un des penseurs les plus influents du monde occidental. Il a abordé presque tous les domaines de connaissance de son temps, de la physique en passant par la politique, l’éthique, l’économie, etc. Il considère l’économie comme une science pratique tournée vers l'action (praxis), comme la politique et l'éthique. Selon Amartya Sen, il est à l’origine d’une tradition éthique de l’économie qui s’intéresse aux fins et pas qu’aux moyens, aujourd’hui délaissée par une tradition mécanique délaissant les questions relatives aux fins pour s’intéresser à la manière de maximiser la production de richesses. Nous héritons également de sa distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange. Par ailleurs, Aristote fait de l’éthique un objet scientifique (domaine de la science pratique), son étude devant permettre aux êtres humains de vivre une vie bonne. Sa distinction entre justice distributive et corrective est souvent citée.

Jérémy Bentham (1748-1832) : Philosophe, théoricien du droit et réformateur britannique, il est reconnu comme le père de l’utilitarisme. Il défend la liberté individuelle, l’égalité des sexes, la décriminalisation des rapports sexuels, l’abolition de l’esclavage, l’abolition des peines physique etc. Toutefois, à la différence de la majorités des libéraux, il ne s’appuie pas sur des droits naturels ou sur l’idée de contrat social. Le fondement de la justice se trouve dans la formule « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ». Ainsi une loi ne doit être jugée « bonne » ou « mauvaise » que sous le rapport de sa capacité à augmenter le plaisir de tous. Il expose l’utilitarisme dans son Introduction aux principes de la morale et de la législation (1789). Il est également connu pour sa conception d’une prison moderne, le panoptique, permettant l’observation permanente des faits et gestes des détenus grâce à un principe de vision totale, applicable également aux hôpitaux, ateliers, ou écoles (Panoptique ou Maison d'inspection, 1791).

Nancy Fraser (née en 1947) : Philosophe féministe et post-culturaliste américaine, elle enseigne la science politique et la philosophie à la New School de New York. Elle s’intéresse notamment aux fondements de la justice sociale, prolongeant de manière critique la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth. La justice doit selon elle être comprise à travers trois dimensions entremêlées : la redistribution des ressources, la reconnaissance des contribution des différents groupes et la représentation dans tout le symbolique. Elle est une penseuse féministe et engagée, et a également travaillé sur l’évolution du mouvement féministe dans le contexte de la mondialisation. Ses ouvrages traduits en français les plus connus sont Le féminisme en mouvements, 2012 et Qu'est-ce que la justice sociale ? : Reconnaissance et redistribution, 2005

James Galbraith (né en 1952) : Economiste américain, il est l’un des plus grand représentant de l’hétérodoxie aujourd’hui. Engagé, il est proche de l'aile gauche du parti démocrate américain et avait soutenu Bernie Sanders durant la primaire 2016. Dans L'Etat prédateur (2008), il s’oppose vigoureusement à l'idéologie dominante du marché, qui aurait selon lui envahi la gauche, et qui n'apporterait aucune solution à la crise économique et écologique contemporaine, ainsi qu’à la pauvreté et aux inégalités. Il soutient que les États-Unis d’aujourd’hui sont tombés sous la coupe d’une « classe prédatrice » financièrement aisée et contrôlant le gouvernement. Il est également auteur de La Grande Crise : Comment en sortir autrement, 2015 et plus récemment, d’Inégalité. Ce que chacun doit savoir (2019).

Friedrich Hayek (1899-1992) : économiste et philosophe britannique originaire d'Autriche, il est l’un des plus grand représentant du libéralisme au XXème siècle. Ses analyses sur les crises et sur les cycles économiques lui ont valu le prix dit Nobel d'économie en 1974. Il s’est intéressé en particulier au rôle de l'information dans l’économie, à la place de l'État, à la monnaie et aux crises. Il appartient à l'École autrichienne, occupant alors une place originale dans l’histoire de la pensée économique. Il prône un libéralisme alternatif au libéralisme néo-classique, dont le rejet tient notamment à son opposition à la mathématisation de l'économie et à sa conception des crises économiques comme causées par des bulles spéculatives. En 1944, il publie le fameux La Route de la servitude, analyse du totalitarisme fermement opposée aux grandes idéologies qui dominent l'époque, nazisme et communisme. Il y défend l’idée que socialisation de l'économie et l'intervention massive de l'État sur le marché conduisent à la suppression des libertés individuelles. En 1947, il cofonde la Société du Mont-Pèlerin, association internationale d'intellectuels désireux de promouvoir le libéralisme.

Axel Honneth (né en 1949) : Philosophe et sociologue allemand, il est depuis 2001 directeur de l'Institut de recherche sociale, connu pour avoir hébergé l'École de Francfort. Il est l’un des principal représentant du projet de relancer la théorie critique amorcée par l’École de Francfort, soutenant que l'idéologie est le principal obstacle à la libération humaine et à l’autodestruction du capitalisme que Marx avait prévue et visant à critiquer la société et la culture en mobilisant les sciences sociales afin de révéler et mettre en question les structures de pouvoir. Honneth développe une théorie de la reconnaissance réciproque, dont il a formulé le programme dans La Lutte pour la reconnaissance (1992).

