Inégalités et stratégies de développement - Dossier documentaire

Sommaire

Document 1 : Tiers-Monde

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Robert Zoellick [...] soutient lui aussi la thèse de « la fin du Tiers Monde » : « Si 1989 a représenté, avec la chute du communisme, la fin du “Deuxième Monde”, alors 2009 marque la fin de ce qu’on appelait le “Tiers Monde” : nous vivons désormais dans une économie mondiale nouvelle, multipolaire et en évolution rapide, où certains pays en développement sont en train de se faire une place de grande puissance économique ; où d’autres ne tarderont pas à devenir des pôles de croissance secondaires ; où d’autres encore luttent pour réaliser leur potentiel au sein du nouveau système. Un système où Nord et Sud, Est et Ouest ont cessé de désigner des destins économiques pour redevenir des points sur la boussole ». Si le Tiers Monde était défini par la pauvreté, la faiblesse et la marginalisation politique, en effet quelque chose a changé. « Le trait marquant du Tiers Monde était le manque de poids économique et de poids politique. Il est en train d’acquérir l’un et l’autre » C’est sur cet argument que se fondent les appels adressés aux grands pays émergents pour qu’ils renoncent à revendiquer un traitement privilégié : en matière commerciale, ils doivent « passer de classe », autrement dit sortir de la catégorie des pays en développement ; sur le changement climatique, ils ne doivent plus s’abriter derrière le principe de « responsabilité commune mais différenciée » énoncé au protocole de Kyoto ; sur les droits de l’homme, ils doivent cesser de justifier leur immobilisme par une conception tiers-mondiste complètement dépassée de la souveraineté. En somme, ils ne doivent plus se servir du sous-développement, de la pauvreté, du passé colonial ou de la marginalité historique comme « excuses » pour échapper à leurs « responsabilités » de puissances émergentes majeures

Source : Andrew Hurell, « Récits d'émergence : la fin du Tiers Monde ? », Critique internationale, 2012

 

Questions :

1) Qu’appelle-t-on le « Tiers Monde » ? 

2) Quelle différence peut-on faire entre le « Tiers Monde » et les « pays émergents » ?

3) Comment Robert Zoellick justifie-t-il la thèse d’une « disparition » du Tiers-Monde ?

4) Quelles en seraient les conséquences ?

 

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1) Qu’appelle-t-on le « Tiers Monde » ? 

L’appellation « Tiers Monde » a été forgée dans les années 1950 par Alfred Sauvy, pour désigner les pays n’appartenant ni au « bloc » occidental, ni au « bloc » soviétique et qui étaient comme laissés pour compte dans le processus de développement économique de l’après seconde guerre mondiale. Cette appellation, à visée politique, renvoyait aussi à la revendication d’un modèle spécifique de développement.

2) Quelle différence peut-on faire entre le « Tiers Monde » et les « pays émergents » ?

Les « pays émergents » sont des pays de grande taille qui connaissent une forte croissance économique et tendent à occuper une place importante dans le commerce internationale. On regroupe sous cette appellation les pays que l’on qualifie parfois de BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.

3) Comment Robert Zoellick justifie-t-il la thèse d’une « disparition » du Tiers-Monde ?

La disparition du « Tiers Monde » démarre avec la chute du bloc soviétique : il n’est plus tellement question de parler d’une troisième voie de développement. De plus, avec la crise de 2008, le rattrapage par les pays émergents des pays les plus riches s’est accéléré. Certains de ces pays tendent à occuper une place centrale dans l’économie mondiale (en particulier la Chine).

4) Quelles en seraient les conséquences ?

La première conséquence serait l’avènement d’un monde « multipolaire ». Par ailleurs, les pays émergents ne pourraient plus être considérés comme des « pays en développement », avec toutes les spécificités accordées à ces pays. Par exemple, ils ne pourraient plus revendiquer des avantages spécifiques en termes de commerce international ou par rapport aux droits humains.

Document 2 : RNB par habitant

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Pays qui changent de catégories dans la classification de la Banque mondiale selon le RNB par habitant, entre 2017 et 2018

Source / 

Questions :

5) Comment a évolué le RNB par habitant du Sénégal entre 2017 et 2018 ? Quelle en est la conséquence sur son classement selon la Banque Mondiale ?

