L'acquisition de Chinoin en Hongrie: comment le groupe Sanofi-Synthélabo a-t-il mené son développement en Europe de l'Est?

Aujourd'hui acteur de la mondialisation, le groupe Sanofi-Synthélabo rassemble un nombre importants d'entreprises autrefois isolées. Il est présent dans plus de 100 pays à travers ses filiales et assure aussi la production et la commercialisation de ses produits par l'intermédiaire d'alliances, de joint-ventures et d'accords de licence. 

En 1990, le groupe Sanofi a mis en œuvre un processus qui fera de l'entreprise hongroise Chinoin une de ses filiales. Les faits se situent dans un contexte triplement intéressant. D'une part, le rachat a lieu au début d'une période de transformation économique et politique profonde des pays de l'Est. D'autre part, le marché pharmaceutique est très particulier, à la fois à cause de l'importance des investissements en recherche et développement et en raison des liens complexes qui relient les producteurs et les systèmes nationaux de protection sociale. Enfin, l'acquisition se déroule dans le cadre du mouvement de concentration économique très important que connaît l'industrie depuis les années 60. Chinoin est, en effet, achetée par Sanofi qui, à la suite de la fusion avec le groupe Synthélabo, deviendra Sanofi-Synthélabo en 1999. 

Le cas du rachat de Chinoin par Sanofi soulève alors trois types de questions. En premier lieu, pour quelles raisons l'acquisition a-t-elle eu lieu et comment le processus d'acquisition s'est-il déroulé? En second lieu, quelles transformations internes l'entreprise Chinoin a-t-elle mises en place pour atteindre les normes du fonctionnement des entreprises européennes comparables? Enfin, quelle place Chinoin occupe-t-elle dans le dispositif de ce qui est désormais Sanofi-Synthélabo?

I. Le processus d'acquisition de Chinoin par Sanofi

A) Les attentes de Chinoin et de Sanofi
 

Chinoin : une entreprise en transition
 

Le cas de l'entreprise pharmaceutique hongroise Chinoin fournit une illustration concrète de la transition des pays de l'Est vers une économie de marché. Dans les années 1980, en effet, Chinoin s'est engagée dans une stratégie d'ouverture et de recherche d'alliance à l'Ouest. Ce mouvement, en contradiction avec les principes d'une économie étatisée, a été contraint par l'augmentation des coûts de recherche et développement et par la concentration de l'industrie pharmaceutique mondiale. Sans une modification de ses statuts, Chinoin n'avait plus les moyens de rester un acteur important sur le marché international du médicament.

L'ouverture de Chinoin commence véritablement en 1988 avec l'enregistrement de produits en Amérique du Nord, au Japon et en Europe. Durant ces années, Chinoin souhaite même établir une joint-venture avec une entreprise américaine mais le gouvernement hongrois s'y oppose. C'est une nouvelle loi sur les entreprises de 1989 qui donne à Chinoin les moyens de s'organiser en société à responsabilité limitée à capitaux privés. Dans la perspective du maintien de Chinoin comme acteur important de la chimie et de la pharmacie en Hongrie, la privatisation est décidée. En 1989 le ministère de l'industrie, celui des finances et Chinoin passent un accord sur le futur statut de la société. 

Engageant Chinoin dans une démarche nouvelle et constituant une étape décisive pour son futur, cet accord, validé en 1989 par la cour de Hongrie, fixe six orientations principales :
- Augmentation des fonds propres de 16 millions à 3 milliards de forint
- Recherche d'acquéreurs potentiels pour une part de 30% du capital (3 milliards de forint).
- Placement de 10% du capital de Chinoin auprès de ses salariés.
- Sauvegarde de la majorité des emplois
- Reprise de la plus grande partie des dettes par l'acquéreur
- Gestion de la privatisation par l'équipe dirigeante de Chinoin.

Les dirigeants de Chinoin réalisent rapidement que le processus de privatisation posent des problèmes majeurs : la valeur financière de la société est impossible à estimer rapidement et les obstacles juridiques sont nombreux. La décision est prise de faire appel à une banque d'affaires pour procéder à une évaluation quantitative et qualitative de la société : le portefeuille de produits, les processus de production, le parc industriel, le potentiel commercial, le potentiel de recherche, les ressources humaines, la rentabilité et les finances sont successivement examinés.
 

