Replay de la conférence
Les chocs géopolitiques récents, guerre russo-ukrainienne, conflit Israélo-palestinien notamment ont multiplié l’intensité des incertitudes pesant sur les acteurs du commerce international. Il est de plus en plus urgent de sécuriser les approvisionnements, d’en diversifier les sources, de regénérer la chaine de valeur. Comment les firmes au cœur des dynamiques de flux internationaux s’adaptent-elles ? Comment états et firmes interagissent-ils dans ces temps et espaces d’incertitude ?
Intervenants :
- Sarah Guillou, directrice du département Innovation et concurrence à l’OFCE
- Pascal Boniface, Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)
- Philippe Roncati, ancien président de Kyndryl France
- Modérateur : Stéphane MARCHAND, Directeur, Rédacteur en chef de Pour l'Eco
5 points à retenir
À l’heure actuelle 2 chocs majeurs locaux (Gaza et Ukraine) ont eu un impact au-delà des protagonistes impliqués. Choc local, impact mondial.
Les tensions géopolitiques ont un impact sur l’économie. On constate des tensions géopolitiques plus vives et une augmentation des interdépendances vis-à-vis de l’environnement, des nouvelles technologies ou encore vis-à-vis des matières 1ères….
La situation évoquée dans le point 2 appelle à une coopération internationale et à une gouvernance mondiale. Il est nécessaire de s’appuyer sur les forces de chacun et ne pas faire de repli vers trop d’autonomie.
Il existe aujourd’hui 3 situations d’opposition qui ont des impacts sur l’économie :
La Russie contre le monde occidental
Les USA contre la Chine
Le monde occidental contre tous les autres
Chaque entreprise a un rôle à jouer en fonction de sa taille et de son microcosme face aux tension géopolitiques. Toutefois certaines entreprises issues de la Tech, en s’appuyant sur les effets de réseaux, investissent des domaines dévolus initialement à l’état ce qui pose la question de la régulation de leur activité.
Compte-rendu
De quoi parle-t-on, qu’entend-on par « chocs géopolitiques » ?
Pour Pascal Boniface les chocs qu’ils soient positifs ou négatifs se caractérisent par la force du changement qu’ils entrainent, « l’ampleur » (local-régional-global), faisant passer l’économie et son environnement, « d’un avant à un après ». Deux grands chocs ont récemment bouleversé la réalité et les stratégies des firmes, tout en interrogeant la capacité des états à amortir leurs effets : la crise « Ukrainienne » et le conflit israélo-palestinien. A la différence par exemple du conflit au Soudan ces chocs impliquent plus de monde que les seuls concernés : il existe des ramifications vers d’autres protagonistes.
Quels chocs, pour quelles conséquences ?
Si pour l’actuel directeur de l’IRIS, 3 grands chocs sont repérables et cumulent leurs effets : la guerre russo-ukrainienne, le conflit israélo-palestinien et la lutte sino-américaine pour le leadership technologique, elles ne sont que la partie visible d’une seule fracture « the west versus the rest ».
Un nouveau monde bipolaire s’est lentement construit sur les ruines du mur de Berlin : la Chine en devenant une puissance économique concurrente des Etats-Unis enferme les relations internationales dans le « piège de Thucydide ».
Il ne faut pas sous-estimer le choc créé par la lutte sino-américaine pour la maîtrise du leadership technologique. Les tensions sino-américaines gagnent en intensité et créent un environnement d’incertitudes rarement inégalées depuis la guerre froide. La contestation du leadership américain prospère, « The west versus the rest » semble la fracture qui fragilise le plus l’écosystème du commerce international : « Le nombre d’alliances fait de la Chine le 1ER PARTENAIRE DE 130 pays contre une soixantaine pour les américains ».
En réponse, on observe selon Philippe Roncati des stratégies de « spin-off » de la part des grands groupes (IBM par exemple) afin de se désengager des espaces d’incertitude (Russie, Ukraine) ou de ceux qui, pour l’administration américaine par exemple, ne serait plus « fréquentable » comme la Chine. Parallèlement, les firmes tentent de se réorganiser pour résoudre les fortes attritions produites par ces chocs, dans l’accès à leurs ressources stratégiques.
Ainsi, Sarah Guillou fait le constat de la montée en puissance des grandes firmes leaders du marché des innovations technologiques et en creux, leur potentialité à maintenir les états qui les hébergent en capacité de posséder un avantage en termes de défense stratégique. Ces firmes font aussi le pont entre les espaces, leurs chaines de valeur traversent les lignes de fracture préalablement observées : la chaîne de valeur des semi-conducteurs conservent aux Etats-Unis une forte activité de RetD par exemple, alors que la Chine ou Taïwan les produiraient.
Toutefois , la concentration sur le marché des « technos » permet aux grandes firmes de renforcer leur pouvoir de marché, mais aussi politique. Comment les états peuvent-ils résister à des firmes en capacité de produire les services qui jusqu’ici leur étaient dévolus ?
Les trois intervenants observent qu’à l’instar des Etats-Unis, l’Union européenne, offre un cadre réglementaire qui pourrait utilement contrebalancer ce pouvoir des grandes firmes. Cela serait pour Sarah Guillou le meilleur moyen pour l’UE d’utiliser sa puissance économique afin de compenser son manque de gouvernance politique.
Philippe Roncati rappelle les interdictions réglementaires qui viennent de frapper le réseau social X et l’IA Grok d’Elon Musk.
