Question 5. Comment expliquer la mobilité sociale ?

Sommaire

Une partie de la mobilité sociale est structurelle : la structure socioprofessionnelle change d’une génération à une autre, ce qui crée des flux de mobilité sociale. Selon les périodes, la part de cette mobilité structurelle dans la mobilité totale peut varier (elle diminue plutôt au fil du temps). Ainsi, la tertiarisation de l’emploi, la montée des qualifications et la salarisation conduisent à de la mobilité sociale.

Les enfants d’agriculteurs exploitants, puis ceux d’ouvriers ont connu une forte mobilité sociale par rapport à leurs parents du fait du « déversement » des emplois du secteur primaire vers le secteur secondaire, puis du secteur secondaire vers le tertiaire.

De la même manière, la diminution de la proportion de professions indépendantes a conduit les enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise à connaître une mobilité sociale vers les professions de salariés. Cela s’est accompagné d’une diminution de la transmission de certains types d’entreprises familiales (petites exploitations agricoles, boutiques, commerces de petite taille).

Un changement important dans la structure des emplois est également la montée des emplois qualifiés : les effectifs de cadres, tout comme ceux de professions intermédiaires ont augmenté. Cette monté a permis une certaine forme d’ascension sociale pour les enfants d’ouvriers et d’employés notamment.

Enfin, la féminisation des emplois a favorisé la mobilité sociale puisque les femmes ont eu tendance à occuper plus fréquemment un emploi que leur mère et à occuper des emplois de plus en plus qualifiés, malgré l’existence d’un « plafond de verre » qui réduit leurs chances d’accès aux postes les plus qualifiés et peut créer un certain déclassement par rapport à leur père.

Cette modification de la structure socio-professionnelle a été accompagnée et favorisée par une montée du niveau d’études et chaque génération a été, en moyenne, plus diplômée que la précédente. Au niveau collectif, cela a favorisé une ascension sociale avec le développement d’emplois qualifiés. Les générations plus diplômées ont donc plus fréquemment pu accéder à des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures dont la proportion a augmenté dans la population active. On retrouve ce phénomène en observant que quelque soit la profession des parents, la proportion de cadres a eu tendance à augmenter.

Le système scolaire favorise aussi l’ascension sociale au niveau individuel. Elle a une fonction méritocratique et cherche à permettre à tous et toutes d’accéder aux postes les plus qualifiés par l’acquisition d’un diplôme. Pour beaucoup d’individus, l’ascension sociale est ainsi la conséquence d’un parcours scolaire réussi qui conduit à l’obtention d’un diplôme recherché sur le marché du travail et permettant d’accéder à des professions intermédiaires ou des professions de cadres par exemple. De la même manière, un enfant d’ouvrier non qualifié qui obtient un baccalauréat professionnel peut accéder à un poste d’ouvrier qualifié. Ce diplôme peut aussi être la première étape d’une carrière professionnelle conduisant à une ascension sociale.

Cette réussite scolaire dépend tout de même des ressources familiales qui jouent, de manière générale, sur les chances de mobilité sociale. Les ressources en capital culturel favorisent la réussite scolaire et peuvent générer de la reproduction sociale, mais elles peuvent aussi jouer dans le sens d’une ascension sociale. C’est un phénomène qu’on peut observer chez les enfants d’immigrés notamment : ceux et celles dont les parents sont diplômés mais ont connu un déclassement suite à leur migration ont plus de chances d’ascension sociale que des individus de même catégorie sociale d’origine mais dont les parents ne sont pas diplômés. Les ressources financières (revenus, patrimoine) peuvent aussi influer sur la mobilité sociale.

La famille influe aussi sur la mobilité sociale par sa configuration. Les aînés peuvent influer sur la réussite scolaire de leurs frères et sœurs par exemple. Des événements familiaux, qui bouleversent la configuration du groupe familial peuvent aussi influer sur les chances d’ascension sociale ou les risques de déclassement. Par exemple, un divorce des parents peut conduire à un plus fort risque d’échec scolaire et donc de déclassement. C’est aussi un facteur qui peut jouer à l’âge adulte : le fait d’être une mère de famille monoparentale réduit les chances d’ascension professionnelle car la carrière peut être incompatible avec la charge d’une famille.

Document 1. Évolution de la structure des emplois selon le sexe en %

Facile

Questions :

1/ Comparez la proportion de professions intermédiaires entre la génération des pères et celles des fils en 2015.

2/ Comment évolue la proportion d’agriculteurs exploitants sur la période considérée ?

3/ Quelle en est la conséquence sur la mobilité sociale des fils et filles d’agriculteurs et agricultrices ?

