Qui paie la facture énergétique ?

Melchior vous propose le décryptage de cet article qui permet à vos élèves de comprendre ce que représente aujourd’hui la facture énergétique pour l’économie française, comment les pouvoirs publics ont pu éviter jusqu’à présent que cette facture soit à la charge des ménages et des entreprises, et pourquoi les mesures prises ne sauraient être durables.

 

Titre de l'article :

Article : Guillaume Clavères, « Répartition des pertes dues à la dégradation des termes de l’échange énergétiques », Trésor-Eco, Décembre 2022, N° 318.

 

Les + de l’article :

  • Des éléments pour comprendre ce que coûtent réellement les mesures de soutien de l’Etat pour compenser la hausse des prix de l’énergie.
  • Des explications pour comprendre que ces mesures sont nécessairement transitoires.

Résumé

En 2022, la hausse des prix énergétiques et la dépréciation de l’euro impliquent pour la France une détérioration des termes de l’échange. La France étant importatrice nette d’hydrocarbures, la hausse de leur prix relatif entraîne mécaniquement une perte du revenu réel du pays (qui représente le pouvoir d’achat de la nation) qui pourrait atteindre 85 milliards d’euros en 2022, soit environ 3 points de PIB par rapport à 2019 (situation avant la pandémie). Cette estimation ne tient pas compte du comportement des agents. Tout dépend de l’élasticité de la demande de pétrole par rapport au prix : quand le prix augmente, les volumes importés peuvent diminuer, dans une certaine mesure. Par ailleurs, les entreprises peuvent également répercuter la hausse du prix de l’énergie sur leurs exportations, et là aussi c’est une question d’élasticité

L’Etat français, a décidé, via des mesures de soutien de prendre en charge plus de la moitié des pertes de revenu réel en 2022. Les ménages supporteraient ainsi en direct 6% des pertes restantes estimées, et les entreprises 42%. La charge sur les entreprises est plus élevée, mais ces dernières peuvent répercuter en partie la hausse des prix des intrants sur les consommateurs, ce qui bien sûr augmente le reste à charge de ces derniers.

Les mesures de soutien ont été efficaces pour contenir l’inflation en France, qui est la plus basse des pays de l’Union européenne en octobre 2022. Elles ont permis aussi de préserver le pouvoir d’achat des ménages et le tissu productif. Elles ont néanmoins deux limites. La première est qu’elles ne doivent pas bloquer l’ajustement de la consommation d’énergie : en effet, dès lors que l’on supprime partiellement le signal-prix, comment fait-on pour que les consommateurs adoptent des mesures de sobriété efficaces ? La deuxième limite est le poids que ces mesures font peser sur les finances publiques. Financées par endettement, elles reportent le coût de la facture énergétique sur les générations suivantes. Ces deux limites font que les mesures de soutien, si elles étaient parfaitement justifiées vu l’ampleur du choc que représente l’augmentation brutale du prix de l’énergie, ne peuvent néanmoins pas représenter des dispositions destinées à s’installer dans la durée.

Retrouvez l'article complet sur le site :

Le terme clé :

  • Termes de l’échange

Les termes de l’échange sont le rapport, pour un produit donné, entre l’indice du prix des exportations et celui des importations, exprimés selon une même année de base.

Pour un pays développé, une amélioration des termes de l’échange n’est pas forcément une bonne chose. Elle signifie que le prix des exportations augmente plus vite que le prix des importations, d’où une dégradation de la compétitivité. Ce phénomène n’est pas gênant quand la compétitivité du pays en question est une compétitivité structurelle (ou hors-prix).

Pour les pays en développement, la réalité est différente. La question des termes de l’échange a été au cœur des débats sur le sous-développement dans les années 1950-1960. Par exemple, au début des années 1950, on achetait une jeep avec 14 sacs de café. Au début des années 1960, il en fallait 32. Ce qui veut dire que les pays en développement de l’époque exportateurs de café exportaient des quantités de plus en plus grandes pour importer la même quantité de produits manufacturés en provenance des pays développés. Toutefois, depuis les années 1950, il est bien difficile de mettre en évidence une baisse généralisée des produits de base : l’instabilité de ceux-ci semble plutôt la règle.

