Séance 3 : Comment le régime politique de la Cinquième République française est-il organisé ?

Etape 1 : Découvrir quelques éléments fondamentaux concernant la séparation des pouvoirs

Document 1 : Qu’appelle-t-on « séparer les pouvoirs » ?

Facile

Née dans les conflits constitutionnels de l’Europe du XVIIème siècle, la séparation des pouvoirs passionne les révolutions de la fin XVIIIème siècle aux États-Unis et en France, et inspire notamment l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution ». Autrement dit, pour être valable, une constitution doit assurer une séparation des pouvoirs.

L’origine de la séparation des pouvoirs est la description faite par Locke de la constitution anglaise. Dans L’esprit des lois, Montesquieu en fait une théorie générale qui permet de découvrir des principes applicables à toute constitution. Il part d’une conception pessimiste de la relation de l’homme au pouvoir : « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites ». L’enjeu est donc de limiter le gouvernement, de faire en sorte qu’il se trouve modéré afin de préserver la liberté : « la liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés ». Or précise Montesquieu, « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu en observant le fonctionnement de l’Etat remarque qu’ « il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoir » : la puissance législative, la puissance exécutrice et la puissance judiciaire. Pour assurer la liberté, il faut que chaque puissance soit séparée l’une de l’autre et puisse ainsi s’équilibrer et se contrebalancer.

La théorie de la séparation des pouvoirs est donc une doctrine constitutionnelle qui divise le pouvoir de l’État en trois grandes fonctions (législative, exécutive et judiciaire) afin d’éviter qu’une seule autorité les cumule toutes. Le pouvoir législatif correspond à la puissance suprême dans l’Etat, celle de faire les lois. Le pouvoir exécutif est l’autorité qui fait exécuter la loi. Le pouvoir judicaire assure la sécurité des citoyens en jugeant la transgression de la loi : le juge ne crée pas la loi, il n’est pour Montesquieu que « la bouche de la loi ». La séparation de ces trois fonctions assure un équilibre entre les pouvoirs. Elle évite les dérives despotiques d’un gouvernement et garantit l’indépendance de la justice.

Selon Montesquieu, la séparation des pouvoirs concerne les fonctions de l’État, mais pas les organes de l’État. Il faut donc se prémunir de l’ambivalence de la notion de pouvoir. Ce mot peut en effet renvoyer à un organe de l’État (le Parlement, le Gouvernement). Mais dans l’esprit de Montesquieu, le mot pouvoir ne renvoie pas à un organe, mais à une fonction, autrement dit à une faculté d’action permettant à l’État par exemple d’adopter une loi ou de la faire appliquer. Par exemple, en France sous la Vème République, le Gouvernement peut faire un projet de loi et le soumettre au Parlement. Deux organes, le Gouvernement et le Parlement, concourent donc au pouvoir législatif, mais celui-ci est bien séparé de l’exécutif, car le Président de la République, a lui seul, le pouvoir de promulguer les lois (art.10 C). La séparation des fonctions n’entraîne pas la suppression de relations entre les différents organes et à leur concours à la fonction à titre accessoire.

Ainsi, la séparation des pouvoirs permet différentes répartitions des fonctions entre les organes de l’État. Selon que cette séparation est stricte ou souple, il est possible de distinguer deux régimes principaux : le régime présidentiel et le régime parlementaire.

Le régime présidentiel se fonde sur une stricte séparation des pouvoirs, exécutif, législatif, et judiciaire. Le régime présidentiel par excellence est celui des Etats-Unis d’Amérique. Le pouvoir exécutif est entre les mains du chef de l’État, à savoir le Président, qui n’est pas responsable devant le Parlement. Par conséquent, le Gouvernement ne peut pas être renversé par lui. De la même manière, le pouvoir exécutif n’a pas la capacité de dissoudre le Parlement. Quant au pouvoir judiciaire, il joue un rôle particulièrement important et peut être amené à arbitrer les différends entre les deux autres pouvoirs.

