« Voyages extraordinaires » avec Thierry Suzan, photographe et grand reporter

Thierry Suzan est grand reporter, photographe, journaliste, écrivain et conférencier. 

Thierry, vous étiez venu nous parler de votre vie de Grand reporter lors des EEE 2019. Vous qui passez plus de 6 mois de l'année aux 4 coins de la planète avec votre appareil photo, comment avez-vous vécu ces deux mois de confinement ?

Dans mon dernier livre Peninsula, un texte retrace l’aventure du navigateur anglais James Weddell et de ses compagnons perdus à bord d’un brigantin dans les parages antarctiques : « Le vent soufflait depuis des jours et pourtant ils manquaient d’air ». Cette scène exprime avec force l’éphémère de la condition mortelle de l’homme et son rapport intime avec l’existence. Le confinement imposé par cette pandémie invisible a ceci de particulier qu’il bouleverse nos vérités et révèle aussi nos fragilités. En ces temps de hasard où chacun tente d’échapper au vide et à la solitude, l’espace cède la place à la pensée. L’imagination nous permet dès lors d’explorer de nouveaux horizons. Le voyage est immobile. La pensée devient résilience. Chaque soir, une clameur déchire le ciel de France rendant hommage aux infirmiers et aux médecins qui se battent pour sauver des vies au péril de la leur. Sur les plateaux de télévision et dans les journaux, les experts soutiennent les entreprises et les salariés face aux risques économiques et aux enjeux sanitaires. Dans les rues, les joggeurs envahissent l’espace public profitant ainsi des quelques libertés restantes. Quid des enfants ? Pendant ces deux mois d’isolement, je n’ai eu de cesse de penser à nos enfants, les vrais héros de cette « guerre » incarnée avec insistance dans le discours du président Macron. Mes pensées vont à tous ces enfants oubliés qui vivent le confinement en silence, dans des conditions sociales souvent inégalitaires et parfois en situation de détresse psychologique.

Dans ce monde « avec » que nous allons vivre pendant un certain temps, vos photos procurent une sensation de bien-être et de sérénité qui nous sont plus que jamais nécessaire pour continuer à avancer, à vivre, à rêver. Comment faites-vous pour éveiller ainsi l'émotion ?

L’homme se doit de protéger la vie et d’aider à sa connaissance. Mon travail photographique s’inscrit pleinement dans cet engagement humaniste, il est avant tout un hymne à la vie. J’ai la conviction que l’art permet de transmettre les plus hauts sentiments de l’humanité et participe également de la compréhension du monde. Si l’art est la nourriture des sens, l’émotion est le parfum de l’âme. À l’heure des menaces sur nos existences, des craintes et des doutes, il apparaît comme une évidence que le rêve et la poésie sont les remparts ultimes contre la désespérance.

En 2019, vous aviez présenté La beauté sauvera le monde lors des Entretiens Enseignants-Entreprises à l’École polytechnique IP Paris. Votre dernier ouvrage, Peninsula, vient d'être publié par le plus exigeant des éditeurs, National Geographic. Quels sont vos projets aujourd'hui ? À quoi rêvez-vous ?

Les Entretiens Enseignants-Entreprises m’ont permis de mieux comprendre les stratégies de développement durable des entreprises et leur implication dans la cause environnementale. Je me trouve ainsi renforcé dans ma volonté d’agir pour la planète et de mieux porter la voix de la protection de l’environnement au cœur des échanges entre l’entreprise et le citoyen. Je souhaite partager davantage les beautés du monde et tous mes émerveillements à venir. Je fais le rêve immense que lorsque nous retrouverons notre vie « d’avant », l’expérience collective du confinement aura contribué à élever l’humanité.