Démocratisation scolaire

Définition :

 La démocratisation scolaire s’entend à partir des différentes formes d’égalité, à savoir le fait que l’accès aux différents parcours scolaires soit accessible à chacun indépendamment de variables sociodémographiques comme l’âge, le genre, l’origine sociale ou ethnique (égalité juridique), que cet accès repose exclusivement sur le mérite (égalité des chances), et enfin que tous les individus aient accès à la scolarité (égalité de situation).

L'essentiel :

La « démocratisation quantitative » s’inscrit dans l’histoire du système éducatif français. Sous l’Ancien Régime, l’éducation des masses est très faible. Et même encore à la fin de l’Empire en 1813, moins d’un quart des enfants est scolarisé. Il faut attendre 1833 et la loi Guizot pour que soient mises en œuvre les premières réelles mesures de démocratisation, et bien sûr le début des années 1880 pour voir advenir une école primaire gratuite et laïque ainsi que l’instruction obligatoire pour les enfants de 7 à 13 ans grâce aux lois Ferry. Après une période où coexistent deux réseaux de scolarisation assez étanches (« l’école du peuple » qui rassemble l’enseignement primaire et l’enseignement primaire supérieur dans le « réseau primaire », et le « réseau secondaire » qui conduit au baccalauréat, réservé à la bourgeoisie), la démocratisation s’affirme dans la seconde moitié du XXème siècle, suite à quelques réformes importantes : la réforme Berthoin de 1959 qui porte l’âge de la scolarité obligatoire à 16 ans, la réforme Fouchet-Capelle de 1963 qui marque la fin des deux réseaux de scolarisation avec la création des collèges d’enseignement secondaire, la réforme Haby de 1975 qui instaure le collège unique, et enfin l’objectif de « 80% d’une génération au baccalauréat 2020 » impulsé par le ministre Jean-Pierre Chevènement en 1985  qui accélère la démocratisation du lycée entamée dès 1960.

Cependant, la démocratisation quantitative ne se double pas nécessairement d’une « démocratisation qualitative ». Si les inégalités d’accès à l’école selon le milieu social ont diminué au collège, elles restent constantes ou s’accroissent à d’autres niveaux. Même si la progression des filles à l’école et leur réussite scolaire est remarquable tout au long du XXème siècle, il n’en demeure pas moins ce que les sociologues appellent une « sexuation des parcours » : les filières les plus prestigieuses, et notamment les filières scientifiques, demeurent plutôt réservées aux garçons. Par ailleurs, les classes préparatoires aux grandes écoles sont toujours aussi « bourgeoises » qu’autrefois : on y compte 10 fois plus d’enfants de cadres que d’enfants d’ouvriers. Quant aux mesures de discrimination positive mises en place pour pallier ces écueils, elles se sont révélées globalement décevantes. Les zones d’éducation prioritaire créées en 1981 (et devenues réseaux d’éducation prioritaire en 2013) affichent un bilan terne, peu d’élèves bénéficient des conventions d’éducation prioritaire signées avec Science po ou avec d’autres établissements d’enseignement supérieur. Dans un autre registre, les différentes mesures de carte scolaire ne parviennent pas à des résultats probants en matière de mixité sociale, parce qu’elles sont systématiquement contournées par les populations les plus favorisées.

Cette inégalité persistante face à l’école amène à remettre en cause les expressions même de « démocratisation quantitative » et de « démocratisation quantitative ». Pierre Merle (La démocratisation de l’enseignement, La Découverte, 2017) parle de « démocratisation ségrégative » pour dénoncer les illusions de la démocratisation : l’élargissement de l’accès au baccalauréat toutes séries confondues est une réalité, mais on assiste simultanément à une divergence sociale croissante du recrutement entre les différentes filières ou spécialités du baccalauréat. Eric Maurin dans La nouvelle question scolaire, Seuil, 2017 montre que certes les élèves poursuivent en moyenne leurs études plus longtemps, obtiennent des diplômes plus élevés, mais que cette évolution a bénéficié de manière à peu près semblable dans tous les milieux sociaux, ce qui l’amène à proposer le concept de « démocratisation uniforme ».

Quoiqu’il en soit, que l’on parle de « démocratisation quantitative », « qualitative », « ségrégative » ou encore « uniforme », il est bien difficile de porter un jugement d’ensemble sur le phénomène de la démocratisation scolaire et d’en tirer des conséquences pour l’action. Alors que beaucoup d’auteurs la dénoncent plus ou moins comme un leurre, certains comme Claude Thélot et  Louis-André Vallet (« La réduction des inégalités scolaires devant l’école depuis le début du siècle », Economie et statistique, 2000) croient pouvoir cependant affirmer que l’accès au baccalauréat toutes séries confondues s’est tout de même accompagné d’une baisse des inégalités au cours du XXème siècle. Au niveau des conclusions, alors que Marie Duru-Bellat, constatant l’inflation scolaire (voir paradoxe d’Anderson), pense qu’il faudrait remettre en cause le principe « d’égalité des chances » qui gouverne actuellement le système scolaire, ou que François Dubet milite pour une autre conception de la justice sociale dans laquelle « l’égalité des places » remplacerait « l’égalité des chances » (Les places et les chances. Repenser la justice sociale, Seuil, 2020), Eric Maurin affirme que la dynamique de l’espansion scolaire doit se poursuivre. Elle serait profitable aux nouveaux diplômés, et de toute façon indispensable à la poursuite de la croissance économique

Voir le cours de Terminale : Question 3. Quels sont les effets des mutations du travail et de l’emploi ?

Trois questions à Eric Maurin ...

1) Quel est le sens de l’expression « démocratisation uniforme » ?

2) Les mesures de discrimination positive sont-elles condamnées à l’échec ?

3) L’expansion scolaire doit-elle encore se poursuivre ?

Lire à ce propos :

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