Document 2. Un déclin du nombre d’ouvriers

Facile

En 1975, on s’en souvient, la France comptait 8,2 millions d’ouvriers. Depuis le début des années 1980, cependant, le nombre de ces actifs ne cesse de diminuer de 50 000 par an, de sorte qu’au recensement de 1999, le pays en rassemble encore 5,9 millions en emploi auxquels s’ajoute 1,1 million de chômeurs qui ont exercé un métier d’ouvrier . Ils constituent par conséquent un quart de la population active. Cette baisse a concerné en priorité les ouvriers non qualifiés de l’industrie passés dans l’intervalle de 2,5 à 1,1 million. [...] De fait, les ouvriers ou ouvrières du cuir, de la confection, des mines, de la sidérurgie, des chaînes de l’automobile se sont considérablement raréfiés pendant cette période, quand ils n’ont pas totalement disparu. Ce déclin traduit à la fois une transformation de l’organisation du travail (parfois baptisée troisième révolution industrielle), mais aussi une évolution de la division internationale du travail. Une partie croissante des tâches a en effet été mécanisée, voire automatisée dans l’industrie, entraînant la suppression d’un certain nombre de postes de travail. Cette « désouvriérisation » de l’industrie s’est accompagnée d’une modification de la division internationale du travail depuis trente ans : alors que les pays occidentaux monopolisaient pour l’essentiel les activités industrielles jusqu’à la fin des années 1950, un nombre croissant de concurrents est apparu à la faveur d’une part de l’industrialisation accélérée du continent asiatique, d’autre part de la libéralisation des échanges commerciaux à l’échelle européenne et mondiale. […] Les baisses des effectifs dans l’industrie automobile témoignent clairement d’une telle évolution : en 1978, par exemple, la Régie Renault, alors entreprise publique, embauchait 74 700 ouvriers en France, soit 69 % de son personnel ; en 2009, Renault n’en conserve plus que 12 800, soit un peu moins de 35 % !

Source : Xavier Vigna, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Éditions Perrin, « Pour l'histoire », 2012

 

Questions :

1/ Que signifie la « désouvriérisation » de l’industrie ?

2/ Quelle en est la conséquence pour les individus dont les parents sont ouvriers ?

Document 3. Proportion de bacheliers dans une génération (en %)

Facile

Questions :

1/ Faites une phrase présentant les données pour 2016.

2/ Comment évolue la proportion de bacheliers en France entre 1950 et 2016 ?

3/ Comment cette évolution peut-elle se traduire en termes de mobilité sociale ?

 

Document 4. Une ascension sociale par l’école

Facile

Née en 1981, seconde d’une famille de cinq enfants, Clémence obtient son CRPE (Concours de recrutement des professeurs des écoles) en 2003 : elle devient alors professeur des écoles et directrice d’une école rurale dans le Maine-et-Loire. Elle est issue des strates ascensionnelles des classes populaires rurales. Sa mère, aujourd’hui à la retraite, était à la fin de sa carrière employée de ménage dans une maison de retraite et a arrêté sa scolarité en cinquième. Son père, ouvrier qualifié (CAP tôlerie par l’AFPA) est un des salariés historiques d’une petite usine d’un village du bocage vendéen. [...] Si, lors de notre premier entretien enregistré en 2007, Clémence peine à trouver des cousins ayant poursuivi au-delà du baccalauréat, les trajectoires scolaires de ses frères et sœurs sont, elles, clairement tournées vers les études générales et longues. Sébastien, son frère aîné né en 1978, obtient son bac ES à l’heure mais de justesse (« Mon frère, c’était le mec : “J’arrête quand j’ai 10, c’est bien” »). Après un BTS, il poursuit à l’université où il obtient finalement une maîtrise IUP. Il travaille aujourd’hui à Madrid comme cadre dans le secteur tertiaire ; elle dit d’ailleurs de lui, non sans fierté, qu’il est devenu un « golden boy ». Sophie, sa première sœur cadette, est une « excellente élève ». Elle obtient son bac S avec la mention très bien et, à la suite d’une classe préparatoire aux grandes écoles d’un lycée du centre-ville de Nantes, intègre « Sciences Po » à Bordeaux. Amélie, sa deuxième sœur cadette, prépare actuellement un bac scientifique. Elle semble, aux dires de Clémence, sur la même voie que Sophie : « Elle se met une pression folle… » Enfin, Hélène, beaucoup plus jeune que ses frères et sœurs, est actuellement en CE2. Mais l’instructrice qu’est désormais devenue Clémence ne manque pas de comparer sa petite sœur aux élèves qu’elle rencontre dans les écoles rurales du Maine-et-Loire : « C’est déjà une tarée du travail ! Elle est très exigeante. » 

Cédric Hugrée, « « Le CAPES ou rien ? ». Parcours scolaires, aspirations sociales et insertions professionnelles du « haut » des enfants de la démocratisation scolaire », Actes de la recherche en sciences sociales, 2010

 

Questions :

1/ Pourquoi peut-on dire que Clémence a connu une mobilité sociale ascendante ?

