La soutenabilité de la croissance et du développement - Dossier documentaire

Sommaire

Document 1 : Les limites de la croissance

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En mars 1972, répondant à une commande d'un think tank basé à Zurich (Suisse) – le Club de Rome –, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiaient The Limits to Growth, un rapport modélisant les conséquences possibles du maintien de la croissance économique sur le long terme. De passage à Paris , mercredi 23 mai, à l'occasion de la publication en français de la dernière édition de ce texte qui fait date [...], son premier auteur, le physicien américain Dennis Meadows, 69 ans, a répondu aux questions du Monde.

Quel bilan tirez-vous, quarante ans après la publication du rapport de 1972 ?

D'abord, le titre n'était pas bon. La vraie question n'est pas en réalité les limites à la croissance, mais la dynamique de la croissance. Car tout scientifique comprend qu'il y a des limites physiques à la croissance de la population, de la consommation énergétique, du PIB, etc. Les questions intéressantes sont plutôt de savoir ce qui cause cette croissance et quelles seront les conséquences de sa rencontre avec les limites physiques du système.

Pourtant, l'idée commune est, aujourd'hui encore, qu'il n'y a pas de limites. Et lorsque vous démontrez qu'il y en a, on vous répond généralement que ce n'est pas grave parce que l'on s'approchera de cette limite de manière ordonnée et tranquille pour s'arrêter en douceur grâce aux lois du marché. Ce que nous démontrions en 1972, et qui reste valable quarante ans plus tard, est que cela n'est pas possible : le franchissement des limites physiques du système conduit à un effondrement.

[...]

Voit-on des signes tangibles de cet effondrement ?

Certains pays sont déjà dans cette situation, comme la Somalie par exemple. De même, le "printemps arabe", qui a été présenté un peu partout comme une solution à des problèmes, n'est en réalité que le symptôme de problèmes qui n'ont jamais été résolus. Ces pays manquent d'eau, ils doivent importer leur nourriture, leur énergie, tout cela avec une population qui augmente. D'autres pays, comme les Etats-Unis, sont moins proches de l'effondrement, mais sont sur cette voie.

La croissance mondiale va donc inéluctablement s'arrêter ?

La croissance va s'arrêter en partie en raison de la dynamique interne du système et en partie en raison de facteurs externes, comme l'énergie. L'énergie a une très grande influence. La production pétrolière a passé son pic et va commencer à décroître. Or il n'y a pas de substitut rapide au pétrole pour les transports, pour l'aviation… Les problèmes économiques des pays occidentaux sont en partie dus au prix élevé de l'énergie.

Dans les vingt prochaines années, entre aujourd'hui et 2030, vous verrez plus de changements qu'il n'y en a eu depuis un siècle, dans les domaines de la politique, de l'environnement, de l'économie, la technique. Les troubles de la zone euro ne représentent qu'une petite part de ce que nous allons voir. Et ces changements ne se feront pas de manière pacifique.

Source : Dennis Meadows, « La croissance mondiale va s’arrêter », propos recueillis par Stéphane Foucart et Hervé Kempf, Le Monde, mai 2012

 

Questions :

1 ) Donnez un exemple de limite « physique » à la croissance.

2 ) Comment l’énergie impose-t-elle une limite à la croissance selon Meadows ?

3 ) Peut-on rapprocher la vision défendue par Meadows d’un modèle de soutenabilité forte ou faible ?

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1 ) Donnez un exemple de limite « physique » à la croissance.

Les limites des ressources non renouvelables peuvent être vues comme des limites « physiques » à la croissance. Le réchauffement climatique va aussi dans ce sens : dépassé un certain seuil, ce réchauffement rend la planète inhabitable et donc la croissance économique impossible.

2 ) Comment l’énergie impose-t-elle une limite à la croissance selon Meadows ?

 L’énergie impose une limite car les ressources énergétiques actuellement les plus utilisées, comme le pétrole, ne sont pas renouvelables et ont atteint leur pic d’utilisation. Ces ressources n’ont pas de réel substitut sur le court ou moyen terme et en l’absence de tels substituts, il ne sera pas possible de croître davantage si les ressources énergétiques s’épuisent.

