La croissance chinoise peut-elle échapper aux déséquilibres ?

"Enrichissez-vous"
Deng Xiao Ping, 1992.

 

On entend souvent parler de l'économie chinoise ces derniers temps. Tantôt sur le mode de l'émerveillement (recul de la grande pauvreté, débouchés pour notre économie), tantôt sur le mode de l'épouvante (craintes pour notre compétitivité, pour nos emplois industriels). Ces réactions, excessives, sont dues au fait que les Français connaissent très mal l'Empire du Milieu (il est vrai que ce dernier le leur rend bien), en dépit du fait qu'ils s'habillent chinois, jouent chinois et, demain peut-être, rouleront chinois. L'objet de la présente étude est de rappeler les grandes étapes du décollage de ce pays depuis bientôt trois décennies, et d'en analyser brièvement les sources, les conséquences (pour eux, pour nous) et les limites. Ce qui est fascinant, quand on étudie la Chine, c'est de mesurer la nature extraordinaire des enjeux ; les chiffres donnent le vertige. Selon que l'aventure économique se déroule bien (scénario sud-coréen ou taïwanais : poursuite du rattrapage, montée en gamme, démocratisation) ou mal (scénario brésilien d'une croissance sans développement, chaos social) le monde ne sera pas le même, car ce sont 20% des habitants de la planète qui sont concernés.

Le grand bond en avant de l'économie chinoise depuis 1978

L'histoire de la Chine au XXe siècle, ce sont d'abord huit décennies d'une vaste série de bouleversements très sanglant et globalement peu favorables au progrès économique : révolution de 1911, période des seigneurs de la guerre, guerre civile entre nationalistes et communistes, intrusions japonaises, guerre mondiale, passage au socialisme, "Grand bond en avant" et ses 30 millions de morts par famine, "Révolution culturelle" et ses 50 millions de morts, période de la "Bande des Quatre". C'est ensuite un tournant authentiquement contre-révolutionnaire, et par conséquent passé largement inaperçu à l'époque, en 1978, sous l'impulsion de Deng Xiaoping, qui se concrétisera au début des années 1980 par la création des ZES (zones économiques spéciales), la décollectivisation des terres, la décentralisation.

 

Des performances remarquables, quoique non exceptionnelles et approximatives

 

La croissance que la Chine enregistre depuis le début des années 1980 semble extraordinaire : environ 9% par an en moyenne, des villes usines qui poussent comme des bambous après la pluie, l'absorption de Hong-Kong (1997), l'entrée dans l'OMC (2001). Les calculs intégrant les PPA (parités de pouvoir d'achat) font de la Chine le futur leader de l'économie mondiale à un horizon de 25 ans (2030) dans le cas où la croissance continuerait à ce rythme. Ce tableau doit toutefois être nuancé, car la Chine part de très bas, gaspille beaucoup de ressources dans le cadre de son rattrapage tandis que la situation économique réelle n'est pas toujours présentée de manière transparente.

 

Un décollage foudroyant

 

En 25 ans, à parité de pouvoir d'achat, la richesse créée par la Chine est passée de 4 à 14% du total mondial, ce qui équivaut à un rattrapage d'un tiers du terrain perdu lors des 200 années qui ont précédé. Ces résultats économiques ont dépassé toutes les espérances : depuis 1978, le PIB a été multiplié par 9 à prix constants, le revenu réel des ménages a quintuplé. La croissance démographique (plus 320 millions d'habitants depuis 1978) n'empêche pas la richesse par habitant d'augmenter sur un rythme de 7% par an.

 

Le sondage mené en 2004 par le Wall Street Journal auprès de 12 prix Nobel d'économie est très révélateur, puisqu'à horizon de 75 ans, sept d'entre eux considèrent que la Chine sera la première puissance économique mondiale. En favorisant le rattrapage des zones les plus attardées de l'Ouest (par des "délocalisations" intérieures), il serait possible de maintenir une croissance agrégée forte sur une longue durée, un peu à la façon des Etats-Unis. Selon une étude du CEPII, une croissance de 7,1% (respectivement de 5,9%) pendant 20 ans permettrait à la Chine d'augmenter sa part dans le PIB mondial (mesuré en dollars courants) de 3% en 2000 à 7% en 2020 (respectivement 5%). Le revenu moyen par habitant serait multiplié par 3,5 pour atteindre (en 2020) le même niveau que la Turquie ou l'Afrique du Sud ont connu en 2000. Mesuré en PPA, et selon la même source, le niveau de vie des chinois deviendrait (en 2020) supérieur de 20% à la moyenne mondiale, serait équivalent à environ 1/3 du niveau de vie des japonais (en PPA), et le PIB chinois atteindrait (toujours en PPA) 20% du PIB mondial Document 1. Pour un pays encore très en retard à la mort de Mao (1976), c'est impressionnant.

Si l'on se penche sur les indicateurs de développement (taux de scolarisation, espérance de vie…), il faut constater que les performances chinoises sont d'ores et déjà excellentes pour un pays de cette classe de revenu. Document 2. Néanmoins, le SRAS, cette épidémie de pneumopathie ou "grippe du poulet" qui a défrayé la chronique au cours de l'année 2003 et qui a provoqué des morts jusqu'à Toronto, a révélé le problème de l'insuffisant investissement public dans le système de santé ; pour égaler le niveau de la Thaïlande, la Chine devrait y consacrer 2% de son PIB, soit le double d'aujourd'hui.

 

"Aurait pu mieux faire" et "devrait à l'avenir faire moins bien"

 

1/ La croissance chinoise n'est pas si exceptionnelle. Sa trajectoire au cours des 25 dernières années est globalement comparable à celle qu'ont connus le Japon de 1950 à 1980 ou les NPIA (Taiwan, Hong Kong, Singapour et Corée) de 1960 à 1990. Entre 1983 et 2000, l'Irlande a enregistré un taux de croissance annuelle du PIB par habitant presque aussi important alors qu'elle partait de beaucoup plus haut. Le problème ne vient pas d'un manque de ressources mais d'une mauvaise utilisation de ces ressources, héritage du système communiste.

On peut essayer de cerner les gaspillages ou les inefficiences du système en remarquant que l'investissement représente plus de 40% du PIB, contre 25% en Corée du Sud lorsque celle-ci enregistrait les mêmes taux de croissance. Les infrastructures de transport et d'électricité s'avèrent très insuffisantes pour porter une croissance économique aussi dynamique, comme en témoignent les engorgements dans les ports et les coupures de courant dans les villes. Les gains de productivité sont bien réels mais ils proviennent essentiellement de la main d'œuvre, de sa réallocation sectorielle et dans une moindre mesure du démantèlement de l'industrie d'État.

En conséquence, et fort classiquement, le caractère extraordinaire de la croissance chinoise réside plutôt dans le fait que le niveau de départ de la Chine était relativement beaucoup plus faible, qu'il subsiste donc à ce stade des marges de progression très importantes en termes de productivité, et que le phénomène concerne des masses démographiquement considérables.

