Fait d'actualité : Réformer l'apprentissage, une priorité nationale pour la France

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Introduction

 

Lancée le 10 novembre 2017 dans les locaux de France Stratégie, la concertation sur la réforme de l’apprentissage a débouché sur la remise de rapport à la ministre du Travail fin janvier 2018 et sur un projet de loi attendu au printemps. Cette priorité gouvernementale se justifie par les mauvaises performances récurrentes de la France en matière de chômage et d’insertion professionnelle des jeunes.

En 2015, la France comptait 13,8% des jeunes de 20-24 ans au chômage et 14,7% des 15-29ans ni en emploi ni en formation, ceux que l’on appelle parfois les NEETS (« Not in Education, Employment, or Training »). Au total, 1,3 million de jeunes ne sont ni à l’école, ni à l’université, ni en emploi, ni en apprentissage. Or, toutes les comparaisons internationales montrent que les pays qui ont vaincu le chômage sont les pays qui ont construit un apprentissage de qualité.

En France, même si les effectifs de l’apprentissage ont significativement augmenté depuis 20 ans, puisqu’ils sont passés de 211000 en 1992 à 405000 en 2013, et 412300 en 2016, ils demeurent inférieurs à ceux que l’on trouve dans bon nombre de pays européens. Alors que dans l’hexagone 7% des jeunes sont en apprentissage, les pays développés où les performances sont les plus élevées en matière de lutte contre le chômage affichent des taux de 15%, voire de 20%. C’est ainsi par exemple que l’Angleterre comptait en 2016 800000 apprentis, soit le double de la France. Cette situation est d’autant plus regrettable que l’apprentissage est une excellente passerelle pour l’emploi. On estime que 80% des apprentis trouvent un emploi dans la foulée de leur formation.

 

Voir les EEE 2017 : Formation, apprentissage et insertion des jeunes : Comment passer à la vitesse supérieure ?

 

I- L’apprentissage avant la réforme annoncée de 2018

 

A- Quelques repères : Définitions et justifications théoriques de l’intervention publique

 

L’alternance est un système de formation qui permet aux étudiants d’alterner entre une formation théorique dispensée dans un établissement scolaire et une expérience professionnelle en entreprise. Elle permet aux étudiants d’obtenir des qualifications et une expérience professionnelle qui sont des atouts face à de futurs recruteurs, et également de réduire les frais de scolarité, qui sont pris en charge par un organisme. Les formations en alternance regroupent le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. S’ils conjuguent tous les deux formation théorique dans un établissement scolaire et formation pratique en entreprise, le contrat de professionnalisation s’inscrit dans le cadre de la formation continue, et concerne donc ceux qui ont quitté l’école et sont déjà entrés dans la vie active.

Dans un contrat de professionnalisation, qui s’adresse aux étudiants âgés de 16 à 25 ans, et aux demandeurs d’emploi âgés de plus de 26 ans, l’alternant signe un contrat à durée déterminée avec son employeur, souvent d’environ 12 mois, et pouvant être prolongé jusqu’à 24 mois. Ce contrat est souvent à temps partiel pour permettre la poursuite d’études et la rémunération dépend de l’âge de l’alternant : au moins 65% du SMIC pour les moins de 21 ans, 80% du SMIC entre 21 et 26 ans, au moins le SMIC pour les plus de 26 ans.

Le contrat d’apprentissage est davantage encadré. Il concerne des jeunes âgés de 16 à 25 ans. La formation théorique se fait en Centre de formation d’apprentis (CFA) et l’apprenti doit suivre au moins 400 heures de formation. La formation pratique se fait chez un employeur où le jeune sera suivi par un maître d’apprentissage. La durée du contrat d’apprentissage est de 1 à 3 ans, et la qualification est sanctionnée par l’obtention d’un diplôme ou d’un titre : CAP, Bac Pro, Licence, Master, diplôme d’ingénieur ou de commerce. Comme dans le contrat de professionnalisation, la rémunération varie là aussi selon l’âge et le niveau d’études de l’apprenti.

 

 

On peut repérer trois grandes justifications de l’intervention publique en matière d’apprentissage.

