Déviance

Synthèse

 

Déroulé du chapitre :

QUESTION 1 : comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des formes de contrôle social.

QUESTION 2 : comprendre que la déviance et/ou la désignation d'un acte comme déviant se définissent comme une transgression des normes et qu'elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux.

QUESTION 3 : comprendre que la déviance peut s'analyser comme le produit de différents processus sociaux (étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).

QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.

QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.

 

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1) La socialisation permet l'apprentissage des normes

Nous avons précédemment étudié comment la socialisation contibuait à expliquer les différences de comportements des individus; de même, nous avons compris comment se construisaient et évoluaient les liens sociaux. Dans ces deux thèmes, il s'est notamment agi de réfléchir sur les expérimentations sociales opérées par les individus et les groupes en identifiant leurs choix de valeurs et de configurations sociales.

Indissociables d'un ordre de valeurs qui, dans chaque société, oriente les comportements des acteurs et des groupes, les normes sont justement les règles qui régissent les conduites individuelles et collectives.

Organisées en système, elles construisent un mode de régulation sociale étudié par les sociologues tels qu' Emile Durkheim dont nous avons travaillé les conceptions de solidarité mécanique et organique (De la division du travail social 1893

2) Les normes sont variables et relatives

Les normes sont donc des comportements attendus par la société ou un groupe social, définis à un moment donné. L'existence de ces normes implique donc une réponse de la société. Lorsque celles -ci ne sont pas respectées, cette réponse «sanction» est alors négative. Elle peut-être positive si le comportement social est intégré, la société valorisant alors le comportement.

Cette première définition conduit à plusieurs remarques. Premièrement, ces comportements prescrits (ou proscrits) sont donc variables selon le groupe, la société ou encore l'époque étudiés, ce que l 'on peut illustrer par l 'exemple de la manière de se saluer. On ne se dit pas bonjour de la même façon en Inde (mains jointes) ou en France (bises ou poignée de main) ou en période de Corona virus (distanciation physique).

Deuxièmement, ces normes appartiennent à des typologies différentes; on pourra distinguer les normes sociales qui sont les règles informelles, abstraites, propres à un groupe social et dont la transgression appelle des réponses également informelles.Ces normes sont tacitement connues de tous et elles reflètent les valeurs en vigueur. Elles se distinguent des normes juridiques qui, au contraire, renvoient à règles formelles, codifiées , souvent écrites ou qui se réfèrent à un règlement, provenant d'institutions. Ces règles sont généralement impersonnelles. Ainsi, dans notre exemple précédent, on peut dire que le salut indien est une norme sociale et la distanciation sociale est une norme juridique dans la mesure où elle devient une règle imposée aux entreprises par l'Etat (arrêté ministériel du19 mars 2020).

On peut donc aussi différencier les normes sociales des normes juridiques par le type d'acteur chargé d'appliquer la sanction.

Les normes juridiques peuvent résulter de la transcription de normes sociales existantes par exemple le PACS a donné une réalité juridique à un réalité sociale notamment pour les couples homosexuels; mais la transposition de normes sociales en normes juridiques ne va pas toujours de soi et participe aux débats de société. On peut illustrer cet aspect avec les questions relatives à la bioethique par exemple sur le cas de la GPA. Enfin s'il ne s'agit donc pas d'opposer normes sociales et normes juridiques, on peut cependant retenir l'idée que seules les normes juridiques sont capables de prescrire des comportements nouveaux (voir par exemple la loi du 6 juin 2000 sur la parité en politique), alors que les normes sociales sont l'émanation de la société et le reflet du changement social (loi Veil sur l 'IVG en 1975).

3) La transgression des normes et le contrôle social

    Lorsque les normes ne sont pas respectées, on évoque alors des comportements déviants. La déviance désigne ainsi au sens le plus large les comportements non conformes aux normes en vigueur dans un groupe donné. Le contrôle social est alors la réponse (sous forme de gratifications ou de sanctions) du groupe ou de la société à la déviance.

    Le contrôle social a donc pour finalité d'assurer la conformité des comportements aux normes et de façon plus générale de participer et/ou maintenir la cohésion sociale. De la même manière que nous avons distingué les normes sociales des normes juridiques , on pourra également établir deux formes de contrôle social. Le contrôle social formel qui renvoie à un cadre institutionnel et aux normes juridiques et le contrôle social informel qui s'incarne dans les interactions sociales et donc en lien avec les normes sociales. Les sanctions sont elles aussi marquées par cette dichotomie : les sanctions juridiques et officielles pour le contrôle formel et les réactions plus diffuses (approbations/desapprobations) pour le contrôle informel. On peut illustrer ces aspects en évoquant d'une part dans le cadre familial des situations de rappels à l 'ordre lorsque les règles de politesse ne sont pas repectées -contrôle informel des parents ou dans le cadre d'une infraction au code de la route sanctionnée par une amende -contrôle social formel du tribunal de police. Il est possible de présenter un troisième forme de contrôle social interne ou auto-contrôle, qui procède de l 'individu lui même lorsqu'il a totalement intériorisé certaines contraintes; par exemple, en raison de principes comme la liberté d'autrui ou d'éléments de mœurs comme la pudeur, on n'installe pas sa serviette de plage, trop près d'autres vacanciers. Ces trois formes de contrôle social coexistent même si on peut aussi faire état du poid renforcé du contrôle social formel dans les sociétés modernes.