2/ La croissance chinoise devrait ralentir dans les années à venir. Elle correspond parfaitement à cette croissance extensive, condamnée par la loi des rendements décroissants, dont on parlait beaucoup vers 1997-1999 à propos des pays du Sud-Est asiatique ; ce n'est pas principalement une croissance tirée par le progrès technique mais par l'accroissement quantitatif des facteurs (travail, capital) : "plus de transpiration que d'inspiration", pour reprendre une célèbre expression de Paul Krugman. Dans ce cas, nombre d'indices montrent que la croissance pourrait progressivement s'épuiser. Selon le FMI, les IDE apportaient trois points de croissance par an (surtout via leur effet sur la productivité) dans les années 90, la croissance de la population deux points, et les investissements physiques (surtout le fait des entreprises publiques) quatre points ; ces deux derniers moteurs, domestiques, vont bientôt se gripper (ralentissement démographique et montée du chômage pour l'un, plus grande exigence de rentabilité du fait des privatisations et surcapacités pour l'autre). Les projections basées sur une poursuite de la croissance autour de 9% par an n'ont donc pas beaucoup de sens. D'autant que si l'"atterrissage en douceur" reste le scénario le plus probable pour l'économie chinoise, celui d'une crise financière ne peut être totalement écarté.

 

Un pays très fâché avec les chiffres

 

Il faut prendre les données officielles pour ce qu'elles sont : celles d'un PVD, communiste, très vaste et en mutation rapide. La Chine n'a pas les moyens de collecter des statistiques fiables et les traditions du régime autoritaire les biaisent encore plus. Personne n'est capable de chiffrer convenablement le nombre d'habitants à trente millions près, ou le nombre de chômeurs à cent millions près. Le phénomène statistique de sous déclaration des revenus vient perturber les calculs relatifs au pouvoir d'achat. Le secteur parallèle est très important. La monnaie nationale n'est pas pleinement convertible, ce qui rend les comparaisons avec le reste du monde plutôt périlleuses, et les marchés financiers sont embryonnaires. Les normes comptables sont, on s'en doute, loin des standards internationaux. Au total, le chemin vers la transparence est encore long.

Quelques exemples :

1/ En 1995, on a découvert, grâce aux satellites, 30% de terres cultivées en plus de ce qui était comptabilisé officiellement ; plus généralement, le monde rural fait figure de marécage insondable.

2/ Personne ne sait mesurer les évasions de capitaux, qui reviennent parfois dans le pays sous forme d'investissements "étrangers" : il faudrait diminuer d'autant les véritables IDE, peut-être de 25%.

3/ En 1998, il y eu officiellement 8% de croissance économique et seulement 0,4% d'accroissement de la consommation énergétique… La Chine n'est pourtant pas la championne des économies d'énergie.

4/ Le montant du commerce bilatéral est rarement le même d'une source à l'autre, mais l'exemple le plus frappant est bien celui de la Chine. D'après les données des Etats-Unis pour 2002, le déficit commercial avec la Chine était de 103 milliards de dollars, alors que d'après les chiffres chinois leur excédent commercial avec les Etats-Unis se limitait à 44 milliards.

5/ La difficulté des autorités chinoises à reconnaître l'ampleur de l'épidémie de pneumopathie (SRAS) a mis une nouvelle fois en lumière la difficulté d'organiser la transition d'un régime d'information contrôlée à un régime de transparence. C'est quand le gouvernement se met à dire la vérité qu'une panique s'empare de la population. Mais, dans le même temps, la dangereuse omerta pratiquée au début de cette affaire est liée à la peur de voir fuir les investisseurs, ce qui montre l'importance du reste du monde dans la croissance chinoise, un élément plutôt réconfortant !

6/ Les comptes publics sont truqués (voir la 3e partie de cette étude), et les
techniques utilisées manquent singulièrement de finesse.

7/ On estime qu'environ 10 millions de travailleurs ruraux se déplacent illégalement vers les centres urbains chaque année, mais les autorités ne peuvent le reconnaître et par conséquent toutes les statistiques touchant à l'emploi sont fantaisistes. Le FMI estime que 25 millions d'emplois ont été créés entre 1995 et 2002 dans le secteur privé formel et près de 80 millions dans le secteur informel.

Que faire ? Revenir à Confucius. Ce dernier ne préconisait pas une allégeance aveugle à l'Etat. Lorsqu'on lui demanda "comment servir un Prince ?", il répondit : "dis-lui la vérité, même si cela doit l'offenser".

Causes et conséquences du décollage : une impression de déjà vu

Comme dans les manuels classiques d'économie retraçant le décollage britannique au XVIIIe siècle, la révolution industrielle chinoise commence par une révolution agricole. Document 3. L'appropriation privée des terres justifie les efforts de productivité ; la main d'œuvre devenue excédentaire se réoriente vers les nouveaux secteurs industriels où les salaires, bien que faibles, permettent un accroissement du niveau de vie. Alfred Sauvy et Arthur Lewis ne seraient pas étonnés par une telle séquence mais bien par la rapidité du processus dans le cas de la Chine.

 

La croissance chinoise ou l'application des bonnes vieilles recettes du capitalisme…

 

Le miracle de la Chine, c'est qu'il n'y en a pas. Privatisation et meilleure protection des droits propriété, ouverture aux échanges et aux IDE, insertion dans la division internationale du travail pour exploiter les avantages comparatifs, mobilisation de l'épargne nationale en vue d'investissements massifs, promotion d'une monnaie stable. La Chine suit pour l'essentiel un modèle d'accumulation avec quelques spécificités. Du déjà vu.

1/ Privatisation Document 4 
Elle a certes été progressive mais aujourd'hui la majeure partie de l'économie chinoise est "hors plan". L'immobilier, par exemple, est désormais chose privée. Même certaines entreprises d'Etat (les moins obsolètes parmi elles) sont préparées à l'inéluctable passage au privé : création d'une personnalité juridique, plus grande autonomie de gestion dans les investissements, autorisations de licenciement, branches non rentables fermées sont les étapes d'une transformation progressive, mais radicale des entreprises d'Etat

2/ Mobilisation de l'épargne
L'accumulation surprenante des ménages (plus de 1 445 milliards d'USD de dépôts fin 2004, contre 465 en 1996), quand bien même la rémunération de l'épargne est très faible (2% environ en nominal, soit une rémunération négative en termes réels), montre à quel point les habitudes d'épargne sont profondément ancrées ; ceci permet d'effectuer des investissements massifs Document 5, peut-être trop. L'épargne chinoise est souvent expliquée de manière rapide par des facteurs culturels, mais elle relève surtout d'une recherche de sécurité dans un contexte de hausse des coûts d'éducation et des frais médicaux, d'incertitude quant au financement des retraites et de tensions sur le marché du travail. On peut également considérer que la plupart des ménages urbains sont d'ores et déjà équipés des biens de première nécessité (mobilier, électroménager…) et qu'une nouvelle hausse du potentiel de consommation se heurte soit à une contrainte budgétaire plus forte (immobilier…), soit plus probablement à un déficit d'offre, dans les services essentiellement ; ce dernier secteur reste dans l'ensemble sous-développé et très protégé de la concurrence : la part des services dans le PIB n'est ainsi que de 33% en Chine contre 82% aux Etats-Unis et 56% en Inde.

3/ Ouverture
Progressive, expérimentée dans les zones économiques spéciales (ZES) des années 1980, elle se fait en premier lieu par l'accueil des IDE. Même s'ils ne représentent que 10% de l'investissement total, ils sont vraisemblablement à l'origine principale du décollage du pays. La Chine cherche à acquérir le savoir-faire étranger en matière de gestion, d'approvisionnement et de distribution, d'abord à partir de la diaspora chinoise, puis d'industriels occidentaux, afin de gagner un temps précieux dans son développement en ne cherchant pas à "réinventer la roue".

