Les savoirs traditionnels au service des activités d'innovation : quelle protection des intérêts des communautés locales ?

Les savoirs traditionnels au service des activités d’innovation : quelle protection des intérêts des communautés locales ?

La question de la protection des savoirs traditionnels et des ressources génétiques a pris ces dernières années une importance toute particulière sur la scène internationale. Les pays en développement, dont la diversité biologique est très riche, craignent en effet que les entreprises exploitent leurs savoirs traditionnels pour en retirer un avantage industriel et commercial. La rencontre de deux cultures est ici intéressante à observer : d'un côté, les savoirs traditionnels participent d'abord de l'identité culturelle ; de l'autre, ils sont perçus comme une source de progrès médical dans une logique de brevetabilité et donc de rémunération. De là découle un conflit fondamental entre des conceptions radicalement différentes de ce qui relève du domaine public ou du domaine privé, de droits individuels ou de droits collectifs, ou encore de l'importance attachée d'un côté aux activités de développement de nouveaux produits et à la recherche de nouveaux profits, et de l'autre à l'environnement naturel et au respect de l'héritage culturel.

Savoirs traditionnels, à la croisée de l'héritage culturel et des activités d'innovation

Rien de tel que quelques exemples pour illustrer la notion de savoirs traditionnels. Ainsi, les guérisseurs traditionnels thaïlandais utilisent le plao-noi contre les ulcères ; les San en Afrique du Sud utilisent le cactus hoodia pour diminuer leur sensation de faim lorsqu'ils partent chasser ; les guérisseurs autochtones de la partie occidentale du bassin de l'Amazone utilisent la plante grimpante ayahuasca pour préparer divers médicaments auxquels sont attribuées des vertus sacrées. De ces exemples précis et circonstanciés, il n'est cependant pas aisé de tirer une définition univoque.

Eléments constitutifs des savoirs traditionnels et application dans le secteur médical

Pour le Secrétariat de la Convention sur la Diversité Biologique, le savoir traditionnel fait référence aux savoirs-faire, techniques, innovations et pratiques des collectivités autochtones et locales du monde entier. De façon générale, les savoirs traditionnels relèvent d'une conception du monde holistique et sont par nature intrinsèquement liés aux croyances spirituelles, aux systèmes juridiques coutumiers, aux modes de vie, aux valeurs culturelles et plus largement à l'environnement direct, au milieu naturel et à l'histoire des communautés autochtones. Développé à partir de l'expérience tirée au cours des siècles et adapté à la culture et au milieu local, le savoir traditionnel est transmis le plus souvent oralement, de génération en génération, et appartient à la collectivité dans son ensemble. Les applications pratiques des savoirs traditionnels sont nombreuses, particulièrement dans les domaines de l'agriculture, de l'écologie et de la médecine. S'agissant plus particulièrement des médecines traditionnelles, leur usage est très répandu dans les pays en développement (Chine, Inde, Asie du Sud-est, Afrique, Amérique latine), et revêt une importance sanitaire et économique croissante. En Afrique, jusqu'à 80% de la population utilise les médecines traditionnelles pour répondre à ses besoins sanitaires. En Asie et en Amérique latine, les populations continuent d'utiliser les médecines traditionnelles en raison de circonstances historiques et de convictions culturelles (D01). En Chine, les médecines traditionnelles représentent 40% des soins de santé administrés (WHO Fact Sheet No. 271, June 2002). Une telle importance de l'usage des médecines traditionnelles dans les pays en développement se justifie par le fait que l'accès aux médicaments occidentaux y est limité principalement pour des raisons d'ordre financier et culturel. Parallèlement, l'usage des médecines traditionnelles augmente sensiblement dans de nombreux pays développés. Aux États-Unis, le total des dépenses consacrées aux médecines traditionnelles est estimé en 1997 à 2 700 millions de $US. En Australie, au Canada et au Royaume-Uni, les dépenses annuelles sont estimées respectivement à 80 millions de $US, 2 400 millions de $US et 2 300 millions de $US (D02).

