L'Europe, l'ouverture des marchés et le paquet "énergie-climat" : EDF, un acteur engagé

Introduction

EDF (Electricité de France) est une entreprise publique au statut d'EPIC (Etablissement public à caractère industriel et commercial) qui a été créée par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. L'objectif était alors de fusionner environ 1450 entreprises locales et, par cette loi, EDF a reçu le rôle de produire, transporter, distribuer, importer et exporter l'électricité. La production est la fabrication de l'électricité, réalisée par des centrales thermiques nucléaires, par des centrales thermiques classiques à pétrole, charbon ou gaz, et par des centrales hydroélectriques.

électricité EDF

Le transport est l'irrigation du territoire national sur des longues distances et par des lignes à très haute tension (THT) ; cette activité est réalisée aujourd'hui par le Réseau de Transport de l'Electricité (RTE), ancienne branche d'EDF créée en 2000. La distribution est le fait d'amener l'électricité chez les différents consommateurs, ce qui s'obtient par des lignes de moyenne et basse tensions qui ne sont pas toujours gérées par EDF mais parfois par des régies locales (entreprises locales de distribution dans certaines villes). La fourniture est la vente de l'électricité qui arrive chez le consommateur.

Longtemps en position de monopole sur le marché français, EDF demeure l'acteur principal de ce marché et détient des positions fortes sur les trois autres principaux marchés européens (Allemagne, Royaume-Uni et Italie), qui en font un des électriciens leader en Europe. EDF dispose aujourd'hui du parc de production le plus important et le moins émetteur de CO2 dans le monde, grâce à la part du nucléaire et de l'hydraulique dans son mix de production, fournissant de l'électricité, du gaz et des services associés à plus de 38 millions de clients dans le monde (et 28 millions de français).

Depuis le 1er juillet 2007, le groupe EDF exerce ses activités de commercialisation dans un marché européen de l'énergie totalement ouvert à la concurrence. Mais il n'en demeure pas moins que les entités du groupe EDF sont soumises à une grande diversité de réglementations, d'abord européennes mais aussi nationales en matière de distribution d'électricité, et aussi en matière d'environnement, de nucléaire et de sécurité.

Les conséquences de l'ouverture du marché de l'énergie en France

Le contexte réglementaire européen

La politique énergétique de la Commission européenne a pour objectif la création d'un marché intérieur de l'énergie qui se décline en trois priorités, parfois difficiles à concilier : la recherche de compétitivité, la contrainte de la sécurité d'approvisionnement, et le développement durable. Pour y parvenir, la directive de 1996 a fixé le cadre et les modalités d'ouverture du marché de l'électricité en posant notamment le principe de l'éligibilité des plus gros clients industriels (l'éligibilité est le fait, pour un client, de pouvoir s'adresser au fournisseur de son choix, ce qui signifie pour le cas de la France la fin du monopole d'EDF) .

Cette directive a été complétée par la directive du 26 juin 2003 qui établit les règles communes concernant la production, le transport et la fourniture d'électricité (libre choix du fournisseur par le consommateur, liberté d'établissement pour les producteurs, droit d'accès non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix par tous les utilisateurs de réseaux de distribution et de transport). A partir du 1er juillet 2004, tous les clients non résidentiels (producteurs, grossistes, à l'exclusion des personnes qui achètent l'électricité pour leur usage domestique) sont devenus des clients éligibles. Et, depuis le 1er juillet 2007, l'ensemble des clients, y compris les clients résidentiels, est désormais éligible.

Les conséquences de ce nouveau cadre européen pour l'activité d'EDF sont très importantes : avant l'ouverture du marché de l'énergie, EDF maîtrisait tous les aspects du métier de l'électricité, de la production à la fourniture de celle-ci au client ; désormais, si le transport et la distribution restent des sphères monopolistiques ou quasi-monopolistiques, la production et surtout la fourniture d'électricité sont soumises au marché concurrentiel, ce qui signifie que n'importe qui peut acheter ou vendre de l'électricité sans passer par EDF.

De la même manière qu'il y a quelques années pour le téléphone, où France Telecom s'est vu concurrencé par d'autres fournisseurs, toute entreprise peut désormais être concurrente d'EDF sur la vente d'électricité. Les différents fournisseurs vont ainsi se disputer des parts de marché sur un marché de prix libres, régi par la loi de l'offre et de la demande. Dans ce cadre nouveau, le lien entre producteur et consommateur est assuré par le fournisseur qui n'est qu'un simple commerçant, un détaillant qui se fournir sur le marché de gros (exactement comme pour le marché de légumes où le fournisseur gère les commandes et les livraisons, mais sans assurer le transport physique des marchandises).