Les entreprises étrangères ont apporté avec elles un capital cumulé de 500 milliards d'USD, et réalisent aujourd'hui 25% de la production industrielle "nationale", 55% du commerce extérieur et, dans le secteur de l'électronique, 70% du CA total. La dynamique reste très positive, avec un afflux d'IDE annuel en hausse constante, de l'ordre de 60 milliards d'USD en 2004, soit plus de la moitié de ce que reçoit l'Asie toute entière. Selon les calculs du FMI, les entreprises à capitaux étrangers seraient responsables de la moitié des gains de productivité obtenus dans les années 1990. Les sociétés mondiales sont attirées par la faiblesse des coûts salariaux Document 6 et plus encore par la taille du marché domestique ; les Chinois, eux, s'approprient les techniques étrangères dans leurs propres usines : en effet, les IDE ne sont autorisés que dans des joint-ventures à majorité (51%) chinoise.

L'industrie d'assemblage représente une spécificité chinoise. Les entreprises de Hong Kong ou de Taiwan importent des composants de leurs maisons mères, les font assembler en Chine (sous-traitance OEM), puis les commercialisent. Les entreprises occidentales procèdent désormais de la même manière ; de sorte que la Chine, qui était l'atelier de l'Asie, est en passe de devenir l'usine du monde. Ce circuit très astucieux représente aujourd'hui environ un tiers des exportations chinoises.

Plus globalement, l'insertion de la Chine dans la DIT se traduit par un rôle croissant du commerce extérieur (plus 20% tous les ans en moyenne depuis 1995), mais l'importance relative de ce dernier est encore relativement limitée du fait de la taille exorbitante du marché domestique et du monde rural Document 7. Et l'une des raisons de l'ouverture est que les provinces chinoises commercent souvent entre elles via le marché mondial : selon Alwyn Young, plutôt que de penser la Chine comme un pays de 1,3 milliards d'habitants, on gagnerait à le représenter comme 25 provinces de 50 millions d'habitants environ commerçant chacune avec le reste du monde.

4/ Et demain ?
Cette forte présence des investisseurs étrangers peut s'expliquer par la volonté des entrepreneurs de bénéficier de l'"avantage des premiers arrivés". Elle peut aussi être lue comme le résultat d'un processus d'éviction lié à un environnement institutionnel défavorable aux entrepreneurs locaux. Dans des secteurs tels que l'habillement, où les risques "technologique" et "produit" sont faibles, le recours à des IDE pourrait alors s'expliquer par des handicaps pesant sur l'investissement privé (accès aux devises limité, droits de propriété incertains…).

L'ouverture de la Chine aux IDE peut aussi être une source de risque pour demain. Ainsi, bien que les firmes étrangères continuent à réinvestir majoritairement sur place leurs bénéfices, on estime que 15 à 20 milliards d'USD de dividendes et 35 milliards d'USD de royalties et licences sont rapatriés chaque année par les investisseurs. Qu'en sera-t-il demain si les flux entrants se ralentissent et que les flux sortants s'accélèrent, ne serait-ce qu'à cause de la suraccumulation du capital ?

 

… et de quelques ingrédients typiquement chinois

 

L'expérience chinoise montrerait, selon certains économistes partisans des réformes graduelles (Joseph Stiglitz, par exemple), qu'il est possible de connaître une croissance soutenue avec des institutions imparfaites et hybrides, à condition que les questions essentielles du séquençage des réformes et du partage des gains soient convenablement gérées.

Il y a un demi-siècle, dans La société ouverte et ses ennemis, Karl Popper opposait deux modes de réforme. L'"édification utopique", en proposant un projet de société grandiose, a "un but précis, qu'elle poursuivra opiniâtrement et en fonction duquel elle déterminera ses moyens". L'"édification au coup par coup", en revanche, consiste à agir sur les parties du système, sans projet global. Même si Popper reconnaît que l'approche utopiste est "convaincante et faite pour séduire", dans la mesure où elle fait appel à la pensée rationnelle, il estime que c'est une folie. La démarche utopiste nécessite un pouvoir fort et centralisé ; en revanche, l'approche au coup par coup est "la seule méthode qui, jusqu'à présent, ait jamais abouti à des améliorations réelles" (Popper, 1971). La Chine a opté, à partir de 1978, pour des réformes graduelles. Il est vrai qu'après trois décennies de maoïsme, la politique de la "table rase" ne rencontrait plus beaucoup d'adeptes. Chaque réforme a été essayée à petite échelle, puis généralisée si l'expérience était concluante. Le point d'arrivée n'était pas défini avec précision. Selon Deng Xiao Ping, la Chine "traverse la rivière en tâtant chaque pierre".

Pour procéder à des réformes modestes, il est conseillé de commencer par quelque chose qui semble faisable. Dans la Chine des années 80, les premières réussites sont agricoles. Les fermes collectives étaient un moyen tout à fait inefficace d'organiser l'activité, ce que les paysans savaient parfaitement, de sorte qu'il a été facile de réaliser des réformes "gagnants / gagnants". Une riche idée de la Chine a été la création, très tôt, d'entreprises de bourg et de village (EBV), petites, manufacturières, appartenant à l'administration du village et gérées par elle. Les réformateurs n'avaient pas prévu que ces entreprises se développeraient aussi vite. Avec le recul, on peut expliquer leur réussite : il était ainsi plus efficace pour les autorités locales d'accroître leurs revenus en développant leurs EBV qu'en augmentant la pression fiscale ; elles ont obtenu des financements autrement inaccessibles ; enfin, la concurrence qui s'est développé entre elles leur a imposé une stricte discipline. Hélas, le monde rural a été largement abandonné à lui-même au cours des années 1990.

En matière d'ouverture extérieure, les politiques "hors normes" sont parfois efficaces, au moins pendant un certain temps (cf. les tarifs douaniers des Etats-Unis à la fin du XIXe siècle). Bien que la Chine ait bénéficié de ses liens avec l'économie mondiale, elle n'est pas adepte du libre-échange : Rodrick (2000) note que l'ensemble des tarifs douaniers atteint une moyenne de 42,4% dans les années 1980 et de 31,2% dans les années 1990 ; voilà des montants qui sont proches de ceux du Bangladesh et fort éloignés des 0% de Hong-Kong ; à noter toutefois que les choses évoluent rapidement et dans le bon sens, la perspective d'entrée au sein de l'OMC aidant, puisque les tarifs moyens étaient déjà en dessous des 20% en 1999 et que le mouvement de baisse continue depuis lors.

Par ailleurs, la Chine présente la particularité de la décentralisation, qui a été favorisée par Deng Xiao Ping. Celui-ci a poussé les districts, les provinces et les municipalités à se débrouiller de manière autonome, ce qui a contribué au décollage de la Chine. En effet, le transfert d'autorité et de compétence a eu plusieurs vertus : premièrement, les pouvoirs locaux sont mieux à même de fournir des biens publics appropriés ; ensuite, la décentralisation autorise des expérimentations régionales ; enfin, la décentralisation fiscale permet une concurrence interrégionale qui limite les travers prédateurs des autorités. Toutefois, la décentralisation pourrait désormais devenir un obstacle car elle engendre un fort protectionnisme local. Ce dernier se traduit par des surinvestissements considérables, aussi bien dans l'automobile (la Chine peut produire 3 millions de véhicules par an, mais moins de 2 millions sont vendus) que dans l'immobilier, et entrave la constitution des réseaux commerciaux, qui sont au contraire bien établis en Inde. De plus, les conflits d'intérêt entre le gouvernement central et les administrations locales s'accentuent.

