Coronavirus : Le FMI à la rescousse des pays à faible et moyen revenu

S’il est vrai que la crise actuelle perturbe de manière très forte les sphères sociale et économique des pays du monde entier, il y a cependant un consensus pour constater que les pays émergents et les pays à faible revenu vont souffrir plus longtemps que les pays riches des conséquences de cette crise. En effet, les pays les moins développés sont particulièrement vulnérables en raison de facteurs qui leur sont propres, à savoir une dette élevée et des infrastructures insuffisantes (capital public) sur le plan économique, une faiblesse des systèmes de santé et d’éducation sur le plan social, et bien souvent aussi une mauvaise gouvernance sur le plan politique.

Dans ce contexte très particulier, les institutions internationales appellent à la solidarité envers les pays les plus pauvres de la planète. Parmi celles-ci, le Fonds monétaire international ou FMI (créé en 1945, qui avait pour objectif initial de garantir la stabilité du Système monétaire international, et qui a hérité d’un nouveau rôle à partir des années 1970 face aux problèmes d’endettement des Pays en développement (PVD), et face aussi à l’émergence de crises financières) est une institution qui se distingue des Banques de développement (comme la Banque mondiale) par le fait qu’elle ne peut emprunter sur les marchés financiers. Le FMI ne peut compter que sur ses ressources qui comprennent essentiellement les quotes-parts des pays membres et les emprunts qu’il est habilité à effectuer auprès des mêmes pays membres.

Les quotes-parts de chaque pays sont calculées en fonction de certains critères économiques et financiers (le PIB, le degré d’ouverture de l’économie, les flux de capitaux et le montant des réserves officielles de change) et sont exprimées en Droits de tirage spéciaux (DTS). Les DTS sont un actif de réserve international dont la valeur repose sur 5 grandes devises : le dollar, l’euro, le renminbi, le yen et la livre sterling. Ces quotes-parts ont été fortement augmentées suite à la crise de 2008. Les emprunts auprès des pays membres sont nés en 1962 avec un « accord global d’emprunts » ou GAB qui s’est substitué aux emprunts bilatéraux octroyés par certains pays membres. Aujourd’hui, ces emprunts prennent la forme de « nouveaux accords d’emprunts » (NAE, ou NAB en anglais) qui ont été proposés en 1995 suite à la crise mexicaine de 1994, et qui sont entrés en vigueur en 1998 au moment de la crise asiatique. Là aussi, ces NAB ont été fortement accrus suite à la crise financière de 2008.

Aujourd’hui, le FMI dispose d’un ensemble de ressources mobilisables de pratiquement 1000 milliards de dollars (dont 20% sont déjà engagés) reposant généralement sur le principe de « conditionnalité » qui lie les prêts accordés à l’acceptation de politiques économiques pour surmonter les problèmes rencontrés dans les pays concernés, et qui se décomposent de la manière suivante : 440 milliards de dollars proviennent des ressources liées aux quotas, 196 milliards de dollars proviennent des NAB lorsque les ressources des quotes-parts ne suffisent pas, et 344 milliards proviennent d’accords d’emprunts bilatéraux qui viennent compléter les quotes-parts et les NAB.

Pour faire face à l’impact économique du Coronavirus, le FMI dispose principalement de 4 outils : les deux premiers sont la Facilité de crédit rapide (FCR) et l’Instrument de financement rapide (IFR) qui permettent comme leur nom l’indique un financement dans des délais très brefs de nature concessionnelle (un financement concessionnel est un prêt dont le taux d’intérêt est inférieur au taux du marché) ; le troisième outil est l’allégement du service de la dette dans le cadre du Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes (ACR) qui accorde des subventions aux pays les plus pauvres de la planète pour couvrir leurs engagements à l’égard du FMI (dons approuvés récemment pour 25 pays le 16 avril 2020) ; le dernier outil est l’augmentation du programme des prêts existants pour répondre aux besoins urgents liés au Coronavirus (mesure déjà prise pour le Togo, qui pourrait être étendue, puisque 36 pays sont actuellement bénéficiaires d’un accord de prêt du FMI).

D’après le FMI, la demande totale de financement de la part des pays pauvres et émergents devrait être de l’ordre de 100 milliards de dollars. Pour y répondre, la limite d’accès du FCR et de l’IFR a été temporairement relevée de 50% à 100% du quota. Dès le 21 avril 2020, le FMI a répondu à 41 demandes pour 55 opérations financières destinées à aider les pays à faire face aux conséquences de la pandémie, pour un total de 8,3 milliards de dollars (voir tableau ci-dessous).

Melchior pays en développement coronavirus

Source : Lysu Paez Cortez, Natixis Beyond Banking, Special Report, 22 avril 2020.

Par ailleurs, le 20 avril, le FMI a fait aussi part de sa volonté de tripler ses financements concessionnels en faveur des pays les plus vulnérables via le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté. Dès maintenant, la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie se sont engagés pour une contribution totalisant 12 milliards de dollars (70% de l’objectif).

Dans la situation exceptionnelle créée par la pandémie mondiale, il est clair que les égoïsmes nationaux doivent être surmontés, puisqu’aucun pays ne pourra surmonter seul la crise. L’action du FMI est d’ailleurs complétée par celle d’autres acteurs, comme le G20 qui a décidé de suspendre le remboursement des crédits bilatéraux officiels des 77 pays les plus pauvres de la planète, pour un montant de 12 milliards de dollars, ou comme l’Institut international de la finance, qui a demandé aux créanciers du secteur privé de renoncer au remboursement de la dette jusqu’à fin 2020 sans déclarer les emprunteurs en défaut.

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