EDF et la législation française

Les directives européennes ont été transposées en droit français par les lois du 10 février 2000, du 3 janvier 2003, du 9 octobre 2004 et du 7 décembre 2006. Sans entrer dans les détails, la loi du 9 octobre 2004, au-delà du principe de concurrence qui régit désormais le marché de l'énergie, rappelle les missions du service public de l'électricité qui incombent notamment à EDF.

EDF

Dans ce registre, le service public d'électricité a pour but de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national dans le respect de l'intérêt général, et de fournir l'électricité à l'ensemble des clients bénéficiant du tarif réglementé des ventes d'électricité, la fourniture aux clients en situation de précarité relevant d'une tarification spéciale « produits de première nécessité ». Pour le législateur, si l'entreprise EDF évolue maintenant dans le cadre d'un marché concurrentiel, elle n'en conserve pas moins un objectif de cohésion sociale, notamment au travers des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs bénéficiant de tarifs réglementés et de l'impératif de la desserte de l'ensemble du territoire national. D'une manière plus générale, l'action d'EDF se situe à l'intérieur de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (LPOPE) du 13 juillet 2005 qui définit les priorités de la France en matière de sécurité d'approvisionnement, prix compétitif de l'énergie, lutte contre l'effet de serre et cohésion sociale et territoriale.

Une illustration de cette dialectique entre concurrence et service public est fournie par les débats sur la question de l'éligibilité. Comme on l'a vu plus haut, depuis le 1er juillet 2007, tous les clients sans exception sont éligibles. Cependant, alors que l'éligibilité s'accompagnait d'un choix irréversible dans un premier temps, suite aux restrictions apportées par le Conseil constitutionnel aux dispositions législatives en faveur des tarifs réglementés (pour le Conseil, il ne devait pas y avoir de possibilité de retour sur le marché régulé, qui était voué à une disparition progressive), la loi du 21 janvier 2008 réintroduit cette réversibilité en autorisant les clients domestiques et non domestiques souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36kVA, qui emménagent sur un site dont l'occupant précédent a exercé son éligibilité, à bénéficier à nouveau des tarifs réglementés de vente d'électricité pour ce site .

Elle permet également aux consommateurs finals domestiques ayant exercé leur éligibilité pour un site de revenir aux tarifs réglementés, à condition d'en faire la demande avant le 1er juillet 2010. Par ailleurs, la loi du 7 décembre 2006 institue, pour les industriels, à titre transitoire, un "tarif de retour" (tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché, ou TARTAM) au profit des clients éligibles ayant exercé leurs droits, ceci pour pallier l'incidence de la hausse des prix du marché de l'électricité. Tous ces exemples nous montrent que l'action d'une entreprise publique comme EDF qui évolue sur le marché stratégique de l'énergie est nécessairement complexe entre d'une part l'obligation de s'inscrire dans un environnement concurrentiel, et d'autre part l'impératif de tenir compte de contraintes imposées par la puissance publique (en matière de sécurité énergétique, de protection de l'environnement, d'accessibilité à tous les réseaux et de lutte contre les inégalités).

Bilan actuel de l'ouverture du marché de l'électricité

Un peu plus d'un an après la libéralisation du marché de l'énergie intervenue le 1er juillet 2007, les nouveaux concurrents (Poweo, Direct Energie, Electrabel …) ont séduit 600 000 foyers (soit 0,5% des foyers français). Si on peut dire que le segment résidentiel s'ouvre peu à peu à la concurrence, il n'en reste pas moins que la France enregistre encore peu de mouvements en direction des nouveaux opérateurs énergétiques, à l'image d'ailleurs de ce qui se passe dans la plupart des pays européens. Pour le moment, seuls deux pays de l'Union font réellement jouer la concurrence en matière énergétique, à savoir l'Allemagne où plus de 1,5 million de consommateurs ont changé de fournisseur en 2007 (depuis la libéralisation de 1999, un Allemand sur deux a changé d'opérateur énergétique) et la Grande-Bretagne où 150 000 foyers changent chaque semaine de fournisseur (soit plusieurs millions chaque année).

 

Le paquet "Energie Climat"

Les propositions de la Commission du 23 janvier 2008

La Commission européenne a présenté le 23 janvier 2008 plusieurs propositions de texte en matière de lutte contre le changement climatique, qui font suite à l'approbation par le Conseil européen en mars 2007 d'un ambitieux plan d'action climat nommé objectif des "3 x 20", consistant en un engagement de l'Union européenne de réduire d'au moins 20% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, d'introduire 20% d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique à la même échéance, et d'augmenter de 20% l'efficacité énergétique. Pour parvenir à ce résultat, la Commission propose un ensemble de propositions articulées autour de 5 textes : une directive modifiant le système communautaire d'échange de quotas d'émission, une répartition de l'effort entre les Etats membres dans les domaines non couverts par ce système (transports, bâtiment, services), une directive visant à promouvoir les énergies renouvelables, une directive sur le captage et le stockage du CO2, et un nouvel encadrement des aides d'Etat dans le domaine de l'environnement (permettant notamment une plus grande souplesse dans l'attribution de ces aides).