6) Mêmes questions pour l’Argentine.

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5) Comment a évolué le RNB par habitant du Sénégal entre 2017 et 2018 ? Quelle en est la conséquence sur son classement selon la Banque Mondiale ?

Le RNB par habitant du Sénégal est passé de 950 à 1410 entre 2017 et 2018, soit un taux de croissance de plus de 48 %. Cette hausse importante conduit à ce que le Sénégal quitte la catégorie des pays à faible niveau de développement pour celle des pays intermédiaires (dans la tranche basse).

6) Mêmes questions pour l’Argentine.

Le RNB par habitant de l’Argentine a diminué : il est passé de 13 040 à 12 370 dollars, ce qui représente une baisse de 5 %. Cette baisse suffit à faire passer l’Argentine de la catégorie des pays à développement élevé à celle des pays à développement intermédiaire (supérieur). Elle devait sans doute être tout proche de cette catégorie. Le document montre ainsi que des modifications relativement peu importantes du RNB par habitant peuvent conduire à des changements de catégorie, ce qui invite à relativiser ces catégories : la situation en Argentine a sans doute été modifiée, mais pas en profondeur pour la population et son niveau de développement.

Document 3 : Evolution du taux d'extrême pauvreté par région

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Questions :

7)  Comment a évolué l’extrême-pauvreté depuis 1990 dans les différentes régions du monde ?

8) Dans quelle région l’extrême-pauvreté augmente-t-elle en fin de période ? Comment peut-on l’expliquer ?

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7)  Comment a évolué l’extrême-pauvreté depuis 1990 dans les différentes régions du monde ?

Dans toutes les régions présentées dans ce document, l’extrême-pauvreté a diminué entre les années 1990 et la fin des années 2010. Dans la plupart d’entre elles, la baisse est régulière. Par exemple, en Afrique subsaharienne, cette extrême-pauvreté augmente jusqu’en 1995, où elle atteint plus de 60 % de la population, puis elle baisse régulièrement pour atteindre environ 45 % en 2018. La baisse est encore plus impressionnante en Asie de l’Est et Pacifique puisque l’extrême-pauvreté y touchait plus de 60 % de la population en 1990, et ne concerne plus qu’environ 5 % de cette même population en 2018. Même si les données sont fragmentaires, on peut aussi constater une forte baisse en Asie du Sud. Dans les autres régions, la baisse est moins impressionnante, notamment car l’extrême-pauvreté était moins forte au départ. Au milieu des années 2010, on peut constater que l’extrême-pauvreté touche une part plus importante de la population en Amérique latine et Caraïbes qu’en Asie ou en Europe.

8) Dans quelle région l’extrême-pauvreté augmente-t-elle en fin de période ? Comment peut-on l’expliquer ?

Le taux d’extrême-pauvreté remonte de façon assez importante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord entre 2014 et 2018. Cela peut sans doute s’expliquer par l’existence de guerres dans certains de ces pays (Syrie, Irak par exemple) qui dégradent fortement les conditions de vie de la population et plongent une plus grande partie de cette population dans l’extrême-pauvreté. On retrouve l’idée selon laquelle les guerres marquent un recul dans le développement des pays.