3 ) Peut-on rapprocher la vision défendue par Meadows d’un modèle de soutenabilité forte ou faible ?

Dennis Meadows semble assez pessimiste sur les possibilités technologiques de dépasser les limites de la croissance. Fidèle à l’esprit du rapport de 1972, il semble davantage prôner un ralentissement de la croissance qu’une recherche de substitution du capital physique au capital naturel et se rapproche donc d’un modèle de soutenabilité forte de la croissance.

Document 2 : Ledéveloppement durable

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Le genre humain a parfaitement les moyens d’assumer un développement soutenable, de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs. La notion de développement soutenable implique certes des limites. Il ne s’agit pourtant pas de limites absolues mais de celles qu’imposent l’état actuel de nos techniques et de l’organisation sociale ainsi que de la capacité de la biosphère de supporter les effets de l’activité humaine. Mais nous sommes capables d’améliorer nos techniques et notre organisation sociale de manière à ouvrir la voie à une nouvelle ère de croissance économique. La Commission estime que la pauvreté généralisée n’est pas une fatalité. Or, la misère est un mal en soi, et le développement soutenable signifie la satisfaction des besoins élémentaires de tous, et pour chacun, la possibilité d’aspirer à une vie meilleure. Un monde qui permet la pauvreté endémique sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres.

Pour satisfaire les besoins essentiels, il faut non seulement assurer la croissance économique dans les pays où la majorité des habitants vivent dans la misère mais encore faire en sorte que les plus démunis puissent bénéficier de leur juste part des ressources qui permettent cette croissance. L’existence de systèmes politiques garantissant la participation populaires à la prise de décision et un démocratie plus efficace dans la prise de décisions internationales permettraient à cette justice de naître.

Pour que le développement soutenable puisse advenir dans le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respectent les limites écologiques de la planète. Cela vaut pour la consommation d’énergie, par exemple. En outre, une croissance démographique trop forte peut accroître les pressions qui pèsent sur les ressources et freiner l’amélioration du niveau de vie ; le développement soutenable n’est donc possible que si la démographie et la croissance évoluent en harmonie avec le potentiel productif de l’écosystème.

Cela dit, le développement soutenable n’est pas un état d’équilibre, mais plutôt un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, le choix des investissements, l’orientation du développement technique ainsi que les changement institutionnel sont déterminés en fonction des besoins tant actuels qu’à venir. Nous ne prétendons certainement pas qu’il s’agit là d’un processus simple. Des choix douloureux s’imposent. En dernière analyse, le développement soutenable est bien une affaire de volonté politique.

Source : Gro Harlem Bruntland (dir.), Notre avenir à tous, Éditions Lambda, 2008 (édition du rapport « Bruntland » paru en 1987)

 

Questions :

4) Le développement soutenable (ou durable) suppose-t-il un arrêt de la croissance ?

5)  Dans l’optique du développement durable, l’effort climatique doit-il être de même niveau pour tous les pays ?

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4) Le développement soutenable (ou durable) suppose-t-il un arrêt de la croissance ?

 

Le développement durable ne suppose pas un arrêt de la croissance, il est à distinguer de la décroissance. C’est une approche qui invite plutôt à réfléchir aux conséquences de la croissance sur les inégalités et le climat et ce, aussi bien pour les générations présentes que futures. L’un des objectifs du développement durable est de permettre le développement des générations présentes tout en préservant les possibilités de développement pour les générations futures.

5)  Dans l’optique du développement durable, l’effort climatique doit-il être de même niveau pour tous les pays ?

Dans un souci d’équité intragénérationnelle, l’approche du développement durable telle qu’elle est défendue ici par l’équipe dirigée par Gro Harlem Bruntland invite les pays les plus riches (les « nantis ») à faire le plus gros de l’effort en faveur de la planète.

Document 3 : Evolution de la température mondiale

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Question :

6) Ce document permet-il d’établir un lien entre la croissance économique mondiale et le réchauffement climatique ?

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6) Ce document permet-il d’établir un lien entre la croissance économique mondiale et le réchauffement climatique ?

