Question 2. Comment les monopoles exercent-ils un pouvoir de marché ?

Sommaire

Des raisons technologiques (l’innovation par exemple) ou des conditions particulières de production (des économies d’échelle résultant de coûts fixes élevés par exemples), voire même des décisions juridiques (une loi qui protège de la concurrence) font naître différents types de monopoles : monopole d’innovation, naturel ou institutionnel. Ils sont la conséquence de barrières stratégiques érigées par l’entreprise ou le résultat naturel ou décidé politiquement de barrières structurelles.

Le monopole est une organisation du marché moins efficace que celle du marché de concurrence parfaite car le prix de vente est supérieur et la quantité offerte est inférieure à ce qui résulterait d’une situation de concurrence parfaite. Comme le dit Jacques Généreux dans le document «  Le monopole produirait moins de richesse et les fait payer plus cher à la collectivité ». L’équilibre du monopole est donc sous-optimal, car il diminue le bien-être (mesuré en termes de surplus économiques) de la société en générant une perte sèche. Celle-ci correspond à la partie du surplus économique qui est perdu pour toute la collectivité.

Documents et exercices

Document 1. Les économies d'échelle créees forment des monopoles naturels

Facile

Un monopole naturel apparaît dès que les coûts moyens1 de production d’une entreprise unique [servant toute la demande du marché] baissent de façon continue (certes, les coûts moyens peuvent toujours potentiellement remonter au-delà d’un certain seuil, mais celui-ci correspond à un niveau de production très élevé situé bien au-delà du maximum de ce que le marché est susceptible de demander). Lorsque les coûts moyens de production baissent avec l’augmentation de l’échelle de production, on parle d’économie d’échelle. [ …] Un monopole naturel se sent protégé car il sait que si ses concurrents potentiels entrent sur le marché, il peut vendre moins cher qu’eux, puisque les entrants sont habituellement de plus petite taille et que les coûts moyens sont plus élevés. Par conséquent, le monopoleur se sent relativement à l’abri de toute menace d’entrée.

_________________________

Notes :

1. Les coûts moyens de production correspondent aux coûts de chaque unité produite en moyenne. On le calcule en rapportant le coût total de production aux quantités produites.

Source : Joseph E. Stiglitz, Carl E. Walsh, J.D. Lafay, Principes d’économie moderne, De Boeck Université, 2014

Questions :

1. Définir : monopole naturel.

2. Citez des exemples d’activités de production caractérisées par d’importantes économies d’échelle.

3. Pourquoi ces activités connaissent-elles des économies d’échelle ?

4. Pourquoi les économies d’échelle représentent-elles une barrière à l’e

Document 2. Etude de cas sur les monopoles naturels

Facile

Supposons un marché de distribution de l’eau potable d’une ville sur lequel une entreprise distribue l’eau à 100 000 résidents. Pour fournir l’eau aux 100 000 résidents de la ville, une entreprise doit construire un réseau de canalisations qui parcourt toute la ville. Si deux firmes au moins devaient se concurrencer sur la fourniture de ce service, chacune d’entre elles devrait payer le coût fixe de la construction d’un réseau de distribution qui s’élève à 5 000 000 d’euro. Les coûts variables sont liés aux consommations intermédiaires nécessaires à la fourniture d’eau comme la main-d’œuvre nécessaire et les énergies consommées pour entretenir les canalisations etc, ils s’élèvent à 5000€ par client.

Vous êtes conseiller économique auprès du maire de cette ville. Il vous demande d’étudier la solution la plus optimale économiquement pour la fourniture d’eau dans sa ville. Doit-on favoriser la création d’un monopole ? ou d’un duopole (deux entreprises) ? Pour y répondre, traitez les questions ci-après.

Questions :

1. Compléter le tableau suivant :

2. Montrer que l’activité de fourniture d’eau se caractérise par des économies d’échelle.

3. Si le maire laisse s’installer une seule entreprise pour la fourniture d’eau aux 100 000 résidents. A combien s’élève le coût moyen total de la firme ?