Document 4 : IDH

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Mahbub [ul-Haq] et moi étions d’accord la plupart du temps et, lorsque ce n’était pas le cas, nous parvenions toujours à trouver un terrain d’entente. Un des sujets sur lesquels nous n’étions pas  d’accord au départ était la pertinence d’élaborer un indice agrégé comme expression globale du « développement  humain », en plus de tous les instruments de mesure utilisés pour en représenter les divers aspects. La vie humaine a tellement de facettes différentes qu’il me semblait peu plausible d’espérer obtenir un chiffre unique qui les reflèterait toutes, intégrées comme par magie.
Je défendais l’idée qu’un ensemble de chiffres et de descriptions serait plus  efficace qu’un indice global représenté par un seul chiffre. « Mais enfin, tu vois  bien que ce chiffre unique imaginaire ne  peut que rendre compte de façon triviale  d’un si grand nombre d’aspects de la vie  simultanément ! », m’entends‑je encore  lui dire. À ceci Mahbub répondait que  ce serait en effet trivial, mais que nous  ne trouverions jamais une alternative  au PIB susceptible d’ être largement  utilisée si elle n’était pas aussi simple – et  triviale – que le PIB lui‑même. « Les gens  reconnaîtront la pertinence et l’excellence  de tes multiples composantes, mais dès  qu’il s’agira de les utiliser, ils délaisseront  ton monde compliqué pour choisir la
simplicité du PIB », insistait‑il. D’après lui, la meilleure stratégie  consistait à contrer le PIB avec un autre  chiffre unique – celui du développement  humain – qui, s’il n’était pas moins trivial  que le PIB, contiendrait davantage  d’informations pertinentes. […]

L’IDH simple n’a  jamais prétendu représenter tout ce que  nous souhaitions capter dans ce système  d’indicateurs, mais il a beaucoup plus à  dire que le PIB sur la qualité de vie. Il ouvre  la porte à une réflexion sur des choses  plus importantes pour la vie humaine que la seule valeur marchande des produits  de base achetés ou vendus. Il est tout  à fait possible de combiner sous une forme agrégée les effets d’une plus faible mortalité, d’une meilleure santé, d’un niveau d’éducation plus élevé et d’autres préoccupations humaines élémentaires –  et c’est justement ce que fait l’IDH. 

Source : Amartya Sen, « Le développement humain et Mahbub ul Haq », Rapport sur le développement humain 2020, PNUD, 2021

 

Questions :

9)  Quelles sont les dimensions prises en compte dans l’IDH qui en font un indicateur sur la « qualité de vie » ?

10)  Quel est l’atout de l’IDH par rapport à « un ensemble de chiffres et de descriptions » ?

 

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9)  Quelles sont les dimensions prises en compte dans l’IDH qui en font un indicateur sur la « qualité de vie » ?

L’IDH est un indicateur plus qualitatif que le PIB car il ne se contente pas de mesurer le revenu, la richesse économique. Il prend également en compte la « qualité de la vie » à travers la santé et l’éducation.

10)  Quel est l’atout de l’IDH par rapport à « un ensemble de chiffres et de descriptions » ?

Dans cet extrait, Amartya Sen, l’un des créateurs de l’IDH raconte avoir préféré, au début, décrire le développement par une batterie d’indicateurs et de schémas explicatifs, mais avoir été convaincus par l’argumentaire de son collègue et ami Mahbub ul Haq selon lequel il fallait construire un indicateur synthétique du développement. Un tel indicateur a l’avantage de la simplicité et de la lisibilité. Il permet par exemple d’établir des classements qui se présentent, en quelque sorte comme des produits d’appel invitant à creuser la question du développement humain sous tous ses aspects.

Document 5 : Valeur de l'indice de développement humain

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Document 6 : Evolution du classement selon l'indice de développement humain

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Questions  (documents 5 et 6)

11)  Comment a évolué l’IDH au niveau mondial entre 1990 et 2017, de façon globale ?

12)  Commentez l’évolution de l’IDH pour l’Afrique subsaharienne

13)  Comment les guerres peuvent-elles affecter les trois dimensions de l’IDH ?

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11)  Comment a évolué l’IDH au niveau mondial entre 1990 et 2017, de façon globale ?

On peut constater une hausse globale de l’IDH entre 1990 et 2017. L’IDH moyen du monde augmente d’ailleurs de façon régulière sur la période considérée et passe d’environ 0,6 à plus de 0,7. Selon la classification faite par le Pnud, cela signifie le passage d’un développement moyen à un développement élevé. Toutes les régions du monde sont concernées par cette hausse de l’IDH, qui est la plus forte pour l’Asie du Sud, et la moins élevée pour les pays de l’Ocde (qui démarraient avec un IDH déjà très élevé). Ces données laissent donc apparaître une certaine forme de convergence.