Sanofi : un groupe qui cherche à se développer à l'Est
 

A la fin des années 80, Sanofi souhaite étendre sa couverture géographique et s'implanter en Europe de l'Est. En 1988, des bureaux sont ouverts en Pologne et en URSS. Les motivations stratégiques de Sanofi sont doubles : les dirigeants de l'entreprise cherchent un accès aux marchés d'Europe centrale et de l'Est, et des usines de bonne qualité, à faible coût, avec un personnel qualifié. L'entreprise hongroise Chinoin présente précisément un certain nombre de caractéristiques qui intéressent fortement Sanofi.

Premier objet d'intérêt : Chinoin est une porte d'entrée vers les marchés d'Europe centrale et de l'Est qui commencent à s'ouvrir aux laboratoires occidentaux après la chute du mur de Berlin. Chinoin réalise ainsi les deux tiers de son chiffre d'affaires en Hongrie (36%), où elle occupe la deuxième place, et dans les pays de l'Est (30%). Le volume de ses ventes atteint 14,7 milliards de forint, soit 1,1 milliard de francs, en 1990.

En outre, la Hongrie est un pays de tradition pharmaceutique doté d'une longue expérience de recherche et de fabrication en chimie fine. Chinoin est un acteur international depuis sa création en 1910 et peut s'enorgueillir de nombreux succès commerciaux tout au long du siècle. L'acquisition de Chinoin permettrait d'accéder à des produits de portée mondiale, bien adaptés aux marchés de Sanofi et à un portefeuille de projets en cours correspondant aux axes de recherche du groupe français.


La troisième motivation de Sanofi dans l'acquisition de Chinoin réside dans la possibilité d'accéder à un outil industriel performant, présentant des coûts très inférieurs aux autres sites et possédant un savoir-faire important dans le domaine de la recherche des procédés de fabrication. Les trois sites industriels de Chinoin, Ujpest, siège de la société, avec 2500 personnes, Nagytétény avec 1350 personnes et Csanyikuôlgy avec 120 personnes, constituent une base industrielle souple et économique qui pourrait être utilisée pour développer des génériques. Au total, l'acquisition permet à Sanofi d'une part, d'envisager la fabrication en grande quantité de produits complexes, d'autre part de considérer les installations de Chinoin comme un soutien aux capacités productives des autres sites du groupe et enfin de bénéficier de coûts compétitifs grâce notamment à une main-d'œuvre moins chère.

L'acquisition de Chinoin est cependant risquée, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Chinoin possède de nombreuses activités (activité de pharmacie, activité vétérinaire, activité phytosanitaire) sans relation les unes avec les autres, ce qui suggère la nécessité d'effectuer une restructuration de grande ampleur. Ensuite, les habitudes de production héritées de l'économie planifiée devront être radicalement modifiées, avec le risque que le personnel peine à s'adapter au nouveau mode de fonctionnement de l'entreprise. Troisièmement, le temps et le coût d'amélioration des installations et de formation du personnel sont difficiles à estimer, tout comme le sont la valeur du portefeuille de recherche et l'accroissement des coûts de recherche. Enfin, un ensemble de facteurs comme les incertitudes sur la progression des coûts salariaux, sur l'évolution du marché domestique et sur la stabilité politique du schéma de privatisation pèsent eux aussi sur la décision de l'opération. Ces risques sont cependant limités par les conditions d'acquisition.

 

B) Le processus d'acquisition de Chinoin par Sanofi

 

La privatisation de Chinoin ne s'est pas opéré dans le cadre d'un transfert de propriété total et immédiat. L'acquisition réalisée par Sanofi s'est au contraire déroulé progressivement, en quatre grandes étapes.
 

1990 : lancement de l'appel d'offres
 

En 1989, le cadre juridique futur est encore en construction et l'état des lieux financiers est tenu secret par la banque d'affaires en charge de l'évaluation. Sanofi, comme les autres groupes intéressés par l'acquisition de Chinoi, se déclarent donc en l'absence de repères juridiques et financiers clairs.