La première justification repose sur la nécessité d’élever le niveau de formation de la population car il exerce des externalités positives, c’est-à-dire que la diffusion des connaissances, la mobilité des travailleurs qui ont un niveau d’études relativement élevé, jouent un rôle positif sur la croissance économique, ainsi que l’énonce la théorie du capital humain.

Or, cet effort d’éducation ne se produit pas de manière spontanée. En effet, lorsque le marché du travail est fluide, les salariés ont objectivement intérêt à acquérir des compétences générales, car ils ont la possibilité d’en retirer des bénéfices en termes de promotion de carrière et de salaire. En revanche, dans une situation comme celle que connaît encore actuellement la France où une partie importante des travailleurs est rémunérée au niveau du Smic, l’acquisition de compétences générales n’est pas forcément récompensée par un salaire plus élevé. Dans ces conditions, le niveau de compétences générales nécessaire pour pouvoir connaître une mobilité professionnelle ascendante peut être insuffisant. Par ailleurs, de leur côté, les entreprises ont toujours tendance à financer des formations spécifiques immédiatement rentables, et assez peu des formations générales, et cela d’autant plus que ces dernières élèvent le niveau d’employabilité des salariés et peuvent alors leur permettre de trouver un emploi dans des entreprises concurrentes. Pour éviter cette situation où entreprises et salariés n’investissent pas assez dans la formation générale, il est nécessaire de financer sur fonds publics ces formations dans le cadre de l’apprentissage.

Une autre justification de l’intervention publique est de réduire l’incertitude pour sécuriser les investissements en matière de formation.
Il est vrai que l’entreprise et les salariés ont souvent un intérêt objectif à financer l’acquisition de compétences spécifiques utiles dans un secteur d’activité considéré. Mais pour mettre en œuvre cet investissement partagé, les deux parties doivent se mettre d’accord sur le partage anticipé des coûts et des gains associés à l’investissement en question. En l’absence d’un tel accord, l’une de ces deux parties peut être amenée à sous-investir par crainte de ne pas récupérer tout à fait le fruit de son investissement. L’intervention publique permet alors de sortir de cette spirale négative bien connue dans la théorie des jeux dans laquelle deux acteurs, bien qu’ayant chacun un intérêt à coopérer, prennent des décisions « rationnelles » qui débouchent sur l’absence de coopération, et donc sur une perte pour l’ensemble.

La dernière justification de l’intervention publique repose sur l’impératif de remédier aux sorties sans qualification et au décrochage scolaire.
L’apprentissage, parce qu’il valorise des compétences opérationnelles, et parce qu’il est un mode différent d’éducation de celui qui prévaut dans le système scolaire, est adapté aux jeunes qui sont en situation d’échec (qui, rappelons-le, sont encore trop nombreux en France puisque  en 2016 110000 élèves sortent chaque année de l’école sans diplôme, chiffre toutefois en amélioration ces dernières années puisqu’ils étaient 136000  en 2011). Cependant, comme les entreprises n’ont pas pour vocation d’internaliser cette gestion de l’échec scolaire, seuls les pouvoirs publics peuvent et doivent agir en direction des jeunes peu ou pas diplômés,  à la fois dans une perspective de réduire les inégalités, mais aussi pour diminuer le coût social du traitement du chômage.

 

B- Les réformes précédentes

 

L’apprentissage est la plus ancienne des formations en alternance. Jusqu’à la Révolution française, les jeunes sont plus ou moins pris en charge par les corporations d’Ancien régime pour apprendre leur métier. A partir de l’abolition du système des corporations par la loi Le Chapelier en 1791, et alors que bon nombre de pays européens maintiennent cette forme d’alternance, la France décide de couper l’enseignement technique de la production. Il faudra attendre plus d’un siècle, dans la période de l’entre-deux-guerres, pour voir apparaître la première loi conséquente sur l’apprentissage, qui est la loi Astier du 4 juillet 1919. A l’époque, il y a à peu près 45000 apprentis. Les Chambres de métier sont créées en 1925, instituant la taxe d’apprentissage qui a pour vocation de financer les premières formations technologiques et professionnelles, et en 1937, la loi Walter et Paulin donne à ces chambres de métier un rôle fondamental dans l’organisation de l’apprentissage artisanal (contrat, obligation de suivre des cours, examen), délaissant de fait l’apprentissage industriel, et ne réglant pas non plus la question générale du financement de l’apprentissage.