Enfin, pour libéraliser les prix, autrement dit passer des prix distordus du système planifié aux prix représentatifs de la rareté réelle des biens, les Chinois ont adopté une structure ingénieuse à deux étages. Ce qu'une firme produisait dans le cadre de l'ancien quota était à l'ancien prix, mais tout ce qui était produit en plus était au prix de marché. Ce système a permis aux incitations de jouer à plein à la marge et au marché de chercher "à tâtons" les prix non distordus avec un minimum de perturbations (et en évitant le piège de l'inflation qu'a connu, par exemple, la Russie). Dès qu'il eut joué son rôle, le système des prix à deux étages fut abandonné.

Que conclure de ce qui précède ? Les partisans des réformes graduelles semblent souvent postuler une habileté géniale et bienveillante de la part des autorités, négligent parfois le fait qu'une économie de marché repose sur un ensemble cohérent de règles et de comportements, et oublient qu'à trop se montrer patients on finit par constituer des bombes à retardement (voir la 3e partie de cette étude). C'est pourquoi on ne peut conclure, à ce jour, à la réussite totale de la stratégie des petits pas dans le cas de la Chine. Certains économistes vont même jusqu'à suggérer que, parmi les pays ex-communistes, la Russie est mieux partie que la Chine, dans la mesure où elle au moins a opéré un revirement complet et constitutionnalisé (cf. Sachs & alii, CID working paper, Harvard). Il est vrai que cette étude date de l'an 2000, et c'est un euphémisme de dire qu'elle n'a pas reçu, jusqu'ici, de validation empirique !  

 

 

Des conséquences économiques bien identifiées

 

Elles sont nombreuses et très classiques. Nous n'en mentionnerons ici que trois :
1/ La montée en gamme Document 8 au fur et à mesure du décollage, selon une trajectoire de spécialisation initiée en Asie par le Japon et poursuivie ensuite par les "Dragons". De façon sommaire, il s'agit du passage du textile à la sidérurgie puis aux industries électrique et électronique. Les voisins de la Chine n'ont vraisemblablement plus aucun avenir dans les produits à faible valeur ajoutée.

2/ La constitution de grands groupes et leur internationalisation. Plusieurs groupes chinois ont une véritable politique mondiale, sont cotés à la bourse et acquièrent des firmes occidentales : Petrochina, Sinopec et CNOOC dans le secteur pétrolier, Baosteel pour la sidérurgie, Lenovo (ex-Legend) dans l'informatique, TCL dans les téléphones mobiles, Haier ou Galanz dans l'électroménager, Tsingtao pour la bière. Ceci ne doit pas faire oublier les faiblesses des groupes chinois : taille limitée à l'échelle mondiale (10 entreprises chinoises dans les 500 premières, et mal classées), faiblesses du management et des structures financières, effort de recherche très insuffisant, absence de marques reconnues internationalement et retard des investissements immatériels.

3/ Des progrès spectaculaires dans le domaine de l'éducation, en particulier del'enseignement supérieur. En 2001, la Chine comptait 1,2 millions d'étudiants dans les cycles supérieurs, soit un peu moins que les États-Unis et l'UE (1,3 millions chacun), mais, en flux, on y comptait 500 000 nouvelles inscriptions, soit autant que les États-Unis et l'UE réunis. On estime à 580 000 le nombre total de Chinois ayant suivi ou étant en train de suivre des cours à l'étranger en 2002, dont la moitié environ aurait vocation à retourner en Chine. Sur les 10 000 non-résidents qui reçoivent, chaque année, un doctorat américain en "science" ou en "engineering", un quart sont Chinois (alors que seulement 11% des étudiants étrangers aux Etats-Unis sont Chinois).

Péril jaune ou chance pour le monde ?

 

La croissance chinoise ne va pas transformer que la Chine ; dans le secteur du tourisme, par exemple, une nouvelle donne mondiale se prépare depuis que les Chinois sont autorisés à posséder des passeports individuels et à voyager pour "raisons personnelles" ; il est toutefois possible de relativiser le poids du "facteur Chine" dans les récents soubresauts de l'économie mondiale dans son ensemble.

 

La Chine exporte-t-elle de l'inflation ou de la désinflation ?

 

Un peu des deux, probablement… mais un peu seulement. La hausse des prix est réelle, surtout depuis 2003, mais pas au point de transmettre de l'inflation au niveau mondial. Une étude de la Fed (Kamin, Marazzi, et Schindler, janvier 2004) analyse l'impact des échanges chinois sur les prix mondiaux. Cet impact a été, jusqu'à présent, assez faible, et même insignifiant, car l'économie de la Chine est encore trop étroite pour pouvoir influencer l'inflation mondiale ; la hausse des prix mondiaux due à la Chine n'atteindrait que 0,33% selon cette étude. Par contre, l'effet des importations américaines en provenance de la Chine sur les prix d'importation US est plus important, mais étant donnée la faible contribution des importations à la création du PIB américain, l'effet ultime de la Chine sur l'IPC (indice des prix à la consommation) est très réduit, de même que sur les prix aux producteurs. De 1993 à 2003, les exportations chinoises auraient réduit l'inflation importée dans un grand nombre de pays, de 0,25% en moyenne par an.

 

La Chine exporte-t-elle de l'inflation via les matières premières ?

 

La Chine tire-t-elle vers le haut les prix mondiaux des produits de base ? Document 9. Il est vrai que la Chine a consommé en 2003 jusqu'à 7% du pétrole, 18% du soja, 20% du cuivre, 27% de l'acier, 30% du minerai de fer, 31% du charbon, 40% du ciment produits dans le monde. En taux de croissance, le poids des chiffres semble interdire toute contradiction : la Chine a contribué à 40% de la hausse (entre 2001 et 2003) de la demande mondiale de pétrole, à 78% pour le cuivre. Cependant ces chiffres occultent la part de la production locale, parfois conséquente puisque la Chine est le premier producteur mondial d'acier, de charbon, de ciment et de nombreux produits d'agriculture et d'élevage. Prenons l'exemple du pétrole. La consommation de la Chine atteint un niveau supérieur de celle du Japon depuis 2004. Mais la consommation de pétrole n'est servie que pour un tiers par les importations. Par ailleurs, d'autres facteurs affectant le marché pétrolier ont pu jouer également un rôle déterminant depuis 2001 (du côté de l'offre : l'instabilité de l'Irak et du Venezuela, les quotas de l'OPEP ; du côté de la demande : la forte croissance de l'économie mondiale en 2004, notamment aux Etats-Unis, et l'entrée de fonds spéculatifs sur le marché). On pourrait tenir le même raisonnement s'agissant des autres produits de base (chute de la production mondiale de coton, chute de la production de soja sur le continent Américain, forte réduction des exportations d'étain de la Malaisie et Thaïlande, grève de la corporation canadienne du nickel, etc). Enfin, mise en perspective historique, la spectaculaire hausse des cours mondiaux des matières premières (plus 40% entre 2002 et 2004 pour l'indice de référence CRB) reste comparable, quoique plus accentuée, aux phases haussières de 1987-88 et 1994-96, lors desquelles l'importance de la Chine était bien plus faible qu'aujourd'hui.

