Première : cours et corrigés
Synthèse
Investir dans l’immobilier, acheter un nouvel équipement, financer la construction d’une nouvelle école... Ménages, entreprises et administrations publiques éprouvent fréquemment la nécessité de recourir au système financier lorsque l’épargne est insuffisante à combler les investissements, voire les dépenses.
- Les ménages disposent d’un revenu disponible qui se répartit entre consommation et épargne. Celle-ci, de l’ordre de 14 % du revenu, est partiellement attribuée à l’investissement en logement. Les 5 % restants sont qualifiés d’épargne financière : ils sont généralement déposés sur un compte, avec intérêt, afin de générer de nouveaux revenus. Ainsi, d’un point de vue macroéconomique, les ménages sont structurellement des agents à capacité de financement. Autrement dit, ils fournissent des ressources aux administrations publiques et aux entreprises, lesquelles, à l’inverse, manifestent un besoin de financement.
- Les entreprises : A partir de la création de valeur ajoutée, elles généralement un profit, l’excédent brut d’exploitation, qui permet de générer un bénéfice. Ce revenu est en partie conservé et constitue, avec les amortissements, l’épargne permettant d’investir. On parle alors d’autofinancement. Il est toutefois insuffisant et doit être généralement complété par un financement externe, au travers du recours traditionnel aux banques (emprunts) ou au système financier (émission d’obligations ou augmentations de capital par l’émission de nouvelles actions). Dans certains cas, le recours à des tiers comme les Business Angels ou le financement participatif facilitent la demande de fonds.
- L'Etat est également un agent structurellement en besoin de financement (-69,9 milliards d’euros en 2018). Ses ressources, les recettes fiscales essentiellement (impôts et taxes) et non fiscales (ventes de biens, amendes) sont insuffisantes face aux investissements et, plus largement aux dépenses. En examinant plus précisément le solde du budget annuel, la différence entre les ressources et les charges laisse apparaître un déficit budgétaire de 109 milliards d’euros (prévision 2019). Pour répondre à son besoin de financement, l’État doit donc emprunter. Agent économique particulier, à durée de vie illimitée, l’État peut envisager d’accroître ses dépenses publiques afin de relancer la demande en cas de récession (hausse des prestations, des investissements publics). Toutefois, cette politique peut avoir pour effet négatif d’évincer les agents privés des fonds prêtables disponibles, tout en orientant les taux d’intérêt à la hausse.
Pour l’ensemble de ces agents, il est possible de recourir à une vision macroéconomique modélisée du marché financier au travers du marché des fonds prêtables sur lequel s’effectue la rencontre entre les offreurs et les demandeurs de prêts. Le taux d’intérêt y est unique : il constitue à la fois la rémunération des prêteurs et le coût des emprunteurs. Plus il est élevé, plus il est coûteux pour un agent en capacité de financement de renoncer à l’épargne en consommant, plus l’offre de fonds augmente. Parallèlement, plus le coût de l’emprunt est important, plus les investissements rentables des agents en besoin de financement se raréfient, plus la demande de fonds diminue. A l’équilibre, l’épargne est égale aux montants souhaités pour les investissements domestiques et à l’étranger.
Synthèse
La monnaie fait partie de notre vie quotidienne et nous l’utilisons de manière spontanée à travers différents supports, sans nous poser la question de son existence.
Pourtant, si l’on imagine une économie sans monnaie, le troc devient le seul moyen d’échanger ce que nous produisons contre ce que les autres produisent. Comment échanger des cours de sciences économiques et sociales contre une voiture par exemple ? La double coïncidence des désirs est particulièrement difficile à envisager. Ainsi la monnaie rend possible et facilite l’échange commercial. Elle a permis l’approfondissement de la division des tâches, chacun pouvant se consacrer à des activités très différenciées et complémentaires. Chaque agent économique est donc amené à accepter la monnaie en échange de son activité productive car il est possible de se procurer l’ensemble des richesses produites par les autres agents économiques de sorte à satisfaire ses propres besoins.