C’est après 1945 que sont prises les initiatives les plus importantes en matière d’apprentissage. Les CFA sont créés en 1966, ce qui n’empêche pas alors les effectifs d’apprentis de passer de 350000 dans les années 1960 à moins de 250000 dans les années 1970, ceci étant dû  l’action conjointe de plusieurs facteurs que sont l’obligation scolaire, la désaffection générale pour les emplois du secteur secondaire, et l’aspiration naissante à obtenir le baccalauréat dans la plupart des couches de la population. Pour remédier à cette chute, les importantes lois Delors sont votées le 16 juillet 1971, à savoir la loi d’orientation sur l’enseignement technologique, la loi sur l’organisation de la formation continue, la loi relative à l’apprentissage. Ces lois constituent la première réforme significative pour tenter d’enrayer la chute des effectifs d’apprentis, ce qui cependant ne suffit manifestement pas puisque ceux-ci tombent à 164000 en 1974-1975, pour remonter ensuite légèrement à 222800 en 1980-1981. L’étape suivante est la régionalisation, par la loi du 07 janvier 1983, qui donne compétence aux régions en matière d’apprentissage. Ces dernières s’intéressent alors rapidement à cette filière de formation et vont très vite lui apporter des moyens financiers supplémentaires. Mais en dépit de tous ces efforts, l’apprentissage ne décolle toujours pas dans les années 1980. C’est à partir des années 1990, peut-être sous l’impulsion d’une série de nouvelles lois (ordonnance du 16 juillet 1986 qui prolonge l’âge d’entrée en apprentissage jusqu’à 25 ans, loi du 23 juillet 1987 ouvrant l’apprentissage à tous les diplômes et titres homologués de la voie professionnelle et technologique, donc du CAP à l’ingénieur, loi du 20 décembre 1993 qui donne la possibilité d’ouvrir des sections d’apprentissage dans tous les établissements scolaires, augmente les aides aux entreprises, en institue un Plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes) que la tendance s’inverse enfin, et que les effectifs d’apprentis commencent à augmenter.

Cette tendance est confortée par la réforme de l’apprentissage entreprise à partir de 2002 (loi de modernisation sociale du 17janvier 2002 qui a pour objectif de permettre aux régions de mieux coordonner le développement de cette voie de formation, de réduire les inégalités de ressources entre CFA, et d’introduire plus de transparence dans la collecte de la taxe d’apprentissage) et par les lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie du 04 mai 2004 et sur la cohésion sociale du 18 janvier 2005 qui instituent pour l’Etat et les régions la possibilité de conclure des contrats d’objectifs et de moyens financés par un Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage. En 2007, la dépense pour l’apprentissage représente 4,93 milliards d’euros. L’apprentissage est le premier domaine d’intervention des Conseils régionaux (42% des 4,93 milliards), et ces dépenses concernent pour 60% le fonctionnement des CFA et les bourses aux apprentis (transport, restauration, hébergement), et pour 30% les primes versées aux entreprises embauchant des apprentis. En 2008, le nombre d’apprentis s’élève à 427000, soit une augmentation de 83% en 40 ans (référence 1970-1971 où il y avait 232600 apprentis).

Sur la période récente, le quinquennat du Président Sarkozy (2007-2012) donne indiscutablement un nouveau souffle à l’alternance avec une série de dispositifs comme l’exonération de charges pour les petites entreprises qui embauchent des jeunes en contrat d’apprentissage ou en contrat professionnel pendant un an, le relèvement des quotas d’alternants obligatoires dans les entreprises de 3% à 4% dans les entreprises de plus de 250 salariés, la réforme de la taxe d’apprentissage pour limiter les ressources versées aux universités par ce biais. Ces mesures ont pour un temps porté leurs fruits, mais le dispositif s’enraye à partir de 2012, et l’ambition affichée par François Hollande qui était d’atteindre 500 000  contrats d’apprentissage à la fin de son quinquennat, donc en 2017, ne sera jamais atteinte. Il est vrai qu’au début du quinquennat, la majorité socialiste avait commencé par réduire les aides à l’apprentissage entraînant un recul du nombre de contrats (en 2013, 500 millions d’aides à l’apprentissage ont été supprimées), pour les rétablir ensuite sous la forme d’une nouvelle aide de 1 000 euros par apprenti. Mais au-delà de cet aléa conjoncturel, il importe de prendre la mesure des dysfonctionnements du système.