L'intérêt technologique des savoirs traditionnels pour les activités de R&D

Les thérapies de médecines traditionnelles englobent les thérapies médicamenteuses qui impliquent l'usage de médicaments à base de plantes, de parties d'animaux et/ou de minéraux. Dans les pays dont le système de santé prédominant est basé sur l'allopathie ou au sein desquels les médecines traditionnelles n'ont pas été incorporées dans le système de santé national (Europe, Amérique du Nord, Australie), la médecine traditionnelle est souvent appelée médecine "complémentaire", "alternative" ou "non conventionnelle" (D03). L'Organisation mondiale de la santé estime que 25% des médicaments modernes sont préparés à base de plantes qui étaient au départ utilisées traditionnellement. Les plantes et autres ressources biologiques auxquelles les médecines traditionnelles sont liées contiennent des principes actifs qui peuvent s'avérer essentiels au progrès de la recherche scientifique. Ceci est d'autant plus vrai que les instituts de recherche et les entreprises privées sont de plus en plus engagés dans la recherche de composants organiques présents dans la nature. En Afrique du nord par exemple, on estime que 70% des plantes sauvages peuvent trouver une application en médecine ou en agriculture. Or, lorsqu'il fournit une mixture d'herbes utilisées pour guérir une maladie, le guérisseur traditionnel n'isole ni ne décrit les composés chimiques et il n'analyse pas non plus leurs effets sur l'organisme selon les règles de la biochimie moderne. Son traitement médical se fonde sur des générations d'essais cliniques réalisés par les guérisseurs et sur une solide connaissance empirique de l'interaction de la mixture et de la physiologie humaine. Les processus de recherche scientifique s'avèrent donc souvent nécessaires pour l'isolation des gènes et des principes actifs. Par exemple, la divulgation des propriétés de la plante arogyapaacha (Inde du Sud) par trois membres de la tribu des Kani aux chercheurs indiens du Tropical Botanic Garden and Research Institute (TBGRI), a permis à ces-derniers d'isoler douze composants actifs, de mettre au point un nouveau médicament pour sportifs, le Jevanii , et de déposer deux demandes de brevet. Une licence d'exploitation a ensuite été délivrée à la société Arya Vaidya Pharmacy Ltd ., fabricant indien de produits pharmaceutiques engagé dans la commercialisation des formules médicinales ayurvédiques.

Le conflit opposant brevets et savoirs traditionnels

L'utilisation des savoirs traditionnels par des instituts de recherche et des entreprises à des fins d'innovation et d'exploitation commerciale fait craindre l'appropriation illicite de ces savoirs et pose directement la question des droits de propriété. Concrètement, l'enjeu porte sur le dépôt de brevets à partir d'inventions incorporant des savoirs traditionnels, voire sur la brevetabilité des savoirs traditionnels en tant que tels. Dans un cycle de recherche, d'innovation et de commercialisation, le dépôt de brevet d'invention constitue une étape importante, voire incontournable dans le secteur pharmaceutique où les investissements en recherche et développement sont particulièrement longs et coûteux. L'octroi de brevet d'invention est un titre juridique créateur pour son détenteur d'un monopole temporaire d'exploitation de son invention, en moyenne d'une durée de 20 ans. Il est évidemment justifié par la nécessité de récompenser l'investissement dans la recherche et, partant, d'encourager les activités d'innovation.