Au milieu de l'année 1990, à l'issue du processus d'évaluation menée par la banque d'affaires, une procédure d'appel d'offres est lancée pour la vente d'un bloc minoritaire représentant 30% de la valeur de l'entreprise. L'Etat hongrois cherche un partenaire occidental pour moderniser l'entreprise. Mais il préfère dans un premier temps un partenariat minoritaire plutôt qu'une privatisation brutale, afin d'éviter d'être d'accusé de dilapider le patrimoine industriel du pays. L'opération se déroule selon une procédure d'enchères qui met Sanofi en concurrence avec autres 140 candidats. 70 participants sont retenus pour un examen approfondi à l'issue duquel quatre compagnies restent en lice pour l'acquisition de Chinoin : Sanofi et trois laboratoires américains.
 

Octobre 1990 - février 1991 : offre de Sanofi et acquisition de 40%
 

En octobre 1990, Sanofi présente finalement son offre aux autorités en charge du dossier de privatisation. Compte-tenu des obligations imposées au futur acquéreur, Sanofi formule deux exigences principales

En premier lieu, Sanofi se porterait acquéreur de 40% de Chinoin au lieu des 30% prévus et réaliserait l'opération à la fois par achat et par augmentation de capital. L'augmentation de capital, c'est-à-dire une émission d'actions nouvelles pour accroître le capital social d'une entreprise, a plusieurs vertus. Elle permet à Chinoin de disposer de ressources nouvelles pour moderniser l'entreprise sans les emprunter, à Sanofi d'effectuer un investissement immédiat tout en minimisant les sommes versées à l'Etat hongrois, et à ce dernier d'être rassuré quant à la pérennité de Chinoin. Un objectif de Sanofi est en effet de maximiser le montant versé en augmentation de capital au détriment des sommes versées au vendeur pour le "ticket d'entrée", c'est-à-dire le prix à payer au gouvernement pour pouvoir acheter Chinoin. 

En second lieu, Sanofi pose une option de prise de majorité assortie d'un calendrier prévisionnel, d'une formule d'earn out et d'un prix minimum. L'option de prise de majorité et le calendrier prévoyant les parts acquises par Sanofi constituent une assurance quant à l'investissement du groupe français dans un environnement économique et politique encore incertain. La même motivation explique la demande d'une clause d'earn out, qui consiste à relier le prix d'achat aux résultats effectifs de Chinoin.

Ces clauses provoquent de longues discussions. Mais l'offre de Sanofi finit par emporter l'adhésion des autorités hongroises et des dirigeants de Chinoin parce qu'elle marque clairement la volonté du groupe de développer l'entreprise sur le long terme. En novembre 1990, les parties parviennent un accord. L'acquisition de Chinoin par Sanofi débute en février 1991, avec une prise de participation de 40%, soit un versement immédiat de 75 millions de dollars dont 3/8 versés à l'Etat hongrois (pour l'achat de l'entreprise) et 5/8 consacrés à une augmentation de capital.


Juillet 1993 : prise de contrôle et montée dans le capital


L'accord signé en 1990 comprend une option de prise de contrôle majoritaire à partir de 1994. Cette prise de contrôle intervient finalement plus tôt que prévu, en juillet 1993, sous l'impulsion des autorités de contrôle hongroise. Au final, la prise de majorité de Chinoin, c'est-à-dire la détention de 51% des actions, a coûté à Sanofi 590 millions de francs, intégrant le prix des 40% initiaux et le prix des 11% supplémentaires. L'Etat hongrois reste associé au capital et détient une "golden share" pouvant bloquer des décisions stratégiques.

En 1995, de nouveaux changements dans les procédures de privatisation interviennent. Les autorités font part de leur intention de vendre la part encore détenue par l'Etat au public. Sanofi engage alors une négociation serrée avec les autorités hongroises et aboutit à un accord le 27 décembre 1995 avec un paiement en forint. La participation complémentaire de 25% (y compris la "golden share" de l'Etat hongrois) est acquise pour 219 MF 

Au cours de l'année 1996, Sanofi entreprend de finaliser la prise de contrôle de Chinoin en rachetant les 24% des actions détenus par les salariés et par des investisseurs privés. 20% des actions sont ainsi reprises par Sanofi au cours du second semestre 1996. Aujourd'hui, le groupe Sanofi-Synthélabo possède 397 563 des 400 000 actions de Chinoin, soit 99,39% du capital.

