Emploi (2)

Définition :

Au sens le plus large, l’emploi est la situation des personnes appartenant à la population active occupée, soit les personnes qui exercent une activité rémunérée. Dans un sens plus restreint, l’emploi renvoie au fait de travailler dans un cadre spécifique et qui assure à l’individu une place dans la société, une identité et des droits sociaux (retraite, chômage, assurance maladie).

L'essenteil

L’emploi peut être mesuré statistiquement. Selon l’Insee, sont en emploi les personnes appartenant à la population active occupée, c’est-à-dire les personnes ayant exercé une activité rémunérée, ne serait-ce qu’une heure, au cours d’une semaine de référence, ainsi que celles pourvues d’un emploi mais qui en sont temporairement absentes (congé maladie de moins d’un an, congés payés, congé de maternité/paternité, formation rémunérée par l’employeur, chômage technique ou partiel, etc.). L’emploi se distingue alors du chômage et de l’inactivité, même si les frontières sont parfois un peu floues.

 

Au sein de la population active occupée, il est courant de distinguer les salariés de ceux et celles qui occupent des emplois « indépendants », ces derniers représentant seulement 10 % environ des personnes en emploi. Le sociologue Robert Castel a montré que la norme d’emploi s’est construite autour du développement du salariat, forme de travail qui se développe avec l’industrialisation. L’emploi salarié se caractérise par 3 éléments : un lien de subordination (le salarié a un employeur), le versement d’un salaire régulier en contrepartie du travail effectué et l’accès à une protection sociale, des droits sociaux. Comme l’avait montré Karl Polanyi, ce statut de l’emploi salarié n’a pas émergé tout de suite : le travail est d’abord vu comme une sorte de marchandise, qui doit pouvoir s’obtenir sur un marché libre (le travail est, pour Polanyi, une « marchandise fictive ») et la protection sociale se met en place progressivement, notamment sous l’impulsion de mouvements sociaux. L’emploi ouvre, en France, d’abord le droit à une protection face aux accidents du travail à la fin du 19e siècle et la mise en place de la Sécurité sociale en 1945 crée une protection pour tous les salariés, avec trois branches : famille, maladie et vieillesse. Cette protection sociale s’appuie sur le principe d’une assurance : les salariés cotisent et ce sont les prélèvements sur leurs salaires qui financent les prestations versées. En 1958, une assurance chômage est créée en France.

 

Cependant, cette protection tend à reposer non seulement sur l’emploi salarié, mais aussi sur l’emploi salarié exercé en contrat à durée indéterminée (CDI), qui est le contrat de travail le plus répandu. Robert Castel a montré que la précarisation de l’emploi remet en cause son rôle intégrateur. Il évoque ainsi un processus de désaffiliation, qui apparaît avec le développement de formes atypiques de l’emploi, qu’elles prennent la forme de contrats de courte durée (CDD, intérim par exemple) ou d’une faible durée hebdomadaire (temps partiel). Tout ceci interroge notamment la possibilité de maintenir la protection sociale autour de l’emploi :

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Ce qui modifie la relation à l’emploi, c’est bien-sûr aussi la montée du chômage, qui devient un chômage de masse. Avec un taux de chômage qui dépasse régulièrement les 8 % de la population active et une montée du chômage de longue durée, l’intégration par l’emploi est mise à mal. Cela pousse les pouvoirs publics à développer une politique de l’emploi, distincte de la politique conjoncturelle en faveur de la croissance. Cette politique peut, schématiquement prendre la forme de politiques « actives », qui visent au retour à l’emploi des personnes qui en sont dépourvues ou bien des politiques « passives », qui, elles, ont plutôt pour objectif de prendre en charge les conséquences négatives du chômage. Ces politiques de l’emploi sont à distinguer des politiques « pour l’emploi », qui peuvent prendre la forme de politiques de relance keynésienne, ou bien de politiques de compétitivité, qui ne sont pas ciblées uniquement sur l’objectif de l’emploi.

 

D’un point de vue plus strictement économique, l’emploi est en effet intégré à la dynamique de croissance. John Maynard Keynes fait ainsi de l’emploi (et de la lutte contre le chômage), le principal objectif de la politique conjoncturelle et Nicholas Kaldor en fait l’un des sommets de son « carré magique ». Le taux d’emploi, qui rapporte le nombre de personnes appartenant à la population active occupée au nombre de personnes en âge de travailler est ainsi un indicateur important de la situation économique d’un pays. Quand le diagnostic sur l’emploi renvoie à des problèmes structurels, tels qu’un manque de compétitivité à l’international ou des problèmes d’appariement (les qualifications ne correspondent pas aux emplois recherchés), des politiques plus structurelles sont visées. Une approche plus exigeante de la politique de l’emploi prend forme autour de la « garantie d’emploi », notamment développée par Pavlina Tcherneva : il s’agit d’une garantie publique d’embauche pour un salaire minimum, que pourrait activer toute personne en âge de travailler.

 

Sur le marché de l’emploi, au-delà de la montée du chômage, on assiste depuis les années 1970 à une montée de la « polarisation » .Si de nombreux salariés restent relativement « à l’abri » et ne connaissent des emplois précaires qu’en début de carrière, certains secteurs d’activité et les personnes les moins qualifiées, voire celles qui n’ont « que » le diplôme, connaissent des difficultés plus importantes. Avoir un contrat précaire rend l’intégration sociale plus difficile, crée de l’incertitude et limite l’accès au logement ou au crédit par exemple. Face à ces difficultés, de plus en plus de personnes cherchent à « créer leur propre emploi » en développant des micro-entreprises, qu’elles espèrent voir grandir. Cependant, ce développement a aussi favorisé ce qu’on appelle « l’ubérisation » de l’emploi, en référence à l’entreprise Uber qui a recours à de nombreux micro-entrepreneurs pour développer son activité. Cette nouvelle forme d’emploi, pas tout à fait indépendant (les plateformes telles qu’Uber imposent un important cahier des charges et cherchent à avoir l’exclusivité du travail de ses « collaborateurs ») et pas tout à fait salarié (pas de protection sociale et pas de garantie de revenu) interroge la possibilité de maintenir le lien entre protection sociale et emploi. Si dans plusieurs cas, le contrat passé entre les plateformes et les travailleurs indépendants est requalifié en contrat de travail, la possibilité d’assurer la protection sociale autour de l’activité plutôt que de l’emploi est aussi questionnée.

 

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