Les conditions de brevetabilité à l'épreuve des spécificités des savoirs traditionnels

Pour être brevetable, l'invention doit remplir trois conditions élémentaires. Elle doit d'abord être nouvelle, c'est-à-dire qu'elle doit comporter une caractéristique qui ne fait pas partie du fonds de connaissances existantes dans le domaine technique considéré (autrement appelé "état de la technique"). L'invention doit ensuite être inventive, ce qui signifie qu'elle ne doit pas être évidente pour une personne ayant une connaissance moyenne du domaine technique considéré. Enfin, l'invention doit avoir une application industrielle c'est-à-dire pouvoir être exploitée ou utilisée. S'agissant des savoirs traditionnels, qui présentent les caractéristiques, parmi d'autres, d'être transmis de génération en génération et, pour la majorité d'entre eux, d'être liés aux plantes et autres ressources génétiques, les conditions de brevetabilité sont particulièrement mises à l'épreuve. En effet, le droit des brevets exclut d'office la brevetabilité des savoirs traditionnels "purs", qui ne présentent aucune amélioration technique, puisque ne sont alors remplies ni la condition de nouveauté ni celle d'inventivité. Le principal objet de conflit en matière de biodiversité et de savoirs traditionnels est l'innovation : la seule découverte ou la seule transcription d'un élément naturel n'est pas suffisante pour revendiquer des droits sur des usages médicaux ancestraux. Ainsi, plusieurs cas de révocation de brevets portant sur des savoirs traditionnels se sont présentés, notamment celui du margousier (brevet EPO436257). L'effet fongicide des extraits hydrophobes de graines de margousier ( azadirachta indica ) est connu et utilisé depuis des siècles en Inde, tant dans les systèmes traditionnels de médecine pour soigner des maladies dermatologiques, que dans les pratiques agricoles traditionnelles pour protéger les récoltes contre des infections mycosiques. Les qualités du margousier sont réputées et nombreuses sont les entreprises pharmaceutiques qui l'utilisent dans leurs produits : plus de 90 demandes de brevets ont été déposées dans le monde sur certaines graines, certaines méthodes d'extractions, ou encore certaines utilisations du margousier.

  • En 1994, l'Office européen des brevets délivre le brevet n°EP0436257 à la société américaine W.R. Grace pour une "méthode propre à combattre les champignons aux plants avec l'huile de margousier extraite hydrophobément"
  • En 1995, un groupe d'ONG internationales et de représentants d'agriculteurs indiens dépose une opposition contre ce brevet. Ce groupe parvient à prouver que l'effet fongicide des extraits de graines de margousier est connu et utilisé depuis des siècles dans l'agriculture indienne pour protéger les cultures, et que l'invention alléguée dans la demande EP0436257 n'est donc pas nouvelle
  • En 1999, l'OEB juge que, sur le fondement des preuves, "tous les éléments de la présente revendication avaient été communiqués au public avant la demande de brevet … et que [le brevet] est donc réputé n'impliquer aucune activité inventive" : le brevet est révoqué par l'OEB en 2000
  • En juin 2001, la société américaine W.R. Grace fait appel de la décision
  • En mars 2005, la Chambre de recours de l'Office européen des brevets confirme la décision rendue en 2000 de révoquer le brevet

La prise en compte des savoirs traditionnels dans l'évaluation de l'état de la technique

S'agissant des inventions incorporant des savoirs traditionnels, l'un des problèmes fondamentaux que rencontrent les examinateurs de demandes de brevets a trait à l'évaluation exhaustive, d'abord de l'état de la technique au moment de l'examen de la nouveauté, ensuite de l'inventivité des inventions faisant l'objet d'une demande de brevet. En effet, si un savoir traditionnel fait l'objet d'une publication avant la date de dépôt d'une demande de brevet, il est compris dans l'état de la technique et peut être pris en considération lors de l'étude du caractère de nouveauté de l'invention. Dans le cas inverse, le manque de connaissances fera risquer l'octroi du brevet, comme le montre l'exemple du curcuma ( curcuma longa ), végétal de la famille du gingembre cultivé depuis des siècles en Inde pour ses propriétés cicatrisantes.

