Document 8 : la complémentarité des institutions face au coronavirus

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L’économiste Ludovic Subran observe, dans une tribune au « Monde », que les assurances classiques ne peuvent couvrir les pertes économiques d’une épidémie et que des solutions nouvelles doivent être trouvées.

 

L’onde de choc du coronavirus crée trois types de pertes et dommages économiques : un choc de commerce et de production, notamment à l’exportation ; un choc financier, avec le dévissement des marchés ; un choc de consommation, avec les mesures de confinement qui mettent l’activité économique sur pause. Pour les entreprises, c’est souvent la triple peine.

Il existe trois types de couvertures face à ces chocs : l’assurance-annulation, l’assurance-pertes d’exploitation et l’assurance-crédit. Mais elles peuvent s’avérer loin d’être suffisantes, et, surtout, elles nécessitent d’être repensée pour affronter des mégachocs.

Tout d’abord, la garantie d’annulation d’événement couvre les organisateurs, mais à condition que le contrat ait été souscrit avant la reconnaissance du coronavirus comme épidémie par l’OMS, le 30 janvier, et si l’épidémie est associée à une décision administrative d’annuler l’événement. En revanche si un organisateur décide l’annulation de son propre chef par peur du coronavirus, il ne pourra faire appel à son assureur.

Ensuite, l’assurance-pertes d’exploitation couvre les entreprises qui doivent faire face à une baisse d’activité, avec des conséquences financières importantes. Elle permet d’éponger la diminution du chiffre d’affaires et de couvrir les frais généraux. Le problème est qu’une telle assurance est liée à des dommages précis (incendie, explosion, impact de la foudre, dégât des eaux, bris de machine) et, souvent, l’épidémie est exclue des contrats.

Enfin, l’assurance-crédit assure l’entreprise contre le risque de défaut de paiement de ses clients. Elle peut être souscrite à tout moment, mais elle est basée sur le principe de prévention, c’est-à-dire que les garanties évoluent avec la solvabilité des clients. Par conséquent, face à un risque qui touche des milliers voire des millions d’entreprises à la fois, la couverture peut être limitée.

On voit bien que la couverture face à un mégachoc de ce type nécessite un meilleur partage du risque, en particulier entre public et privé.

 

Les Etats et les banques centrales font certes de leur mieux : moratoire sur l’impôt en Italie, autorisation de faire défaut sur sa dette en Chine, contrôle des prix et intervention sur les marchés financiers en France, 8 milliards de dollars et intervention de la Réserve Fédérale aux Etats-Unis. Mais si le vrai besoin est de fournir aux entreprises un pont de trésorerie en attendant le retour à la normale, il s’agit d’une dépense publique exceptionnelle que de nombreux pays ont du mal à provisionner. Le problème est qu’une intervention de l’Etat, que ce soit sous la forme de subventions ou de réassurance, est difficilement envisageable, car on ne peut pas imposer une assurance obligatoire dans la mesure où la majorité des entreprises ne seront pas concernées.

A moins d’envisager un autre type de solution. L’« obligation pandémie » (pandemic bond) lancée par la Banque mondiale, a permis d’obtenir 12 milliards de dollars pour financer des secteurs de santé confrontés à une épidémie dans les pays en développement. Ce type d’assurance dit paramétrique, comme les « obligations catastrophes » pour les risques naturels, transfère une partie des risques aux marchés : les investisseurs achètent les titres émis par la Banque mondiale. Ils prennent le risque de ne plus percevoir d’intérêts et de perdre une partie de leur capital en cas de pandémie. Ces montants vont aux pays affectés. Le mécanisme est déclenché par des critères objectifs (nombre de malades par exemple). Le problème est que les marchés peuvent prendre peur eux aussi avant que l’obligation ne se déclenche, et revendre leurs titres. Et la mise à l’échelle d’un tel mécanisme au niveau d’une pandémie comme le coronavirus poserait de toute façon le problème de la réassurance des porteurs de titres eux-mêmes. (…)

Ludovic Subran, Coronavirus : « Un mégachoc de ce type nécessite un meilleur partage du risque », Tribune, Le monde, 6 mars 2020

Questions :

1/ Pourquoi les assurance classiques ne suffisent pas face à une pandémie ?

2/ Quels rôles les Etats peuvent ils jouer ?

3/ En quoi « l’obligation pandémie » est elle différente ? est-ce vraiment une solution ?

 

Voir la correction

1/ Les assurance classiques proposent trois types de couvertures face à ces chocs : l’assurance-annulation, l’assurance-pertes d’exploitation et l’assurance-crédit. Pour qu’elles puissent être activées, il faut tout d’abord que les entreprises aient signé leur contrat avant le début de la pandémie, mais parfois cela ne suffit pas car les pandémie peuvent être exclues du champ d’application de la couverture ou alors la protection peut s’avérer très insuffisantes face à la situation.

2/ les Etats peuvent alors intervenir pour alléger ou reporter la fiscalité, pour contrôler les prix, pour accorder des subventions aux entreprises, pour prendre en charge le chômage partiel…

3/ L’obligation pandémie a déjà été initiée par la banque Mondiale dans des pays en développement : les investisseurs achètent des titres mais prennent le risque de ne pas percevoir d’intérêts et de subir des pertes en capital si le risque survient. Néanmoins cette solution n’est pas totalement satisfaisante car ces investisseurs ne seraient eux mêmes pas protégés…

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