Mondialisation
Synthèse
Les économistes se sont intéressés au lien entre la richesse des nations et les échanges commerciaux dès le XVIème siècle avec la découverte du nouveau monde. A cette époque, on se demande quels avantages procurent ces échanges entre l’Europe et les Amériques ? Les mercantilistes, adoptant le point de vue du prince, y voyaient l’opportunité de s’enrichir en accumulant des réserves d'or. Il y avait donc un intérêt très fort à favoriser les exportations pour pouvoir accumuler de l’or, ce qui impliquait de limiter les fuites d’or par les importations. Toutefois, le libre-échange était perçu comme un « jeu à somme nulle ». Ainsi comme le décrit John Hales en 1549 dans un Discours sur la prospérité publique de ce royaume d’Angleterre : « Les villes et les cités doivent se remplir de toutes espèces d’artisans… de telle sorte que nous ayons seulement de quoi approvisionner le royaume de leur production et empêcher des sommes d’argent considérables de s’enfuir comme cela arrive à présent, mais encore d’avoir une réserve toute prête pour la vente à l’extérieur et nous permettre d’acquérir ainsi d’autres commodités et un trésor. » Dans la conception des mercantilistes dans laquelle la richesse, c’est l’or, tout le monde ne peut gagner au libre-échange, car ce que certains gagnent, d'autres le perdent. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle au sein du courant classique, qu’une véritable vision favorable au libre-échange va émerger. Dans cette conception, la richesse correspond à la quantité de biens et David Ricardo va montrer que le commerce international est un jeu à somme positive. Ainsi, comme il le décrit dans Des principes de l’économie politique et de l’impôt (1817) : « Le commerce étranger [est] très avantageux pour un pays, puisqu’il augmente le nombre et la variété des objets auxquels on peut employer son revenu, et qu’en répandant avec abondance les denrées à bon marché, il encourage les économies et favorise l’accumulation des capitaux. » Ainsi, la richesse d’une nation ne repose pas sur la quantité d’or obtenue par les exportations, mais plutôt sur la capacité à importer grâce aux exportations de biens chers produits à moindre effort. Après-guerre, la volonté de favoriser le libre-échange considéré comme vecteur de paix et d’enrichissement mutuel s’affirme, la théorie du commerce international a le vent en poupe, sous la dénomination de la théorie des avantages comparatifs. Pourtant assez vite, cette théorie peine à expliquer toutes les formes du commerce international contemporain et par ailleurs, les thèses protectionnistes ressurgissent battant en brèche les préceptes libéraux défendus par les économistes classiques. Dans quelle mesure la théorie des avantages comparatifs permet-elle de comprendre les formes du commerce international au cours du temps ? Les bienfaits du libre-échange sont-ils garantis ? Peut-on dire que le protectionnisme est forcément sous-optimal ? Quelles sont les analyses théoriques du commerce international ? Quels sont leurs apports et leurs limites ?
Synthèse
Question 4. Comprendre l'internationalisation de la chaîne de valeur et savoir l'illustrer
Question 5. Comprendre les effets induits par le commerce international
Question 6. Réviser le vocabulaire du programme
A partir des années 1990, le commerce international s’est rapidement développé avec l’expansion des chaînes de valeur mondiales (CVM).
La notion de chaîne d’activité décrit la séquence des opérations conduisant à la production d’un bien final. Une chaîne d’activité se mondialise lorsque ces activités sont réparties entre filiales ou sous-traitants établis dans plusieurs pays. Selon l’OMC, une chaîne de valeur mondiale est une succession des activités exécutées par les entreprises pour créer de la valeur lors des diverses étapes de la production (chaîne d’approvisionnement), mais aussi avec toutes les activités faisant partie de la chaîne de la demande (commercialisation, vente, service à la clientèle).
Une chaîne de valeur mondiale (CVM) est donc une série d'étapes dans la production d'un produit ou d'un service destiné à la vente aux consommateurs. Chaque étape ajoute de la valeur et au moins deux étapes se déroulent dans des pays différents. Le phénomène de fragmentation peut être désigné par différents termes : découpage, dégroupage, délocalisation, spécialisation verticale, commerce des tâches, etc. Il s’agit toujours de souligner que la production de valeur ajoutée ne se réalise plus dans un seul endroit.