  • En 1995, deux ressortissants indiens du centre médical de l'Université du Mississippi obtiennent le brevet américain n°5.401.504 pour "une méthode propre à faciliter la cicatrisation d'une blessure, consistant essentiellement en l'administration au patient d'un agent cicatrisant constitué d'une quantité efficace de poudre de curcuma"
  • L'autorité chargée de l'examen de la demande de brevet avait estimé que l'invention revêtait le caractère de nouveauté au vu des informations auxquelles elle avait eu accès
  • Le Conseil indien de la recherche scientifique et industrielle demande à l'Office des brevets et des marques des Etats-Unis (USPTO) le réexamen du brevet au motif que le curcuma est utilisé depuis des siècles pour soigner les blessures et que son usage médicinal n'est donc pas nouveau
  • Cette revendication est appuyée par des preuves écrites du savoir traditionnel, dont un texte ancien en sanskrit et un article publié en 1953 dans le journal de l'Association médicale indienne
  • Au vu de cette documentation antérieure à l'octroi du brevet, l'USPTO admet les objections du CSIR et révoque le brevet

L'exemple du curcuma illustre bien la nécessité d'élaborer des systèmes défensifs de protection des savoirs traditionnels pour éviter, en aval, l'acquisition illicite de droits de propriété intellectuelle sur un objet relevant de tels savoirs. Il s'agit de donner la possibilité aux examinateurs de brevets de mener une recherche exhaustive de l'état de la technique au moyen de bases de données répertoriant les savoirs traditionnels. De telles bases existent déjà dans certains pays. Ainsi, l'Office d'Etat de la propriété intellectuelle de Chine a mis en place une base de données sur les brevets issus de la médecine traditionnelle. Celle-ci comprend déjà 25 632 documents (D04). De même, en Inde, une bibliothèque numérique répertorie tous les savoirs traditionnels de l'Ayurveda et comporte l'étude de 5 000 plantes médicinales.

Défense de la souveraineté nationale et protection des intérêts des communautés locales

La nécessité de contrôler l'accès aux ressources génétiques, de protéger l'environnement et de respecter les intérêts des communautés locales s'est traduite par la mise en place d'un certain nombre de principes que les entreprises doivent de respecter. Le premier d'entre eux est celui de souveraineté des Etats sur la gestion de leurs ressources naturelles. Il est au cœur de la Convention sur la Diversité Biologique signée en 1992 par plus de 150 Etats (hors Etats-Unis qui ne sont pas signataires). Le Brésil représente un exemple intéressant d'application de ce principe

La souveraineté nationale en matière de biodiversité : le cas du Brésil

La région amazonienne est forte d'une diversité biologique exceptionnelle qui représente entre 15 à 20% de la biodiversité planétaire. Elle représente ainsi un énorme potentiel de découvertes de principes actifs qui peuvent être utilisés dans l'élaboration de nouveaux produits. En raison de cette extraordinaire biodiversité, le Brésil est fort sollicité par les industries pharmaceutiques. C'est ainsi que, en 1997, la société mixte brésilienne de recherche scientifique Bioamazonia, la multinationale pharmaceutique Novartis Pharma et l'Institut National du Cancer des Etats-Unis ont signé plusieurs accords qui ont ensuite donné lieu à une très grande polémique. Selon ces accords, Novartis Pharma se voyait octroyer le droit exclusif d'identifier et de collecter 10000 micro-organismes chaque année durant trois ans contre la somme de 4 millions de dollars. En contrepartie, Novartis Pharma devait rémunérer Bioamazonia pour procéder aux tests cliniques, au dépôt des brevets et au lancement de nouveaux produits. Bioamazonia se voyait par ailleurs rétribuer de 1% des revenus perçus par Novartis Pharma tout au long de la période de 10 ans durant laquelle Novartis Pharma devait jouir de droits exclusifs sur les micro-organismes collectés. Ce projet de bio-prospection a été vivement critiqué par une large frange de la société civile aux motifs qu'il ne prévoyait aucunement l'implication d'équipes scientifiques brésiliennes dans les activités de recherche ni l'affectation de fonds à la préservation de l'environnement. Suite à ces critiques, le Ministère de l'environnement de Sao Paulo a été conduit à adopter en août 2001 une mesure provisoire sur l'accès au patrimoine génétique comme moyen d'assurer les intérêts brésiliens sur les ressources génétiques et la bio-prospection. Cette législation réaffirme le principe de la souveraineté nationale sur le patrimoine génétique et met l'accent sur le renforcement des capacités, le transfert de technologie et la participation directe des nationaux brésiliens aux processus de collecte et de recherche-développement. L'Etat brésilien est donc désormais positionné pour contrôler souverainement accès et partage et, conformément à la Convention sur la Diversité Biologique, une préférence nationale est accordée pour le dépôt de brevets. Ces restrictions sont parfois jugées parfois trop contraignantes par les entreprises et organismes de recherche étrangers qui ne peuvent s'engager seuls dans une démarche de dépôt de brevet ou de commercialisation. Certains instituts ont même décidé de cesser toute activité de bio-prospection au Brésil, comme le Jardin Botanique Royal de Kew (Royaume-Uni) qui préfère travaille dorénavant au Costa Rica et au Chili.