 

C) Bilan de l'opération d'acquisition

 

Entre le lancement de l'appel d'offre en 1990 et la prise de contrôle de Chinoin, l'opération menée par Sanofi aura duré trois ans et se sera prolongée encore deux autres années pour atteindre 76% du capital. Le processus a donc pris du temps parce que les longues négociations intégraient des éléments politiques et économiques liés à la transition de la Hongrie et parce que les autorités montraient la volonté de procéder à une privatisation progressive.

Au final, Sanofi a tiré un certain nombre d'enseignements du succès de cette opération sous la forme de deux bilans. En plus d'un bilan circonstancié sur le déroulement même de l'acquisition de Chinoin, un bilan stratégique a été établi. Celui-ci porte sur les apports au groupe de l'entreprise achetée et souligne également les points qu'il est important de renforcer au cours des futures acquisitions.

D'abord, de par son implantation locale, Chinoin a permis à Sanofi de conquérir une part significative du marché hongrois. L'acquisition a aussi offert un accès privilégié aux marchés des pays de l'Est, malgré les bouleversements politiques qui ont entravé la capacité à maintenir le marché captif que représentent les pays ex-soviétiques.

Les risques anticipés au moment de l'acquisition étaient cependant bien réels : la situation politique hongroise était tendu, l'inflation galopante et le devenir de Chinoin incertain. Néanmoins, Sanofi a réussi à réduire largement ces risques grâce au principe de l'augmentation de capital et à la formule d'earn out. 

Une gestion intelligente de l'entreprise a aussi permis de minimiser les tensions. La prise en main s'est faite en douceur et le dialogue avec les actionnaires minoritaires et les salariés a été constant. Sanofi a par exemple décidé de conserver le management existant, d'encourager l'actionnariat salarié et a axé sa communication interne sur les effets bénéfiques de l'acquisition. Par ailleurs, les exigences de Sanofi en termes de vérification des comptes et des contrats de Chinoin ont été volontairement réduites de façon à éviter tout heurts lors des négociations. Enfin, l'intervention des niveaux hiérarchiques élevés de Sanofi auprès des interlocuteurs hongrois a apporté du crédit à la démarche du groupe.

II La conformation de Chinoin aux normes européennes

Si Chinoin était beaucoup plus ouverte sur le monde que les autres entreprises hongroises avant 1991, en raison des ses activités à l'export, le fonctionnement de l'entreprise restait cependant très éloigné des normes européennes. L'acquisition de Chinoin par Sanofi s'est alors traduite par une restructuration des activités, une révision de la politique de ressources humaines et la modernisation du processus de production et de recherche.

A) La restructuration des activités de Chinoin

 

Le "nettoyage" du portefeuille d'activités

En 1990, Chinoin employait encore 4200 salariés.. L'entreprise exerçait des activités très diverses, qui s'étaient multipliées au fur et à mesure de son développement. Ainsi, aux productions pharmaceutiques et vétérinaires initiales, s'étaient ajoutées des productions d'insecticides, de pesticides et d'engrais. Par ailleurs, l'entreprise assurait de manière autonome l'ensemble des services nécessaire à la production : les activités de maintenance, de transport, de nettoyage, d'entretien du ligne, de cantine et de gardiennage étaient ainsi prises en charge directement par Chinoin. 

Depuis la privatisation, Chinoin s'est recentré sur son cœur de métier afin d'améliorer sa rentabilité financière et son efficacité industriel. Cette stratégie a comporté deux volets. D'une part, l'entreprise s'est concentrée sur la production pharmaceutique en vendant en 1996 ses activités de fabrication et distribution de produits vétérinaires et, en 1999, sa branche agrochimique. D'autre part, les services non-stratégique ont été successivement externalisés : transport (1993), maintenance et réparations (1994), nettoyage, sécurité, gardiennage et entretien du linge (1995). 