La Chine exporte-t-elle de la désinflation ?

Wal-Mart, via ses centrales d'achat, achète en Chine pour plus de 15 milliards d'euros en 2003, soit deux fois plus qu'en 1998 (et plus de 10% des achats américains, ce qui fait de la firme de Betonsville le 8e client de la Chine, loin devant le Royaume-Uni ou la Russie). Pour le bien-être et le pouvoir d'achat du consommateur américain, les gains sont évidents, d'autant que les producteurs américains doivent réagir pour limiter le recul de leurs parts de marché, en proposant des produits plus innovants par exemple ; au total, plus de choix, des produits moins chers et de meilleure qualité. Mais certains craignent une nouvelle vague de désindustrialisation (avec une montée des inégalités de salaires à la clé) et agitent le spectre de la déflation.

Aujourd'hui, 30% des téléviseurs, plus de 50% des lecteurs DVD et des appareils photos numériques, un quart des téléphones mobiles et 30% des PC sont produits en Chine. Suite au démantèlement des quotas d'importations (ou accords multifibres) tels que prévu par l'ATV au 1er janvier 2005, l'UE va assister à une progression significative de la part de marché des produits chinois. De nombreuses études mettent en évidence un choc pour l'industrie européenne avec une baisse de la production de l'ordre de 3% pour le textile et de 8% pour l'habillement. Le choc s'avèrera toutefois beaucoup plus violent pour les pays du bassin méditerranéen ; de même, les conséquences négatives de l'"effet Wal-Mart" touchent bien plus les maquiladoras mexicaines que les Etats-Unis. Elles doivent évoluer de simples usines d'assemblage à bas coût vers des systèmes productifs plus complexes, avec des coefficients de main d'œuvre plus bas ; des firmes comme Philips, Sanyo et Sony ont déjà "exporté" des emplois du Mexique vers la Chine.

Au total, le commerce entre les pays de l'OCDE et la Chine relève sûrement d'une logique "gagnant / gagnant" ; la Chine en tant que marché prévaut sur la Chine en tant que concurrent. Ce sont les pays émergents qui ont du souci à se faire, du fait des bas salaires chinois : le coût moyen du travail dans l'industrie est 7 fois plus élevé au Brésil, 10 fois plus en Pologne.

 

La Chine finance-t-elle les Etats-Unis ? le Yuan doit-il être réévalué ?

 

Une mode récente consiste à faire de la Chine le juge de paix de la finance internationale. On prêtait le même pouvoir au Japon des années 1980 (on connaît la suite). Mais il est vrai qu'on ne prête qu'aux riches !

 

La Chine finance-t-elle les Etats-Unis ?

 

C'est prêter à la Chine une puissance qu'elle n'a pas (ou du moins pas encore) et se tromper sur l'identité du "maillon faible". La Chine est à la deuxième place parmi les détenteurs étrangers de bons du Trésor US. Elle en détient environ 10%, soit pour 150 milliards d'USD environ, et cette part croît très rapidement. C'est la raison pour laquelle certains évoquent une dépendance américaine envers la Chine, et d'autres un pacte implicite du type "mon marché ouvert et mes IDE en échange du financement de mon déficit de balance des paiements". La crainte est la suivante : une crise bancaire systémique en Chine (pas improbable compte tenu de la fragilité du secteur, voir la 3e partie de cette étude), qui oblige les autorités chinoises à vendre massivement leurs bons du Trésor, et (en conséquence) les autorités américaines à relever leurs taux d'intérêt pour attirer de nouveaux investisseurs. Avec, à la clé, une déstabilisation financière à l'échelle mondiale. Mais deux éléments doivent être rappelés : 1/ pour le moment, la Chine n'a guère d'autre choix. Le mécanisme de taux de change fixe ancré sur le dollar qu'elle a adopté implique, en effet, que la banque centrale chinoise accumule de nombreux dollars, qu'elle doit investir en toute sécurité. Et rien n'est plus sûr, en ce bas monde, que d'investir en titres publics américains, 2/ par rapport au montant total de papier d'Etat américain, liquide de 2 700 milliards de dollars environ, le portefeuille chinois ne représente que 5-6% environ. Pas de quoi tenir Washington dans la paume de la main. Bien au contraire, les marges de manœuvre chinoises dépendent des mouvements de la Fed et du Trésor américain : lorsque ces derniers laissent faire (ou encouragent) la chute du billet vert (2003-2004), Pékin doit emboîter le pas (acheter des titres US et des dollars) et agir de factocomme une sorte de currency board qui ne dit pas son nom.

 

Le Yuan doit-il être réévalué ?

 

Aujourd'hui, la fixité du yuan par rapport au dollar est un des problèmes centraux de l'équilibrage souhaité des grandes devises mondiales. Les Américains, qui enregistrent un déficit commercial bilatéral énorme avec la Chine, souhaiteraient une réévaluation du yuan de l'ordre de 30% environ. Ses exportateurs se plaignent de plus en plus d'un dumping monétaire : le déficit commercial n'est pas corrigé par un mouvement de taux de change puisque le yuan est artificiellement arrimé au dollar. Mais ni eux, ni les Coréens, ni le G8 dans son ensemble ne disposent des moyens politiques pour forcer la Chine à réévaluer sa devise. La Chine n'est pas le Japon des années 1970-1980, elle a le pouvoir de "dire non". De fait, le taux de change fixe du yuan est l'une des choses les plus fermement établies dans le monde économique moderne, il n'a pas bougé depuis 1997. L'un des problèmes qu'il engendre est un accroissement trop rapide des réserves de devises, qui inquiète le FMI (certains jours, la Chine doit acheter pour plus de 600 millions de dollars de papier américain pour maintenir le yuan stable, ce qui serait de nature à favoriser la volatilité du marché des changes) et la Chine elle-même : ces réserves nécessaires au maintien de la parité fixe alimentent l'envolée de la masse monétaire et du crédit, et encouragent ainsi les entreprises à surinvestir, dans une logique de bulle qui pourrait conduire (une fois éclatée) à l'insolvabilité de son système bancaire. Les réserves de change atteignent ainsi 600 milliards de dollars fin 2004, contre 300 au début de 2003. Et inutile de compter sur le contrôle des capitaux pour protéger la base monétaire des flux internationaux : les entrées de "hot money" (rapatriements d'avoirs étrangers, endettement à court terme en devises et autres opérations visant à prendre position sur le yuan) auraient représenté 95 milliards d'USD en 2004, soit presque la moitié de la hausse totale des réserves de change.

Dans ce contexte délicat, exposé à différentes formes de spéculation (sur le marché immobilier haut de gamme, notamment), la réforme du régime de change ne pourra qu'être progressive et contrôlée. Une façon élégante de réaliser un assouplissement serait d'élargir les marges de fluctuation autour du cours dollar / yuan actuel, ou d'aligner le cours du yuan sur le cours du dollar de Hong-Kong (ce qui équivaudrait à une réévaluation de 6%). Non pas tant en raison de la pression internationale que pour des raisons domestiques, tant la crise de surinvestissement menace. Mais il n'est pas certain 1/ que le reste du monde en profite : cf. l'expérience des réévaluations du Yen, et 2/ que la Chine en profite, car les exportations chinoises sont pour une large part des exportations d'entreprises étrangères installées en Chine : s'il conviendrait de réévaluer le yuan pour ces dernières, en revanche les exportations des entreprises domestiques, restées stagnantes, n'en ont pas besoin.