Information préalable et partage des bénéfices

Les principes relatifs au consentement préalable éclairé des communautés locales et au partage juste et équitable des bénéfices découlant de l'exploitation des inventions incorporant des savoirs traditionnels et des ressources génétiques sont rappelés par la Convention sur la Diversité Biologique. Si cette Convention vise, entre autres, à contrôler l'accès aux ressources génétiques, elle présente le défaut de ne pas être juridiquement contraignante. De fait, il revient à chaque pays d'adopter sa propre législation nationale sui generis en la matière. Aujourd'hui, seuls le Brésil, la Chine, le Costa Rica, l'Inde, le Pérou, les Philippines, le Portugal et la Thaïlande ont adopté des lois sui generis qui protègent spécifiquement et exclusivement leurs savoirs traditionnels. A défaut d'une telle législation, des contrats peuvent être négociés avec les communautés locales pour définir les modalités pratiques d'accès aux ressources génétiques et savoirs traditionnels et de partage des bénéfices découlant de la commercialisation des inventions les incorporant. Aujourd'hui, ce sont le plus souvent des contrats ou des accords privés-publics qui définissent les règles en matière d'accès aux ressources génétiques et de partage des bénéfices futurs. Dans la plupart des cas, les communautés locales reçoivent un certain pourcentage des redevances futures ; une partie des redevances futures est parfois utilisée à des fins de conservation de l'environnement. Par exemple, en vertu d'un accord récent, les guérisseurs traditionnels du Samoa recevront une partie des bénéfices tirés d'un nouveau médicament contre le SIDA, la prostratine, composé antisida dérivé de l'écorce de l'arbre samoan malala . De même, un fonds spécial a été créé pour assurer avec la tribu des Kani le partage des bénéfices tirés de la commercialisation du médicament Jevanii basé sur la plante arogyapaacha . Les tribus Kani recevront, sur les 2% de redevances qui seront payables au TBGRI par la société Arya Vaidya Pharmacy Ltd. sur toute vente future de médicaments, la moitié des droits de licence et la moitié des redevances. D'autres types de bénéfices non monétaires peuvent également être octroyés comme la formation des équipes locales de recherche, l'augmentation des capacités scientifiques, la distribution d'équipement, la reconnaissance lors des publications, ou encore la participation des communautés locales aux mécanismes de décision.

Vers un instrument international de protection des savoirs traditionnels ?

