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Le régime de change est-il un facteur de croissance économique ?

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La flexibilité du taux de change est le régime de change souvent recommandé par le Fonds monétaire international (FMI) aux pays en développement. Ainsi, les économistes du fonds ont conseillé à la Tunisie et au Maroc de renforcer le flottement de leur monnaie. Pourtant, la Banque de France, souligne « la singulière résilience du régime de change de Hong Kong » qui a adopté un régime de change fixe ancré au dollar américain depuis 1983.

Ces pays n’ont pas le même niveau de revenu et n’ont pas les mêmes institutions mais tous espèrent que le régime de change adopté favorisera la création de richesses.

Le régime de change est-il un facteur de croissance économique ?

          Selon l’économiste français François Perroux, L'économie du XXe siècle (1966), la croissance est l'augmentation soutenue pendant une ou plusieurs longues périodes d'un indicateur de dimension ; pour une nation : le produit global brut ou net en termes réels ». Un régime de change est l’ensemble des règles qui déterminent l’intervention des autorités monétaires sur le marché des changes, donc le comportement du taux de change de la monnaie nationale contre les autres devises.

Le choix d’un régime de change approprié est une des questions débattues au sein des instances internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), le G7 et le G20. Il est donc au cœur des réflexions des pays en développement et des économies avancées et les gouvernements attendent des économistes qu’ils les conseillent sur les bons choix, notamment pour assurer une progression des richesses.

La volatilité des capitaux et la succession de crises de change qui ont marqué le système monétaire international (SMI) ont relancé les débats de l’influence des régimes de change sur la croissance.

En effet, la variation du taux de change est un important mécanisme d’ajustement. Le régime de change influence donc le prix des productions et des facteurs de production ainsi que sur les quantités de facteurs.

Néanmoins, les canaux de transmission sont multiples et contradictoires et l’impact final n’est pas évident à déterminer a priori d’autant les effets des régimes de change peuvent dépendre du niveau de développement et du cadre institutionnel.

Comment comprendre les liens entre un régime de change qui intègre un pays dans un système monétaire international (SMI) et la croissance économique qui témoigne de l’efficacité des facteurs de production dans le pays ?

 

          Il existe des effets directs et indirects du régime de change sur la croissance des pays (I). Mais il n’y pas de consensus sur la nature et l’intensité des liens entre régime de change et croissance (II). Toutefois, on peut souligner que la prise en compte des institutions et du niveau de développement des pays est nécessaire pour comprendre cette relation (III).

 

I - EFFETS DIRECTS ET INDIRECTS DU RÉGIME DE CHANGE SUR LA CROISSANCE

          Les effets du régime de change sur la croissance économique peuvent être directs (A) ou indirects (B).

 

          A. Les effets directs du régime de change sur la croissance économique

Si la théorie économique souligne l’inexistence d’effet à long terme (1.) ceux-ci se manifeste à court terme car la variation du taux de change est un important mécanisme d’ajustement (2.).

1. En théorie, le type de régime de change n’a pas d’impact sur les valeurs d’équilibre à long terme des variables réelles. Ainsi, Robert Mundell Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible exchange rates (1963) a souligné que le taux de change réel devrait revenir à sa valeur d’équilibre de long terme après un choc économique, quel que soit le régime de change.

2. Toutefois, le type de régime de change agit sur les processus d’ajustement. Le régime de change a donc des répercussions sur l’inflation, la variabilité de la production… donc la croissance économique à court terme.

 

          B. Les effets indirects du régime de change sur la croissance économique

En plus des effets directs, le régime de change influence les déterminants importants de la croissance, notamment l’investissement (1.) et les échanges commerciaux (2.).

1. Le régime de change importe en matière d’investissement. Par exemple, la volatilité des taux de change est préjudiciable à l'investissement direct étranger (IDE).

2. Le régime de change importe en matière d’ouverture à l’égard du commerce international. J. Frankel et A. Rose, A. K. (2002) An estimate of the effect of common currencies on trade and income soulignent que le choix d’une union monétaire (taux de change fixe) entre deux pays renforce les liens commerciaux entre les pays ayant la même monnaie et triple les échanges avec les autres membres de l'union monétaire.

 

II UN MANQUE DE CONSENSUS SUR LA NATURE ET L’INTENSITÉ DES LIENS ENTRE REGIME DE CHANGE ET CROISSANCE.

          Les réflexions théoriques sur la relation entre régime de change et croissance ne sont pas consensuelles (A). Toutefois, leurs vérifications empiriques doivent réinterroger les définitions utilisées et intégrer les choix des pays (B).

 

          A. Défense théorique des taux de change flexible et… des taux de change fixe

          Les libéraux ont généralement défendu les régimes de change flexible (1.) sans pour autant écarter les réflexions sur l’intérêt des régimes de change fixe (2.).

1. Milton Friedman (1953) The case for flexible exchange rates se prononce en faveur d’un régime de change flexible. Néanmoins, ses réflexions s’opèrent dans un SMI où la mobilité des capitaux est faible. On peut aussi souligner qu’en permettant les mécanismes d’ajustement, le régime de change flexible limitent les déséquilibres sectoriels.

2. D’autres économistes ont démontré qu’en présence de chocs réels, un régime de change fixe est préférable pour le consommateur et plus le choc survenant sur l’offre est élevé, plus les acteurs économiques désirent une fixité des taux de change.

De plus, les régimes de change fixes permettent aux pays en développement une stabilité des taux de croissance.