Les limites du développement chinois

L'économie chinoise est victime de son propre succès. Une croissance supérieure à 7% l'an lui fait désormais plus de mal que de bien (c'est "jeter de l'huile sur le feu") ; le problème, c'est que les déséquilibres financiers et sociaux sont tels qu'une décélération trop accentuée pourrait entraîner le pays dans une spirale folle, incontrôlable. Le dilemme de la Chine avec sa croissance, c'est celui du fumeur d'opium avec son produit.

 

A court terme, des déséquilibres financiers multiples

 

La croissance "débridée" est en train de piéger le pays, qui doit relever ses taux d'intérêt au risque de fragiliser son système bancaire, d'attirer encore plus de capitaux et d'accumuler les réserves de change. Tout cela commence à ressembler à la situation du Japon de 1989-1990, mais sans les filets de sécurité nippons.

 

Boom, Bulle, Crash ?

 

Le système bancaire chinois s'auto-entretient à l'écart de toute contrainte de rentabilité. Peu adapté aux pratiques modernes de gestion du risque, ce système fonctionne en circuit fermé. Assis sur une montagne de liquidités sous rémunérées, il entretient et génère simultanément de la dette non remboursable, des investissements sous productifs et des biens à des prix cassés. L'importance de l'épargne (les dépôts bancaires représentent entre 1,5 et 2 fois le PIB) continue de dissimuler la gravité du problème.

"Tout le monde y investit… mais avec l'argent d'autrui". La phrase appartient au directeur de Morgan Stanley à Hong-Kong, Andy Xie, qui montre que l'El Dorado chinois de l'investissement ne se fait pas avec les fonds propres des intéressés ; et la rentabilité des projets étant de plus en plus incertaine, nombreux sont ceux qui évoquent le risque d'une crise financière de grande ampleur. Ayant pour vocation de financer les entreprises d'Etat obsolètes, le système bancaire chinois est chargé de créances douteuses très imparfaitement provisionnées. Les autorités chinoises reconnaissent que 20% des crédits distribués ne sont pas performants, tandis que les grandes agences de notation estiment que ce niveau atteint 45%, soit environ 80% du PIB Document 10. Le principal symptôme en est le poids démesuré de l'investissement, qui reflète en négatif une rentabilité du capital très faible. En 2004, la FBCF a absorbé 51% du PIB nominal. C'est beaucoup trop et cela témoigne de comportements irrationnels qu'il faut corriger au plus vite, sous peine d'entretenir la surchauffe de l'économie et de provoquer un nouvel afflux d'impayés bancaires qui fragiliserait le processus de réforme financière. Le contrôle administratif du crédit et des projets d'investissement visait à infléchir l'appétit des investisseurs, mais tous, y compris les officiels, s'accordent sur le fait que le ralentissement obtenu (+ 25,8% de FBCF en 2004, contre 26,7% en 2003) est dérisoire.

Le contrôle administratif ne peut se substituer à une analyse rigoureuse des risques et à une allocation rationnelle des ressources. La réforme financière et bancaire est donc le facteur clef du rééquilibrage de la croissance chinoise. De ce point de vue, les dernières évolutions livrent une impression mitigée : les bilans des institutions sont relativement plus sains qu'avant, du fait de recapitalisations massives, mais les pratiques ne semblent guère s'être améliorées. Aucune réforme ne paraît mettre en cause l'endogamie du management des banques d'Etat et de leurs organes de contrôle. La multiplication des prises de participation de banques étrangères (tout est fait pour améliorer la présentation comptable des quatre grandes banques commerciales afin de les introduire en bourse) pourrait à terme accélérer la modernisation du management (importer de bonnes pratiques et de la crédibilité), mais cela demandera du temps et la période de transition s'annonce explosive. Une crise bancaire semble inévitable au moment où la Chine ouvrira son marché.

Des mesures ont d'ores et déjà été engagées dans le démantèlement des contrôles de change (promotion des investissements vers l'étranger, augmentation des plafonds convertibles…). Le souci majeur des réformateurs demeure de mettre fin au climat d'irresponsabilité ("alea moral") dans des banques déjà secourues sans succès dans le passé. Comme en témoigne la politique de demi-mesures des autorités, le danger pour la croissance provient tout autant d'un ralentissement trop brutal des investissements actuels que d'une poursuite de la tendance susceptible de générer une nouvelle vague de mauvaises dettes et de remettre ainsi en cause l'introduction en bourse programmée des principales banques. Pour orchestrer le ralentissement, les autorités disposent d'un pouvoir coercitif plus limité que par le passé : une grande part de l'investissement est en effet désormais privée, tandis que la tendance des banques à ignorer les consignes et contourner les règlements est d'autant mieux tolérée que nombre d'entre-elles ne survivraient pas à un resserrement brutal de la liquidité. Dans un contexte de mauvaise appréhension du risque et de mauvaise gouvernance, les banques font en effet face à un conflit d'objectifs : elles doivent à la fois participer à l'effort national de réduction du rythme de progression du crédit, tout en ayant intérêt individuellement à augmenter leur volume de prêts pour améliorer leur revenu opérationnel immédiat, ainsi que pour diminuer la part relative de leurs créances douteuses dans leur bilan.

Dynamiser et crédibiliser les marchés de capitaux chinois. La capitalisation boursière apparente est relativement importante en Chine (environ 40% du PIB au 1er trimestre 2004). Toutefois, pour les deux tiers, elle est constituée de titres non échangeables, majoritairement détenus par l'Etat, ce qui limite la liquidité tout en faisant peser des craintes sur un possible effondrement des cours en cas de mise sur le marché. De plus, les marchés chinois relèvent plus de l'économie de casino que d'un instrument mature de financement des entreprises. Ils souffrent de manipulations chroniques nourries par les carences de la réglementation en matière d'information financière. Le marché obligataire, quant à lui, est encore très limité au regard des besoins et cela contraint fortement les marges de manœuvre de la banque centrale en matière d'opération d'open market. La modernisation du marché des bons du trésor est un élément central de la réforme. Un marché concurrentiel et liquide permettrait le développement de catégories d'activités bien adaptées, comme le financement des retraites, de logements privés, d'infrastructures, ou encore le provisionnement des créances douteuses du système bancaire. Mais, pour l'heure, le processus d'émission obligataire demeure lourd et fortement encadré.

 

Les mauvaises surprises des comptes publics

 

Les finances publiques sont dans un état déplorable. Document 11. Officiellement, déficits et endettement public sont canalisés mais les statistiques "oublient" que l'Etat est responsable de la partie non recouvrable des prêts consentis (de force) par les banques aux entreprises nationalisées ; elles cachent également une bonne part des dépenses militaires (60 à 90% des dépenses de l'Armée populaire seraient financées "hors budget"). Les retraites et les pertes des entreprises nationalisées ne sont pas prises en compte, et les recettes sont artificiellement gonflées, notamment du fait de la perception anticipée des taxes ; à noter que les profits et impôts payés par les sociétés d'Etat représentent près de la moitié des recettes fiscales, alors que ces sociétés sont presque toutes largement subventionnées… Les opérations de recapitalisation des banques, si coûteuses, sont loin d'être achevées, et les structures de défaisance sont bien opaques. Autrement dit, le "hors bilan" de la Chine réserve bien des surprises. Comment expliquer cette dérive des comptes publics alors que le pays garde un rythme de croissance proche des 9% par an ? Et peut-on s'attendre à une amélioration sur le plan budgétaire dans un pays qui va organiser les JO de 2008 et l'exposition universelle de 2010 ?

