L'Europe économique et monétaire - Les grands auteurs

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Michel Aglietta : économiste français, Conseiller au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Michel Aglietta est spécialiste d’économie monétaire internationale et du fonctionnement des marchés financiers. En 2012, il publie Zone euro, éclatement ou fédération, ouvrage dans lequel il souligne les difficultés rencontrées par la zone euro dans le contexte de la crise des subprimes qui menace l’UEM. Comme de nombreux auteurs, Michel Aglietta n’appelle pas à une sortie de l’union économique monétaire mais à une réforme de sa gouvernance. D’après lui, le problème de l’unification monétaire réside dans le fait qu’elle accentue l’hétérogénéité de la zone euro dans un contexte de stratégies non coopératives. Les solutions résident alors dans la mise en place de réformes institutionnelles. D’abord, il insiste sur le rôle de la BCE comme  prêteur en dernier ressort, c'est-à-dire que celle-ci garantit l’accès au refinancement des Etats. Ensuite, l’UEM devrait être dotée d’une autorité budgétaire permanente, chargée de travailler avec la BCE et de mettre en place une politique budgétaire cohérente, dans le cadre d’un policy mix adapté à la conjoncture économique. Enfin, des eurobonds, système d’emprunt commun entre les pays de la zone euro, devraient être émis afin de réduire les primes de risque élevées pour les pays les plus fragiles.

Patrick Artus : économiste français, Directeur des études et de la recherche de Natixis, Patrick Artus est spécialiste des questions relatives à l’Union européenne et à sa gouvernance. Si Patrick Artus met en avant les avantages de l’intégration européenne, il insiste cependant sur les fragilités structurelles de cette construction. L’adoption de la monnaie unique créée des divergences en termes de discipline budgétaire au sein de l’UE. Les pays européens qui ne sont pas dans la zone euro ont ainsi un niveau de contrainte budgétaire plus faible que ceux qui adhérent à l’UEM. De même, les dynamiques de libéralisation et de concurrence fragilisent la construction européenne qui gagnerait, toujours selon Patrick Artus, à adopter davantage de solidarité budgétaire. Il faudrait tendre vers la construction d’un grand budget européen, avec une possibilité de transferts entre les différents pays selon les besoins. Patrick Artus appelle ainsi à une réforme des institutions et de la gouvernance européenne vers davantage de fédéralisme. La mise en place d’un grand budget européen ou encore d’un ministre européen de l’Economie pourraient permettre de desserrer la contrainte budgétaire et de favoriser les transferts entre les Etats membres.

Jeffrey Frankel et Andrew Rose : ces deux économistes publient en collaboration en 1998 leurs travaux sur les zones monétaires optimales dans un article intitulé « The Endogeneity of the Optimum Currency Aera Criteria » (Economic Journal, n°108). Ils se distinguent des travaux précédents en mettant en évidence le fait que l’optimalité d’une zone peut se construire ex post, c'est-à-dire après intégration économique et monétaire. En effet, l’intégration économique et monétaire accroit les échanges commerciaux et rapproche les cycles des affaires, réduisant alors la probabilité de chocs asymétriques.

James Ingram : économiste américain, James Ingram apporte en 1969 son analyse à la théorie des zones monétaires optimales (« Comment : The Optimum Currency Problem », in R. A. Mundell & A. Swoboda (eds), Monetary Problems in International Economy). D’après lui, c’est le degré d’intégration financière qui permet de juger de la pertinence de l’intégration monétaire. On parle de ZMO lorsqu’il existe des mécanismes de transferts compensateurs qui permettent de rééquilibrer les balances des pays membres. Ainsi, plus l’intégration financière est forte et plus les déficits pourront être compensés sans perturbation importante des taux d’intérêts ou de change.

Harry Johnson : théoricien des zones monétaires optimales, Johnson rejoint Ingram sur le critère d’intégration fiscale et financière (« The Problems Approach to International Monetary Reform », in R. Mundell & A. Swoboda (eds), Monetary Problems of the International Economy). Johnson souligne qu’une intégration financière et fiscale suffisante permet d’assurer une certaine solidarité budgétaire, nécessaire pour corriger les déséquilibres rencontrés.

Peter Kenen : c’est également à la fin des années 1960 (« The Theory of Optimum Currency Areas: An Eclectic View », in R. Mundell & A. Swoboda (eds), Monetary Problems of the International Economy, 1969) que Kenen identifie le critère de diversité sectorielle comme condition de formation d’une zone monétaire optimale. Selon Peter Kenen, les conséquences d’un choc asymétrique sont réduites dans des économies diversifiées qui apparaissent plus résistantes face aux chocs.