Sur un tel document, il est plus pertinent d’observer la moyenne glissante sur 10 ans que les variations annuelles. Cette moyenne glissante nous permet de voir que la température moyenne est restée relativement stable jusqu’en 1910 avant de connaître une première période d’augmentation jusqu’aux années 1940. Surtout, l’augmentation de la température devient forte et rapide après 1950 sous l’impulsion de l’accélération de la croissance mondiale et de l’augmentation des échanges internationaux. L’augmentation de la production et des échanges est à l’origine de l’augmentation de l’émission de gaz à effet de serre qui créent le changement climatique.

Document 4 : la pollution

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Questions :

7) Comment la pollution a-t-elle évolué entre 1990 et 2019 ?

8) Les inégalités de pollution ont-elles augmenté ou diminué entre 1990 et 2019 ?

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7) Comment la pollution a-t-elle évolué entre 1990 et 2019 ?

Entre 1990 et 2019, les émissions totales de CO2 sont passées de 32 milliards de tonnes à 50,5 milliards, soit une hausse de 58 % sur la période. Une partie de cette hausse est due à l’augmentation de la population, mais les émissions par tête ont aussi augmenté puisqu’elles sont passées de 6,2 à 6,6 tonnes par personne, soit une hausse de 7 %.

8) Les inégalités de pollution ont-elles augmenté ou diminué entre 1990 et 2019 ?

On peut constater que les émissions de CO2 des moins pollueurs ont augmenté de 96 % (32 % pour les émissions par tête) sur la période considérée alors que celles de 40 % au-dessus d’eux n’ont augmenté « que » de 54 %, tout comme celles du Top 10 % des plus gros pollueurs. Ce sont donc les moins pollueurs qui ont le plus accru leur pollution, ce qui semble signifier une réduction des inégalités de pollution. Cette « convergence » est liée à la fois au développement des pays où l’on polluait le moins et à la plus grande capacité pour les pays les plus riches à mieux maîtriser leur pollution (ce qui irait dans le sens de la courbe de Kuznets). Cependant, quand on regarde à un niveau plus fin, on constate que les très gros pollueurs (le Top 0,01 % ou même 0,1 %) ont augmenté leur pollution dans des proportions sans commune mesure avec le reste du monde. Il y a donc eu une concentration de la pollution au plus haut de l’échelle.

Document 5 : Variation de la superficie forestière...

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Questions :

9 ) Quelles sont les zones qui contribuent le plus à la déforestation ?

10 ) Cette déforestation tend-elle à s’accroître ou à se réduire ?

11 ) Comment la déforestation peut-elle limiter la soutenabilité de la croissance ?

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9 ) Quelles sont les zones qui contribuent le plus à la déforestation ?

Pour toutes les périodes concernées, deux zones se détachent nettement : l’Amérique du Sud et l’Afrique. Entre 2010 et 2020, la déforestation atteint en moyenne 2,5 millions d’hectares par an en Amérique du Sud et presque 4 millions d’hectares par an en Afrique.

10 ) Cette déforestation tend-elle à s’accroître ou à se réduire ?

En Afrique, la déforestation s’accroît, mais cette hausse est compensée par la baisse observée en Amérique du Sud. Dans les autres régions du monde, on peut plutôt parler d’une « reforestation » puisque la surface forestière tend à légèrement augmenter.

11 ) Comment la déforestation peut-elle limiter la soutenabilité de la croissance ?

Les ressources forestières sont indispensables à la croissance, leur disparition peut réduire les possibilités de croissance futures. Surtout, les forêts jouent un rôle indispensable du point de vue climatique (elles « piègent » le carbone) et de celui de la biodiversité. Les forêts sont des ressources renouvelables, mais il faut du temps pour qu’elles repoussent et se pose aussi la question de la qualité des forêts plantées (quels types d’arbres par exemple).

