Question 4. Quelles sont les limites de la croissance ?

Sommaire

Thème 1. Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?

Question 4. Quelles sont les limites de la croissance ?

 

1. DES LIMITES ECOLOGIQUES

 

Les limites de notre modèle de croissance se traduisent de diverses manières au niveau environnemental :

- épuisement des ressources non renouvelables qu’il s’agisse des énergies fossiles, des minerais ou encore des réserves halieutiques du fait d’une production et d’une consommation à grande échelle ;

- déforestation liée à l’utilisation du bois mais aussi à l’extension des surfaces agricole ;

- concentration de gaz à effet de serre et dérèglements climatiques (canicules, tsunamis, ouragans, …) que cela génère.

- catastrophes écologiques telles que des accidents pétroliers, nucléaires ou chimiques.

Il s’agit donc d’une destruction du capital naturel liée à l’exploitation intensive de ces ressources. Les écosystèmes et la biodiversité sont atteints de manière le plus souvent définitive. Le réchauffement climatique s’accélère. Le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) prévoit une élévation moyenne de la température de la terre de 5 degrés à la fin du siècle en cours ainsi qu’une montée du niveau des mers et des océans d’environ un mètre.

 

Pour les économistes, le problème se pose donc en termes d’externalités négatives sur les biens communs. Sans limitation, sans règlementation, ils sont surexploités, ce qui constitue un obstacle à la croissance future et un frein au développement humain.

Un biologiste, Garrett Hardin désigne cette situation comme une « tragédie des communs » dans la mesure où les agents économiques, animés par une logique individuelle, sont amenés à détruire les ressources naturelles qu’ils exploitent.

 

2. RENDRE LA CROISSANCE SOUTENABLE

Définir le cadre d’une croissance plus respectueuse du capital naturel et des équilibres écologiques suppose d’articuler la croissance, le développement et la notion de bien-être social. En 1987, dans le cadre de l’ONU, la commission Brundtland a défini la notion de développement durable comme un développement répondant aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable, qui s’inscrit donc à la fois dans une logique intergénérationnelle et intragénérationnelle, renvoie donc à l’idée d’un accroissement du bien-être social. Or, ce bien-être repose sur l’accumulation de différents capitaux :

  • le capital naturel : ensemble des ressources naturelles ;
  • capital physique : ensemble des moyens de production (machines, bâtiments) ;
  • le capital humain : ensemble des connaissances, des savoir-faire, des qualifications ;
  • le capital institutionnel : institutions, lois, règles et valeurs qui organisent la vie sociale.

Pour être soutenable, la croissance doit permettre l’accumulation globale de ces capitaux de façon que les générations futures héritent de conditions de bien-être jugées identiques. La question centrale est donc la suivante : la perte de capital naturel peut-elle être compensée par l’augmentation de la quantité des autres capitaux, par exemple grâce au progrès technique ?

 

3. DES LEVIERS D’ACTION EN FAVEUR D’UNE CROISSANCE SOUTENABLE

Trois leviers d’action permettent d’orienter les comportements des agents économiques de façon à réduire leurs externalités négatives en matière environnementale

La réglementation vise à modifier leurs comportements des agents économiques tant au niveau de la production que de la consommation et ce, dans le but de réduire leurs émissions de GES.

La taxation cherche à inciter les agents économiques à modifier les comportements générant des émissions de GES. C’est la logique du pollueur-payeur : une taxe augmente le coût de production pour l’entreprise et/ou le prix pour les consommateurs. Le coût social est transféré à celui qui en est à l’origine.

L’instauration d’un marché des quotas d’émission vise, quant à lui, à inciter les entreprises à émettre moins de GES. Les pouvoirs publics attribuent aux entreprises des principaux secteurs productifs des quotas d’émission qui sont donc des « droits » à émettre du CO2. Certaines d’entre elles ayant besoin de quotas supplémentaires pour produire plus, doivent s’en procurer sur le marché. D’autres entreprises ayant émis moins de CO2 que leurs quotas peuvent vendre l’excédent sur le marché. Se créent donc une demande et une offre de quotas d’émission. La confrontation de cette offre et de cette demande détermine le prix du carbone (en tonne équivalent CO2).

 

4. L’INNOVATION : UN MOYEN DE RECULER LES LIMITES DE LA CROISSANCE ?

La croissance reposant sur la mobilisation de 4 capitaux (naturel, physique, humain et social), ils déterminent la soutenabilité de la croissance c’est-à-dire la capacité à perpétuer le niveau de vie des générations futures. La croissance soutenable suppose que le stock global de capitaux reste stable.

Pour certains économistes, il suffit donc qu’une baisse de l’un des capitaux soit compensée par la hausse d’un autre. C’est la logique de la « soutenabilité faible » fondée sur l’hypothèse d’une substituabilité des capitaux. Ainsi, le progrès technique permettrait donc de surmonter la raréfaction des ressources naturelles.

