Cette réflexion porte en son point de départ une question unique. Elle s’est donné pour objet de comprendre et d’expliquer le processus par lequel s’est constitué historiquement un quasi-monopole de l’énonciation de l’opinion publique par les sondages d’opinion dans les démocraties occidentales […]. Certes, un constat aussi massif doit être nuancé : le droit de faire parler l’opinion reste ouvert et en coexistent différents modes d’énonciation dans la société. Entre l’éditorialiste qui la fait intervenir à tout propos et sans médiation sous sa plume et le sondeur qui, l’ayant capturée dans ses tableaux, dénie à tout autre le droit d’en parler ; entre l’élu qui se reconnaît un droit particulier à parler en son nom et l’historien qui, au terme d’une reconstitution savante, la fait revivre pour une période donnée en assemblant des indices, des fragments et des preuves diverses ; entre le journaliste qui s’efforce de faire parler une « majorité silencieuse » à partir de quelques interviews glanées ici et là sur un trottoir et le porte-parole de tel groupe d’intérêts qui affirme, preuves à l’appui, que l’opinion publique est à ses côtés, peut-il s’agir de la même opinion publique que l’on reconstruit, met en scène et fait agir ? [Mais] la confrontation de l’opinion publique « sondagière » à d’autres constructions de l’opinion publique, élaborées selon d’autres procédures, a toute chance de tourner à l’avantage de la première.
Source : Loïc Blondiaux, La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages, 1998.
1-À partir des informations données par le texte, identifiez des techniques de recueil de l’opinion publique qui ne sont pas les sondages.
2-Connaissez-vous encore d’autres façons de recueillir l’opinion publique que celles évoquées dans le texte ?
3-Selon le texte, quel est le statut des sondages par rapport à ces autres méthodes ?
Voir la correction
1-À partir des informations données par le texte, identifiez des techniques de recueil de l’opinion publique qui ne sont pas les sondages.
- L’enquête journalistique sous forme d’interviews
- Les contacts avec la population de l’homme ou de la femme politique
- Les informations « de terrain » recueillies par le porte-parole d’un groupe d’intérêt (informations « remontées » par les militants, éventuelles pétitions, nombre de participants recensés lors d’une action, par exemple une manifestation)
- Le travail sur archives de l’historien, à partir de matériaux comme par exemple la presse