Par exemple, un vélo peut être assemblé en Finlande avec des pièces détachées venant d’Italie, du Japon et de Malaisie et exporté vers la République arabe d'Égypte.
Les entreprises conçoivent des produits dans un pays, achètent des pièces détachées et des composants dans plusieurs pays et assemblent les produits finaux dans un autre pays. En conséquence, le commerce international et les flux d'investissement ont considérablement augmenté. Ainsi, les pièces et les composants (d’une voiture, d’un avion, d’un téléphone portable, d’une chaussure de sport, d’un jouet, etc.) circulent entre pays que la chaîne de valeur soit organisée autour de produits intermédiaires, qu’elle soit simple ou complexe.
Les économies participent aux CVM de deux façons.
- soit elles importent des intrants qui serviront à produire des marchandises et des services qu’elles exporteront. Elles participent en amont au processus de fragmentation des productions ;
- soit elles exportent des intrants produits localement vers des partenaires intervenant aux derniers stades de la production. Elles participent en aval au processus de fragmentation des productions.
La chaîne de valeur fractionne le processus de production entre plusieurs pays. Les gains des CVM reposent sur cette fragmentation et la circulation de la production entre les entreprises situées dans différents pays. Les entreprises se spécialisent dans une partie du processus de fabrication : elles ne produisent plus l’intégralité d’un bien.
Les progrès technologiques, notamment dans les transports, l’information et les communications, et la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce ont simplifié les possibilités pour les firmes de produire à l’étranger et de décomposer (fractionner) leurs processus de production. En plus de la technologie, les principaux « moteurs » de la chaîne de valeur mondiales sont :
- les dotations en facteurs de production (travail peu qualifié, travail qualifié, capital, ressources naturelles) ;
- la taille et l’accès au marché ;
- la situation géographique des pays et leurs infrastructures commerciales ;
- la nature et stabilité des institutions.
Les chaînes de valeur mondiales (CVM) transforment le commerce mondial. Elles contribuent à l’accroissement de la productivité des firmes multinationales qui répartissent la conception des produits, la fabrication des pièces, l'assemblage des composants et la commercialisation des produits finis dans le monde entier. Ce « made in world » (« fabriqués dans le monde ») offrent de nouveaux débouchés à certains pays en développement qui peuvent participer à la production de produits complexes par la production de pièces simples ou leurs assemblages, et donc de diversifier leurs exportations.
La fragmentation accroître le bien-être mondial, car la spécialisation permet de produire donc de consommer une plus grande quantité de produit final (avec la même quantité de facteurs primaires). Toutefois, en modifiant des prix mondiaux relatifs, les termes de l’échange d’un pays peuvent se détériorer : la fragmentation peut réduire le bien-être d’un pays.
De plus, les chaînes de valeur mondiales (CVM) interrogent à la fois la manière de comptabiliser la création de valeur. La participation des pays aux CVM invite à réinterpréter les statistiques du commerce extérieur. Il ne s’agit plus seulement de comptabiliser la valeur totale des biens importés et exportés mais, puisque les pays importent des produits intermédiaires pour les incorporer à leurs exportations, il s’agit de calculer le contenu en valeur ajoutée locale des exportations (ou la part de la valeur ajoutée sectorielle permettant de satisfaire la demande finale).
Les CVM imposent aussi de repenser les politiques commerciales, notamment l’efficacité des politiques protectionnistes.
Notons que depuis la crise financière de 2008, la croissance du commerce international et des CVM a ralenti. Et, l’épidémie meurtrière du coronavirus a souligné une des fragilités de la décomposition des processus de production. L’épidémie a conduit à des ruptures d’approvisionnement et a incité certaines firmes multinationales à limiter la fragmentation de leur production, à raccourcir les chaînes de fabrication et à limiter leur dépendance envers un seul pays.