Mondialisation : l'Union européenne au défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines

Melchior vous propose ce décryptage pédagogique de la Note de Trésor-Éco "L’Union européenne au défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines" pour l'exploiter en classe avec vos élèves. Cet article illustre particulièrement bien le chapitre sur le commerce international et la mondialisation.

D'une clarté remarquable, elle permet de traiter très simplement de points du programme.

L'union européenne au défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines

 

L’article du mois est l'analyse de la mondialisation et du commerce international de Raphaël Beaujeu, Olivier Besson, Laure Decazes, Aymeric Lachaux, « L’Union européenne au défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines », Trésor- Eco n°308, juin 2022. Nous vous en proposons une analyse et une proposition d'exploitation en classe avec vos élèves.

 

Résumé

Depuis le début des années 2000, le positionnement des trois principales puissances commerciales dans les échanges mondiaux a profondément évolué. La Chine et les Etats-Unis se positionnent de plus en plus en tant que fournisseurs d’intrants au sein des chaînes de valeur. Aujourd’hui, comme le montre le graphique ci-dessous, la part des biens exportés par l’Union européenne vers la Chine contient de plus en plus d’intrants américains (part qui passe de 16% en 2005 à un peu plus de 18% en 2018). Cela implique que l’Union européenne pourrait être affectée par la politique américaine de contrôle des exportations vers la Chine. Symétriquement, on observe aussi que la part des biens exportés par l’Union européenne vers les Etats-Unis contient de plus en plus d’intrants chinois (part qui passe de 5% en 2005 à un peu plus de 10% en 2018). Cela implique que l’Union européenne pourrait aussi subir les effets de la politique chinoise de contrôle des exportations vers les Etats-Unis. Et, dans l’ensemble européen, la France compte parmi les pays de l’Union européenne qui sont les plus exposés.

Part de la Chine et des Etats-Unis dans les intrants incorporés aux biens exportés par l'UE

Dans ce contexte, l’Union européenne s’est fixée comme objectif de parvenir à une « autonomie stratégique », tout en essayant de préserver une économie ouverte qui respecte les engagements internationaux. Cette autonomie stratégique prend la forme d’une politique industrielle visant à réduire la dépendance vis-à-vis des pays tiers dans certains domaines. On peut citer par exemple le projet de loi sur les semi-conducteurs (« European Chips Act ») présenté le 08 février 2022 qui permettra d’apporter un soutien public à des producteurs « pionniers » (first-of-a-kind) et de rendre aussi les exportations de l’Union européenne moins dépendantes des intrants importés.

L’autonomie stratégique prend aussi la forme d’instruments permettant de répondre à d’éventuelles pratiques protectionnistes des pays tiers. C’est ainsi qu’en mars 2022 un accord des co-législateurs européens a donné à la Commission les moyens de restreindre l’accès aux marchés publics européens aux pays qui fermeraient eux-mêmes leurs marchés publics, et que des mesures réparatrices ou des sanctions pécuniaires seront désormais applicables en cas avérés de subventions étrangères sur le marché intérieur.

Retrouvez l'article complet sur le site de Trésor-Eco :

Les termes clés

Intrants : En économie, un intrant est un élément entrant dans le processus de production. Appelé parfois input, il est opposé à extrant (ou output), élément sortant d’un processus, en général à destination du marché.

Chaîne de valeur : La notion de chaîne de valeur a été introduite par Michael Porter en 1985. Elle se définit comme l’étude précise de l’activité de l’entreprise afin de mettre en évidence ses points forts, c’est-à-dire ceux qui ont un impact réel en termes de coût ou de qualité, et qui lui donnent de ce fait un avantage concurrentiel.

Politique commerciale stratégique : La politique commerciale stratégique désigne toutes les mesures prises par un Etat pour accroître les performances de ses entreprises nationales sur le marché international.

Le point théorique : la notion de Politique commerciale stratégique

A l’origine de la Politique commerciale stratégique, il y a le constat formalisé par James Brander et Barbara Spencer en 1985 dans « Export Subsidies and International Market Share Rivalry », qui aboutit à un modèle soulignant le fait que dans certaines industries, du fait d’investissements de départ très élevés, seules quelques entreprises peuvent effectivement se faire concurrence. Par conséquent, dans ce type de configuration du marché, les firmes existantes vont se trouver dans une situation oligopolistique, voire dans certains cas monopolistiques, les incitant à s’entendre sur les prix ou à fixer des prix élevés, permettant de dégager des surprofits. Ce phénomène conduit les pays non présents sur le marché en question à essayer de s’y implanter, ce qui finit par aboutir à une concurrence internationale entretenue par le soutien public aux entrepreneurs.