Le régime parlementaire se fonde au contraire sur une séparation souple des pouvoirs. Le Gouvernement qui incarne le pouvoir exécutif, peut être renversé par le Parlement devant lequel il est politiquement responsable. Les membres du gouvernement ne sont pas élus, mais issus de la majorité parlementaire. Le pouvoir de renversement peut être réciproque lorsque l’exécutif dispose du pouvoir de dissoudre le parlement, ce qui incite les deux pouvoirs à collaborer. Lorsque c’est le cas, c’est-à-dire si le Gouvernement est responsable à la fois devant le Parlement et devant le président, on qualifie le régime parlementaire de dualiste (la France notamment, mais aussi la Russie). En revanche, le régime parlementaire est moniste si le Gouvernement n’est responsable que devant le Parlement ([…] Japon, Inde, Canada par exemples).

Source : site Le Politiste, http://www.le-politiste.com/la-theorie-de-la-separation-des/ [consulté le 4 avril 2019]

 

Questions :

1) Selon le texte, à quelle période historique émerge la notion de « séparation des pouvoirs » ?

2) Quels sont les trois pouvoirs décrits par Montesquieu ?

3) Pourquoi ne faut-il pas confondre « fonction » et « organe » ?

4) Selon Montesquieu, en quoi consiste la séparation des pouvoirs ?

5) Selon Montesquieu, pourquoi faut-il séparer les pouvoirs ?

6) Remplissez, à partir des informations fournies par le texte, le tableau suivant :

7) Expliquez la phrase en caractère gras

Voir la correction

Questions :

1) Selon le texte, à quelle période historique émerge la notion de « séparation des pouvoirs » ?

La notion de « séparation des pouvoirs » émerge au XVIIème siècle.

2) Quels sont les trois pouvoirs décrits par Montesquieu ?

Le pouvoir législatif est le pouvoir de faire les lois. Le pouvoir exécutif est le pouvoir de faire exécuter les lois. Le pouvoir judiciaire est le pouvoir de punir les transgressions aux lois.

3) Pourquoi ne faut-il pas confondre « fonction » et « organe » ?

Un organe est une instance spécifique (le Parlement, le Gouvernement). Une fonction est une capacité d’action.

4) Selon Montesquieu, en quoi consiste la séparation des pouvoirs ?

Pour Montesquieu, séparer les pouvoirs consiste à éviter que les trois pouvoirs soient confiés à un seul et même organe.

5) Selon Montesquieu, pourquoi faut-il séparer les pouvoirs ?

Selon Montesquieu, il faut séparer les pouvoirs car sinon, une autorité disposant de l’entièreté de ceux-ci en abuserait. Il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir » : en séparant les pouvoirs entre différents organes, chaque organe va s’assurer que les autres n’outrepassent pas leurs attributions.

6) Remplissez, à partir des informations fournies par le texte, le tableau suivant :

7) Expliquez la phrase en caractère gras

Séparer les pouvoirs signifie qu’un organe ne doit pas exercer tous les pouvoirs. Cela ne signifie pas confier un pouvoir à un organe exclusivement. Un pouvoir peut être exercé conjointement par plusieurs organes, tout comme un organe peut exercer l’entièreté d’un pouvoir et intervenir ponctuellement dans l’exercice d’un autre.

Document 2 : Quelques extraits de la Constitution de la Cinquième République française.

Facile

Etape  2 : Mettre en évidence les principales caractéristiques de la Cinquième République française

Titre II : Le Président de la République

Article 5

Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.

Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités.

Article 6

Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.

Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs […].

Article 8

Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.

Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.

Article 10

Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.

Il peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée.

Article 11 

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions […].

Article 12 

Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale […].

 

Titre III : Le Gouvernement

Article 20

Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.

Il dispose de l'administration et de la force armée.

Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

Article 21

Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l'exécution des lois […].

 

Titre IV : Le Parlement

Article 24

Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. 
Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat. 

Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. 

Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République […].

 

Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement 

Article 39

L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement […].

Article 45

Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique […].

Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque Assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement.

Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

Article 49

Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée […].

Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session […].

Article 50

Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement.

 

Source : Constitution de la Cinquième République, version en vigueur au 30 mai 2022. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071194 [consulté le 30 mai 2022]

 

Questions :

1) Remplissez le tableau suivant à l’aide des informations fournies par le document :

 

2) Cliquez sur le lien suivant : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1946-ive-republique. Ce lien vous permet d’accéder au texte de la Constitution de la Quatrième République française. Comparez l’ordre des titres à celui de la Constitution de la Cinquième République. Qu’en déduisez-vous quant à l’évolution du statut des différentes institutions politiques entre la Quatrième et la Cinquième République ?

3) Montrez en quoi le Président de la République peut être considéré comme l’institution politique centrale de la Cinquième République.