Document 6 : Capital

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Sous sa version la plus simple, la règle d’Hartwick stipule que la consommation peut être constante le long d’une trajectoire d’équilibre de l’économie si et seulement si la valeur de l’investissement total (évaluée aux prix d’équilibre) est nulle à chaque instant. Pour illustrer ce résultat simplement, supposons que l’économie ne possède que deux types de capitaux : un capital physique et un stock de ressource épuisable. Comme le stock de ressource ne peut que diminuer si on l’utilise, on est devant un investissement négatif, la valeur du stock diminuant de la valeur du montant prélevé, qui est la rente hotellinienne. Pour que la consommation reste constante, il faut, selon la règle d’Hartwick, que le stock de capital physique s’accroisse d’une valeur égale à cette rente. D’où la formulation normative de la règle d’Hartwick : investir à chaque instant la rente tirée de l’exploitation des ressources naturelles dans le capital physique.

Il est clair que cette règle n’est applicable que s’il y a une substituabilité parfaite entre les différents types de capitaux. Il faut en outre supposer que les comportements d’offre et de demande permettront la substitution. En effet, à proximité de l’épuisement, la rente de rareté associée à la ressource sera très élevée et, inversement, le prix du capital physique sera faible puisque la presque totalité de la ressource aura été « transformée » dans ce type de capital. Il n’est donc pas certain que ces prix permettent d’appliquer la règle, le montant nécessaire d’investissement en capital physique pouvant être trop élevé. Enfin, il faut noter que l’application de la règle suppose que l’on connaisse la valeur de l’investissement à chaque instant, une condition bien difficile à vérifier pratiquement et qui fait retomber dans les apories de la prévision.

Source : Gilles Rotillon, Économie des ressources naturelles. Paris, La Découverte, « Repères », 2019

Questions :

12) Outre le capital physique et le capital naturel, quelles autres formes de capitaux peuvent être identifiées dans les modèles de soutenabilité ?

13) Pourquoi l’hypothèse de substituabilité parfaite entre les formes de capitaux est-elle indispensable dans le modèle de soutenabilité faible ?

14)  Quel problème est pointé par l’auteur lorsque le capital naturel est proche de l’épuisement ?

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12) Outre le capital physique et le capital naturel, quelles autres formes de capitaux peuvent être identifiées dans les modèles de soutenabilité ?

Dans les modèles qui cherchent à étudier la soutenabilité à partir de stocks de capitaux, on ajoute souvent au capital naturel et au capital physique, le capital humain et le capital social.

13) Pourquoi l’hypothèse de substituabilité parfaite entre les formes de capitaux est-elle indispensable dans le modèle de soutenabilité faible ?

Dans le modèle de soutenabilité faible, l’idée est qu’il faut maintenir constant le stock global de capital. Pour que ce soit possible, il faut que les capitaux soient parfaitement substituables entre eux. Pour reprendre l’exemple développé dans le texte, il faut pouvoir remplacer le stock utilisé de capital naturel par du capital physique.

14)  Quel problème est pointé par l’auteur lorsque le capital naturel est proche de l’épuisement ?

Quand le capital physique est proche de l’épuisement, c’est qu’il devient très rare. La perte de nouvelles unités de ce capital devient très coûteuse, et donc difficile à remplacer par du capital physique. C’est d’autant plus vrai que ce capital physique, lui, est devenu abondant, il en faut une très grande quantité pour remplacer le capital naturel perdu. Autrement, dit, le coût du remplacement du capital naturel par du capital physique devient très important, ce qui rend l’hypothèse de ce remplacement moins probable et nuit donc à la possibilité d’une croissance soutenable.

Document 7 : L'empreinte carbone

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Questions :

 

15 ) Comment évolue l’empreinte carbone en France entre 1995 et 2019 ?

16 ) L’empreinte carbone est-elle plus forte pour les émissions directes sur le territoire national ou pour les importations ?

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15 ) Comment évolue l’empreinte carbone en France entre 1995 et 2019 ?

L’empreinte carbone a d’abord augmenté entre 1995 et 2005, que ce soit en volume global ou rapporté à la population. Elles se sont stabilisées et ont légèrement décru de 2011 à 2019.

16 ) L’empreinte carbone est-elle plus forte pour les émissions directes sur le territoire national ou pour les importations ?

Quelle que soit l’année, on peut constater que le total des tonnes de CO2 dues aux importations est supérieur au total dû à la production et à la consommation intérieures. Ainsi, en 2019, 391 millions de tonnes de CO2 en lien avec l’activité économique en France sont liées aux importations (203 + 188), alors que 307 millions de tonnes (193 pour la production, 114 pour la consommation) sont liées à l’activité intérieure. La France pollue donc moins par son activité directe sur le territoire que par ses importations.