Le modèle de Brender et Spencer a été popularisé et critiqué par Baldwin et Krugman en 1988, à partir de la concurrence entre le constructeur américain Boeing et le constructeur européen Airbus. Dans le cas où il est nécessaire de réaliser des investissements très importants, l’entrée d’un nouvel entrepreneur n’est pas intéressante économiquement, et c’est le premier qui se lance dans la conception qui est le premier servi (en l’occurrence Boeing). Sauf si les gouvernements européens jugent stratégique de construire leur propre avion, en versant des subventions qui rendent profitable l’activité d’Airbus. La Politique commerciale stratégique est alors analysée comme un facteur de croissance par de nombreux gouvernements, du fait des emplois qualifiés créés et des performances technologiques mobilisées.

Evidemment, l’interventionnisme gouvernemental a des limites. En effet, pour rester sur cet exemple, le gouvernement américain a la possibilité de mettre en place des représailles, qui peuvent annuler le gain escompté, voire même aboutir à des pertes pour chacune des deux parties, ainsi que le montre la théorie des jeux.

L’extrait pour la classe de terminale :

Comprendre l’internationalisation de la chaîne de valeur et savoir l’illustrer

« Depuis le milieu des années 2000, le positionnement de la Chine au sein des chaînes de valeur mondiales (CVM) a évolué. La Chine est devenue un fournisseur d’intrants pour les exportations des pays partenaires, alors qu’auparavant elle participait aux CVM surtout en tant qu’acheteur d’intrants pour la production de ses exportations.

Ce repositionnement reflète une stratégie amorcée dès les années 2000 consistant à remonter les chaînes de valeur, la Chine ne se contentant plus de son rôle d’assembleur. Il s’explique également par une montée en gamme des intrants exportés par la Chine, qui a facilité leur intégration dans les filières d’exportation des pays partenaires occidentaux, plus exigeantes en termes de qualité que les filières tournées vers le marché domestique. Entre 2001 et 2019, la part des produits bas de gamme dans les exportations de la Chine à destination de l’Union européenne a diminué de 70% à 56%, au profit des produits de moyenne gamme (17% à 25%) et, dans une moindre mesure, des produits haut de gamme (14% à 19%).

Le renforcement du rôle de la Chine dans les CVM en tant que fournisseur d’intrants a eu pour effet d’accroître sa contribution aux exportations de l’Union européenne (voir graphique ci-dessous). Parmi les fournisseurs de l’Union européenne d’intrants étrangers pour la production de ses exportations, la Chine est ainsi passée en moins de 15 ans de la cinquième à la deuxième place (12% des intrants étrangers), derrière les Etats-Unis (17% des intrants étrangers). La part des intrants américains a néanmoins augmenté entre 2005 et 2018, alors que celle des intrants britanniques et japonais a régressé ».

Graphique : Contribution des cinq premiers fournisseurs d’intrants étrangers aux exportations de l’UE en 2005 et en 2018

Contribution des cinq premiers fournisseurs d’intrants étrangers aux exportations de l’UE en 2005 et en 2018

 

Questions :

1- En quoi consiste le repositionnement de la Chine au sein des chaînes de valeur ?

2- Quel est l’effet de ce repositionnement sur les exportations de l’Union européenne ?

3- Comment a évolué la contribution des 5 premiers fournisseurs d’intrants étrangers aux exportations de l’Union européenne entre 2005 et 2018 ?

La partie du chapitre de terminale qui se rapporte à ce sujet :

Chapitre "Quels sont les fondements du commerce international et de l'internationalisation de la production"

Le chapitre de prépa en lien avec ce sujet :

La mondialisation économique et financière

Les + de l'article

- Une illustration claire de l’internationalisation des chaînes de valeur à partir de la stratégie chinoise.

- Une présentation du défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines.

- Une réflexion actualisée sur les politiques commerciale et industrielle en Europe.

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