4) Montrez en quoi les pouvoirs du Parlement sont particulièrement encadrés sous la Cinquième République.

5) Montrez, à l’aide de la réponse 5 au document 3, que la séparation des pouvoirs sous la Cinquième République peut être qualifiée de « souple ».

Voir la correction

1) Remplissez le tableau suivant à l’aide des informations fournies par le document :

 

 

2) Cliquez sur le lien suivant : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1946-ive-republique. Ce lien vous permet d’accéder au texte de la Constitution de la Quatrième République française. Comparez l’ordre des titres à celui de la Constitution de la Cinquième République. Qu’en déduisez-vous quant à l’évolution du statut des différentes institutions politiques entre la Quatrième et la Cinquième République ?

Sous la Cinquième République, le titre consacré au Président de la République précède le titre consacré au Gouvernement, qui lui-même précède le titre consacré au Parlement.

Sous la Quatrième République, le titre consacré au Parlement est le deuxième, celui consacré au Président de la République est le cinquième, le titre consacré au Conseil des ministres (l’équivalent du Gouvernement sous la Cinquième République) est le sixième.

Sous la Quatrième République, le Parlement apparaît comme l’institution la plus importante.

Sous la Cinquième République, c’est le Président de la République qui semble avoir la place prépondérante, devant le Gouvernement, qui lui-même se voit traité avant le Parlement. Il apparaît que la Cinquième République réhabilite le rôle des organes exécutifs, au détriment de l’organe législatif.

3) Montrez en quoi le Président de la République peut être considéré comme l’institution politique centrale de la Cinquième République.

Le Président de la République apparaît comme l’institution politique centrale de la Cinquième République (l’expression consacrée est d’ailleurs « clef de voûte des institutions »).

En premier lieu, il assure les fonctions traditionnelles de chef de l’État : il est le garant de la Constitution, de l’indépendance nationale, il assure la continuité de l’État.

En second lieu, il dispose de pouvoirs importants sur le Gouvernement : il nomme le Premier ministre et les ministres, met fin à leurs fonctions.

En troisième lieu, il prend aussi l’ascendant sur le Parlement. Il peut dissoudre l’Assemblée nationale. Il dispose d’une légitimité démocratique très forte, puisqu’il est élu directement par les citoyens, à l’échelle de tout le territoire. Cela lui garantit une indépendance politique par rapport aux parlementaires, alors que, sous la Quatrième République, il était élu par eux. Il peut enfin proposer des projets de lois à référendum, ce qui lui permet concrètement de contourner les prérogatives du Parlement.

4) Montrez en quoi les pouvoirs du Parlement sont particulièrement encadrés sous la Cinquième République.

Sous la Cinquième République, les pouvoirs du Parlement sont fortement encadrés (on parle de « parlementarisme raisonné » ou encore de « parlementarisme encadré »).

Cela apparaît à l’article 45. Pour accélérer la procédure parlementaire d’examen des lois, le Gouvernement peut engager une procédure accélérée : après une lecture par chacune des chambres parlementaires, une commission mixte paritaire (composée d’autant de députés que de sénateurs) est réunie en vue d’élaborer un texte commun et le texte est soumis au vote des deux Assemblées. Si aucun texte n’est adopté par la commission mixte paritaire, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

L’article 49 prévoit d’autres moyens encore plus expéditifs pour permettre au Gouvernement d’accélérer le processus législatif. Il s’agit d’engager la responsabilité du Gouvernement sur un texte devant l’Assemblée nationale. Cela consiste à proposer à l’Assemblée nationale un choix radical : adopter le texte présenté par le Gouvernement, tel qu’il est, ou aboutir à la démission du Gouvernement tout entier. Il s’agit d’une forme de « chantage » qui réduit considérablement les marges de manœuvre des parlementaires en matière d’élaboration des lois.

5) Montrez, à l’aide de la réponse 5 au document 3, que la séparation des pouvoirs sous la Cinquième République peut être qualifiée de « souple ».

  • Gouvernement et Parlement disposent conjointement de l’initiative législative
  • Le Gouvernement est responsable devant le Parlement. Il émane de la majorité à l’Assemblée nationale. Il peut être renversé suite au rejet de la confiance ou au vote d’une motion de censure par l’Assemblée nationale
  • L’Assemblée nationale peut être dissoute par le Président de la République

 

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