Document 8 : Courbe environnementale

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Question :

17 ) Comment peut-on lier la courbe environnementale de Kuznets et une approche en termes de soutenabilité faible ?

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17 ) Comment peut-on lier la courbe environnementale de Kuznets et une approche en termes de soutenabilité faible ?

La courbe de Kuznets environnementale se base sur le constat selon lequel avec la montée du niveau de vie du pays, la pollution, la dégradation de l’environnement se réduit. C’est un point que l’on peut lier avec une approche en termes de soutenabilité faible : la croissance semble donner des ressources favorisant la réduction de l’impact sur l’environnement.

Document 9 : Tragedie des communs

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Cette réalité, dynamique et adaptative, a guidé le travail de recherche d’Elinor Ostrom (1933-2012), professeure de science politique à l’Université d’Indiana (États-Unis) et lauréate en 2009 du prix de la banque de Suède en sciences économiques (le « prix Nobel » d’économie). Depuis la soutenance de sa thèse en 1965 sur l’approvisionnement en eau de plusieurs collectivités locales du Sud de la Californie, elle a mis en évidence les stratégies déployées par des communautés d’usagers pour assurer la pérennité de ressources dites « rivales » – chaque unité consommée par un usager diminue d’autant le stock disponible pour tous les autres – mais« non exclusives » – il est difficile, voire impossible, d’en interdire l’accès. Constatant que des systèmes coopératifs de gestion des ressources naturelles continuent, malgré leur marginalisation par les théories dominantes, de perdurer à travers le monde, elle a cherché, avec l’Atelier de théorie et d’analyse des politiques fondé en 1973 à Bloomington (Indiana, États-Unis), à identifier ce qui fait la robustesse de ces systèmes. Isolant les grands critères permettant de pérenniser la gestion coopérative d’une ressource, Elinor Ostrom a su démontrer que des biens communs de petite et moyenne dimension – des pâturages, des zones de pêche, des systèmes d’irrigation, des massifs forestiers, mais aussi des biens communs immatériels sans périmètre, comme la connaissance – peuvent échapper à leur destin tragique à la condition que ceux qui sont directement concernés par leur utilisation puissent mettre au point des mécanismes institutionnels pour les gérer

L’« école de Bloomington », qui réunit lors de sa création des économistes et des chercheurs en science politique, fait ensuite appel à des juristes, à des anthropologues et à des spécialistes des sciences cognitives. En combinant plusieurs approches méthodologiques – études de terrain, méta-analyses et recherche expérimentale en laboratoire –, cet atelier pluridisciplinaire a pu vérifier de manière répétée que la communication, considérée jusque-là par la théorie des jeux comme du « bavardage » (cheap talk) n’ayant pas d’impact sur l’issue du jeu, permet en réalité de réguler les comportements et de créer ou de renforcer la confiance. La dimension d’apprentissage social que revêtent dès lors ces processus de communication permet, dans certaines conditions, d’éviter la surexploitation des ressources. En 1998, une photo satellite des zones pastorales situées aux confins de la Chine, de la Russie et de la Mongolie a permis d’observer que les tribus nomades qui, côté mongol, géraient le territoire avec des systèmes de propriété collective, rencontraient moins de problèmes de surpâturage que les exploitations situées en Chine, où elles ont été tour à tour nationalisées puis privatisées, ou encore côté russe, où elles étaient encore sous contrôle étatique.

Cette découverte bouleverse profondément la vision dominante qui assène des solutions fondées sur la perception d’un individu rationnel et égoïste, tourné vers la seule satisfaction de ses désirs individuels. Des travaux de science cognitive datant des années 1990 appuient cette nouvelle perspective, en affirmant que nous sommes aussi et surtout des êtres doués d’empathie pour nos semblables.

Source : Agnès Sinaï, Penser la décroissance. Presses de Sciences Po, « Nouveaux Débats », 2013

 

Questions :

18 ) Pourquoi peut-on dire que la « tragédie des communs » est fondée sur la « perception d’un individu rationnel et égoïste » ?