Ronald McKinnon : en 1963 (« Optimum Currency Areas », American Economic Review) Ronald McKinnon apporte sa contribution à la théorie des zones monétaires optimales en proposant le critère d’ouverture commerciale. Il montre que plus les pays sont ouverts sur l’extérieur, moins ils ont à perdre en adoptant un système de change fixe. Les effets de la variation des taux de change sont alors répercutés sur la plupart des biens (ratio biens échangeables/ non échangeables).

Paul Krugman : Paul Krugman est un économiste américain, prix Nobel d’économie en 2008 et l’un des fondateurs des nouvelles théories du commerce international. Ses travaux permettent de discuter du caractère endogène ou non d’une zone monétaire optimale. Pour de nombreux théoriciens, l’optimalité d’une zone monétaire peut apparaître ex post grâce à la dynamique d’intégration monétaire. On parle alors de ZMO à caractère endogène. Paul Krugman soutient au contraire que les ZMO ont un caractère exogène. Si l’intégration économique et monétaire permet aux pays d’exploiter leurs avantages comparatifs et dotations factorielles, elle renforce également la spécialisation productive. Cela accroit alors le risque de chocs asymétriques.

Finn Kydland et Edward Prescott : prix Nobel d’économie en 2004, Kydland et Prescott s’inscrivent dans le courant de la nouvelle école classique, réfutant le paradigme keynésien et l’interventionnisme étatique. Ils publient en 1977 leur célèbre article « Rules rather than discretion : the inconstency of optimal plans » dans lequel ils soulignent l’inefficacité des politiques économiques discrétionnaires. Selon eux, l’adoption de règles nécessaires à la confiance des marchés est préférable aux politiques budgétaires contracycliques. Cela s’explique notamment par le concept d’incohérence temporelle ; les agents sont capables de formuler des anticipations rationnelles qui tendent à annuler les effets escomptés des interventions étatiques. Par exemple, si l’Etat met en place une politique budgétaire de relance, les agents vont anticiper une future hausse des impôts afin de financer cette politique et auront tendance à épargner davantage, annulant les effets bénéfiques attendus. La règle est alors préférable.

Robert Mundell : Robert Mundell (1932-2021) est un économiste canadien qui a reçu le prix Nobel d'économie pour ses travaux sur les zones monétaires optimales (ZMO) qui ont servi de justifications théoriques à la création de l'euro. Il s’interroge sur les conditions dans lesquelles un pays devrait renoncer à renoncer à sa souveraineté monétaire pour entrer dans une union monétaire. En 1961 (« A Theory of Optimum Currency Areas », American Economic Review, vol. 51), il met en évidence le critère de la mobilité géographique des facteurs de production qui jouent le rôle de stabilisateurs automatiques au sein de la zone en cas de chocs asymétriques : si les facteurs de production (capital et travail) sont parfaitement mobiles, le différentiel de conjoncture se résorbe par la mobilité des facteurs. Outre ses travaux sur les ZMO qui ont donné suite à de nombreux prolongements théoriques et à une littérature abondante sur la question, Robert Mundell a mis en évidence l’existence d’un « triangle des incompatibilités » popularisé ensuite par T. Padoa-Schioppa : il n’est pas possible de concilier à la fois des taux de changes fixes, une mobilité des capitaux et une autonomie des politiques monétaires nationales. Seuls deux objectifs sont soutenables à la fois. Dans cette perspective, la monnaie unique apparait alors comme une solution à cette incompatibilité en transférant la souveraineté monétaire nationale à une institution régionale, à savoir la BCE.

Christian Saint-Etienne : Christian Saint Etienne est un économiste français, spécialiste des questions monétaires et budgétaires européennes. Dans son ouvrage de 2009, La fin de l’euro, il défend l’idée selon laquelle l’absence de fédéralisme budgétaire et d’harmonisation des politiques économiques menace la zone euro d’éclatement. Selon lui, l’UEM ne constitue pas une zone monétaire optimale et  l’existence de stratégies anti-coopératives face à la politique monétaire unique menée par la BCE renforce l’hétérogénéité et les écarts de spécialisation entre les pays membres, creusant une fracture entre Europe du Nord et Europe du Sud. Il plaide alors en faveur d’un fédéralisme budgétaire et d’une réforme des institutions européenne afin de sauver l’UEM.

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