 

          B. Défense du pragmatisme méthodologique et empirique

 

          Les études empiriques étaient basées sur la classification officielle des régimes de change publiée par le FMI. Les résultats contestables de l’impact du type de régime de change sur la croissance économique peuvent alors s’expliquer par la mauvaise classification des pays (1.) et le théoricien doit intégrer le fait que les pays préfèrent souvent des régimes de change intermédiaires (2.).

1. Mieux classer les régimes de change pour mieux comprendre ses effets. Entre 1975 et 1998, le FMI a classé les pays en fonction de leur déclaration officielle. On distinguait alors quatre principaux de régimes de jure (rattachement, flexibilité limitée, flottement géré et flottement pur). Cependant, pour prendre en compte la réalité des régimes adoptés, le FMI a proposé une typologie officielle de facto qui distingue cinq catégories de régimes (régime de changes fixes, régime intermédiaire avec un ancrage nominal, régime intermédiaire sans ancrage nominal, régime flexible avec un ancrage nominal et régime flexible sans ancrage nominal). Le choix de la classification influence les résultats des études.

2. Solution en coin ou régime intermédiaire ?

On peut opposer les solutions de coins (ancrage dur et flottement libre) mais on occulte alors que de nombreux pays privilégient les régimes de change intermédiaires. Ces régimes de change intermédiaire auraient de multiples avantages : améliorer et stabiliser la croissance, favoriser la stabilité du cycle économique… Les pays à régimes de change intermédiaire qui croissent le plus vite.

Soulignant que des pays peuvent déclarer officiellement au Fmi un régime de taux de change flottants et dans les faits adopter des systèmes de change fixes, G. Calvo, C. Reinhart, 2002, Fear of floating explique le choix de régimes intermédiaire par crainte des effets du taux de change flottant sur la performance économique. Cette « peur du flottement » étant liée au fait que les dépréciations n’ont pas les mêmes effets dans les marchés émergents que dans les pays développés.

 

III - LA PRISE EN COMPTE DES INSTITUTIONS ET DU NIVEAU DE DÉVELPPEMENT DES PAYS

          L’analyse de la relation entre régime de change et croissance, comme l’analyse de la croissance, doit prendre en compte l’importance des institutions (A) et du niveau de développement des pays (B).

         

          A. Le choix d’un régime de change est lié aux institutions

          Les institutions sont importantes pour comprendre les liens entre régime de change et croissance (1.), notamment les institutions financières (2.).

1. Les différences dans les institutions et les caractéristiques structurelles internes des économies sont des déterminants de la croissance. Des pays dotés d’institutions qui permettent de faire face plus efficacement aux chocs défavorables.

2. Les institutions financières sont ici déterminantes. Le choix d'un régime de taux de change est lié à la structure financière : plus le marché national des capitaux est faible et segmenté, plus la stabilité du taux de change est souhaitable. Inversement, une intégration des marchés financiers nationaux avec le marché mondial des capitaux rend la flexibilité des taux de change plus favorable à la croissance.

         

          B. Le choix d’un régime de change dépend essentiellement du niveau du développement économique.

C. Reinhart et K. Rogoff (2004) The Modern history of exchange rate arrangements : A reinterpretation proposent leur propre typologie des régimes de change et concluent que le choix du régime de change doit dépendre du niveau de développement économique du pays. Ils distinguent les pays en développement (1.) et les pays développés (2.).

1. Pour les pays en développement, un régime de taux de change fixe favorise une inflation moindre et un régime de taux de change flexible entraîne une forte inflation sans affecter la croissance.

2. Pour les pays développés, un régime de taux de change flexible entraîne une inflation moindre et favorise la croissance économique.

 

Conclusion

                    Selon la théorie économique, le régime de change n’a pas d’incidence sur les valeurs d’équilibre à long terme des variables réelles. Néanmoins, il influence les processus d’ajustement. Les liens entre régime de change et croissance sont aussi indirects via son impact sur d’autres déterminants importants de la croissance économique tels que l’investissement ou le commerce extérieur.

          Les effets du régime de change sur la croissance sont liés aux processus d’ajustement aux chocs. Les régimes de change flexibles facilitent les ajustements des prix et des salaires réels. Parce qu’ils favorisent les ajustements, ils sont censés engendrer des volatilités inférieures sur les quantités. Toutefois, les forces spéculatives, qui s’exercent sur le taux de change nominal, peuvent être une source de volatilité importante perturbant la production et l’emploi. De plus, l’adoption de régimes de change flexibles est perçue comme l’une des causes de la succession de crises de change dans les économies émergentes. Dans ces pays, parce qu’ils réduisent les incertitudes, les régimes de changes fixes peuvent favoriser l’investissement, et donc contribuer à accélérer la croissance.

          Bien que le choix d’un régime de taux de change soit un élément crucial dans les politiques économiques, il n’y a pas de consensus entre économistes sur son impact sur la croissance économique. Néanmoins, ceux-ci peuvent s’accorder sur l’importance des institutions dans la croissance. Ainsi, un secteur financier développé serait un préalable à l’adoption d’un régime de changes flottants car le pays doit pouvoir affronter une volatilité accrue du taux de change nominal. Inversement, la volatilité du taux de change peut nuire à l’économie réelle si le secteur financier est incapable d’absorber les chocs externes.

          Les effets produits par les régimes de change sont multiples voire contradictoires et l’impact final n’est pas évident à déterminer a priori. Il n’y a donc pas ici de consensus pérenne dans le temps et généralisable à tous les pays… soulignant ainsi la dimension politique de l’économie.

 

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