12)  Commentez l’évolution de l’IDH pour l’Afrique subsaharienne

L’Afrique subsaharienne est la région où l’IDH est le plus faible sur l’ensemble de la période, elle est aussi la seule à toujours rester sous la barre des 0,55, seuil du développement « moyen ». La décennie allant de 1990 à 2000 est marquée par une stagnation de l’IDH en Afrique subsaharienne. Cet IDH augmente ensuite très rapidement jusqu’à 2008. Il continue ensuite à augmenter, mais à un rythme moins soutenu.

13)  Comment les guerres peuvent-elles affecter les trois dimensions de l’IDH ?

Les guerres affectent négativement le développement des pays, ce qui peut se retrouver dans les trois dimensions de l’IDH.

Du point de vue du revenu, une guerre signifie un ralentissement de l’activité économique et une moindre mobilisation de la main-d'oeuvre (soit engagée dans les combats, soit contrainte à l’exil). Une guerre entraîne aussi une destruction de capital et nuit à la croissance économique sur le long terme.

Elles réduisent aussi l’espérance de vie, que ce soit par les décès causés directement par les conflits, ou par la destruction des infrastructures de santé, voire par l’exil du personnel médical qualifié.

De la même manière, elles réduisent le niveau d’éducation : les écoles ferment et laissent de côté une partie de la jeunesse, qui n’accroît pas son capital humain, elles sont parfois détruites et le personnel enseignant, lui aussi, est parfois contraint à l’exil.

Document 7 : Rapport sur le développement humain

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Question :

14)  Les inégalités entre les hommes et les femmes tendent-elles à être les plus fortes dans les pays à haut niveau de développement ou à faible niveau de développement ?

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14)  Les inégalités entre les hommes et les femmes tendent-elles à être les plus fortes dans les pays à haut niveau de développement ou à faible niveau de développement ?

On observe une certaine forme de corrélation négative entre le niveau de développement et les inégalités de genre. L’IDG tend à décroître au fur et à mesure que l’on descend dans le classement des pays selon leur IDH, ce qui signifie que l’écart entre l’IDH des hommes et celui des femmes tend à devenir de plus en plus significatif (en défaveur des femmes). La relation entre faible niveau de développement et inégalités de genre est circulaire : c’est le faible niveau de développement qui explique que les avancées soient faibles pour les femmes (par exemple car il n’y a pas d’institutions luttant contre l’inégalité de genre) et l’inégalité de genre, à son tour, entrave les possibilités de développement (par exemple, en limitant l’accès à l’éducation aux femmes).

Document 8 :Change in Real income from 1988 to 2008

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Questions :

15)  Quels sont les centiles de la population mondiale qui ont connu la croissance la plus élevée de leur revenu entre 1988 et 2008 ?

16)  Quels sont ceux qui ont connu une baisse de leur revenu réel ?

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15)  Quels sont les centiles de la population mondiale qui ont connu la croissance la plus élevée de leur revenu entre 1988 et 2008 ?

C’est d’abord le 50é centile (donc les personnes situées au niveau médian des revenus) qui a connu la plus forte hausse de son revenu, avec une augmentation de 80 % entre 1988 et 2008. Viennent ensuite les centiles entre 15 et 45 et entre 55 et 65 qui ont tous connu une augmentation supérieure à 60 %. C’est aussi le cas du centile le plus élevé (le top 1 % des revenus).

16)  Quels sont ceux qui ont connu une baisse de leur revenu réel ?

Les personnes ayant les revenus les plus bas ont vu leurs revenus diminuer légèrement sur la période considérée : les plus pauvres se sont appauvris. C’est le cas aussi des centiles 80 et 85. C’est d’ailleurs un des messages forts que tire Branko Milanovic de cette « courbe de l’éléphant » : les individus appartenant aux classes moyennes des pays les plus riches ont vu leur situation se dégrader relativement par rapport à ceux des classes moyennes et favorisées des pays émergents.

Document 9 : Coefficient de Gini du revenu par habitant

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Questions :

17)  Les inégalités sont-elles plus fortes en milieu rural ou urbain selon ce document ?

18)  Quelle relation entre développement et inégalités ces données semblent-elles faire apparaître ?

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17)  Les inégalités sont-elles plus fortes en milieu rural ou urbain selon ce document ?