Simon Kuznets (1901-1985) : Considéré comme l'un des contributeurs importants à la théorie de la croissance économique, il est aussi reconnu comme l'inventeur d'un agrégat fameux : le produit intérieur brut (PIB). En théorie de la croissance, il a prétendu avoir identifié un cycle de quinze à vingt ans, qui sera appelé le « cycle de Kuznets » (« Economic Growth and Income Inequality », The American Economic Review, 1955). Par ailleurs, il a développé une conclusion qui fera l’objet de nombreuse discussion en économie, concernant la relation entre la croissance économique et la distribution des revenus (nommée courbe de Kuznets en U renversé). C’est en 1931 qui a participé au développement du PIB, sollicité par le congrès des États-Unis pour construire un indicateur permettant de mesurer les effets de la Grande Dépression.

Thomas Malthus (1766-1834) : Economiste britannique de l'École classique, et également prêtre anglican, il un penseur témoin du décollage industriel anglais. Il est particulièrement connu pour la doctrine dont il est à l’origine, le malthusianisme, qui inclut une politique active de contrôle de la natalité pour maîtriser la croissance de la population. En effet, ses travaux sur les rapports entre les dynamiques de croissance de la population et la production, concluent de manière « pessimiste » à l’absence d’un équilibre harmonieux et stable. L’un de ses écrits les plus cité est son Essai sur le principe de la population (1803).

Robert Nozick (1938-2002) : Philosophe américain professeur à Harvard, il est l’un des plus grand représentant du courant libertarien en philosophie morale. Il s’est illustré en s'opposant fermement au principe de la redistribution obligatoire qui, en donnant à d'autres un droit sur soi, elle viole le droit de propriété fondamental. Cela le conduit à être un des plus grand opposant au principe de différence de John Rawls. Pour lui l'État minimal est le seul État juste. C’est surtout son livre Anarchie, État et utopie (1974) qui fait de lui l’un des philosophe américains les plus influents.

Vilfredo Pareto (1848-1923) : Sociologue et économiste italien, il a apporté des contribution très importantes dans ces deux disciplines. En économie, il succède à Léon Walras à la chaire d'économie politique de l'Université de Lausanne. Il a franchi un pas décisif dans le processus d’émancipation des jugements de valeur. Dans son Manuel d’économie politique (1909), il remet en cause la distinction établie par Léon Walras entre trois branches de l’économie, rejetant l’économie « sociale » centrée sur les questions de répartition et faisant appel à un critère de justice. Il s’oppose à la nécessité de faire appel à un critère de justice en économie et définit un critère (le fameux « critère de Pareto ») permettant de comparer différents états possibles de la société en s’affranchissant de tout jugement de valeur. En sociologie, il précise le domaine d’étude de cette science qui est selon lui celui des « actions non logiques » tandis que l’économie est centrée sur les « actions logiques ». Il est également connu pour sa théorie de l’élite (Traité de sociologie générale, 1916).

John Rawls (1921-2002) : Philosophe américain, il est l’un des théoricien de la justice les plus connus et les plus cités. Il a été rendu célèbre par son œuvre majeure, Théorie de la justice en 1971, renouant avec la tradition contractualiste intiitée par Jean-Jacques Rousseau et prolongeant la réflexion libérale en cherchant à articuler rationnellement liberté et solidarité. Il s’oppose radicalement à l’utilitarisme, qui conduit selon lui au déni des droits individuels. Sa propre théorie de la justice est construite à partir de l’expérience de pensée qui celle du « voile d’ignorance », où l’ignorance par chacun de sa situation réelle future conduit à s’accorder sur des principes de justice accordant une priorité absolue aux droits fondamentaux et conciliant égalité des chances et priorité aux plus défavorisés.

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) : Philosophe des lumière et écrivain français, Rousseau est à l’origine d’une pensée qui aura une influence décisive sur la révolution française. Dans ses deux œuvres philosophiques les plus connues, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755) et Du contrat social (1762), il critique le système politique et économique de son temps qui conduit à favoriser le développement des inégalités et de l’amour de soi, pervertissant la bonté naturelle de l’homme. Selon lui, seul un contrat social et des lois découlant de la volonté générale exprimée par le peuple pourra permettre de renouer avec la liberté et l’égalité. Dans le domaine littéraire, son plus grand succès est certainement le roman épistolaire Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), qui offre une peinture préromantique du sentiment amoureux et de la nature.

Amartya Sen (né en 1933) : Economiste et philosophe d’origine indienne, il a reçu le prix dit Nobel d'économie en 1998 pour ses contributions à l'économie du bien-être. À la croisée de l’économie et de la philosophie morale, ses travaux cherchent à réhabiliter la tradition éthique de l’économie qui a été initiée par Aristote (Éthique et économie, 2012). En 1981, il publie Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, où il démontre que les famines ne sont pas seulement dues au manque d’offre de nourriture mais aussi aux inégalités de capacité à accéder la nourriture. C’est l’origine de sa contribution fondamentale à l’économie du développement, le concept de « capabilité » développé dans son article « Equality of What » (1979). Se différenciant de Rawls, il cherche ainsi à soit assurée non plus simplement l’égalité des moyens (ou des biens premiers), mais l’égalité des possibilités effectives d’accomplir des actes. Sa conception de la justice est détaillée dans L’idée de justice (2010). Les travaux de Sen sont également connu pour avoir permis le développement de l’IDH (indicateur de développement humain) en 1990.

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