Comment réduire le déficit public de la France ?

Introduction

Le déficit public de la France (Etat, collectivités locales, Sécurité sociale), présent depuis le début des années 1970, a connu une accélération significative suite à la crise de 2008-2009. Aujourd’hui, ce déficit est en réduction progressive. Il était de 139 milliards d’euros en 2009, 136 milliards en 2010, 105 milliards en 2011 et 100 milliards en 2012. Pour l’année 2015, le déficit de la France s’élève à 77,4 milliards d’euros, ce qui représente 3,5 % du PIB, soit 0,5 point de moins qu’en 2014. En dépit des efforts accomplis, la France est encore loin d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée, et cela d’autant plus que les prévisions gouvernementales apparaissent assez optimistes. Seules des réformes d’ampleur au niveau des dépenses publiques permettront de redresser la situation.

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I- Les prévisions gouvernementales

A- Pour 2016

En 2015, le déficit public s’est réduit plus fortement que prévu. Le projet de loi de finances pour 2015 (la loi de finances est une loi dont le but est de présenter les recettes et les dépenses de l’Etat pour l’année à venir, qui permet au Parlement de voter et d’approuver le budget de celui-ci) anticipait un déficit de 4,1% du PIB. Il s’est finalement établi à 3,5% du PIB selon les estimations de l’INSEE en septembre 2016.

En 2016, selon la loi de finances initiale, le gouvernement retient une prévision de déficit public de 3,3% du PIB, soit un recul de 0,2% par rapport à 2015, et de 0,7% par rapport à 2013. Cette légère réduction du déficit ne doit pas cacher les problèmes qui demeurent. En effet, elle provient pour l’essentiel de la baisse de la charge d’intérêts résultant de la diminution du prix de l’argent. Le solde primaire, c’est-à-dire hors charges d’intérêts, ne diminue que très faiblement. Par ailleurs, quand on examine le déficit structurel (les variations du solde public sont affectées par les fluctuations de l’activité économique : il faut donc corriger ce solde effectif des fluctuations en question pour en déduire un solde structurel que l’on obtient en estimant le PIB potentiel, à savoir le PIB résultant de l’utilisation optimale des facteurs de production, en l’absence de cycle économique) qui mesure le degré de maîtrise des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, il apparaît que le déficit structurel est encore supérieur à plus d’un point de PIB à l’objectif de long terme. Ceci s’explique parce-que le gouvernement français fait des hypothèses favorables sur la croissance qui le conduisent à situer le déficit structurel à 1,5% du PIB. Le Fonds monétaire international, plus pessimiste, estime le déficit structurel à 2% du PIB en 2016, et la Commission européenne, plus pessimiste encore, l’évalue à 2,5% du PIB. Dernier point à considérer : même si on retient le déficit de 3,3% du PIB, il reste supérieur aux critères prévus par le traité de Maastricht, ce qui fait que la France demeure aujourd’hui, avec l’Espagne, le Portugal et la Grèce, un des derniers pays de la zone euro en procédure de déficit excessif, ce qui signifie qu’elle doit soumettre tous les ans au Conseil européen des mesures et des politiques correctives visant à ramener le déficit en-dessous de 3% du PIB, ainsi qu’un calendrier relatif à leur réalisation sous peine de sanctions.

B- Pour 2017

En 2017, la loi de finances retient un déficit public de 2,7% du PIB, en réduction de 0,6%  par rapport à 2016. Ce résultat serait obtenu de la manière suivante :

Solde public par sous-secteur des administrations publiques (en % du PIB)

                                                         Source : Rapport de la cour des comptes 2017, page 32

 

  • Pour l’Etat, l’amélioration attendue serait due à des recettes pus importantes.
  • Pour la Sécurité sociale, l’excédent proviendrait en partie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADS) qui dégage une importante capacité de financement (14 milliards d’euros en 2017), alors que le régime général des retraites demeure déficitaire, comme l’assurance-chômage.
  • Quant aux administrations publiques locales, elles connaîtraient un déficit modéré, du fait d’une accélération sensible des dépenses, et notamment des dépenses d’investissement liées au cycle électoral communal (l’investissement communal augmente en fin de mandat, alors que ces dépenses reculent généralement les deux premières années).

 

II- Des prévisions optimistes

A-  Au niveau des recettes

Les recettes publiques dépendent avant tout de la croissance, et de la question de savoir si les impôts et les cotisations sociales rentrent ou pas au même rythme que la croissance économique (ce que l’on appelle l’élasticité des recettes à la croissance).