19 ) Qu’ont montré les travaux d’Elinor Ostrom sur la gestion des biens communs ?

 

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18 ) Pourquoi peut-on dire que la « tragédie des communs » est fondée sur la « perception d’un individu rationnel et égoïste » ?

La « tragédie des communs », telle qu’elle est formalisée par le biologiste Garett Hardin se base sur l’idée selon laquelle les caractéristiques des biens communs (non-excluabilité et rivalité) conduisent à leur surexploitation. Cette surexploitation est motivée, selon Hardin, par le fait que chaque individu perçoit qu’il a intérêt à exploiter au plus les biens communs, de crainte que d’autres ne le fassent avant lui. Ce modèle est tout à fait logique si on suppose que l’agent raisonne sur la base de son seul intérêt individuel. Il l’est moins à partir du moment où on raisonne avec un individu intégré dans des groupes sociaux et politiques.


19 ) Qu’ont montré les travaux d’Elinor Ostrom sur la gestion des biens communs ?

Les travaux d’Elinor Ostrom, fondés sur des analyses de terrain et des expérimentations, ont remis en cause la tragédie des communs. Ils ont montré l’existence de « systèmes coopératifs de gestion des ressources naturelles », c’est-à-dire de systèmes collectifs de gestion des ressources.

Document 10 : Evolution des taxes

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Questions :

20 ) Quels sont les effets attendus d’une taxe environnementale ?

21) Donnez un exemple de chacun des types de taxes identifiés dans le tableau.

22 ) Comparez l’évolution de la part des recettes environnementales dans le PIB pour l’UE dans son ensemble et en France.

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20 ) Quels sont les effets attendus d’une taxe environnementale ?

Une taxe environnementale est un instrument qui vise à internaliser l’externalité négative liée à la dégradation de l’environnement. La taxe donne un prix à l’externalité de manière à modifier les calculs des agents économiques. Les taxes environnementales peuvent aussi avoir un caractère incitatif ou désincitatif, visant à modifier les comportements. Enfin, on attend de ces taxes un « double dividende », c’est-à-dire à la fois une diminution de la pollution et une hausse des recettes publiques, qui peuvent alors financer la politique climatique.

21) Donnez un exemple de chacun des types de taxes identifiés dans le tableau.

On peut donner au moins un exemple pour chaque type de taxe :

  • taxes sur l’énergie : taxe sur les produits pétroliers
  • taxes sur les transports : taxe sur les vols intérieurs
  • taxe sur la pollution et les ressources : taxe carbone

22 ) Comparez l’évolution de la part des recettes environnementales dans le PIB pour l’UE dans son ensemble et en France.

En 1995, la part des recettes environnementales dans le PIB en France est comparable à celle de l’UE (autour de 2,5%). C’est également le cas en 2018, avec environ 2,4 % du PIB. On peut donc constater une légère baisse de la part des recettes environnementales dans le PIB pour la France comme pour l’UE. Néanmoins, l’évolution est beaucoup plus contrastée en France que dans l’UE. Dans l’UE, la fiscalité environnementale baisse à partir de 1999 jusqu’en 2009, puis augmente légèrement. En France, la fiscalité environnementale a perdu du poids par rapport au PIB de 1996 au début des années 2000 (sans doute en lien avec la relativement forte croissance du PIB sur cette période). Cette fiscalité connaît une légère baisse jusqu’en 2008, puis augmente de façon assez importante jusqu’en 2018.

Document 11 : Prix du quota CO2

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Source : Ministère de la transition écologique, « Le système européen d’échange de quotas d’émissions », Chiffres clés du climat, 2021

Questions :

23 ) Quel est l’intérêt de fixer un prix au carbone ?

24 ) Quels sont les avantages attendus au fait de laisser un marché fixer ce prix ?

25 ) Comment expliquer la chute de ce prix en 2008 puis après 2011 ?

26 ) Au mois de novembre 2021, le prix du carbone a atteint presque 75 euros la tonne, comment un tel prix peut-il inciter à des investissements en faveur de l’environnement ?

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23 ) Quel est l’intérêt de fixer un prix au carbone ?