Il est indiscutable que le développement de l’apprentissage sur ces dix dernières années a résulté d’une importante contribution de l’Etat, des régions et des entreprises, puisque l’effort de la nation a augmenté de 56% de 2004 à 2010, alors que l’on peut à juste titre considérer que le rendement de la dépense supplémentaire est faible, car le nombre d’apprentis n’a augmenté que de 16% au cours de la même période. Par ailleurs, il est clair que l’apprentissage se développe surtout pour les plus diplômés. Alors qu’historiquement l’apprentissage était consacré à la préparation d’un CAP, on constate depuis 2005 que la totalité de la croissance de l’apprentissage s’est manifestée  dans l’enseignement supérieur (+24%), à tel point qu’aujourd’hui plus d’un quart des apprentis sont des étudiants du supérieur. Cette évolution, si elle peut se comprendre, ne règle en rien le problème des jeunes en situation d’échec scolaire, dont on a vu plus haut qu’ils étaient encore beaucoup trop nombreux dans un pays moderne comme la France.

 

II- Contexte et contenu de la réforme de 2018

 

A- Les dysfonctionnements du système français d’alternance

 

L’échec relatif de la politique française en matière d’alternance s’explique par plusieurs éléments bien identifiés par Pierre Cahuc et Marc Ferraci (« L’apprentissage au service de l’emploi », Notes du Conseil d’analyse économique, n°19, décembre 2014).

Tout d’abord, il y a en France trop d’intervenants qui gèrent l’alternance, à savoir l’Education nationale, les régions, les chambres de commerce, l’Etat, les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA), les partenaires sociaux, les branches, les entreprises,….
Cette pluralité d’acteurs est la source d’une gouvernance complexe que l’on peut observer au niveau du financement de l’apprentissage. Par exemple, les actions des régions, qui allouent une partie de la collecte de la taxe d’apprentissage, mais qui apportent aussi des financements propres, ne sont pas assez coordonnées entre elles, ni avec les autres partenaires de l’alternance. Certaines régions favorisent l’apprentissage pour de faibles qualifications, et d’autres pour l’enseignement supérieur. Dans certains cas, le partenariat entre Conseil régional et Etat joue un rôle prépondérant ; dans d’autres cas, c’est un partenariat entre la région et les partenaires sociaux qui est le plus important. Ces différences de gouvernance influent fortement sur la carte des formations, ainsi que sur les ouvertures et fermetures de sections d’apprentissage.

Un deuxième dysfonctionnement du système français d’alternance est que la taxe d’apprentissage ne finance pas assez l’apprentissage proprement dit, mais plutôt l’enseignement supérieur.
En effet, le système du « hors quota » donne aux entreprises la liberté d’affecter une partie de la taxe d’apprentissage au CFA ou à l’établissement de formation de leur choix, à condition qu’ils figurent sur les listes préfectorales. Cela fait qu’en 2010 encore, 38% de la taxe d’apprentissage étaient affectés à l’enseignement professionnel ou technologique hors apprentissage (situation corrigée quelque peu par la loi Sapin du 5 mars 2014).

Un troisième dysfonctionnement, bien caractéristique de la culture française celui-là,  est le poids du Ministère de l’Education nationale dans le système de l’apprentissage.
La validation des formations en apprentissage est du ressort de la région et du Rectorat au terme d’une procédure lourde qui constitue un frein objectif au développement de l’apprentissage. A cette difficulté s’ajoute un poids important des enseignements académiques comme le français ou les mathématiques, qui occupent une place importante à l’examen, et qui expliquent en grande partie le taux d’abandon très élevé dans l’enseignement professionnel (environ 40% au niveau du CAP). L’Education nationale, éloignée de l’entreprise, n’a pas les moyens d’offrir aux jeunes des formations professionnelles qui valorisent les compétences directement opérationnelles.