Hormis pour la Chine, à la fin des années 2000, le coefficient de Gini est plus élevé en zone urbaine qu’en zone rurale, ce qui signifie que les inégalités sont plus importantes. L’écart est particulièrement élevé en Afrique du Sud et en Inde et il semble s’être creusé entre le début des années 90 et la fin des années 2000. En Chine, les inégalités sont comparables en zone rurale et en zone urbaine, elles étaient plus fortes en zone rurale qu’en zone urbaine au début des années 90.

18)  Quelle relation entre développement et inégalités ces données semblent-elles faire apparaître ?

Sauf pour la Chine, les inégalités ont augmenté en zone urbaine entre le début des années 90 et la fin des années 2000 pour les pays émergents étudiés dans ce graphique. Le développement de ces pays, qui se déroule principalement dans ces zones urbaines semble donc avoir augmenté les inégalités, ce qui irait dans le sens de la première phase de la courbe de Kuznets. Pour la Chine, on a une relation différente qui pourrait s’expliquer par le fait qu’elle se situe sur la phase décroissante de la courbe de Kuznets, en étant le plus « en avance » des pays du document. Cependant, en termes d’IDH, la Chine est très proche du Brésil et on peut se demander si les inégalités relativement faibles observées en Chine ne tiennent pas davantage au modèle spécifique de développement emprunté par ce pays.

Document 10 : Indice de Palma dans différents pays de l'OCDE

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Questions :

19)  Comparez les données de la France et de la Grande-Bretagne en 2018.

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19)  Comparez les données de la France et de la Grande-Bretagne en 2018.

En Grande-Bretagne, l’indice de Palma est de plus de 1,5, ça signifie que les 10 % les plus dotés en revenu ont en tout 1,5 fois plus de revenus que les 40 % les moins dotés. L’inégalité de revenus, mesurée de cette façon, est plus élevée qu’en France, où les 10 % ayant les revenus les plus élevés ont environ 1,1 fois le revenu total des 40 % les moins riches. Dans les deux pays, l’inégalité avait baissé entre 2015 et 2016, elle a augmenté entre 2017 et 2018.

Document 11 : Les déterminants du revenu

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Questions :

20)  Expliquez et illustrez les interactions entre institutions et  revenus.

21)  Même question pour le lien entre institutions et intégration commerciale (intégration dans le commerce international).

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20)  Expliquez et illustrez les interactions entre institutions et  revenus.

Les institutions peuvent permettre une croissance du revenu. Les droits de propriété, par exemple, stimulent l’innovation, qui peut être favorable à la croissance. L’État de droit permet aussi une plus forte croissance des revenus. Le droit du travail, bien respecté, permet une plus grande efficience du travail dans l’entreprise. En retour, la hausse du revenu, qui conduit à l’enrichissement des ménages et des entreprises crée une demande pour des institutions de qualité. Par exemple, les ménages qui deviennent propriétaires de leur propre logement demandent une protection de cette propriété par le droit.

21)  Même question pour le lien entre institutions et intégration commerciale (intégration dans le commerce international).

Des institutions de qualité permettent au pays d’être efficace dans la production et de s’insérer dans les échanges mondiaux. Par exemple, les entreprises innovatrices ont la capacité de proposer des produits demandés dans d’autres pays. En retour, l’ouverture aux échanges étrangers incite à mettre en place des institutions de qualité, permettant d’attirer les investisseurs étrangers par exemple.

Document 12 : Capabilités

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Partant de l’idée que tous les êtres humains sont égaux en dignité et en valeur, en vertu de leur capacité fondamentale à faire des choix moraux et à raisonner, Martha Nussbaum attire notre attention sur le problème des inégalités politiques, économiques et sociales qui empêchent des millions de femmes (et d’hommes) d’exercer leurs capabilités humaines fondamentales. Celles-ci, nous dit-elle, « ont un droit moral d’être développées. Les êtres humains sont des créatures telles que s’ils bénéficient de l’éducation et des conditions matérielles adéquates, ils deviennent pleinement capables des fonctions humaines majeures » (Sex and Social Justice , p. 43). La justice exige que tous les êtres humains, quels que soient leur sexe ou leur sexualité, leur race, leur classe ou leur religion, puissent développer ces capabilités essentielles de fonctionnement, s’ils en font le choix. Les capabilités sont conçues alors comme droits humains, droits qui constituent la fondation morale d’une élaboration de principes politiques qui peuvent être traduits par la suite en garanties constitutionnelles.