énergie climat

Source: I4CE

Une des mesures phare consiste à faire payer progressivement (de 20% en 2013 à 100% en 2020) à partir de 2013 des "permis à polluer" jusqu'ici gratuits, pour les industries les plus polluantes de l'Union européenne. Le secteur de l'électricité, d'où provient une grande partie des émissions de CO2, va devoir payer pour obtenir des droits à polluer vendus aux enchères à compter de cette date (de même que les autres secteurs concernés, comme les industries de l'aluminium, la production d'ammoniaque, les transports aériens).

Une autre mesure clé de ce "paquet" européen vise à attribuer à chaque pays des objectifs contraignants au niveau de la part des énergies renouvelables dans la consommation. Aujourd'hui, la part de ces énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie est de 8,5%, si bien qu'une augmentation moyenne de 11,5% est indispensable pour atteindre l'objectif de 20% en 2020. La France devra aussi les faire passer de 10,3% en 2005 à 23% en 2020 (on tient compte de la situation de départ de chaque pays, c'est ainsi que l'Allemagne devra passer de 5,8% à 18%, la Suède de 39,8% à 49% …).

La stratégie d'EDF pour contribuer aux objectifs du paquet climat européen

Le groupe EDF n'est pas en mauvaise position de départ pour s'inscrire dans les objectifs du paquet "Energie Climat" européen et pour répondre de manière plus générale aux enjeux du développement durable, tels qu'ils ont pu par exemple être exprimés lors du Grenelle de l'environnement lancé le 21 mai 2007. En effet, grâce au mix énergétique d'EDF, le parc de production français est déjà 7 à 8 fois moins émetteur de CO2 que celui de nos grands voisins européens (95% de l'électricité produite par EDF est sans émission de gaz à effet de serre). Cela dit, sans se satisfaire de ce résultat, EDF envisage de prolonger son action au service de l'environnement dans bon nombre de directions, dont on ne retiendra ici que les plus significatives :

  • le développement du nucléaire est un axe important puisqu'il permet de concilier compétitivité, indépendance énergétique et faible émission de CO2 ; déjà leader mondial du nucléaire, le groupe EDF a pour objectif d'investir dans plus de 10 réacteurs EPR, de les mettre en service et de les exploiter dans le cadre de partenariats stratégiques ;
  • en plus de la technologie nucléaire, EDF envisage également une nouvelle réduction des émissions de CO2 grâce à la modernisation de son parc thermique à flamme, l'identification de nouveaux projets hydrauliques ainsi que le renforcement de son potentiel de projets éoliens ;
  • un autre axe important est l'élargissement de l'offre pour promouvoir l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de CO2 de ses clients : le groupe EDF entend ainsi augmenter de 50% chaque année le nombre de clients souscrivant des offres de maîtrise de l'énergie et d'énergies renouvelables d'ici 2012. C'est ainsi que se développe une gamme d'offres "Bleu Ciel d'EDF" qui intègre les énergies renouvelables réparties (photovoltaïque, pompe à chaleur, chauffe-eau solaire, etc.) , les téléservices et services innovants et les offres liées à des opérations d'isolation / rénovation ;
  • enfin, le groupe ne néglige pas le long terme puisqu'il s'engage dans un programme de recherche et de développement des nouvelles technologies, qui va se concrétiser par quelques innovations : énergies marines, stockage de l'énergie, énergie solaire, capture et séquestration géologique du CO2, etc.).

 

Conclusion

La France a fait de l'adoption du paquet "Energie Climat" une des grandes priorités de sa présidence de l'Union européenne et il est vrai que l'enjeu est crucial car le protocole de Kyoto arrive à échéance en 2012. Il est donc capital d'ici là que l'Europe puisse se positionner comme le moteur qui entraîne le reste du monde en se fixant des objectifs plus ambitieux que le reste de la communauté internationale en matière de protection de l'environnement. Cependant, le risque actuel de récession en Europe pourrait très vite reléguer la lutte contre le changement climatique au second plan à l'image par exemple de la Pologne qui justifie son rejet du plan européen par le fait que sa production d'électricité dépend avant tout de la production de charbon et que si les Polonais devaient réduire leur consommation de CO2 de 20%, ce serait aussi bien les industriels que les particuliers qui auraient à payer la facture (hausse prévisible de 90% des tarifs de l'électricité). Il faut donc espérer que les difficultés économiques prévisibles dans un avenir proche n'empêcheront pas l'Europe de conserver sa crédibilité en matière de lutte contre le changement climatique, et que l'éthique de responsabilité l'emportera sur la gestion des intérêts immédiats.

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