    Notions

    Stabilité et force des liens sociaux dans une société donnée, résultant à la fois du rapport à l’emploi et à la protection sociale (régulation institutionnelle), ainsi que du rapport à la famille et aux autres groupes d’appartenance auxquels l’individu est rattaché (régulation privée).
    Ensemble des mécanismes permettant l’élaboration, la transformation ou la reproduction des normes par les acteurs sociaux.
    Ensemble des moyens par lesquels une société réussit à faire respecter les normes nécessaires à la vie en collectivité.

    Synthèse

    Déroulé du chapitre :

    QUESTION 1 : comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des formes de contrôle social.

    QUESTION 2 : comprendre que la déviance et/ou la désignation d'un acte comme déviant se définissent comme une transgression des normes et qu'elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux.

    QUESTION 3 : comprendre que la déviance peut s'analyser comme le produit de différents processus sociaux (étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).

    QUESTION 4: comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.

    QUESTION 5: comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.

     

    Conforme au programme officiel (BO)

    1. la déviance comme produit de différents processus sociaux

    Comme nous venons de le voir, au delà de la transgression d'une norme, la déviance s'analyse aussi comme le produit de différents processus sociaux; c'est l'axe de recherche privilégié par le courant interactionniste à partir des années 60. En effet les sociologues partisans de ce point de vue estiment qu'il est nécessaire de remettre en question l'hypothèse d'uniformité des normes et des valeurs au sein d'une société. Dès lors, la déviance s'explique bien par l'interaction sociale et notamment par le fait qu'un groupe peut faire prévaloir son système de normes et de valeurs et ainsi désigner comme déviants tous ceux qui ne s'y conforment pas.

    Ce constat fait donc bien de la déviance un concept relatif qui doit d'être expliqué par l'étude et la compréhension des trajectoires sociales.

     

    1. la déviance comme résultat de l 'étiquetage

    Howard Becker en 1963 propose dans son essai Outsiders une étude qui fait référence dans le renouveau de l 'analyse de la déviance. Sa théorie de l 'étiquetage permet de comprendre le processus de déviance au travers de trois étapes spécifiques.

    La première étape est celle de la transgression d'une norme; ce moment ne constitue pas fondamentalement la déviance car Becker explique que l 'acte peut-être «secrètement» déviant (transgressant mais non perçu comme tel) ou «pleinement» déviant ou encore «accusé à tort» (obéissant à la norme mais jugé comme déviant) selon la perception sociale de l'acte par la société.

    Ainsi la déviance est bien le résultat de «l 'étiquette» (ici négative) apposée à un individu par le groupe qui a su imposer son système de normes «les entrepreneurs de morale». Il s'agit ici de la deuxième étape constitutive de la déviance: un déviant est donc: «celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès» selon les termes de Becker.

    Enfin, la troisième étape est constituée par l'entrée dans «la carrière déviante»; l'individu intègre alors un groupe socialement organisé qui attribue à ses membres une légitimité et un sentiment d'appartenance à ce groupe et qui suppose des apprentissages et des phases socialisantes. Ainsi, Becker qui a déjà montré que la déviance n'est pas liée à une prédisposition ou une intention de trangresser prolonge le raisonnement en ajoutant l 'idée d'apprentissage où l'individu après avoir été socialement étiqueté entre dans une sorte de mécanisme autoréalisateur. La dernière dimension de cette carrière est donc une transformation identitaire des personnes étiquetées qui se reconnaissent désormais dans une sous-culture déviante, même s' il faut bien comprendre que cette carrière n'a rien d'automatique.

     

    1. la déviance comme résultat de la stigmatisation

    Avec son essai Stigmate (1975), Erving Goffman insère une nouvelle perspective dans l'analyse interactionniste de la déviance; partant de l 'étymologie grecque du terme-le stygma étant la marque physique d'infamie- le sociologue propose une définition de la déviance encore plus spécifique. En effet, il énonce le fait que l 'identité d'un individu est à la fois sociale, c'est à dire composée des attendus de la société en fonction du statut et des rôles de l 'individu et réelle c'est à dire composée de ses attributs effectifs ; partant de ce principe Goffman explique que parfois l'identité sociale est disjointe de l'identité réelle. Ce décalage peut constituer un stigmate et entrainer un discrédit. Ces stigmates peuvent être de natures différentes: physiques, psychologiques, culturelles etc , et aboutissent à des sanctions sociales et/ou juridiques qui peuvent entrainer les individus dans des carrières déviantes, mais là encore il n'y a pas d'automatisme et la plupart du temps les individus tentent de contrecarrer ces stigmatisations et cherchent à masquer ces caractéristiques «non conformes».

    Notions

    Mécanisme mis en évidence par le sociologue Howard Becker par lequel des individus ou des groupes sont publiquement désignés comme déviants par un groupe dominant ou une institution qui leur reproche d’avoir enfreint la norme.
    Attribution à un individu ou à un groupe social d’une identité sociale dévalorisante en raison de caractéristiques physiques ou sociales jugées négativement par la majorité de la collectivité.
    Personnes qui ont pour fonction de définir la norme qui repère un acte comme déviant, et qui font également appliquer cette norme.
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