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En effet, la croissance permet d’augmenter le rendement de certains impôts, comme l’impôt sur le revenu, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), et surtout la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Dès l’année 2016, les recettes de TVA avaient progressé de 3,5% par an, stimulées par une bonne tenue de la consommation. Pour l’année 2017, le gouvernement prévoyait au départ une croissance du PIB de 1,5%, qui a déjà été révisée par celui-ci à 1,4% suite aux  résultats économiques du troisième trimestre 2016.

Quant à l’élasticité des recettes à la croissance, le gouvernement prévoit une valeur légèrement supérieure à 1 : les prélèvements obligatoires augmenteraient de 2,6% et le PIB en valeur (inflation non déduite) de 2,5%, en appuyant cette prévision sur la valeur moyenne de l’élasticité entre 2002 et 2015. Or, sur la période récente, cette prévision semble un peu optimiste. Depuis 2012, l’élasticité des recettes publiques à la croissance est soit inférieure, soit égale à 1 (voir graphique ci-dessous).

Taux de croissance spontanée des prélèvements obligatoires et du PIB (en %)

Source : rapport de la cour des comptes 2017, page 36.

 

Au total, si on ajoute les hypothèses de croissance un peu élevées à une élasticité légèrement supérieure à 1, les prévisions de recettes publiques du gouvernement semblent un peu trop optimistes.

B-  Au niveau des dépenses

Comme on l’a vu plus haut, les dépenses publiques recouvrent les dépenses de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales. Or, toutes ces dépenses sont en augmentation.

Dans la loi de finances 2017, les dépenses du budget général de l’Etat (hors charges d’intérêt) devraient augmenter de 1,3%, alors qu’elles étaient stables, ou qu’elles baissaient, depuis 2011. Cette hausse résulte de la forte progression des crédits des ministères, qui s’explique en premier lieu par la croissance des dépenses de masse salariale, sous l’effet de la hausse du point de la fonction publique.

Au niveau de la Sécurité sociale, le gouvernement prévoit une hausse plus forte des dépenses en 2017 qu’en 2016, cette hausse passant de 1,8% à 2,1%, en partie du fait de la hausse du point de la fonction publique et de l’augmentation des tarifs décidée dans le cadre de la nouvelle convention médicale. Or, tout permet de penser que le dépassement sera plus important que prévu, du fait de l’évolution des dépenses d’indemnisation du chômage et de l’assurance maladie. Les dépenses d’indemnisation du chômage seront sans doute plus fortes parce que l’amélioration du marché du travail anticipée par le gouvernement tarde à venir, et aussi parce que les mesures de rééquilibrage des comptes de l’UNEDIC sont différées du fait de l’échec des négociations de la nouvelle convention de 2016. Les dépenses d’assurance maladie présentent aussi un risque de dépassement en raison d’une prévision d’économies un peu optimiste.

Au niveau des dépenses des collectivités locales, l’accélération des dépenses sera aussi présente (+2% en 2017 après +0,8% en 2016), qui concerne aussi bien les dépenses de fonctionnement que d’investissement (cycle électoral évoqué plus haut).

Au total, il semble bien que la prévision par le gouvernement d’un déficit public égal à 2,7% du PIB soit très optimiste, compte tenu de recettes moins importantes que prévu, et d’un risque très réel de dépassement sur certaines dépenses.

 

III- Qui nécessitent un effort inédit sur la dépense publique

A- Un effort déjà accompli chez bon nombre des partenaires européens

En 2010, bon nombre de pays européens présentaient un déficit global et un déficit structurel plus élevés que ceux de la France. 5 ans plus tard, en 2015, le déficit public de la France (3,5% du PIB) est plus fort que celui de la plupart des voisins européens. Il n’y a plus que 4 Etats membres de l’Union européenne qui ont un déficit supérieur à celui de la France : la Grèce (7,5% du PIB), l’Espagne (5,1% du PIB), le Portugal (4,4% du PIB), le Royaume-Uni (4,3% du PIB). Si on considère le déficit structurel, selon la Commission européenne, seuls 3 pays ont un déficit structurel supérieur ou égal à celui de la France qui est de 2,6% du PIB : le Royaume-Uni (4,5% du PIB), l’Espagne (2,8% du PIB), la Belgique (2,6% du PIB). Les pays européens qui avaient un déficit comparable à celui de la France ont réduit leurs dépenses publiques. Par exemple, aux Pays-Bas et en Espagne, les dépenses publiques ont diminué en valeur de respectivement 7,6% et 10,2% sur la période 2010-2015. En revanche, en France, entre 2010 et 2015, le rythme de progression des dépenses publiques demeure élevé, proche de celui constaté en Allemagne, dont le déficit public était inférieur de 3% de celui constaté dans l’hexagone. Si on considère les 13 pays de l’Union européenne qui ont une population supérieure à 5 millions d’habitants, seules la Belgique, la Suède et la Finlande ont une croissance de leurs dépenses publiques supérieure à la France sur cette période 2010-2015. Au-delà du rythme de progression des dépenses publiques, il faut également considérer le niveau de celle-ci. Mesurée en pourcentage du PIB, la dépense publique représente en 2015 57% du PIB, soit un écart supérieur de 10,7% à la dépense publique moyenne au sein de la zone euro hors France.