4. S’il souhaite instaurer plus de concurrence sur ce marché et favoriser la création d’un duopole qui se répartit équitablement le marché de 100 000 résidents, à combien s’élèverait le coût moyen total de chaque firme.

5. Quelle solution est la plus optimale économiquement ? Justifiez votre réponse.

Document 3. Les différentes raisons de l’existence d’un monopole

Facile

Pour l'essentiel, les raisons de l'existence d'un monopole entrent dans l'une des trois catégories générales suivantes:

  • Le monopole naturel : les conditions techniques de production et la taille du marché font qu'à long terme, des entreprises concurrentes ne sont jamais rentables. Dans ce cas, le processus concurrentiel lui-même, par concentration1 progressive et élimination des producteurs les moins performants, débouche sur la constitution inéluctable d'un monopole.
  • Le monopole d'innovation : particulièrement étudié par Schumpeter2, cette catégorie rassemble les entreprises qui, à la suite d'une innovation […], créent un nouveau produit et se trouvent momentanément seules à le distribuer sur le marché. Ce monopole a en commun avec le monopole naturel d'être le résultat du processus concurrentiel, en revanche, il est toujours temporaire, la concurrence amenant plus ou moins rapidement d'autres entreprises à maîtriser l'innovation et à entrer à leur tour sur le marché.
  • Le monopole [institutionnel] : ce monopole ne subsiste que parce qu'il existe des obstacles réglementaires ou législatifs à l'entrée de concurrents sur le marché. […]

Le monopole fixe un prix supérieur […] à celui qui serait fixé par un marché concurrentiel. Le prix étant plus élevé, la quantité échangée sera également moindre qu’en situation de concurrence. Le monopole produirait moins de richesse et les fait payer plus cher à la collectivité.

Source : Jacques Généreux, Economie politique, Hachette, Tome 1, coll. « Les fondamentaux », 2004

1. La concentration d’un marché résulte d’un processus de regroupement d’entreprises par fusion-acquisition conduisant à l’augmentation de la taille moyenne des entreprises.

2. Joseph Alois Schumpeter, économiste d’origine autrichienne né en 1883, est un économiste célèbre pour son apport à la pensée économique sur la théorie des cycles, l’analyse du rôle de l’innovation et de l’entrepreneur dans la croissance économique, la théorie relative à l’évolution du capitalisme. Il décède en 1950.

Questions :

1. Identifiez à quelle (s) catégorie (s) de monopole appartiennent les cas cités ci-dessous.

  • a) En octobre 2010, Google annonce avoir conçu un système de pilotage automatique pour automobile aidé de radars, caméras vidéo et GPS, déjà installé sur sept véhicules — six Toyota Prius, une Audi TT — qui ont parcouru plus de 225 000 kilomètres en Californie, sans avoir provoqué d'accident. C’est la naissance du véhicule sans conducteur.
  • b) En Suède, la vente de boissons alcoolisées est un monopole d’Etat connu sous le nom de Systembolaget, parce que l’Etat estime qu’il est dans l’intérêt de la santé publique de contrôler directement la vente d’alcool.
  • c) Microsoft Corporation produit son propre système d’exploitation, Windows, qui représente environ 82% du marché. Lorsque la firme Microsoft a conçu Windows, il y a quelques années, elle a déposé des droits d’auteur tout d’abord auprès du gouvernement américain, puis auprès de nombreux gouvernements dans le monde. Ces droits exclusifs permettent à Microsoft d’éditer et de vendre des copies de Windows.
  • c) Les branches d'activité telles que les transports (en particulier ferroviaires, mais aussi aériens et les grosses infrastructures routières comme les autoroutes, les ports...), les services postaux et les télécommunications ; le secteur énergétique de réseau (électricité, pétrole, gaz naturel) ; la distribution d'eau et les systèmes d'assainissement sont souvent des activités à tendance monopolistiques du fait de l’investissement initial colossal pour fournir le service aux premiers clients ; mais une fois l'investissement réalisé, la fourniture du service à un client supplémentaire ne coûte plus grand chose (le coût marginal est faible).