Une première approche de la définition de la monnaie consiste donc à en cerner les fonctions économiques. Elle est unité de compte, instrument de paiement et réserve de valeur. En tant qu’unité de compte, elle réduit considérablement le nombre de rapports d’échange, c’est-à-dire de prix relatifs (prix d’un bien exprimé en la quantité d’un autre). Pour une économie de troc de 5 biens, il faudrait établir 10 prix mais pour 1000 biens, il faudrait établir 499 500 prix. Dans une économie monétaire, le nombre de prix à déterminer est égal au nombre de biens présents dans ladite économie. En ce sens encore, elle facilite les échanges marchands. Elle rend les comparaisons possibles. En tant qu’intermédiaire des échanges, elle est considérée comme l’ « équivalent général », c’est-à-dire comme le bien échangeable contre tous les autres. Elle peut éteindre une dette instantanément et définitivement. On dit qu’elle a un pouvoir libératoire illimité. Enfin, comme réserve de valeur, elle donne la possibilité de transférer la richesse dans le temps, tout en gardant sa liquidité c’est-à-dire son pouvoir libératoire de toute dette immédiatement.
On peut également essayer de mieux cerner ce qu’est la monnaie au travers de l’examen des différentes formes qu’elle a pris dans l’histoire. En effet, son existence est très ancienne. Les sociétés ont monétisé c’est-à-dire choisi comme monnaie des marchandises très diverses : Plumes, coquillages (cauris par exemple), bétails, colliers, barres de sel (Baruyas), rochers (Ile de Yap)… mais surtout l’or, l’argent, le cuivre, le bronze… autant d’éléments qui étaient, en eux-mêmes, des marchandises pour ces sociétés, c’est-à-dire des biens ayant une valeur et une utilité autre que celles de monnaie, mais auxquelles ces sociétés avaient choisi de donner un rôle particulier. Ce faisant, elles ont monétisé ces marchandises ; elles les ont donc transformées et légitimées comme monnaie. Ainsi, la monnaie n’existe-t-elle pas à l’état naturel. C’est une création humaine, une convention.
Le métal précieux, du fait de ses qualités d’inaltérabilité et de divisibilité, a longtemps été privilégié ; c’est la monnaie métallique. Celle-ci est une monnaie-marchandise en ce que le support monétaire (le métal précieux pour une monnaie métallique) a une valeur équivalente à la valeur des biens et services qu’il est possible d’acquérir. On dit que sa valeur intrinsèque est quasiment égale à sa valeur faciale. C’est tout particulièrement vrai pour les métaux précieux tels que l’or, l’argent, le cuivre ou le bronze. C’est d’ailleurs le fait que le support monétaire ait autant de valeur que la monnaie elle-même qui fonde la confiance que les agents ont dans leur utilisation et leur acceptation de cette monnaie.
Cependant, à partir du moment où les économies se sont élargies et ont cru plus rapidement, il est devenu difficile de trouver suffisamment de ces marchandises spécifiques ou en tout cas, d’en trouver une qui pourrait croître aussi vite que la production des richesses. Or, l’insuffisance de monnaies limite la croissance et peut engendrer des déséquilibres. Il a donc fallu trouver autre chose pour fonder la monnaie dans des économies modernes et donc monétiser autre chose, quelque chose dont la quantité ne viendrait pas limiter la production de richesses et les échanges. Le système mis en place a donc consisté à monétiser les créances. Un crédit n’est pas de la monnaie en soi. Il le devient lorsque nous décidons collectivement d’en faire de la monnaie. La monnaie devient donc une dette (puisqu’elle résulte de la monétisation d’une créance) qui permet de s’acquitter de toutes les autres dettes (c’est-à-dire de réaliser des paiements). De monnaie marchandise, la monnaie devient monnaie de crédit.