 Les émissions de carbone correspondent à une externalité négative. Fixer un prix au carbone permet d’internaliser cette externalité. L’émission de carbone a alors un coût qui est intégré aux calculs des agents économiques. Par exemple, entre une production qui émet beaucoup de carbone et une autre qui en émet peu, la seconde aura plus de chances d’être adoptée.

24 ) Quels sont les avantages attendus au fait de laisser un marché fixer ce prix ?

 Il est difficile de fixer le prix du carbone à un niveau efficace pour internaliser l’externalité. En laissant le marché fixer le prix du carbone, on espère que ce prix reflètera les préférences des agents et récompensera ceux qui sont les plus vertueux.

25 ) Comment expliquer la chute de ce prix en 2008 puis après 2011 ?

Le prix du carbone dépend de l’offre et de la demande. Les périodes de crise (crise des subprime en 2008, crise de la dette en 2011), réduisent la demande pour les quotas de carbone à la fois car les entreprises tendent à moins produire et car les spéculateurs ont moins d’épargne à placer. La hausse récente du prix du carbone, outre les conséquences des modifications dans le fonctionnement du marché, s’explique d’ailleurs en partie par l’excès d’épargne.

26 ) Au mois de novembre 2021, le prix du carbone a atteint presque 75 euros la tonne, comment un tel prix peut-il inciter à des investissements en faveur de l’environnement ?

Un prix élevé du carbone renvoie un signal aux producteurs : émettre du carbone devient coûteux et les investissements en faveur de l’environnement deviennent rentables. La hausse du prix du carbone incite aussi à penser que les prix risquent de continuer à augmenter, ce qui donne l’impulsion à des investissements de long terme.

Document 12 : Mécanismes...

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Les importations qui génèrent des émissions dont les producteurs ne sont pas tenus responsables ne doivent pas bénéficier d’avantages concurrentiels par rapport à la production nationale qui est, quant à elle, soumise à la tarification du carbone.

Autrement dit, la tarification du carbone ne doit pas conduire à la délocalisation de la production nationale. En Europe, il est possible de restaurer l’équilibre des conditions de concurrence à l’aide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui soumet les importations au prix correspondant à leur teneur en carbone, en appliquant le même prix du carbone que pour les entreprises européennes. Cette stratégie, simple en théorie, se révèle plus complexe en pratique. Pour que la taxe aux frontières reflète de façon adéquate les émissions liées aux importations, il est nécessaire de disposer d’informations précises sur les chaînes de valeur, ce qui est difficile. C’est pourquoi les économistes manifestent un enthousiasme modéré à l’égard d’une telle taxe. Elle nous paraît cependant nécessaire, ne serait-ce que pour obliger les pays laxistes à rejoindre la table des négociations et à contribuer à réduire leurs émissions. Notons par ailleurs que l’Europe pourra difficilement justifier un ajustement aux frontières sur la scène internationale si elle manque de rigueur en interne et autorise les exonérations. Dit autrement, l’Europe ne pourra justifier un ajustement fiscal aux frontières que sur les produits qui sont taxés au sein de l’UE.

Source : Christian Gollier et Mar Reguant, « Chapitre 1. Changement climatique », in Olivier Blanchard et Jean Tirole, Les grands défis économiques, 2021

 

Questions :

27 ) Expliquez ce qu’est le principe du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

28 ) Pourquoi ce mécanisme est-il un outil important dans la politique climatique ?

 

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27 ) Expliquez ce qu’est le principe du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est un dispositif qui conduit à imposer une tarification carbone (une taxe) aux importations. C’est une manière de lutter contre la pollution liée aux produits importés.

28 ) Pourquoi ce mécanisme est-il un outil important dans la politique climatique ?

C’est un outil important, en particulier pour les pays les plus riches car la production des produits les plus polluants est souvent située à l’extérieur de ces pays. Ne taxer que les produits réalisés sur le territoire national serait laisser de côté une grande partie de la pollution liée à la consommation.

Document 13 : Les luttes contre les substances appauvrissant la couche d'ozone ?