2. Quel est leur point commun ?

3. Quels éléments fondamentaux permettent de distinguer les différents types de monopoles ?

4. Discuter : Le monopole est-il une organisation parfaitement efficace du marché ?

Document 4. La mesure de l’inefficacité du monopole à l’aide de représentations graphiques

Facile

Nous avons appris qu’un monopole, contrairement à une firme concurrentielle, fixe un prix au-dessus de son coût marginal. Du point de vue des consommateurs, ce prix élevé rend le monopole non désirable. Cependant, de son côté, le monopole réalise un profit lorsqu’il fixe un prix élevé. Du point du propriétaire de la firme, ce prix élevé rend le monopole très désirable. Est-il possible que les avantages retirés par les propriétaires des firmes dépassent les coûts subis par les consommateurs, de sorte que le monopole soit désirable du point de vue de la société dans son ensemble ?

Nous pouvons répondre à cette question en utilisant l’analyse du bien-être et nous utilisons le surplus total comme mesure du bien-être économique. Rappelons que le surplus total est la somme du surplus du consommateur et du surplus du producteur. Le surplus des consommateurs représente leur volonté de payer pour un bien moins le prix qu’ils paient effectivement pour ce bien. Le surplus des producteurs représente le montant que ces derniers perçoivent pour un bien moins le coût de production du bien. Dans ce cas, il y a un seul producteur, le monopole.

Nous avons établi que l’équilibre de l’offre et de la demande sur un marché concurrentiel n’est pas seulement un résultat naturel, mais également un résultat désirable. En particulier, la main invisible du marché est à l’origine d’une allocation des ressources qui maximise le surplus total, dans le sens où il est le plus grand possible. Comme un monopole conduit à une allocation des ressources différente de celle d’un marché concurrentiel, le résultat doit d’une certaine manière aller à l’encontre de la maximisation du bien-être économique total. C’est ce que nous allons démontrer.

Source : D’après Gregory N. Mankiw, Mark P. Taylors, 2018, Principes de l’économie, Traduction de la 3ème édition anglaise par Elise Tosi, De Boeck supérieur

 

Etape 1 : Déterminer le niveau de production efficace

A partir d’une représentation graphique du marché monopolistique, nous souhaitons déterminer le niveau de production efficace.

On suppose un marché monopolistique de fourniture de l’eau. Sur la figure 1 ci-dessous, la courbe de demande d’eau (courbe bleue) reflète la valeur que les consommateurs accordent à ce service, elle est mesurée par les volontés à payer des consommateurs pour le service vendu. La courbe de coût marginal (courbe rouge) reflète quant à elle les coûts de production de la fourniture de l’eau du monopole pour chaque unité supplémentaire produite.

Figure 1 : Le niveau de production efficace

 

Question :

 

Compléter le texte à trous ci-dessous en observant la figure 1 à l’aide des mots suivants : inférieure, supérieure, égale, faible, grande et des données du graphique.

Pour la quantité produite Q1 de (1) ……. décilitres, la valeur accordée au service de fourniture de l’eau par les consommateurs est de (2)……...€ alors que le coût marginal de production est (3)…………..€, la valeur accordée par les acheteurs est donc (4)………. au coût marginal de production. Le producteur a donc intérêt à augmenter les quantités produites, car chaque unité supplémentaire permettrait d’augmenter son profit. Il retire un gain supplémentaire lorsqu’il augmente sa production. Une production plus (5)……… conduirait donc à l’augmentation des gains à l’échange.

Pour la quantité Q2 de (6)……., c’est-à-dire à l’intersection de la courbe de demande et de coût marginal, la valeur accordée au bien par les consommateurs est de (7)………. €, celle-ci est (8)……….. au coût marginal de production, les gains à l’échange sont mutuellement avantageux. Le producteur et les consommateurs ont maximisé leur surplus respectifs.