Globalement sur la période 1990-2002, les effectifs sont passés de 4177 à 1994 personnes, soit une baisse de 52,6% des effectifs. Les services administratifs ont été fortement réduits, alors que les activités de marketing-vente ont été considérablement renforcées. La réduction des effectifs s'est effectué par quatre canaux principaux : le non-remplacement d'employés partis à la retraite, l'aide aux créations d'entreprise, l'attribution d'une prime en cas de départ volontaire (200 personnes en 1998 et 1999) et l'externalisation de services. Les licenciements sont restés marginaux, ponctuels et entièrement liés au démantèlement de l'Union soviétique en 1991 et à la crisse russe de 1998. 

Il faut enfin noter que la baisse des effectifs de Chinoin ne signifie pas que le nombre total des emplois liés à l'activité de l'entreprise ont diminué dans les mêmes proportions : de nombreux emplois sont désormais fournis par les prestataires de services de Chinoin. Le nombre d'emploi direct a diminué fortement, mais les emplois indirects se sont accrus.


Le développement d'une activité-clé : le marketing - vente
 

Avant la privatisation, les activités commerciales n'étaient pas assurées par Chinoin elle-même. Un service gouvernemental était chargé de commercialiser les produits pharmaceutiques avec l'étranger, tandis qu'un département du ministère de la santé se chargeait du marché hongrois. Les importations étaient soumises à des quotas imposés par le ministère de la santé ou interdites quant des médicaments équivalents étaient déjà fournis par les entreprises nationales. En 1991, seulement 1200 produits pharmaceutiques étaient disponibles en Hongrie contre près de 6000 en 2003, avec l'ouverture du marché.

Cette ouverture a rendu indispensable le développement de l'activité marketing et ventes de Chinoin : un département spécifique a été créé en 1990 et ses effectifs ont augmenté rapidement au cours de la décennie. Il comptait 202 salariés en 2002, dont 175 visiteurs médicaux. Un des premiers travaux de ce service a été l'enregistrement des produits de Sanofi en Hongrie. L'activité principale du service réside dans le démarchage des médecins : un fichier client a été mis en place et les échanges avec d'autres départements marketing-ventes du groupe ont permis de fixer des règles et des objectifs aux visiteurs médicaux.

 

B) La modification de la politique de ressources humaines

 

Des relations modifiées
 

Avant les années 90, un système particulier liait les entreprises hongroises et leurs salariés retraités : le faible niveau des pensions contraignait en effet nombre de retraités à conserver une activité à temps partiel dans leur entreprise d'origine. Les entreprises jouaient ainsi un rôle complémentaire à celui de la sécurité sociale. Ce système a pris en fin en 1991, alors que Chinoin employait encore 300 retraité. A cette occasion, un fonds social de 30 millions de forint a été débloqué et l'intérêt des sommes investies a été versé chaque année aux retraités de Chinoin. 

D'autre part, avant le bouleversement économique à l'Est, le fonctionnement planifié de l'économie garantissait à chacun un emploi. Avec le changement politique et le choix de l'économie de marché, le chômage est devenu une situation nouvelle.
 

La politique de rémunération


Les rémunérations étaient très inégalement avantageuses sous le système communiste. Les ingénieurs chimistes étaient les mieux lotis, qui touchaient des pourcentages sur les brevets déposés ou sur les économies réalisées. Les employés méritants pouvaient aussi toucher des bonus, mais ceux-ci étaient conditionnés à l'approbation du Syndicat, du Parti Communiste ou du Parti de la Jeunesse Communiste. En moyenne, pourtant, les rémunérations proposées par Chinoin à ses salariés étant parmi les plus basses des entreprises du secteur. La modicité des salaires a ainsi entraîné un nombre non négligeable de départs au cours des années 1980. 

En 1991, la partie fixe du salaire a été augmentée d'une part variable, composée d'une partie collective et d'une partie individuelle. La partie collective est établie sur la base des performances du groupe, des performances de la branche et des performances du site ou du service, tandis que la partie individuelle est établie sur la base de la réalisation d'objectifs annuels. A cette rémunération monétaire se sont ajoutés trois semaines de congés payés par an. Les employés bénéficient en outre d'une protection sociale spécifique.

