Vers le second tour des élections municipales : une « relocalisation » des enjeux politiques ?

Selon le politiste Pascal Perrineau, « les français ont deux patries : la nation et la commune ». La sortie du confinement s’accompagne d’une plus grande liberté de circulation et d’un redémarrage progressif des activités économiques, mais la vie démocratique reprend également son cours. Les débats politiques portent aujourd’hui sur l’enjeu des élections municipales, et la tenue prochaine du second tour de ce scrutin comme moment fort de la vie politique locale. Un décret est paru au Journal officiel du jeudi 28 mai : « Les électeurs sont convoqués le dimanche 28 juin 2020 en vue de procéder au second tour du renouvellement des conseils municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, dont le premier tour a eu lieu le 15 mars 2020. »  En raison de la crise sanitaire, et de manière inédite, près de trois mois et demi sépareront donc les deux tours de ces élections municipales, alors même que le premier tour avait été organisé juste avant le confinement et dans des conditions particulières. Le 15 mars dernier, sur les quelque 46 millions d’électeurs inscrits, 20,5 millions de françaises et de français se sont rendu aux urnes, avec un taux de participation de 44,6 %, soit une faible mobilisation. Puis le lendemain, le chef de l’Etat, dans une allocution télévisée, avait annoncé une limitation stricte des déplacements et le report du second tour des élections municipales. Le second tour a donc été fixé au 28 juin.

Quelles sont les conditions prévues par la législation pour l’organisation de ce second tour ?

  • Pour pouvoir voter lors des élections municipales, un électeur doit avoir au moins 18 ans ; être de nationalité française ou d'un pays membre de l'Union européenne ; être inscrit sur les listes électorales ; jouir de ses droits civils ou politiques.

 

  • Pour être éligible en qualité de conseiller municipal cinq conditions doivent être réunies : être français ou ressortissant de l’Union européenne ; avoir 18 ans révolus au jour du scrutin ; avoir satisfait aux obligations militaires ; être électeur de la commune ou inscrit au rôle des contributions directes de la commune ou justifier devoir y être inscrit au 1er janvier 2020 (candidats "extra-communaux") ; être candidat dans une seule circonscription électorale.

Il est important de noter que dans les communes de 1 000 habitants et plus, les listes doivent être constituées d’autant de femmes que d’hommes. Cette règle ne s’applique toutefois pas aux communes de moins de 1 000 habitants.

Les conseillers communautaires sont élus en même temps que les conseillers municipaux. Les conseillers communautaires sont les représentants des communes au sein des organes délibérants des groupements intercommunaux dont elles sont membres (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes). Le nombre et la répartition des sièges du conseil communautaire est déterminé par les communes.

Quel est le mode de scrutin retenu pour ces élections municipales ? Il dépend de la taille des communes (voir sur les modes de scrutin le chapitre de SES en seconde « comment s’organise la vie politique ? »)

  • Dans les communes de plus de 1000 habitants, c’est le scrutin de liste qui s’applique. Le scrutin est donc proportionnel, de liste, à deux tours avec prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête. Au premier tour, la liste qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés reçoit un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés, en fonction du nombre de suffrage obtenus. Lors de l’éventuel second tour, seules les listes ayant obtenu au premier tour au moins 10% des suffrages exprimés sont autorisées à se maintenir. Elles peuvent connaître des modifications, notamment par fusion avec d’autres listes pouvant se maintenir ou fusionner. En effet, les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés peuvent fusionner avec une liste ayant obtenu plus de 10%. La répartition des sièges se fait alors comme lors du premier tour. Dans les trois villes les plus peuplées, l’élection se fait par secteurs constitués chacun d’un arrondissement à Paris et à Lyon, et de deux à Marseille.
  • Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est majoritaire, plurinominal, à deux tours. Obtiennent alors un siège au conseil municipal au premier tour les candidats qui ont obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et qui ont recueilli au moins un quart des voix des électeurs inscrits. Pour les sièges restant à pourvoir, un second tour est organisé : l’élection a lieu à la majorité relative, quel que soit le nombre de votants. Les candidats obtenant le plus grand nombre de voix sont élus. Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, c'est le plus âgé qui est élu.

Dans tous les cas, le maire et ses adjoints sont ensuite élus par le Conseil municipal.

Ces élections sont un moment très important de la vie démocratique, et les Français sont souvent très attachés aux enjeux concrets et aux projets proposés dans leur commune. Lors de la dernière crise sociale liée au mouvement des « gilets jaunes », les maires ont joué un rôle de tout premier plan, dans le cadre de la tenue du « Grand débat national », pour exprimer et relayer les avis des Français. Les différentes enquêtes d’opinion, notamment sur la confiance dans les institutions, montrent d’ailleurs que le maire, en tant qu’élu de proximité, est une personnalité appréciée.

Il faut préciser que dans plus de 30 000 communes, l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour des élections municipales a récemment ouvert la voie à l’élection des maires et de leurs adjoints.

Les enjeux de ces élections municipales 2020, et du second tour, pour la vie politique française, sont multiples :

  • Le taux de participation sera un indicateur particulièrement commenté dans la mesure où le scrutin se déroulera dans un contexte sanitaire toujours difficile, et où des mesures particulières ont été prises pour tenir compte du fait que le virus continue de circuler sur le territoire.
  • L’articulation entre le national et le local : si le scrutin municipal constitue toujours une forme de test intermédiaire pour la majorité présidentielle, et s’il est toujours interprété par les politistes et les médias comme un signal envoyé au Président, les enjeux sont aussi, et surtout, liés à la problématique des territoires et à l’équation personnelle des candidats, et à la mise en place d’une nouvelle équipe sur la base d’un projet pour la ville, ou la reconduction d’une équipe en place. Le premier tour a d’ailleurs montré la réélection de nombreuses équipes installées. De nombreuses personnalités politiques de premier plan ont d’ailleurs été maires de leur commune, avant de connaître des responsabilités nationales (voir le chapitre de spécialité SES en première « Voter : une affaire individuelle ou collective ? »)
  • La vie des partis politiques et les forces politiques en présence : les commentateurs évalueront les résultats des différents partis pour tenter de décrypter la physionomie du paysage politique français avant les prochaines échéances ;  LREM, un jeune parti dans le paysage politique français, qui ne dispose de candidats que dans une commune sur deux, et après des résultats relativement décevants au premier tour, verra ses résultats du second tour interprétés soit comme un redressement par rapport au premier tour, soit comme un vote sanction de la majorité présidentielle ; de nombreux experts évoquent aussi le regain possible (ou la confirmation du déclin) de partis traditionnels comme LR et PS, qui disposent historiquement d’un fort ancrage local, voire de bastions dans certaines villes ; ce scrutin peut être pour le Rassemblement national (RN) de Marine le Pen l’occasion d’accélérer l’ancrage local de son parti dans les différents territoires. Enfin, la poussée des forces écologistes, notable au premier tour et déjà perceptible lors des élections européennes, sera à confirmer.

C’est la raison pour laquelle ces élections locales, avec leurs implications nationales, sont toujours un moment important pour la vie démocratique du pays.

Elections municipales
Source : Enquête électorale française, Science Po CEVIPOF, mars 2020.

 

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