La liste des capabilités, qui comprend la vie, la santé et l’intégrité physiques, les émotions et le contrôle sur son environnement (politique et matériel), se présente sous forme de droits humains, droits qui constituent la fondation morale de l’élaboration des principes politiques qui peuvent être traduits (par la suite) en garanties constitutionnelles. Cette liste de capabilités est de toute évidence traversée par la question de l’inégalité de genre. Car les très grandes inégalités socio-économiques qui placent les femmes en situation d’inégalité et de dépendance vis-à-vis des hommes presque partout dans le monde actuel, loin de seulement masquer leurs potentialités (comme l’a signalé John Stuart Mill), déforment et diminuent les aspirations et les désirs qu’elles nourrissent pour elles-mêmes. Habituées tout au long de leur vie à un statut inférieur, marqué de surcroît au coin d’un destin hérité, les femmes « adaptent » leurs préférences et leurs désirs pour qu’ils concordent avec le peu qu’elles peuvent espérer posséder ou réaliser. Et c’est évidemment une base très insuffisante pour exercer librement sa raison pratique dans la définition de sa propre vie !

Source : « Martha Nussbaum. Justice et développement humain », Travail, genre et sociétés, 2007/ présentation des travaux de Martha Nussbaum par Laura Lee Downs

Questions :

22)  Comment l’approche par les capabilités permet-elle de saisir les inégalités de développement ?

23)  Pourquoi les capabilités des femmes risquent-elles souvent d’être plus limitées que celles des hommes ?

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22)  Comment l’approche par les capabilités permet-elle de saisir les inégalités de développement ?

L’approche par les capabilités permet d’étudier le développement en allant au-delà de la seule dimension économique. En prenant en compte les difficultés voire impossibilités que rencontrent les individus à s’épanouir et à prendre des choix, cette approche permet de comprendre que le développement passe par des amélioration qualitatives dans le domaine de la santé, de l’éducation, politique… Le « sous-développement » est alors la situation d’un pays dans lequel la plupart des individus sont obligés de réduire leurs préférences ou leurs désirs pour les « ajuster » à leur situation (voir fin du texte).

23)  Pourquoi les capabilités des femmes risquent-elles souvent d’être plus limitées que celles des hommes ?

Dans de très nombreux pays, les femmes ont moins accès que les hommes aux ressources, institutions, organisations qui permettent de s’accomplir en tant qu’individu. Elles subissent des inégalités en termes de revenu, d’éducation et de santé.

Document 13 : Inde

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Jusqu’à la fin des années 1970 [en Inde], ce capitalisme d’État s’affirme et s’exprime sur bien des plans : industrialisation et planification quinquennale du développement, barrières aux importations et aux capitaux étrangers, nationalisations de certaines branches d’activité comme la banque, production sous licences et contingentements dans d’autres domaines (agroalimentaire, textile...) afin de multiplier, à côté de quelques poids lourds industriels, petites industries et petits commerces générateurs d’emplois.
Dans la première sous-période que nous distinguons ici s’institutionnalise le fameux « taux de croissance hindou » de 3,5 %. L’effort d’investissement est  porté sur l’industrie, ce qui conduit la croissance agricole à décliner (+1,8 % par  an en moyenne, –11 % en 1965 aggravé  par une sécheresse) et son écart avec le reste de l’économie à augmenter alors que la population croit annuellement de +2 %. Après le Ier plan quinquennal d’avril  1951 à mars 1956 (1951-1955), plan d’inspiration keynésienne attaché à consolider les efforts de réorganisation entrepris depuis l’Indépendance (rare plan qui atteindra ses objectifs), les deux plans qui succèdent misent en effet sur l’industrie lourde pour permettre, d’une part une rapide substitution des importations, d’autre part l’indépendance.