En creux les intervenants interrogent les politiques des états ou de l’UE qui consisteraient à privilégier l’autonomie, le repli, des protections ou réguler efficacement les nécessaires interdépendances.
Conclusion
Ainsi ce nouveau monde bipolaire « the west versus the rest » dont la prise de conscience du côté des pays occidentaux semble tardive, doit inviter les acteurs, sociétés civiles, firmes, gouvernements à imaginer un nouveau cadre de régulation : autonomie et repli versus prise de conscience de nos interdépendances et baisse des tensions commerciales ?
Pistes d'exploitation pédagogiques
En SES :
On pourra aborder ces situations démographiques et leur impact sur l’activité économique dans le chapitre de Terminale, intitulé “Quels sont les sources et les défis de la croissance ?”. Plus spécifiquement, on pourra amenerles élèves à voir le lien entre l’évolution de la croissance économique de ces pays et la part de la population en âge de travailler et active, lorsqu’on abordera le premier objectif d’apprentissage et le rôle de l’augmentation du facteur travail dans la croissance.
En Économie-Gestion :
En 1ère Management Thème 3 Les choix stratégiques des organisations. Question 3.1. du programme « Quelles options stratégiques pour les entreprises ? », permettant notamment de traiter des choix portant sur les maillons de la CV que l’entreprise souhaite maîtriser.
En 1ère économie Thème 1 Quelles sont les grandes questions économiques et leurs enjeux actuels ? Partie I.3. « Les échanges économiques » avec les notions de spécialisation des producteurs et des pays.
En terminale économie Thème 6 Comment l’état peut-il intervenir en économie ? Partie VI.1 « L’intervention de l’état », Partie VI.3 « Les politiques économiques de l’État et de l’Europe »
En terminale économie Thème 8 Comment organiser le CI dans un contexte d’ouverture des échanges ? Partie VIII. 1 « Les transformations du commerce mondial » et Partie VIII.3 « Une organisation mondiale pour gérer les différends entre États dans les échanges internationaux »
En BTS « Culture Économique, Juridique et Managériale » avec le thème 1 « L’intégration de l’entreprise dans son environnement » et plus particulièrement la question 1 « Comment s’établissent les relations entre l’entreprise et son environnement économique ? ». Avec le thème 2 « La régulation de l’activité économique » et plus particulièrement la question 1 « Quel est le rôle de l’état dans la régulation économique ? ». Avec le thème 6 « Les choix stratégiques de l’entreprise » et plus particulièrement la question 2 « Quels sont les choix stratégiques opérés par l’entreprise ? ».
En Géographie, ces sujets sont exploitables en classe de :
Première générale dans le Thème 2 « Diversification des espaces et des acteurs de la production » afin de susciter une lecture critique des moteurs de la recomposition et des interdépendances dans la question « Les espaces de production dans le monde : une diversité croissante ». L’utilisation de la conférence peut permettre de schématiser ou cartographier des transitions géopolitiques à l’œuvre actuellement.
En Terminale technologique, quelques extraits choisis peuvent être exploités pour préciser quelques points de la question obligatoire A – « Dynamiques territoriales contrastées au sein de la mondialisation » du thème 2 Thème 2 – « Des territoires inégalement intégrés dans la mondialisation, en fonction des décisions publiques et des stratégies des entreprises ». Ils permettront aux élèves de réfléchir sur des contradictions et les tensions entre choix politiques des Etats et stratégies des FTN ainsi que leurs répercussions territoriales.
En Terminale générale, au cours du Thème 2 « Dynamiques territoriales, coopérations et tensions dans la mondialisation ». La conférence peut être une base d’analyse à la question « Coopérations, tensions et régulations aux échelles mondiale, régionale et locale ». Le poids de la guerre russo-ukrainienne et les recompositions qui en découlent peuvent alimenter l’EDC « la Russie, un pays dans la mondialisation : inégale intégration des territoires, tensions et coopérations internationales »
En HGGSP :
Classe de Première, la conférence permettra de travailler et d’affiner la réflexion sur la puissance dans le thème 2 « Analyser les dynamiques des puissances internationales », afin d’élargir les facettes de l’argumentation issue du Jalon 2 « formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique » et donner du sens aux concurrences de puissance entre les Etats et les entreprises.
Quelques ressources complémentaires
- La Chine, un géant démographique aux pieds d’argile, https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/chine/
- L’évolution de la politiquede l’enfant uniqueen Chine, https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/paroles-chercheurs/is abelle-attane-1/
- Vanessa Bellamy, Un vieillissement plus marqué en Allemagne qu’en France ou au Royaume-Uni, Enquêtes et études démographiques, Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/2867604
- Cécile Oberlé, Impactdu vieillissement sur le marchéet la consommation en Allemagne, https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2016-4-page-124.htm
- Jean-Claude Chesnais, Quand un peuple en devient deux : une Allemagne et l’autre, Population et société, 1987 - Quand un peuple en devient deux : une Allemagne et l’autre - Population et Sociétés - Ined éditions- Ined -Institut nationald’études démographiques
- Gilles Pison, France: la fécondité la plus élevée d’Europe, Population et Sociétés, mars 2020 - France : la féconditéla plus élevée d’Europe - Population et Sociétés - Ined éditions- Ined -Institut nationald’études démographiques
- Gilles Pison, Le vieillissement démographique sera plus rapideau Sud qu’au Nord - Population et Sociétés - Ined éditions- Ined - Institut nationald’études démographiques
- Didier Blanchet,Le vieillissement de la population active: ampleur et incidence Economie et Statistique, 2002 - www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_2002_num_355_1_7377