B- Et que la France doit réaliser d’ici 2020

Les projections pluriannuelles de finances publiques associées à la loi de finances supposent que la croissance économique permettra une réduction de 0,9% en 3 ans de la part conjoncturelle du déficit. Ces projections partent de l’hypothèse que la France connaît aujourd’hui un déficit d’activité, ce qui permettra d’obtenir une croissance effective supérieure à la croissance potentielle dans les années à venir, et donc un surcroît de recettes publiques permis par le surcroît de croissance. Dans cette hypothèse, il suffirait de stabiliser la dépense pour respecter la programmation pluriannuelle. Cet optimisme relatif n’est cependant pas partagé par tous, et notamment par la Commission européenne. Si on fait l’hypothèse d’une croissance égale à la croissance potentielle, l’effort supplémentaire à effectuer sur les dépenses sera d’environ 0,6% par an par rapport à la trajectoire prévue par le gouvernement, ce qui permettrait d’atteindre un poids des dépenses publiques égal à 55% du PIB en 2020 (la diminution des dépenses publiques de 0,6% permet d’obtenir à peu près une réduction du déficit de 0,3% du PIB, puisque les dépenses publiques représentent un peu plus de la moitié du PIB). 
    
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Cela dit, même dans l’hypothèse gouvernementale, si on veut limiter le déficit public à 0,6% du PIB en 2020, il faudra tout de même ralentir les dépenses publiques en volume, étant donné qu’elles ont crû de 0,9% par an entre 2010 et 2016. En outre, d’ici 2020, le retour attendu de la croissance, la poursuite de la baisse du chômage, la remontée prévisible de l’inflation, font craindre une hausse des taux d’intérêt, qui ne pourra qu’accroître la charge d’intérêt du budget, qui ne sera plus alors un facteur d’allégement de la dépense publique, mais plutôt un élément d’aggravation.

Dans ces conditions, l’effort qu’il faudra dans les années à venir faire porter sur la dépense publique pour respecter les engagements de la France devra être d’une toute autre ampleur que les efforts entrepris jusqu’à présent. Cet effort devra même changer de nature pour viser des économies structurelles.

 

Conclusion

Pour renforcer sa crédibilité auprès de ses partenaires de la zone euro, la France doit accentuer son effort de maîtrise des dépenses publiques. Comme le dit le Rapport annuel public de la Cour des Comptes 2017 (La situation d’ensemble des finances publiques à la fin janvier 2017), « les pouvoirs publics devront effectuer des choix explicites, s’appuyant sur un réexamen des missions assurées par les administrations publiques dans leur ensemble et un meilleur ciblage des politiques d’intervention ». De manière plus explicite, on peut estimer que pour réduire significativement la dépense publique, il faudra réaliser chaque année une économie comprise entre 100 milliards d’euros et 140 milliards sur un total de 1250 milliards, soit entre 8% et 12% de l’ensemble de la dépense. Une telle économie permettrait de ramener progressivement cette dépense de 57% du PIB à 50% en quelques années. Pour y parvenir, quelques mesures structurelles fortes sont nécessaires. Il faut tout d’abord changer la structure de l’Etat et des collectivités locales en fusionnant les départements et les régions, en réduisant le nombre de parlementaires, en baissant aussi les dépenses des collectivités locales. Une deuxième mesure consiste à revoir les politiques d’intervention de la puissance publique. A l’heure actuelle par exemple, la politique du logement (45 milliards d’euros) est coûteuse et inefficace. De même, la politique de la formation professionnelle conduit à un jugement analogue. A titre d’illustration, le dispositif d’emplois aidés coûte environ 5,7 milliards d’euros alors que le taux de chômage des jeunes est toujours d’à peu près 25%. La troisième mesure viserait à réduire les effectifs de la fonction publique en augmentant le temps de travail  des fonctionnaires de 35  à  39 heures (A terme, cela réaliserait une économie de 30 milliards ou de 600000 fonctionnaires). Enfin, une dernière mesure aurait pour objectif de réorganiser la Sécurité sociale et les dépenses de santé, en luttant contre la fraude (estimée à 20 milliards), en faisant passer la retraite à 65 ans, et en instaurant une nouvelle carte hospitalière (l’hôpital réalise actuellement plus de 50% des dépenses de santé).

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