En revanche, se placer dans une logique de « soutenabilité forte » repose, au contraire, sur l’idée que les capitaux ne sont pas interchangeables, que la perte de diversité biologique n’est pas compensable par un recours au capital technique par exemple. Pour les tenants de la soutenabilité forte, le progrès technique n’est pas suffisant pour assurer la soutenabilité de la croissance car il ne réduit pas les émissions de CO2.

Document 1 : L'impact 'un rechauffement climatique

Facile

Exercice :

Questions :

1) A partir de quels niveaux d’élévation de la température le GIEC calcule-t-il les impacts du réchauffement climatique ?

2) Quelles sont les principales conséquences d’un réchauffement de 1,5 °C ?

Document 2 : L’épuisement d’une ressource non renouvelable

Difficile

L’épuisement d’une ressource non renouvelable essentielle ne menacerait l’activité que dans une économie où les possibilités de substitution entre cette ressource et les autres facteurs sont limitées. Cette première conclusion qu’il existe bien des cas problématiques peut toutefois être considérablement adoucie si l’on considère l’éventualité d’un progrès technique exogène qui améliore l’efficacité de la ressource. C’est ce que montrent les contributions de Solow et Stiglitz.

[…] Le progrès technique fait évidemment croître la productivité marginale de la ressource (PMR). S’il est suffisamment fort pour que l’efficacité de la ressource croisse à un taux supérieur au taux auquel la ressource essentielle s’épuise, la PMR de la ressource (mesurée en unités physiques de celle-ci) peut devenir infiniment grande même dans le cas de technologies où elle est bornée en l’absence de progrès. L’activité peut donc croître (la croissance économique reste possible) malgré l’épuisement de la ressource essentielle et les possibilités de substitution (éventuellement très) limitées entre celle-ci et les autres facteurs.

[…] On aura compris que Solow est optimiste quant à la faisabilité (c’est-à-dire la possibilité physique) d’une croissance économique malgré l’épuisement de la ressource essentielle. Solow souligne toutefois que ce sentier de croissance physiquement réalisable peut ne pas être atteint dans une économie où les agents économiques sont trop court-termistes. En soi, ce constat n’est pas surprenant : pour que la croissance soit effectivement possible, il faut que les agents économiques valorisent suffisamment le futur et qu’ils investissent donc assez (ou n’épuisent pas la ressource trop vite dans le présent cas). Mais ce constat met en lumière qu’au-delà de la question des limites physiques, d’autres limites à la croissance peuvent découler du comportement même des agents économiques.

[…] les hypothèses « optimistes » mises en avant ici (possibilités de substitution suffisantes et/ ou un progrès technique suffisant) sous-tendent la thèse de soutenabilité faible (…) Si grâce au progrès technique, la croissance économique peut se poursuivre malgré la raréfaction de ressources épuisables, il n’en ira évidemment pas autrement dans le cas de ressources non épuisables.

Source : J-F Fagnart, M Germain, Les limites environnementales à la croissance en  macroéconomie, Reflets et perspectives de la vie économique, 2012/4

Exercice :

1) Vrai / Faux

2) Dans quelle mesure les comportements des agents économiques jouent-ils un rôle important ?

Document 3 : l’histoire de la pensée environnementale

Modéré

Décembre 1968 : le biologiste américain Garrett Hardin (1915-2003) publie l’un des articles les plus influents de l’histoire de la pensée environnementale1. Il décrit, dans la revue Science, un mécanisme social et écologique qu’il nomme la « tragédie des communs ».  […] Considérons, dit Hardin, un pâturage possédé en commun par des éleveurs. Chacun y fait paître ses vaches. Que se passe-t-il lorsqu’un éleveur achète une nouvelle bête au marché, et la rajoute sur le pâturage commun ? Une fois engraissée, il peut la vendre et récolter une certaine somme. Il s’enrichit de +1.

Même s’ils sont conscients de la catastrophe à venir, explique Hardin, les éleveurs sont pris dans une logique inexorable, qui les conduit à détruire la ressource qui les fait vivre.