Pour la quantité produite Q3 de (9) ……. décilitres, la valeur accordée au service par les consommateurs est de (10)……...€ alors que le coût marginal de production est (11)…………..€, la valeur accordée par les acheteurs est donc (12)………. au coût marginal de production. Le producteur n’aurait aucun intérêt à vendre une partie de sa production à perte. Une partie des échanges réalisés ne seraient donc pas rationnels. Une production plus (13)……… conduirait donc à maximiser les gains des consommateurs et du producteurs, c’est à dire à l’augmentation du surplus total.

Etape 2 : Déterminer le niveau de prix optimal

Le niveau de prix optimal correspond au niveau de prix qui donnerait aux consommateurs un signal précis relatif au coût de production du bien ou service vendu, les incitant à acheter la quantité efficace. Nous souhaitons déterminer le niveau de prix optimal.

Figure 2 : Le niveau de prix optimal

Questions :

1) Identifiez sur le graphique le niveau de prix optimal et reportez cette information sur l’axe des ordonnées.

2) Représentez sur le graphique en bleu l’aire correspondant au surplus du consommateur et d’autre part en rouge l’aire correspondant au surplus du producteur. En déduire l’aire que représente le surplus total pour ce niveau de quantité et de prix optimal.

Etape 3 : Montrer la sous-optimalité économique du monopole

Le monopole est faiseur de prix, il a un pouvoir de marché lui permettant de choisir le prix de vente de son produit ainsi que la quantité à produire. Nous souhaitons montrer l’impact du pouvoir de marché du monopole sur le prix de vente et la quantité produite sur ce marché.

Figure 3 : L’inefficacité du monopole relativement à la situation concurrentielle

Comme le prix fixé par le monopole est égal à sa recette moyenne, la courbe de demande est aussi la courbe de recette moyenne. Ces deux courbes démarrent toujours au même point sur l’axe des ordonnées car la recette marginale de la première unité vendue est égale au prix du bien.

Questions :

Question 1 : Le monopole choisit de produire et de vendre la quantité de service de fourniture d’eau déterminée par l’intersection des courbes de recette marginale et de coût marginal. Or la situation socialement optimale correspond à la quantité déterminée par l’intersection des courbes de demande et de coût marginal. Comparer les deux niveaux de quantité produite en vous appuyant sur des données chiffrées. Montrer l’effet produit par le choix du monopole sur la quantité produite sur ce marché.

Question 2 : Nous pouvons également analyser l’inefficacité du monopole sous l’angle du prix. Le prix de monopole est différent du prix optimal en vous appuyant sur des données chiffrées. Comparer les deux niveaux de prix. Montrer l’effet produit par le choix du monopole sur le prix de vente sur ce marché.

Question 3 : Que peut-on en conclure ?

Etape 4 : Montrer la perte de bien-être engendrée par le monopole

Pour montrer que le monopole est une structure de marché sous-optimale pour la société, nous pouvons évaluer les effets d’un monopole faiseur de prix sur le bien-être (mesuré en termes de surplus économiques) de la société.

On observe une évolution du surplus total et de sa répartition entre consommateurs et producteurs. La figure 4 montre l’apparition d’une perte sèche.

Figure 4 : L’inefficacité du monopole relativement à la situation concurrentielle : l’apparition d’une perte sèche

Questions :

1. Expliquer ce que représente cette perte sèche.

2. Montrer que la répartition du surplus total entre producteur et consommateur a évolué

 

Exercice 1. L’entreprise Hightechphone

Modéré

L’entreprise Hightechphone présente son nouveau smartphone pour l’année 2020. Comme son modèle est original, elle n’a pas de concurrent proche. Le produit doit être écoulé avant la fin de l’année 2020.

1. Supposons que Higtechphone se comporte en monopole. Représentez graphiquement la situation du marché, en faisant figurer la demande et les coûts marginaux (offre), les surplus du consommateur et du producteur.

2. Supposons maintenant que ce monopole pratique la politique de prix suivante : à la sortie du produit, le prix du produit est 135€ ; en fin d’année, il est de 105€. Représentez les nouveaux surplus du producteur et du consommateur.

3. En analysant ces deux situations, que pouvez-vous déduire des effets de cette politique de prix pour le producteur ? pour le consommateur ? Et globalement, pour la collectivité ?

 

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