 

A moyen terme, des déséquilibres sociaux, démographiques et énergétiques

 

Montée des tensions

 

Les moyennes ne signifient pas grand-chose en Chine Document 12. Les provinces chinoises sont restées cloisonnées entre-elles, des contraintes administratives continuant en particulier à limiter les flux de main d'œuvre (système de passeport intérieur), les flux de capitaux (faible redistribution fiscale, contrôle du crédit) et même les flux commerciaux. Par conséquent, la dynamique du décollage économique s'est faiblement diffusée à l'intérieur du pays. On note toutefois des améliorations depuis quelques années : du fait de la saturation et de la montée des salaires près des côtes, les investissements s'orientent davantage vers l'Ouest. C'est larépartition inégale de l'ouverture et de la réforme, autrement dit du capitalisme, qui a accru l'inégalité interrégionale. Le taux de pauvreté (moins de 2 dollars par jour et par personne) varie ainsi de 34% dans le Gansu (isolé, collectiviste) à moins de 2% dans le Guangdong ou le Fujian (ouverts, privatisés). Alors qu'elles n'abritent que 28,5% de la population, les 7 provinces côtières ont compté pour 48% du PIB et 80% des exportations en 2002. On peut penser que les dépenses d'infrastructures devront être très importantes lorsqu'il s'agira de développer l'intérieur des terres. A l'intérieur même de chaque ville, les inégalités sociales se sont fortement creusées, en lien avec le développement du secteur privé et de la valorisation des qualifications par le marché du travail.

La montée du chômage devient préoccupante, en ville comme à la campagne, et elle contribue au fait qu'en dépit de la croissance les salaires progressent très lentement en Chine. Les entreprises d'État chinoises ont dû se séparer d'un grand nombre d'employés. Plus de 45 millions de personnes auraient été licenciées depuis 1998. Le Nord-Est du pays (les grands combinats désuets de Mandchourie) est particulièrement touché. Une bonne part du gâchis social vient de l'absence de dispositifs de re-qualification et de reconversion. Officiellement, les personnes licenciées des firmes d'Etat retrouvent un travail pour les deux tiers d'entres elles, le tiers restant partant à la retraite. Mais la réalité est bien plus sombre car les travailleurs en question viennent d'un monde du travail "d'un autre âge", ils sont inadaptés et comme "marqués au fer rouge" (discriminations). Dans le même temps, les campagnes, fer de lance des réformes au début des années 1980, ont été, au cours des années 1990, abandonnées à la prédation des administrations locales (levée d'impôts illégaux…), tout en se voyant contraintes de financer les réformes destinées aux villes (on estime qu'elles contribuent trois fois plus qu'elles ne reçoivent du budget central). Cela s'est traduit, à partir de 1997, par un fort ralentissement du revenu agricole, et même à une régression absolue selon certaines études. Des mesures ont été prises, depuis 2003, et le problème de la surimposition des paysans semble avoir suscité un début de réponse, mais les paysans attendent désormais  la levée des contraintes administratives (droit sur le sol, droit de circulation des personnes et liberté des prix).

Dans ce triste tableau, une mention spéciale doit être faîte aux travailleurs migrants. Un contrôle des migrations internes a été mis en place au milieu des années 50 pour juguler l'urbanisation et mieux contrôler la population. Le système de registre familial (hukou), interdit à toute personne née dans une certaine ville ou province, de travailler dans une autre, sous réserve d'obtention d'un nouveau hukou avalisant le changement de résidence. Les contrevenants s'exposent à l'illégalité, c'est-à-dire bien souvent à l'exploitation et à la promiscuité ; la famille entière est privée de tout accès aux écoles et aux hôpitaux. C'est d'autant plus injuste que ces travailleurs contribuent, par leur entrée massive sur le marché du travail urbain, à maintenir les salaires à un bas niveau, et donc à maintenir la "compétitivité coût" du pays. Depuis 1997, quelques assouplissements sont régulièrement concédés, mais ils sont loin d'être suffisants.

Tout cela ne doit pas faire oublier que si les inégalités explosent, la pauvreté, elle, régresse fortement depuis 1980 (cf. l'étude de cas consacrée au recul de la grande pauvreté dans le monde, disponible sur ce site). Mesuré en termes absolus (le seuil des deux dollars par jour et par personne), le nombre de personnes pauvres est passé de 550 millions en 1980 à 200 millions environ aujourd'hui.

Avec la mise en œuvre des accords OMC et l'accélération de la réforme des entreprises d'État, la Chine arrive à un point critique en matière de licenciement du secteur public, de migrations rurales ou encore d'éducation. Différentes projections à horizon de 4-5 ans montrent que l'évolution du chômage et des salaires restera sous pression, en particulier du fait de la poursuite de l'exode rural. Ces évolutions rendent plus que jamais nécessaire la création d'un véritable système de protection sociale, à moins de penser que les normes sociales se développent de manière endogène. Cela signifie que les coûts salariaux devront augmenter, et cela pourrait comprimer fortement le rendement du capital.

 

Les hypothèques démographiques, technologiques et énergétiques

 

La population chinoise va vieillir, rapidement. Document 13. L'indice de fécondité est de 1,8 : comme en France, mais dans un trend très fortement baissier. En 2030, plus du quart de la population aura plus de 65 ans. La dette nette implicite du système actuel de retraite est estimée à environ 80% du PIB. Bien que des marges de manœuvre puissent être envisagées dans l'intervalle (hausse des cotisations, élargissement des prélèvements fiscaux, recours aux marchés financiers, mise en vente d'actifs d'État tels que le sol…), il s'agit là de montants considérables pour un PVD mal préparé (pas de fonds de pension, pas de fonds de réserve, des rendements de l'épargne très faibles) ; ils influenceront toute la politique budgétaire et sociale à venir et certains analystes soutiennent même que les Chinois auraient abandonné la voie socialiste en prévision du financement de ce défi démographique. Plus âgée, la population chinoise du futur sera aussi plus masculine que jamais : la politique de l'enfant unique et la diffusion des échographies ont aggravé le phénomène de "manque de femmes" (tradition d'avortement sélectif des fœtus féminins ; environ 40 millions de femmes "manquent" en Chine) ; d'où il devrait en résulter un grave déséquilibre sur le marché matrimonial.

L'immaturité technologique est très lourde Document 14, elle se double d'une grande immaturité managériale et organisationnelle au niveau de la firme (approche fordiste, hiérarchique, centralisée et bureaucratique de l'entreprise). En matière de NTIC, la Chine se distingue bien plus par son potentiel que par ses réalisations. Les 2/3 de l'ensemble des brevets déposés à l'office chinois sont détenus par des non-résidents. La moyenne des dépenses de R&D des 500 premières entreprises chinoises est inférieure à 1% du CA, contre plus de 5% pour les 500 premières mondiales. Les entreprises innovantes sont rares, en raison du manque de financements adaptés (ni capital-risque ni places boursières modernes en dehors de Hong Kong, banques publiques éloignées des PME-PMI). Pour reprendre une distinction due à Joël Mokyr, la démarche chinoise est smithienne (imitation, agrandissement du marché, rôle des facteurs quantitatifs), elle n'est pas schumpéterienne (innovations, progrès technique), autrement dit elle devra trouver un second souffle pour perdurer.