Toutefois, ce n’est pas tout : en ajoutant une vache au pâturage, il exploite un peu plus ses ressources en herbe. Donc chaque vache a un peu moins de nourriture et maigrit un peu. Mais – et c’est le point crucial – cet effet négatif est partagé entre toutes les vaches, alors que la vente de la vache supplémentaire ne profite qu’à son propriétaire. Ce dernier gagne +1 mais perd seulement une fraction de -1. Son bénéfice est toujours supérieur à sa perte. Il a donc toujours intérêt à rajouter une bête. […]

Si le biologiste a choisi le terme de « tragédie », c’est pour insister sur cette idée d’enchaînement inéluctable, comme dans la tragédie grecque. La conclusion est sans appel : il y a incompatibilité entre la propriété commune d’une ressource et sa durabilité. Pour éviter la destruction, assène Hardin, il n’y a que deux solutions : soit la diviser en parcelles possédées par des acteurs individuels, soit la faire gérer par une administration supérieure. C’est la propriété privée ou l’État. L’impact de ce raisonnement a été immense. La pensée économique a renforcé cette influence en associant l’expression « tragédie des communs » et l’image du pâturage à des raisonnements analogues, mais plus sophistiqués, relevant de la microéconomie ou de l’économie des « externalités ». L’une des raisons de ce succès tient, au moins au départ, à la conclusion binaire de Hardin. Elle peut en effet être invoquée à la fois par les partisans de l’intervention étatique et par ceux prônant un recours privilégié au marché. Néanmoins, avec l’essor du néolibéralisme comme école de pensée et force sociopolitique, la « tragédie des communs » va être rapidement simplifiée sous la forme d’un plaidoyer pour la seule propriété privée.

Dans les années 1980 et 1990, le récit du pâturage hardinien est populaire au sein des administrations américaines, des institutions internationales et des firmes promouvant les privatisations (…). Le raisonnement est appliqué aux ressources forestières, aux bassins hydriques, aux terres agricoles, mais aussi à l’atmosphère ou aux ressources marines, auxquels il s’agit d’étendre des logiques d’appropriation passant par la privatisation ou la création de marchés de droits d’usage. […]  Or, depuis les années 1970, les sciences sociales ont documenté empiriquement des centaines de cas de communautés présentes ou passées gérant durablement leurs ressources sous le régime de la propriété commune. La politiste Elinor Ostrom (1933-2012) obtiendra le prix Nobel d’économie, en 2009, pour son étude des systèmes de règles organisant ces communs. Le raisonnement de Hardin appartient aujourd’hui au passé. […]

 Source : Sébastien Lorcher (historien), La tragédie des communs était un mythe, lejournal.cnrs.fr, 4/01/2018

Exercice :

Question :

1) Résumer la thèse de Garett Hardin, les conséquences qui en ont été tirées et les limites du raisonnement.

Document 4 : Le 50ème prix de la Banque de Suède

Modéré

Le 50e prix de la Banque de Suède à la mémoire d’Alfred Nobel – ou Nobel d’économie – a été attribué, lundi 8 octobre, aux Américains William Nordhaus et Paul Romer.

Favoris depuis plusieurs années, les colauréats « ont mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète », a indiqué l’Académie royale des sciences. L’annonce de ce prix coïncide avec la publication d’un rapport alarmiste des experts climat des Nations unies (GIEC) qui appellent à des transformations « sans précédent » pour limiter le réchauffement climatique. […]

Moins connu et moins flamboyant que Romer, William Nordhaus a été le premier économiste à travailler sur le changement climatique dès la fin des années 1970. Il construit le modèle DICE – pour Dynamics Integrated Climate Economy Model –, publié en 1992, année du sommet de Rio (Brésil), où il s’efforce de mesurer les coûts futurs des effets des émissions de gaz à effet de serre pour déterminer le prix présent des activités émettrices (ce que l’on appelle « actualisation »). Il est ainsi le pionnier de la notion de prix du carbone par tonne de CO2 comme incitation à la transition énergétique, aujourd’hui à la base de tous les calculs économiques sur les politiques climatiques.

Mais ses premières conclusions, qui fixaient alors le « prix de la tonne » à 4 ou 5 dollars, le classent parmi les économistes conservateurs, qui minimisent la nécessité d’une politique forte. Une polémique l’oppose d’ailleurs à son collègue britannique Nicholas Stern, dont le rapport, publié en 2006, est beaucoup plus alarmiste. M. Nordhaus critique notamment la méthode d’actualisation et le calcul du « coût d’irréversibilité » – c’est-à-dire l’actualisation spécifique aux effets irréversibles du changement climatique tel que la déforestation – utilisé par M. Stern.

William Nordhaus fera toutefois évoluer ses modèles au gré de la progression des connaissances sur les effets du réchauffement, intégrant ainsi des coûts de plus en plus élevés. Il a fini par défendre la nécessité d’une taxation mondiale du carbone, là où ses collègues plus « classiques » défendent la possibilité d’établir un prix mondial unique du carbone par la seule force du marché libre. […]

Source : Le Monde, 8 octobre 2018

Exercice :

Questions :

1) Retrouver les 3 leviers de la politique environnementale.

2) Quel est l’apport de W. Nordhaus ?

3) Quelles sont les critiques formulées à l’égard de ses travaux ?

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