Source : Claire Aubron et Bruno Dorin, « Croissance et revenu du travail agricole en Inde. Une économie politique de la divergence (1950-2014) », Économie rurale, 2016

Questions :

24) En quoi peut-on rapprocher la stratégie suivie par l’Inde dans les années 1950 de celle des « industries industrialisantes » ?

25) Que signifie la « substitution des importations » ? Comment l’Inde a-t-elle cherché à mettre en place cette substitution ?

 

 

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24) En quoi peut-on rapprocher la stratégie suivie par l’Inde dans les années 1950 de celle des « industries industrialisantes » ?

L’Inde cherche à se développer par une stratégie d’industrialisation, c’est-à-dire par le développement d’un secteur industriel national. Celui-ci est supposé se développer non seulement sous l’impulsion de grandes entreprises, mais aussi par la création d’un secteur industriel avec de petites entreprises en lien avec les plus grandes. C’est donc le développement de certaines industries qui doit impulser celui d’autres industries, ce qui se rapproche des « industries industrialisantes ».

25) Que signifie la « substitution des importations » ? Comment l’Inde a-t-elle cherché à mettre en place cette substitution ?

La stratégie de substitution des importations correspond à la volonté de produire par soi-même les produits qui étaient jusque-là importés. L’État joue un rôle important dans cette stratégie. L’industrialisation est planifiée, elle est financée par des banques qui ont été nationalisées (ce qui s’est fait aussi dans le cadre de l’indépendance du pays), et avec une politique protectionniste.

Document 14 : Les pays asiatiques

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L’économiste japonais Kaname Akamatsu décrit ainsi le modèle de propagation du développement en Asie, dans lequel les nouvelles techniques se diffusent rapidement aux pays en voie d’industrialisation qui se placent dans le sillage des plus avancés pour les rattraper progressivement. Le pays de tête, en l’occurrence le Japon, a donc entraîné les dragons asiatiques, puis les tigres. À bien des égards, l’émergence de la Chine puis celle du Viêtnam s’inscrivent dans ce schéma.

Le Japon dès les années 1970, et les premiers nouveaux pays industriels (dragons) dans les années 1980, ont progressivement abandonné les industries traditionnelles intensives en travail (textile) pour se spécialiser dans des secteurs technologiquement plus avancés. La hausse des salaires jointe à la réévaluation des monnaies asiatiques (après l’accord du Plaza en 1985) a poussé leurs entreprises à transférer massivement les productions à faible valeur ajoutée dans les pays industrialisés de la deuxième génération (tigres) et vers la Chine, en y trouvant des sous-traitants ou en y implantant des filiales. Ces nouveaux venus ont développé leurs industries traditionnelles puis se sont spécialisés dans le secteur des nouvelles technologies, les tigres dès les années 1980 et la Chine dans les années 1990.

Le schéma en vol d’oies sauvages explique la grande interdépendance qui existe en Asie entre économies émergentes et économies émergées. Les deux sont liées par de fortes complémentarités intersectorielles, des flux de commerce et d’investissement et des transferts de technologie. Le schéma suppose aussi une hiérarchie entre les économies les plus avancées, qui doivent renouveler leurs avantages comparatifs et innover pour maintenir leur leadership, et les autres. Or le processus de globalisation qui s’est accéléré dans les années 1990 a donné un nouveau tour à la dynamique asiatique. Une division plus fine du travail s’est mise en place, approfondissant les interdépendances, accélérant la montée de la Chine et remettant finalement en cause la hiérarchie existant entre les pays.

Source : Françoise Lemoine, « Un vol d'oies sauvages Intégration régionale et émergence des économies asiatiques », dans : Christophe Jaffrelot éd., L'enjeu mondial. Les pays émergents. Paris, Presses de Sciences Po, « Annuels », 2008

Questions :

26)  À quel moment de la stratégie de montée de gamme les pays asiatiques se spécialisent-ils dans les productions intensives en travail ?

27) Comment la stratégie du « vol d’oies sauvages » a-t-elle rendu les pays asiatiques interdépendants ?