Un quatrième dysfonctionnement est un contrôle de la qualité des formations qui s’avère être très hétérogène, ceci étant bien sûr lié au problème de gouvernance que l’on vient d’évoquer.
Pour l’apprentissage aboutissant à un diplôme de l’Education nationale, cette évaluation dépend du Service académique d’inspection et d’apprentissage (SAIA). Mais pour les autres titres et certifications, l’évaluation relève du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CNEFOP), qui manque encore cruellement aujourd’hui de moyens d’investigation.

Un dernier dysfonctionnement de l’apprentissage que l’on peut repérer en France est que l’orientation des jeunes vers ce système de formation est globalement insuffisante, ce qui s’explique à la fois par un facteur culturel qui est la valorisation excessive des formations générales et la désaffection corrélative des formations professionnelles et technologiques, mais aussi par le fait que l’offre d’apprentissage de la part des entreprises n’est pas suffisante.
Plusieurs éléments rendent compte de cet état de fait : les formations montées par les entreprises qui aboutissent à des contrats de qualification professionnelle (CQP) ne peuvent pas se préparer dans le cadre de l’apprentissage, et il est vrai que ces formations sont parfois trop spécifiques, avec des contenus limités ; par ailleurs, les salaires des alternants croissent avec l’âge et le niveau de qualification (voir le tableau plus haut), ce qui peut dissuader les employeurs de recruter des individus relativement âgés et sans expérience professionnelle ; enfin, le contrat de travail appliqué dans l’apprentissage n’est pas adapté à certaines formations, et les employeurs considèrent de manière générale que tout un tas de verrous en matière de santé et de sécurité au travail viennent limiter l’activité des apprentis.

 

B- Le projet de réforme

 

Partant du constat que l’apprentissage favorise à la fois la réussite aux examens et l’augmentation des chances des jeunes de s’insérer sur le marché du travail, le mouvement « En marche » proposait déjà dans son programme au moment de la campagne électorale de 2017  de réformer l’apprentissage par la poursuite de deux objectifs.

Le premier objectif affiché est de rendre l’apprentissage en France plus attractif pour les entreprises comme pour les jeunes.
Pour y parvenir, il faut transformer le système actuel d’aides à l’embauche qui est trop éclaté en rassemblant les aides et subventions existantes dans une aide unique qui serait fonction de la taille de l’entreprise et du niveau de qualification de l’apprenti, en développant pour les entreprises un guichet unique permettant d’enregistrer le contrat d’apprentissage et la demande des aides, et en faisant converger les deux contrats d’alternance (apprentissage et professionnalisation) qui existent aujourd’hui en un contrat unique adapté à la demande des entreprises, et sans borne supérieure d’âge comme cela existe encore aujourd’hui. Il faut aussi réformer le mode de financement de l’apprentissage en faisant en sorte que la totalité de la taxe d’apprentissage soit affectée au financement de celui-ci, ce qui n’est pas le cas actuellement, puisque le « hors quota » représente encore 670 millions d’euros par an. Il faut enfin faire en sorte que les contrats de travail soient moins rigides en unifiant les grilles de rémunération des alternants, et en confiant aux branches professionnelles le soin d’augmenter les montants des planchers fixés par la loi. Ainsi par exemple les métiers de l’industrie qui peinent à attirer des jeunes en apprentissage pourraient proposer des rémunérations à la hausse.

Le deuxième objectif fixé par « En marche » est de faire de l’alternance le cœur de l’enseignement professionnel, aussi bien au lycée que dans l’enseignement supérieur. Cela exige de développer l’alternance dans tous les lycées professionnels  en associant les branches industrielles dans la définition des programmes et l’organisation des formations, et aussi dans la définition des métiers pour lesquels les formations en apprentissage doivent être privilégiées. Cela exige également de créer une continuité plus grande entre l’enseignement dispensé dans les lycées professionnels et à l’université. A  cet égard, le programme « En marche » propose de préparer les licences professionnelles en 3 ans et en alternance, alors qu’aujourd’hui la licence professionnelle n’est proposée qu’en troisième année d’université. En agissant de la sorte, l’alternance pourrait devenir une voie privilégiée pour l’accès aux emplois de qualification moyenne.