Malgré l'adoption par certains pays de lois nationales sui generis et la multiplication des contrats privés ou semi-publics régulant l'accès aux savoirs traditionnels et le partage des avantages, la protection des savoirs traditionnels qui, au mieux, est nationale, est encore limitée. Ces limites ont incité les pays mégadiverses à initier et à poursuivre des négociations sur un régime international de protection des savoirs traditionnels. L'adoption d'un tel instrument au niveau international est en effet jugé indispensable par les pays en développement dans le contexte de globalisation de l'économie alliée au développement spectaculaire des activités de recherche et développement dans le domaine biotechnologique. Les pays appelés "mégadiverses" regroupent 70% de la biodiversité de la planète et 45% de la population mondiale. Ces pays ont formé la coalitions des pays "like-minded, megadiverse", qui réunit quinze pays parmi les plus riches de la planète en matière de diversité biologique. Ces pays sont : l'Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine, la Colombie, le Costa Rica, l'Equateur, l'Inde, l'Indonésie, le Kenya, la Malaisie, le Mexique, le Pérou, les Philippines et le Vénézuéla. Le Groupe a été officiellement créé lors de la Déclaration de Cancun du 18 février 2002, comme un "mécanisme de consultation et de coopération" afin de défendre les intérêts communs en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité. La mise au point d'un régime international destiné à promouvoir et à assurer un partage juste et équitable des avantages résultant de l'utilisation de ressources génétiques a été adopté par le groupe, dans son plan d'action, comme l'un des cinq domaines prioritaires pour l'action. Les négociations ont lieu au sein de la Conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique, du Conseil ADPIC de l'Organisation Mondiale du Commerce (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle relatifs au Commerce), et enfin au sein de l'Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle. Les propositions déposées par les Etats-membres portent principalement sur la modification du droit des brevets. Pour les pays en développement, le déposant de la demande de brevet doit, sous peine de sanctions et d'arrêt de la procédure de la demande de brevet, divulguer l'origine du savoir traditionnel et apporter la preuve du consentement préalable de la communauté locale et du partage équitable des bénéfices futurs. Ces pays exigent également que soit adopté un Traité international sui generis pour la protection des savoirs traditionnels et que soit amendé l'Accord ADPIC afin de rendre obligatoire et universelle la divulgation de l'origine dans les demandes de brevets. Pour l'Union européenne et la Suisse, le déposant de la demande de brevet doit remplir une simple obligation formelle de divulgation de l'origine du savoir traditionnel, sans influence majeure sur la procédure d'octroi du brevet. Les Etats-Unis et le Japon estiment qu'il est inutile d'exiger la divulgation de l'origine dans la demande de brevet ni d'amender les Traités internationaux existants en matière de propriété intellectuelle ou d'adopter une Convention internationale sui generis . Selon ces pays, la protection des savoirs traditionnels doit être assurée par le seul droit des contrats.

Conclusion

Quel que soit le forum de discussion, les débats sont devenus extrêmement politiques et n'ont pu aboutir à un véritable compromis. Alors que l'intérêt technologique des savoirs traditionnels est de mieux en mieux perçu et leur potentiel de mieux en mieux exploité, les populations locales doivent apprendre à faire reconnaître leur contribution intellectuelle et culturelle au savoir commun de l'humanité. Il semble donc qu'elles doivent apprendre à passer par les fourches caudines du droit, sans quoi rien n'est protégé dans les sociétés occidentales, en contrepartie de quoi elles pourront tirer des ressources bien utiles pour leur développement.

Sitographie

Quelques exemples de brevets sur la biodiversité :
http://www.iprsonline.org/resources/docs/Solagral_fiche6a.pdf

Principaux accords d'exploitation de la biodiversité
http://www.iprsonline.org/resources/docs/Solagral_fiche6b.pdf

Position des différents acteurs en matière de brevetabilité d'éléments naturels/du vivant :
http://www.iprsonline.org/resources/docs/Solagral_fiche2a.pdf

Un site d'information sur le cactus hoodia
http://www.info-hoodia.com/

La librairie digitale indienne sur les savoirs traditionnels :
http://203.200.90.6/tkdl/langdefault/common/home.asp
http://203.200.90.6/tkdl/langdefault/common/Abouttkdl.asp?GL

La loi sur les savoirs traditionnels du Portugal
http://www.wipo.int/tk/en/laws/pdf/portugal_law.pdf

La Déclaration de Cancun du groupe des pays mégadiverse :
http://www.unido.org/file-storage/download/?file_id=11803

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