Définition :
Courant de pensée économique apparu dans les années 1970 qui développe une critique des politiques conjoncturelles sur la base du modèle des anticipations rationnelles.
L'essentiel :
Le nouvelle école classique s’inscrit dans la continuité de l’approche monétariste développée par Milton Friedman. Ce dernier réfute l’analyse keynésienne en s’appuyant sur une approche de long terme, centrée sur l’hypothèse de neutralité de la monnaie et d’anticipations adaptatives. Par exemple, Friedman défend l’idée qu’il peut exister un arbitrage entre inflation et chômage sur le court terme, mais que cet arbitrage disparaît sur le long terme. L’hypothèse d’anticipation rationnelle radicalise cette approche. C’est John Muth qui formalise le premier le modèle d’anticipations rationnelles. Selon lui, il faut postuler que les agents économiques fondent leurs anticipations sur le calcul et la connaissance et il faut donc supposer que les agents économiques sont « aussi performants » que les modèles économiques. Les politiques conjoncturelles tendent alors à devenir inefficaces, car elles reposent sur des modifications temporaires qui finissent par être compensées. C’est par exemple que ce que met en avant Robert Barro en reprenant un argument de David Ricardo : selon lui, des dépenses publiques financées par l’impôt n’ont pas l’effet multiplicateur théorisé par John Maynard Keynes car les agents n’augmentent pas leur demande en réaction à ce surcroît de revenu global : ils savent que les sommes versées aujourd’hui devront être remboursées par davantage d’impôts dans le futur. C’est ce qu’on appelle l’équivalence ricardienne ou le théorème Ricardo-Barro. De manière plus générale, on peut alors dire que le modèle d’anticipations rationnelles suppose que les agents économiques ne peuvent pas être systématiquement trompés par les politiques économiques, ce qui en réduit fortement la portée. Dans une certaine mesure (qui dépend du coût d’accès à l’information), les agents économiques sont supposés formuler des anticipations correctes de l’avenir, sauf quand il y a des variations aléatoires, des événements imprévisibles.
L’analyse de la nouvelle école classique peut être illustrée à partir de sa réinterprétation de la courbe de Phillips. Dans l’optique monétariste de Milton Friedman, la courbe de Phillips est verticale à long terme : à court terme, l’arbitrage inflation-chômage existe car les agents économiques sont trompés par l’illusion monétaire : l’inflation donne aux salariés l’impression d’avoir un salaire plus élevé car ils ne se préoccupent que de leur salaire nominal alors qu’elle permet de réduire le salaire réel. Cependant, selon le modèle des anticipations adaptatives, les agents finissent par corriger leurs erreurs et l’arbitrage disparaît sur le long terme. Avec l’hypothèse des anticipations rationnelles, les agents économiques ne sont pas trompés sur le court terme : ils savent que l’inflation n’augmente pas le salaire réel. La courbe de Phillips est alors verticale sur le court terme et le chômage ne peut être modifié par des politiques conjoncturelles. Finn Kydland et Edward Prescott partent de ce principe pour modéliser ce qu’ils appellent « l’incohérence temporelle ». Pour eux, le gouvernement applique des mesures qui dépendent de l’information dont il dispose à un instant t. Toute nouvelle information le pousse à modifier sa politique. Par exemple, à l’instant t, le gouvernement peut mener une politique visant à réduire l’inflation, mais des données inquiétantes sur le chômage à l’instant t+1 peuvent le pousser à privilégier une politique de relance. A cela s’ajoute, selon les deux auteurs, l’existence d’un biais inflationniste, c’est-à-dire d’une préférence pour l’inflation plutôt que pour la stabilité des prix. Les agents économiques privés connaissent cette incohérence temporelle et ne réagissent pas aux politiques « discrétionnaires », visant à modifier la conjoncture. Il faut alors, selon Kydland et Prescott, privilégier l’imposition de règles de comportement aux pouvoirs publics qui les font gagner en crédibilité. La règle de priorité accordée à la stabilité des prix pour la BCE va dans ce sens. De la même manière, l’importance accordée à l’indépendance de la banque centrale découle de ces analyses.
L’analyse de la nouvelle école classique se présente comme une réhabilitation de la notion d’équilibre, qui est présentée par Robert Lucas comme l’hypothèse centrale de l’analyse économique. Cela s’inscrit dans une conception libérale de l’économie : l’équilibre est le résultat du « laisser faire » et le chômage est volontaire. Cette approche en termes d’équilibre invite aussi à une revisite des cycles économiques via la théorie des cycles réels). Pour Kydland et Prescott par exemple, les fluctuations ne sont pas liées à des variations autour de la tendance naturelle de l’économie (son trend), mais à des déplacements de cette tendance. Il y a fluctuation car l’économie subit des chocs réels, c’est-à-dire des modifications de l’offre ou de la demande liés à des perturbations fortes et temporaires. La monnaie est évacuée de cette analyse car elle est considérée comme neutre, et même « superneutre », c’est-à-dire qu’elle l’est non seulement à long, mais aussi à court terme.
L’inefficacité de toute politique conjoncturelle invite aussi à une relecture de l’intervention de l’État qui doit, selon les auteurs de la NEC, concentrer ses efforts sur les structures de l’économie. Ainsi, Robert Barro, Paul Romer et Robert Lucas que l’on peut tous trois rattacher à cette école de pensée, sont des précurseurs des modèles de croissance endogène.Compte-tenu des externalités positives liées à l’accumulation de facteurs tels que le capital humain (Lucas), le capital technologique (Romer) ou le capital public (Barro), il y a sous-accumulation par les agents privés et les pouvoirs publics doivent intervenir pour favoriser cette accumulation.
Enfin, les travaux de la NEC sont à l’origine de modifications importantes des modèles macroéconométriques. Robert Lucas propose une critique forte des modèles : pour lui, les comportements des agents sont modifiés par les actions de politique économique alors que le modèle suppose généralement que ces comportements ne changent pas, pour isoler l’effet de la mesure de politique que l’on teste. Christopher Sims en tire une conclusion forte : il est inefficace de modéliser à partir des comportements des individus, et il faut privilégier une étude des variations économiques à partir des données passées, c’est l’approche des « vecteurs autorégressifs » (VAR), qui n’inclut aucune théorie économique dans le modèle. Kydland et Prescott sont, eux, à l’origine des modèles DSGE (dynamiques stochastiques d’équilibre général), qui se basent sur le fait que les agents économiques sont capables d’anticiper le futur de façon rationnelle. Ces modèles sont aujourd’hui couramment utilisés.