Exercice 6 : La crise sanitaire

Difficile

Les jeunes, largement épargné·es par la crise sanitaire, risquent d'être les premières victimes de la crise économique et sociale qui va suivre. En réalité, cette génération est touchée sur plusieurs fronts.

Le premier, et peut-être un des plus importants parce qu'il risque de laisser des traces durables, est le front scolaire. Le confinement a considérablement aggravé le décrochage scolaire des élèves qui étaient déjà les plus en difficulté. Certain·es professeur·es des lycées professionnels ont fait état de 20% d'élèves dont la trace aurait été totalement perdue durant le confinement, et ce taux est sans doute plus proche de 50% dans certains quartiers sensibles. Chaque vague d'enquête PISA montre que la France était déjà, avant la crise sanitaire, un des pays de l'OCDE dans lequel les écarts de performances entre les bonnes élèves et les élèves aux résultats médiocres étaient les plus élevés, et avaient plutôt tendance à s'aggraver. Il est évident que le confinement va encore accroître ces inégalités de réussite.

 

Ce décrochage scolaire aggravé risque surtout d'avoir un impact négatif durable sur les itinéraires scolaires et professionnels des élèves concerné·es. Il y aura certainement un «effet cicatrice» qui ne s'effacera pas totalement et diminuera les chances de ces jeunes d'obtenir un diplôme et d'accéder à l'emploi et à des revenus décents. Il aura également, à terme, un coût considérable pour la collectivité qui devra compenser ces handicaps et subira une perte de compétences.

Il faut aussi avoir à l'esprit que le collège ou le lycée sont, dans les territoires en difficulté, des lieux essentiels de protection et de socialisation des jeunes des familles les plus pauvres. La fermeture de ces espaces les laisse à elles-mêmes et eux-mêmes, et peut avoir des conséquences sur leur vie sociale qui dépassent les questions purement scolaires. Il serait donc extrêmement urgent que les collèges et les lycées retrouvent le plus rapidement possible un fonctionnement normal et que l'on fasse un bilan des retards accumulés par les élèves les plus en difficulté pour tenter de trouver des solutions de remédiation.

L'emploi est évidemment un autre front sur lequel les jeunes vont payer un lourd tribut. C'est d'autant plus rageant que la politique gouvernementale initiée depuis l'élection d'Emmanuel Macron avait abouti à d'assez bons résultats concernant le chômage des jeunes, et ce malgré l'abandon (…) de la politique des emplois aidés dans le secteur non marchand. Le taux de chômage des jeunes était de 24,5% en 2016, l'année précédant l'élection présidentielle; il était de 19,2% au premier trimestre 2020. Le nombre d'individus au chômage dans cette tranche d'âge a décru de 20% entre les deux dates, un premier indéniable succès... qui risque d'être fortement compromis dans les mois qui viennent.

En effet, les entreprises en difficulté vont prioritairement ne pas renouveler les CDD et les contrats d'intérim[1], massivement occupés par des jeunes. Selon les données de l'enquête Emploi 2019 de l'Insee, les 15-24 ans en emploi ne sont que 45% à occuper un CDI, les autres se partageant en travailleurs indépendants (3%), employés en CDD (28%), en apprentissage (17%) ou en contrat d'intérim (7%). Comparativement, les 25-49 ans sont 78% en CDI. Le dualisme très marqué du marché du travail français a toujours fait des jeunes une variable d'ajustement des variations conjoncturelles de l'économie. Ce sera à nouveau le cas avec la chute d'activité actuelle. (…)

Enfin, 700.000 jeunes sortant du système éducatif vont se présenter sur le marché du travail à la rentrée dans une ambiance économique extrêmement morose. Dans le lot, les 90.000 jeunes qui finissent leurs études sans qualifications (ou au mieux avec le brevet des collèges, soit 12% de l'ensemble des jeunes et 15% des garçons) vont évidemment être le plus durement atteint·es par les difficultés à trouver un emploi. Mais même les diplômé·es universitaires seront concerné·es et verront au minimum la durée de leur recherche d'emploi à la fin de leurs études s'allonger.

Il est impossible d'anticiper aujourd'hui les conséquences politiques de cette situation de crise que va connaître la jeunesse dans les mois qui viennent. Pour la première fois depuis longtemps, l'ensemble des jeunes va être touché à des degrés divers par des difficultés d'emploi et de revenus, même si celles et ceux des quartiers sensibles risquent d'être plus fortement et durablement impacté·es.

Olivier Galland et Telos, « La jeunesse, génération sacrifiée de la crise du Covid-19 », Slate.fr, 17 juin 2020

Questions :

1/ Justifiez le passage souligné

2/ Quelle est l’origine de la crise économique et sociale mentionnée dans ce document ?

3/ Dressez un bilan des effets positifs et négatifs du partage des risques liés au coronavirus.

Voir la correction

1/ Les plus vulnérables face au coronavirus sont les plus âgés et les personnes présentant de comorbidités. Les jeunes, peuvent être contaminés et présentés des formes graves de la maladie, mais le plus souvent ils seront affectés d’une forme bénigne.

2/ La crise économique et sociale mentionnée dans le document est liée à la situation sanitaire induite par le coronavirus. Cette pandémie a contraint les Etats à prendre de mesures de confinement et donc d’arrêt de la production et des échanges internationaux, conduisant à une crise économique d’une ampleur considérable.

3/ Les risques liés au coronavirus ont été partagés puisque c’est l’ensemble de la population qui a été confiné.

Ce partage des risques a permis de limiter la propagation du virus et donc de protéger les plus vulnérables. Néanmoins ces mesures ont des conséquences négatives importantes, qui touchent en particulier la jeunesse selon Olivier Galland : décrochage scolaire, aggravation des inégalités de réussite scolaire, inégalités d’accès aux diplômes, vie sociale entravée en particulier pour les jeunes les plus défavorisés, accès à l’emploi entravé…

Pour l’ensemble de la population, le partage des risques se traduit par une récession importante, une aggravation du chômage et un accroissement des inégalités.

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