Loin d’être de purs observateurs neutres du champ politique qui délivreraient modestement le résultat de leurs enquêtes, les sondeurs revendiquent le monopole de la connaissance scientifique de la volonté populaire. Faire l’opinion* a ajouté à la critique du sondage faite par Bourdieu l’analyse de l’insertion de cette technologie dans le fonctionnement du champ politique, montrant que le champ du pouvoir s’était restructuré autour de deux nouveaux acteurs : la télévision et les sondeurs […]. Dans les coulisses comme sur le devant de la scène où s’affrontent des leaders politiques devant de vastes auditoires de téléspectateurs s’agitent désormais nombre d’agents qui contribuent à faire le spectacle, depuis les commentateurs traditionnels tels que les éditorialistes et les hommes politiques jusqu’à ces nouveaux venus que sont les politologues, les conseillers en communication et, bien sûr, les sondeurs. Cette médiatisation de la politique et son accompagnement par les sondages ont tendanciellement eu pour effet de redéfinir ce qu’on met sous l’expression « faire de la politique » qui consiste de plus en plus en l’art d’utiliser un ensemble de techniques mises au point par des spécialistes en communication et en sondages qui sont destinées à agir sur des électeurs placés en position de spectateurs afin de produire des effets d’opinion mesurés par les entreprises de sondage.
Source : Patrick Champagne, « Faire l’opinion 20 ans après », in Alain Garrigou (dir.), Critique des sondages, actes du colloque éponyme du 5 novembre 2011.
*Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, 1990.
1-Selon le texte, qu’appelle-t-on « médiatisation de la politique » ?
2-Pourquoi les sondages contribuent-ils à la médiatisation de la politique ?
3-Selon le texte, quel avantage les sondages ont-ils sur les autres manières de connaître l’opinion publique ?
4-Selon le texte, quels agents la médiatisation de la politique contribue-t-elle à faire émerger ? Pourquoi ?
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1-Selon le texte, qu’appelle-t-on « médiatisation de la politique » ?
La « médiatisation de la politique » désigne l’importance croissante que prennent les médias d’opinion et d’information dans le fonctionnement du champ politique. Les médias deviennent à la fois une ressource du jeu politique, mais aussi contraignent le personnel politique à la prise en compte de la dimension médiatique de leurs actions.
2-Pourquoi les sondages contribuent-ils à la médiatisation de la politique ?
Les sondages contribuent à la médiatisation de la politique car ils soumettent le personnel politique au jugement permanent de l’opinion publique. La recevabilité politique de leurs actions ou de leurs programmes est évaluée à l’aune des résultats des sondages. De même, la crédibilité-même de leur personnalité est elle aussi jaugée par cet outil. Les sondages obligent donc les hommes et femmes politiques à un travail constant sur leur image.
3-Selon le texte, quel avantage les sondages ont-ils sur les autres manières de connaître l’opinion publique ?
Selon le texte, les sondages ont pour avantage sur les autres manières de connaître l’opinion publique la scientificité supposée de leur méthodologie et donc le caractère difficilement critiquable, dans une société qui valorise le discours scientifique, de leurs résultats.
4-Selon le texte, quels agents la médiatisation de la politique contribue-t-elle à faire émerger ? Pourquoi ?
Selon le texte, la médiatisation de la politique contribue à faire émerger trois types d’intervenants nouveaux. Il y a les sondeurs, qui produisent les sondages dont sont friands les médias, mais aussi les hommes et femmes politiques eux-mêmes. Il y a aussi les politologues, considérés comme scientifiquement légitimes à commenter les résultats des sondages et que la multiplication de ces derniers contribue à installer comme des intervenants réguliers du commentaire de la vie politique. Il y a enfin les conseillers en communication, qui aident le personnel politique à travailler son image, de manière notamment à renvoyer une image positive qui sera ensuite potentiellement validée par les résultats des sondages.