 

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26)  À quel moment de la stratégie de montée de gamme les pays asiatiques se spécialisent-ils dans les productions intensives en travail ?

La spécialisation dans les productions intensives en travail se situe au début du « vol d’oies sauvages », ou de la remontée de filières. Ce type de production, à faible valeur ajoutée, permet une première insertion dans les échanges et l’accumulation de capitaux, pour développer ensuite des industries à plus forte valeur ajoutée (d’abord dans la production de produits de consommations, puis de produits d’équipement). On peut illustrer cela avec l’exemple de Toyota, qui était d’abord une entreprise textile.

27) Comment la stratégie du « vol d’oies sauvages » a-t-elle rendu les pays asiatiques interdépendants ?

Cette stratégie a d’abord été suivie par le Japon. Quand celui-ci a abandonné la production de produits à faible valeur ajoutée, cette dernière a été comme transférée dans les nouveaux pays industriels, appelés les « dragons » (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan). Dans un second temps, la remontée de filières de ces pays (par exemple, la Corée du Sud a aujourd’hui de nombreuses entreprises en pointe dans les hautes technologies, dont l’un des fleurons est Samsung) a « laissé la place » aux « Tigres » (Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines). Enfin, la Chine et le Vietnâm peuvent être vus comme ayant « pris la relève », même s’ils ont suivi une voie un peu différente. Il est à noter que ce « cycle » ne s’est pas fait de façon automatique, mécanique, mais en grande partie sous l’impulsion de stratégies d’IDE de la part des entreprises des pays les plus avancés et de politiques menées par les gouvernements pour favoriser le développement de certains secteurs d’activité et leur financement.

Document 15 : Les approches des politiques de développement

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L’enjeu de la compréhension des conséquences de ce passage de la théorie à la pratique est d’autant plus fort que les acteurs en matière de lutte contre la pauvreté, aussi bien les organisations non gouvernementales (ONG) et les gouvernements des pays pauvres que les bailleurs de fonds et autres agences occidentales, à commencer par la Banque mondiale, se sont largement emparés de cette méthode ces dernières années. Pour mener à bien cet examen des effets de l’essai aléatoire sur le développement, le coeur de la démarche consiste à questionner l’idéal de neutralité politique et scientifique sur lequel E. Duflo et les économistes de son laboratoire fondent la nouveauté et l’avantage supposés de leur méthode. Ceux qu’Angus Deaton nomme randomistas, en référence à la ferveur de leur engagement méthodologique, rejettent explicitement le caractère idéologique des politiques de développement prônées jusqu’alors et souhaitent les remplacer par des mesures publiques aussi neutres qu’objectives, puisqu’elles sont testées « scientifiquement », à un niveau plus « micro », donc plus concret.

Source : Arthur Jatteau, « Expérimenter le développement ? Des économistes et leurs terrains », Genèses, 2013

Questions :

28)  Quels sont les avantages attendus de l’approche expérimentale pour les politiques de développement ?

29)  Que signifie le fait que cette approche permet des mesures « aussi neutres qu’objectives » ?

30)  Quelles peuvent être les limites de telles approches ?

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28)  Quels sont les avantages attendus de l’approche expérimentale pour les politiques de développement ?

Le principal avantage est de chercher à tester sur le terrain des mesures concrètes censées favoriser le développement, de manière à trouver des solutions précises à des problèmes particuliers, spécifiques.

29)  Que signifie le fait que cette approche permet des mesures « aussi neutres qu’objectives » ?

Les mesures proposées sont vues comme des solutions « techniques » ne se basant ni sur de grandes théories, ni sur des modèles idéologiques. En ce sens, elles seraient neutres. De plus, la confrontation au terrain par l’expérimentation aléatoire (comparaison entre une population bénéficiant de la mesure et une autre étant la population « test ») doit permettre une certaine objectivité.

30)  Quelles peuvent être les limites de telles approches ?

On peut voir deux limites importantes. La première est la difficulté de généralisation. Une mesure qui fonctionne dans un cadre national ou régional précis peut ne pas être efficace ailleurs. L’autre se trouve dans l’idéal de neutralité. Dans le choix des mesures testées, il peut y avoir un biais idéologique.

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