Reprenant le programme d’ « En marche », et après avoir signé les ordonnances visant à réformer le Code du travail le 22 septembre 2017, le Président Macron s’attaque désormais à la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Le 04 octobre 2017, dans son discours à Egletons, Emmanuel Macron a repris les grandes lignes du programme de son mouvement avec l’idée de « développer des périodes de préapprentissage et des filières en alternance  dans tous les lycées professionnels », et avec l’idée de donner un rôle plus important aux branches professionnelles en matière d’apprentissage : « Les branches doivent définir la maquette pédagogique avec l’Education nationale et définir les critères nécessaires en termes d’organisation ».

Le calendrier annoncé de la réforme est le suivant. Les travaux préparatoires ont débuté le 12 octobre, le jour où le Président de la République a reçu les représentants syndicaux à l’Elysée pour donner le coup d’envoi des négociations, qui sont une étape obligatoire depuis la loi Larcher de 2007 sur le dialogue social.

La deuxième phase a été lancée le 10 novembre 2017, sous la forme de quatre groupes de travail d’experts (Parcours de l’apprenti, Apprentissage en entreprise, Financement de l’apprentissage, Offre de formation et certification) qui ont rendu leurs conclusions au mois de janvier.
Le projet de loi sera présenté au Parlement au printemps 2018. A la différence de la réforme du Code du travail, le gouvernement a décidé de s’en remettre aux méthodes législatives classiques, en évitant d’avoir recours aux ordonnances.

 

Conclusion

 

Le niveau élevé de chômage des jeunes peu qualifiés en France impose de réformer en profondeur l’apprentissage, qui a fait ses preuves à l’étranger.

Puisque les comparaisons internationales sont riches de sens, dès lors qu’elles sont utilisées avec toute la prudence nécessaire, on peut considérer que le modèle allemand mérite d’être examiné avec la plus grande attention. En effet, l’Allemagne présente un taux de chômage des jeunes trois fois moins élevé que celui de la France, et compte en même temps trois fois plus d’apprentis. Les clés de la réussite allemande reposent sur plusieurs éléments : un système éducatif qui oriente les jeunes de manière précoce vers un enseignement professionnel de qualité (vers 11-12 ans), alors que la France a opté depuis les années 1970 pour le collège unique, un financement simple de l’apprentissage puisque la formation pratique est à la charge des entreprises (alors qu’en France l’Etat et les régions restent les principaux financeurs d’un système complexe), une organisation elle aussi simple puisque l’ensemble des politiques de formation sont prise en charge par un seul ministère (En France, le ministère de l’Education nationale partage la responsabilité de l’apprentissage avec le ministère du Travail), un marché du travail où les offres d’emploi sont proposées de manière très lisibles (ce qui n’est pas le cas en France où les offres d’emploi des entreprises et les demandes des jeunes sont éclatées entre le Service public de l’emploi, Pôle emploi et les missions locales), et surtout une culture nationale qui valorise l’apprentissage, considéré Outre-Rhin comme le mode d’accès quasi-exclusif aux emplois de qualification moyenne garantissant des débouchés professionnels satisfaisants et des progressions de carrière non négligeables, ce qui explique que les entreprises soient fortement impliquées quelles que soient leur taille et leur secteur d’activité (En France, faut-il le rappeler, l’apprentissage est encore bien trop souvent vu comme un outil de la politique de l’emploi susceptible d’insérer les jeunes en échec scolaire).

Le modèle allemand est-il transférable dans l’Hexagone ?
S’il faut certes se garder de toute transposition mécanique, et s’il est particulièrement difficile d’appliquer des éléments qui relèvent d’une culture nationale, on peut cependant raisonnablement penser que la philosophie du projet de réforme que l’on vient d’évoquer peut permettre de rénover en profondeur la formation professionnelle française, en s’inspirant de l’ « exemple allemand ».

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