2/ Comment l’école a-t-elle pu être un facteur de cette ascension sociale pour elle ?

3/ Quel est le parcours scolaire des frères et sœurs de Clémence ?

Document 5. L’importance des ressources familiales

Facile

Ces résultats [ceux présentés dans l’article] montrent l’intérêt d’appréhender ensemble le monde scolaire et le monde des pairs de la petite enfance, puisqu’en l’occurrence l’un est dans l’autre et qu’ils coexistent. Quand bien même l’école maternelle se présente comme école du langage, c’est bien à une école des langages que l’on a à faire.

Nous avons donné quelques éclairages sur certaines tensions, socialement différenciatrices, suscitées par cette double socialisation langagière. Alors que l’acculturation scolaire des garçons de milieux populaires semble contrariée par ces tensions, leurs pairs issus des catégories plus dotées scolairement semblent bien plus facilement entretenir les deux langages et en retirer des bénéfices sociaux sur les deux scènes. Nous faisons donc l’hypothèse que cette tension heureuse est conditionnée par des ressources issues et entretenues dans les socialisations familiales, de fait invisiblement prérequises : par exemple, certains usages de la parole, en affinité avec l’oral scolaire, fortement scripturalisé ; ou encore, des dispositions à l’autocontrainte, favorisées par les formes distanciées d’exercice de l’autorité. Par un effet cumulatif, ces avantages sociaux rentabilisent la socialisation scolaire et confortent indirectement la position parmi les pairs.

Source : Fabienne Montmasson-Michel , « Une socialisation langagière paradoxale à l’école maternelle », Langage et société, 2016

 

Questions :

1/ Quelles sont les deux instances de socialisation dont il est question dans cet extrait ?

2/ Comment ces deux instances peuvent-elles se concurrencer dans l’imposition de normes de langage ?

3/ Comment la socialisation familiale peut-elle favoriser l’acquisition des normes de langage attendues à l’école ?

4/ Comment le milieu social d’origine peut-il doter les enfants de ressources leur permettant de réussir à l’école ?

Document 6. La réussite scolaire et sa transmission au sein de la fratrie.

Facile

Samira, la sœur aînée, a effectué un parcours scolaire particulièrement remarquable. Elle est d’abord scolarisée en Algérie, où elle effectue une très bonne année de cours préparatoire. Mais elle subit à 7 ans le choc de l’émigration, du déracinement, en venant habiter en France (« dans mon souvenir, tout était gris en arrivant ici »), où elle doit reprendre l’école à zéro (elle ne parle pas un mot de français). Elle surmonte vite cette épreuve, apprend rapidement la langue française, devient une très bonne élève dès le CP. Elle garde aujourd’hui encore un souvenir ébloui de l’école d’alors, une image enchantée de ses maîtresses et de certains de ses enseignants de collège, qu’elle s’efforce de revoir de temps en temps aujourd’hui. Première de cordée dans la fratrie, jugée par sa sœur cadette Leïla comme « sérieuse », « studieuse », c’est elle qui va tracer la voie d’ascension scolaire dans la famille. Elle va non seulement donner l’exemple (par ses bulletins impeccables et son sens du devoir scolaire) à ses frères et sœurs, mais elle suivra aussi – de très près – leur scolarité en surveillant leur travail (leurs copies, leurs bulletins…), en allant voir les enseignants dès que nécessaire, en intervenant personnellement au moment des orientations décisives (fin de 3e), notamment pour éviter à tout prix le passage en lycée professionnel : ce destin-là constitue, pour elle, l’antichambre du chômage et des « problèmes ».

[...]. Dans sa famille, elle va jouer continûment un rôle de soutien scolaire puis de passeur culturel, entraînant dans son sillage scolaire à la fois sa sœur la plus proche (Leïla) et ses sœurs cadettes qui, malgré quelques embûches, accéderont toutes au bac général ou technologique.

Source : Stéphane Beaud, « Les trois sœurs et le sociologue. Notes ethnographiques sur la mobilité sociale dans une fratrie d'enfants d'immigrés algériens », Idées économiques et sociales, 2014

 

Questions :

1/ Comment expliquer l’ascension sociale de Samira ?

