Exercice 3 *** Une organisation taylorienne dépassée ?

Difficile

Danièle Linhart […] s’emploie à décrypter dans les pratiques managériales contemporaines et les formes de « mise au travail » qu’elles permettent, des ressorts apparemment paradoxaux : d’un côté le passage d’une déshumanisation du travail par les pratiques tayloriennes à une surhumanisation et une valorisation de l’« engagement » dans le travail des salariés, de l’autre l’existence d’une filiation idéologique très directe entre les pratiques contemporaines et des doctrines gestionnaires antérieures comme le taylorisme et le fordisme, considérées – à tort nous dit l’auteure – comme révolues ou dépassées.

[…] Mettant l’accent sur l’autonomie et l’autodiscipline des salariés dans la construction de leur parcours, ces dispositifs (les pratiques managériales actuelles) construisent des approches individualisantes et tendent à substituer à des savoirs professionnels des référentiels de compétences. En s’appuyant à la fois sur une enquête menée auprès d’une population de cadres et sur une importante littérature décrivant ce tournant vers un « management individuel des compétences », l’auteure porte un regard critique sur plusieurs effets pernicieux du management contemporain : elle souligne d’abord combien il soutient une entreprise de dépossession de savoirs collectifs et produit des formes d’isolement. Le travail n’ouvre alors plus sur la construction d’une identité sociale fondée sur une culture de métier et tend plutôt à valoriser une « mise en concurrence » généralisée des travailleurs. La seconde conséquence de ces pratiques mise en avant par l’auteure a trait à la façon dont l’engagement subjectif des travailleurs est sollicité. Revenant sur ce que des travaux comme ceux de Vincent de Gaulejac (2005) ont pu montrer, l’auteure souligne que les pratiques d’un management « par l’humain » visent avant tout à obtenir la mobilisation de l’être humain tout entier, de « l’entièreté de la personne » et, partant, à inscrire l’intensification des efforts demandés dans un apparent « libre consentement ».

Boni-Le Goff Isabel, « Danièle LINHART, La comédie humaine du travail, de la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale. », Travail, genre et sociétés, 2018/1 (n° 39), p. 240-244.

Questions

1. Pourquoi Danièle Linhart évoque-t-elle une surhumanisation excessive du travail ?

2. Dans quelle mesure peut-on dire que les nouvelles pratiques managériales se distinguent de l’organisation taylorienne ?

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Réponses

1. Pourquoi Danièle Linhart évoque-t-elle une surhumanisation excessive du travail ?

Pour la sociologue Danièle Linhart, l’humain est placé au cœur des formes du management contemporain. Cela signifie que l’individu n’est pas seulement jugé pour ses compétences professionnelles mais que l’on attend de lui des qualités humaines en adéquation avec les objectifs de l’entreprise. 

2. Dans quelle mesure peut-on dire que les nouvelles pratiques managériales se distinguent de l’organisation taylorienne ?

Contrairement au taylorisme qui tend à déshumaniser le travail en le rationalisant au maximum, le management moderne – à l’instar du management participatif – cherche à « ré-humaniser » le travail en incluant davantage le travailleur dans la prise de décision.

Cependant, Linhart souligne que la « surhumanisation » à l’œuvre dans ces nouvelles pratiques managériales les rapproche du modèle taylorien. En effet, la valorisation de l’engagement personnel des travailleurs tend à intensifier leurs efforts. Par ailleurs, le travailleur, étant totalement mobilisé, ne dispose que d’une autonomie relative. En ce sens, le modèle managérial post-taylorien ne rompt pas totalement avec le taylorisme.

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