Le point de méthode : Comment estimer l’impact de la hausse des prix énergétiques sur les pertes de revenu réel de la France ?

La hausse du prix du pétrole est estimée en moyenne annuelle en retenant pour la fin de l’année 2022 la moyenne des prix à terme (futures) allant du 01 au 18 août 2022. Le cours utilisé est celui du Brent augmenté d’une marge de raffinage, en intégrant l’effet de la dépréciation de l’euro. L’estimation de la hausse du prix du gaz s’appuie sur une formule simplifiée des tarifs réglementés à la vente (TRV), avec une pondération de différents produits du marché du gaz. L’étude ayant été réalisée fin août 2022, les coûts d’approvisionnement pour la fin de l’année 2022 sont estimés sur la base des prix de marchés à terme observés sur la période allant du 15 juillet au 15 août 2022.

Ces hausses de prix sont appliquées aux soldes commerciaux de pétrole et de gaz pour obtenir des pertes agrégées en milliards d’euros, elles-mêmes réparties entre agents institutionnels (ménages, entreprises, Etat).

Pertes agrégés de revenu réel pour la France en 2022

 

Dans le tableau ci-dessus, on a pris comme référence l’année 2019, qui permet de comparer les prix à l’importation en 2022 à une situation avant la crise sanitaire. Si on ne prend pas en compte les réactions des agents économiques, qui ajustent leurs comportements quand les prix augmentent, les hausses de prix du gaz et du pétrole, appliquées aux soldes déficitaires de 2019 et renchéries par la dépréciation de l’euro, représenteraient une perte de l’ordre de 85 milliards d’euros, soit plus de 3 points de PIB. Cette perte serait surtout liée à la hausse de la facture de gaz (56 milliards d’euros), et dans une moindre mesure au pétrole (29 milliards d’euros), car la hausse du prix du gaz a été beaucoup plus importante que celle du pétrole.

L’extrait pour la classe prépa : Chapitre L’intervention économique des pouvoirs publics

« Les finances publiques prennent en charge en 2022 une partie importante des pertes subies par les ménages et par les entreprises, via les mesures adoptées par le gouvernement pour faire face aux hausses de prix de l’énergie.

 

Pertes agrégés de revenu réel pour la France en 2022

 

Concernant les ménages, les mesures qui visent le pouvoir d’achat peuvent agir pour soutenir le revenu nominal (chèque énergie, revalorisation des retraites et prestations par exemple), ou pour limiter la hausse des prix qui érode le revenu réel (bouclier tarifaire par exemple). Pour les entreprises, les mesures de bouclier tarifaire permettent de contenir la hausse des coûts de production, et les subventions permettent de maintenir les revenus.

En prenant en compte ces mesures (pour un total de 40,8 milliards en 2022), les ménages ne supporteraient plus que 6% des pertes agrégées directes (en tant que consommateurs finaux de produits énergétiques), et les entreprises 42%.

La répartition des pertes directes une fois les mesures de soutien prises en compte correspond à un chiffrage ex ante : elle ne prend pas en compte l’adaptation de leurs stratégies d’approvisionnement ni leur capacité à amortir le choc en le répercutant dans leurs prix ».

Ce qui fait débat :

  • Faut-il stopper les mesures de soutien pour compenser la hausse des produits énergétiques ?
  • Peut-on financer autrement que par l’endettement le coût de la facture énergétique ?

Pour approfondir :

Voir le chapitre de classe préparatoire « L’intervention économique des pouvoirs publics »

Voir la synthèse « Quel avenir pour le marché pétrolier ? » et la séance « Le modèle simple du marché suffit-il pour comprendre la hausse du prix du gaz ? »

Voir la notion Compétitivité

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