2/ Quel rôle a-t-elle pu jouer auprès de ses sœurs ?

3/ Pourquoi peut-on expliquer leur réussite scolaire de « réussite paradoxale » ?

Exercice 1. Reliez chaque exemple à l’explication de la mobilité sociale qu’il peut illustrer

Modéré

 Reliez chaque exemple à l’explication de la mobilité sociale qu’il peut illustrer

Exercice 2.

Modéré

Document 1. Comment expliquer le décrochage scolaire ?

Âgés en moyenne de 18 ans, les décrocheurs et décrocheuses proviennent principalement des classes sociales défavorisées : 19 % ont un père et 34 % une mère qui n’exercent pas de profession. 65 % ont un père ouvrier ou employé et moins de 10 % un père cadre supérieur ou exerçant une profession libérale. À titre de comparaison, ces deux ensembles socioprofessionnels représentent respectivement 46 et 14 % des ménages de la région en 2012 (source : INSEE). 35 % des pères (37 % des mères) n’ont pas de diplôme et 39 % (33 % des mères) un diplôme professionnel de l’enseignement secondaire. Soulignons par ailleurs que 40 % ont des parents séparés ou divorcés. […] Qu’est-ce qui différencie les décrocheuses des décrocheurs sur le plan des caractéristiques sociodémographiques ? Globalement, les filles sont dans un environnement social plus précaire que les garçons. Certes, il n’y a pas de différences significatives selon la profession des deux parents, mais davantage de filles ont une mère sans emploi ou au foyer (33 % vs 23,6 %) et ignorent la situation de leur père (13,2 vs 7,7 %). Soulignons également que 31 % des décrocheuses (24 % des décrocheurs) ont un frère ou une soeur ayant également interrompu leurs études.

Source : Pierre-Yves Bernard, Christophe Michaut, « Chapitre 1. Filles et garçons face au décrochage scolaire », dans : Hélène Buisson-Fenet éd., École des filles, école des femmes. L’institution scolaire face aux parcours, normes et rôles professionnels sexués, De Boeck Supérieur, « Perspectives en éducation et formation », 2017

 

Questions :


1/ Quelles catégories sociales sont surreprésentées parmi les élèves décrocheurs ?

2/ Comment la situation professionnelle des parents peut-elle jouer sur les chances de réussite à l’école ?

3/ Quelle influence semble avoir la configuration familiale sur le risque de décrochage pour les élèves ?

4/ Comment le décrochage peut-il jouer sur le risque de déclassement des individus ?

Exercice 3.

Facile

Document 2. Un exemple d’ascension sociale

Dans ce texte, le sociologue Gérard Mauger s’intéresse à deux romans de l’écrivaine Lydie Salvayre qui traitent de personnages ayant connu une ascension sociale. Il propose la biographie suivante de l’écrivaine.

Lydie Salvayre, née dans le Loir-et-Cher, est fille d’immigrés espagnols. [...] Fille d’immigrés, Lydie Salvayre est aussi une « migrante de classe » : en France, sa mère fait des travaux de couture, son père, fils d’un riche propriétaire terrien andalou, est « déclassé ». Envoyé dans une usine d’armement après le camp d’Argelès, il est ouvrier agricole, puis « travaille dans le bâtiment ». « Peu habitué à travailler, le père vivra dans la douleur toute sa vie de prolétaire » : « Il nous disait [à Lydie Salvayre et à ses sœurs] : vous n’êtes pas des filles de prolétaires, mais des filles de politiques ». « L’avenir de Lydie Salvayre était tout tracé : a priori, elle aurait dû se retrouver à l’usine de chemises comme la plupart des filles de prolétaires ». « Miraculée scolaire » par la grâce du directeur de l’école primaire qui parvient à convaincre ses parents de lui laisser poursuivre sa scolarité au lycée de Toulouse, elle découvre, interne, « la belle liberté de la prison ». Après un bac philo, elle fait une licence de lettres modernes et entreprend des études de médecine. Médecin résident dans un hôpital psychiatrique, elle commence à écrire à la fin des années 1970.

Source : Gérard Mauger, « Deux figures de l'ascension sociale », Savoir/Agir, 2011

 

Questions :

1/ Pourquoi peut-on dire que le père de Lydie Salvayre est « déclassé » ?

2/ À quelle catégorie sociale appartiennent les parents de l’écrivaine ?

3/ Comment l’école a-t-elle pu favoriser l’ascension sociale de Lydie Salvayre ?

 

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