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Au milieu des années 1970, des scientifiques ont lancé un avertissement selon lequel les produits chimiques fabriqués par l'homme et présents dans des produits quotidiens tels que les aérosols, les mousses, les réfrigérateurs et les climatiseurs nuisaient à la couche d'ozone. À l'époque, ils ne connaissaient pas l'ampleur du problème. Mais en 1985, il a été confirmé qu'un trou s'était formé dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique. Le bouclier solaire naturel de la planète, qui protège les êtres humains, les plantes, les animaux et les écosystèmes d'un rayonnement ultraviolet excessif, avait été rompu.

Soudain, l'avenir a été assombri par des cancers de la peau, des cataractes... La perspective de plantes et de cultures en voie de disparition, d'écosystèmes endommagés s'est profilée. Il n'y avait pas de temps à perdre. Les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme et le monde a écouté.

En 1985, les gouvernements ont adopté la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone, qui a servi de cadre au protocole de Montréal visant à éliminer progressivement les substances appauvrissant la couche d'ozone, notamment les chlorofluorocarbones (CFC). Le Protocole est entré en vigueur en 1989 et, en 2008, il était le premier et le seul accord environnemental des Nations unies à être ratifié par tous les pays du monde.

Le PNUE a joué un rôle clé dans ce processus réussi. Il a négocié la Convention de Vienne et, depuis 1991, il héberge le Secrétariat de l'ozone à Nairobi, au Kenya.

Les résultats ont été spectaculaires. Environ 99 % des substances appauvrissant la couche d'ozone ont été progressivement éliminées et la couche protectrice au-dessus de la Terre se reconstitue. Le trou dans la couche d'ozone de l'Antarctique devrait se refermer d'ici les années 2060, tandis que d'autres régions retrouveront les valeurs d'avant 1980 encore plus tôt. Chaque année, on estime que deux millions de personnes sont épargnées par le cancer de la peau. Les bénéfices sont également plus larges, car bon nombre des gaz qui appauvrissent la couche d'ozone font également augmenter les températures mondiales.

Une étude récente a montré que sans l'interdiction des CFC par le protocole de Montréal, une quantité moindre de carbone aurait été stockée dans les plantes, la végétation et le sol, ce qui aurait pu entraîner un réchauffement climatique supplémentaire de 0,5 à 1,0 degré Celsius.

Source : PNUE, « Réparer la couche d'ozone : comment le monde s'est uni pour venir à son secours », Septembre 2021

 

Question :

29 ) Quel mode de gouvernance a permis la lutte contre les substance appauvrissant la couche d’ozone ?

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29 ) Quel mode de gouvernance a permis la lutte contre les substance appauvrissant la couche d’ozone ?

Le protocole de Montréal est le principal exemple de politique climatique réussie au niveau international. Ce protocole a été adopté suite à une convention internationale, signée par les gouvernements. Les négociations et la mise en place de ce protocole se sont faites à l’ONU.

Document 14 : Contribution et réception des impacts du réchauffement climatique

Facile

 

Question :

30 ) Quelle exigence concernant la transition juste ce document permet-il de mettre en évidence ?

31 ) Comment peut-on lier cette exigence avec la notion de développement durable ?

 

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30 ) Quelle exigence concernant la transition juste ce document permet-il de mettre en évidence ?

Le document montre que la « balance nette » de la contribution au réchauffement climatique est largement excédentaire pour les pays les plus riches, qui sont ceux qui contribuent bien plus au réchauffement climatique qu’ils n’en subissent les conséquences alors que les pays les plus pauvres, eux subissent bien plus les conséquences de ce réchauffement qu’ils n’y contribuent. Ce constat invite à penser que la politique climatique doit veiller à respecter l’équité entre les pays selon leur niveau de développement. L’effort doit être plus important pour les pays les plus riches.

31 ) Comment peut-on lier cette exigence avec la notion de développement durable ?

Ce document peut être lu sous l’angle du développement durable au moins de deux manières :

  • le réchauffement climatique entrave les possibilités de développement durable, puisque le développement des générations futures est limité dans une planète qui se réchauffe fortement
  • les effets du réchauffement climatique nuisent principalement au développement des pays les plus pauvres, alors que le développement durable met l’accent sur ce développement.

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