Les pièces que nous utilisons aujourd’hui sont appelées monnaie divisionnaire. Elles ne doivent pas être confondues avec la monnaie métallique qui était faite avec des métaux précieux. En effet, cette dernière procède de la monétisation de métal précieux. La monnaie divisionnaire procède de la monétisation de créances. La base qui les fonde n’est pas la même. Aujourd’hui, les monnaies métalliques n’existent plus parce que les métaux précieux, et en particulier l’or, ont été démonétisés. De même, les billets, appelés monnaie fiduciaire, procèdent également de la monétisation d’une dette. Ils ne sont plus les certificats de convertibilité en or qu’ils étaient au début de leur utilisation, qui étaient de simples contreparties de l’or. Monnaie divisionnaire et monnaie fiduciaire sont le résultat d’une monétisation de dettes sur la banque centrale. Nous y reviendrons. Mais la monnaie la plus utilisée de nos jours est la monnaie scripturale. Cette forme de monnaie est constituée à partir d’écritures sur les comptes bancaires des ANF, comptes qu’ils détiennent dans les banques commerciales, appelées aussi banques de second rang, lorsqu’ils réalisent des virements de compte à compte ou que ces banques leur accordent un crédit.
Avec le passage de la monnaie-marchandise à la monnaie de crédit, c’est le fondement de la confiance dans la monnaie et son usage qui s’est transformée. La première s’appuyait sur la valeur intrinsèque de la monnaie, celle-ci étant elle-même fondée sur une convention, un accord à l’échelle de la société selon lequel cette marchandise a de la valeur et ne peut être refusée tandis que la seconde est fondée sur la confiance dans le dispositif politique et institutionnel mis en place pour encadrer l’émission et le fonctionnement du système bancaire. Les monnaies de crédit ont pour caractéristique d’avoir une valeur intrinsèque quasiment nulle donc très inférieure à leur valeur faciale. Donc pour que cette monnaie circule alors qu’elle n’a plus de valeur en elle-même, il faut qu’elle fasse l’objet d’une forte confiance des agents économiques dans sa stabilité et dans sa pérennité.
Le passage de la monnaie marchandise à la monnaie de crédit se caractérise par un processus de dématérialisation. Progressivement le support matériel s’allège puis disparaît pour ne laisser place qu’à des écritures sur les livres de compte des banques. La monnaie scripturale, qui représente aujourd’hui 95% des paiements réalisés en France, n’a en fait aucune consistance : elle a donc besoin de supports pour circuler, supports avec lesquels il ne faut pas la confondre : chèques, virements, paiements par cartes, prélèvements automatiques… ne sont pas de la monnaie scripturale, ils ne sont que des outils qui permettent aux ANF de faire circuler la monnaie scripturale qu’ils détiennent sur leurs comptes dans les banques vers les comptes d’autres ANF, c’est-à-dire de réaliser des paiements.
Mais la monnaie, quelle que soit sa forme, n’a pas que des fonctions économiques. Elle recèle une forte dimension sociale. Les sociologues nous apprennent que l’usage que les individus font de l’argent est souvent déterminé par son origine. Autrement dit, selon qu’il a été gagné par le travail ou dans le cadre d’une activité illégale ou encore hérité, offert en cadeau… il ne sera pas dépensé de la même façon. La monnaie a aussi une dimension politique et symbolique. Aglietta et Orléan mettent en évidence qu’elle a permis et permet encore d’exorciser la violence inhérente à toutes les sociétés. Elle remplace le vol et pacifie les échanges.
La construction européenne, qui remonte à l’après seconde guerre mondiale, s’est largement appuyée sur la mise en œuvre d’une monnaie unique à partir de la fin des années 1990, pariant sur le fédéralisme monétaire plus que sur le fédéralisme politique. En effet, la monnaie unique devait permettre la mise en cohérence d’un vaste marché à partir des trois fonctions économiques de la monnaie mais aussi la consolidation d’une identité européenne et d’un sentiment d’appartenance à cet ensemble. La mise en œuvre de l’euro est une expérience originale et inédite : quelques pays décident d’abandonner leur monnaie nationale et donc de renoncer à leur souveraineté monétaire pour adopter une monnaie commune et unique. Cependant l’absence d’abandon de souveraineté dans les autres domaines pose le problème de la confiance et de la capacité à faire face aux chocs économiques inévitables. C’est pourquoi l’euro connait des crises régulièrement. Cet écueil a été souligné dès le début de cette expérience. Récemment, la crise des dettes souveraines et le Brexit en sont des manifestations.