L'immaturité environnementale commence à coûter cher, on ne peut plus la sous-estimer ; la Chine pollue beaucoup trop par unité de PIB produite Document 15, c'est même le pays du monde où l'intensité énergétique de la croissance est la plus forte ; l'activité charbonnière est la première responsable mais elle n'est pas seule en cause. Dans certaines villes, l'air est probablement plus irrespirable encore que dans Manchester à la grande époque. L'affaire du barrage des "Trois Gorges" a montré à quel point les autorités restent sourdes à ce type de critique. Par ailleurs, une vulnérabilité énergétique se développe Document 16 : le pays surinvestit dans des productions fortement consommatrices d'énergie (comme le ciment), il est désormais le deuxième consommateur mondial de pétrole et ses réserves fossiles sont relativement maigres. Des sociétés françaises comme Areva, Suez, Vivendi et EDF pourraient en profiter (besoin d'expertise, dans les domaines du nucléaire et de la gestion des eaux en particulier), mais pour la Chine il s'agit bien d'une épée de Damoclès sur la poursuite du développement.

Certains de ces éléments renvoient peut-être à une certaine immaturité culturelle de portée générale (pour des tentatives de données chiffrées, voir les travaux de Ronald Inglehart et la dernière "enquête mondiale sur les valeurs", Document 17), relative au questionnement de l'autorité (rare), à la place des femmes et des minorités (peu enviable), aux initiatives individuelles (découragées et/ou autocensurées) et au degré de confiance envers les autres (très bas, une constante dans les pays communistes). Là encore, la Chine progresse mais en suivant son propre chemin et en partant de très bas.

Conclusions

1/ Personne ne sait où va la Chine. Les autorités font semblant de maîtriser la situation mais l'emprise du Parti sur l'économie et sur la société ne cesse de décliner, en dépit de gestes symboliques "forts" (autorisation des entrepreneurs à entrer au Parti…). Si l'on presse les dirigeants chinois d'expliquer leurs objectifs, ils répondent qu'ils veulent une "économie sociale de marché avec des caractéristiques chinoises", une formule vide de sens. En 1978, cela pouvait s'expliquer pour des raisons tactiques, mais aujourd'hui cela révèle un sérieux problème de leadership. C'est un peu le "one country two systems" (jadis promis à Hong-Kong) appliqué à l'ensemble du pays ; ainsi, la session plénière de l'ANP a entériné, en mars 2004, l'ajout historique dans la Constitution de la protection de la propriété privée, désormais officiellement "inviolable", tandis que la propriété publique reste "sacrée". Un bel exemple denovlangue. C'est pourquoi l'instabilité politique potentielle ne doit pas être sous-estimée. Après tout, personne n'avait anticipé les événements de TienAnMen en 1989.

2/ Avec ses expérimentations, son vaste marché intérieur, son Far West social et sa croissance longtemps déflationniste, la Chine actuelle ressemble parfois aux Etats-Unis d'il y a un siècle, mais sans Edison et les frères Wright, sans GE et Ford, sans flux d'immigrants et surtout sans démocratie, sans pétrole et sans idées neuves à proposer au monde. C'est un pays qui fait peur, qui ne fait pas rêver. C'est peut-être aussi un pays dangereux (Taïwan…). Désormais troisième exportateur et troisième importateur mondial, la Chine devrait théoriquement tenir compte des inquiétudes de ses clients, par exemple relatives au démantèlement des quotas multifibres ou à la sous-évaluation du yuan. Mais elle semble vouloir passer en force. Après tout, c'est la stratégie qu'elle adopte dans le domaine des droits de l'homme, sans être sérieusement inquiétée par la "communauté internationale" ; pourquoi dans ces conditions adopterait-elle un comportement coopératif ?

3/ On voit depuis deux ans de signes de surchauffe dans des secteurs comme l'immobilier (Pékin ou Shanghai sont aujourd'hui classées parmi les 10 villes les plus chères du monde). "Que faire ?" Faciliter l'accès aux marchés financiers. Pour améliorer l'efficacité de la politique monétaire, pour une plus grande transparence, pour un meilleur rendement de l'épargne, pour financer les nouveaux entrepreneurs (non introduits politiquement), pour détourner les liquidités du marché immobilier, pour renforcer le rôle des étrangers. La réforme financière est LE grand test des années 2000, parce qu'elle heurte de front des intérêts organisés et bien décidés à sauvegarder leurs rentes.

4/ L'évolution structurelle de l'économie chinoise suscitera peu à peu une inflexion vers une croissance à la fois moins dynamique et plus qualitative. Le talent des Chinois résidait jusqu'ici dans la discipline plus que dans l'aptitude à résoudre des problèmes complexes. Mais, en Chine, il faut différencier les anciens et les modernes, ceux qui ont vécu sous l'ancien régime et les jeunes sortis des écoles qui veulent aller vite ; ces derniers nous réservent peut-être des surprises de taille.

5/ On entend souvent dire, en France, en Europe continentale, que le rattrapage progressif, par les pays du "Tiers-Monde", du niveau de vie enregistré en Occident, est une utopie, que le protectionnisme est un luxe que l'on peut se permettre, que la pauvreté au "Sud" ne cesse de s'étendre etc. La Chine et, dans une moindre mesure, sous des formes différentes, l'Inde, nous prouvent depuis des années, sur une vaste échelle, qu'il n'en est rien. Ce message optimiste venu d'Asie, saurons-nous l'entendre ?

 

 

Bibliographie

Crédit Agricole (2004), "La Chine : clé de la stabilité financière mondiale ?", Flash Eco, octobre 2004.

Boston Consulting Group (2004), “China and the New Rules for Global Business”, en collaboration avec Knowledge–Warton.

McMillan John (2004), “Point / Contrepoint”, Finances & Développement, septembre 2004.

Wei Shang-Jin (2002), "La mondialisation profite-t-elle aux plus démunis ?", Finances & Développement, septembre 2002.

Cohen Daniel (1998), Richesse du monde, pauvretés des nations, Flammarion, Paris.

BNP Paribas (2004), "Le cycle chinois : entre surchauffe et surcapacités", Conjoncture, avril - mai 2004.

Crédit Agricole (2004), "Chine : la politique du Yuan en question", Perspectives n°78, mai 2004.

CCIP-COE (2004), "Quelles places pour l'Inde et la Chine dans l'économie mondiale", colloque, Paris, 6 décembre 2004.

Van de Craen Liesbeth (2003), "Réévaluation du Yuan : opium pour l'Occident", Bulletin financier n°2392, ING, novembre 2003. 

Hale David et Hale Hughes (2003), "China Takes Off", Foreign Affairs, Volume 82, n°6, novembre - décembre 2003.

Hochraich Diana (2003), “Les entreprises et les banques chinoises face au défi de l'ouverture”, Accomex n°51, CCIP, mai – juin 

Kamin Steven, Marazzi Mario, et Schindler John, “Is China Exporting Deflation?”, Board of Governors of the Federal Reserve System, International Finance Discussion Papers, n° 791, Janvier 2004.

DREE (2004), "Chine : la longue marche vers la "société de prospérité moyenne", MINEFI, octobre 2004.

Newsletter

Suivre toute l'actualité de Melchior et être invité aux événements