La rémunération de la majorité des employés de Chinoin s'est donc améliorée avec la privatisation. Elle a en outre augmenté beaucoup plus vite que la moyenne des salaires hongrois sur la période 1991-2002.

 

C) La modernisation de l'outil de production

 

Une production plus performantes
 

Avant la privatisation, Chinoin disposait de peu de moyens financiers pour améliorer ses équipements. Les instruments modernes de mesure et de contrôle de la production étaient ainsi quasiment absents. Cette situation contraignait les ingénieurs à être en permanence physiquement présents près des chaînes de production. L'augmentation des moyens consécutive à la privatisation a permis la réalisation d'investissements lourds. Les installations ont été informatisées en 1994-1995 et une usine polyvalente a été construite en 2000.

Ces investissements ont permis d'augmenter sensiblement le volume de production. Ainsi, le réacteur de l'usine polyvalente a une capacité de 10 m3, contre 2 auparavant, ce qui permet de produire cinq fois plus. Le temps légèrement plus long de production est largement compensé par le volume produit. Tout concourt à rendre une telle configuration plus efficace. La production en quantités plus grandes ne requiert pas plus de personnel qu'avant et les coûts de maintenance sont relativement moins grands, d'où la réalisation d'économie d'échelle. Sur les lignes de production pharmaceutique, l'existence d'équipements plus modernes permet d'utiliser un personnel moins nombreux mais mieux formé.

 

Vers une organisation matricielle
 

Avant 1991, Chinoin présent une organisation dans laquelle les activités sont très distinctement séparées les unes des autres. Le processus de privatisation s'accompagne d'une refonte progressive de l'organigramme, avec l'objectif d'accroître les contacts entre les services. Une première étape est franchie avec la création d'un poste de directeur en charge à la fois de la production et de la recherche. Les contacts entre les salariés sont également encouragés : des comités d'une dizaine de personnes chacun se réunissent tous les deux mois afin de prendre part aux réflexions en matière d'investissements et de développement de l'entreprise. Enfin, une troisième étape vers l'élaboration d'une structure en réseau est franchie en 1993, avec l'intégration des cadres dirigeants de Chinoin aux réunions du groupe Sanofi.

 

Les modifications de la recherche-développement de Chinoin
 

Le fait que Chinoin appartienne au groupe Sanofi a modifié considérablement le fonctionnement de son activité recherche et développement. D'abord, la surface financière du groupe a permis une plus grande prise de risque en termes d'innovation. Ensuite, la direction a cherché à raccourcir les délais de mise sur le marché en mettant davantage de pression sur les chercheurs et en améliorant les liaisons entre la recherche et l'industrie. Cette stratégie à permis de limiter la tentation de certains chercheurs d'entreprendre des recherches dans une optique de pure connaissance scientifique, sans se préoccuper de l'intérêt immédiat de l'entreprise. Enfin, l'appartenance à Sanofi a permis de créer une synergie en matière de recherche-développement en faisant travailler en commun toutes les équipes du groupe. Le département recherche-développement ne dépend ainsi plus directement de Chinoin mais est dirigé depuis le siège du groupe Sanofi-Synthélabo.

Conclusion : La place de Chinoin dans le dispositif actuel de Sanofi-Synthélabo

La place de Chinoi au sein du groupe Sanofi-Synthélabo a considérablement évolué depuis 1991. Si le nombre relatif de salariés de Chinoi a diminué, le rôle industriel de l'entreprise hongroise s'est incontestablement accru. Ainsi, le développement prévisible de l'activité générique renforce Chinoin, qui dispose d'un savoir-faire dans ce domaine. Par ailleurs, Chinoin joue un rôle stratégique croissant dans le processus de recherche et développement, en particulier pour la chimie des nouvelles molécules. Mais le changement le plus profond concerne le fait que Chinoin n'est plus une entreprise autonome. Elle est désormais un des maillons du groupe Sanofi-Synthélabo. A ce titre, les activités de recherche et de production en Hongrie sont indissociables du développement du groupe. Cette relation nouvelle d'interdépendance est au cœur du phénomène même de mondialisation.

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