Âge

Définition :

L’âge correspond à une catégorie sociale, basée sur l’élément biologique de l’année de naissance et la place de l’individu dans le cycle de vie. Autrement dit, l’âge correspond à la façon dont l’individu est classé au sein de la société dans des catégories construites (enfance, jeunesse, vieillesse…).

L'essentiel :

L’âge est d’abord une donnée biologique : il correspond au nombre d’années écoulées depuis la naissance. Chaque société définit des « classes d’âge », qui peuvent se décomposer, schématiquement en trois, construites autour de l’âge adulte. Avant cet âge, la jeunesse, l’enfance, est vue comme un temps de formation, tant d’un point de vue biologique, que professionnel, social ou encore politique. Les jeunes sont sous la responsabilité d’adultes et n’ont pas les mêmes droits ni devoirs qu’eux. La vieillesse, en fin de vie, est un moment où l’individu atteint un âge qui le distingue des autres adultes. Des « rites de passage » sont parfois organisés pour marquer le passage d’un âge à un autre.

Il faut distinguer l’âge de la génération : un individu change d’âge tout au long de sa vie, alors qu’il tend à n’appartenir qu’à une  génération. Une génération, c’est un ensemble d’individus qui ont vécu les mêmes événements initiatiques dans leur jeunesse, on parle ainsi d’une génération « 14-18 », d’une génération 68… Les personnes appartenant à une même génération auraient des comportements et pratiques proches, même s’il faut, bien-sûr, garder à l’esprit que ces groupes ne sont pas homogènes (dans la génération 68, tout le monde n’était pas contestataire par exemple…). D’un point de vue plus statistique, on parle de « cohorte » pour désigner les individus qui sont nés la même année, ou bien qui ont vécu un même moment important de leur vie la même année (l’obtention du baccalauréat, le départ à la retraite, l’entrée sur le marché du travail…). 

Dans les sociétés modernes occidentales, le découpage entre les classes d’âge est devenu parfois un peu flou, en même temps que d’autres catégories d’âge ont émergé. L’historien Philippe Ariès dans L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, a développé la thèse d’une « invention » de la jeunesse et du « sentiment de l’enfance » au 18e siècle. Si cette thèse a été largement discutée, elle met en évidence le fait que la définition des âges de la vie résulte de processus sociaux plus que de déterminants biologiques. L’anthropologue David Le Breton a montré, dans Une brève histoire de l’adolescence, que la catégorie de l’adolescence a été construite progressivement. Cet âge spécifique est pris en charge par des mouvements de jeunesse et devient l’âge des loisirs, d’une culture spécifique (mise en évidence par Edgar Morin dans les années 1970, puis par Olivier Galland et les enquêtes sur les pratiques culturelles du Ministère de la Culture), mais aussi de problématiques particulières telles que la « délinquance juvénile », étudiée par les sociologues dès le début du 20e siècle. La frontière entre l’adolescence et l’âge adulte est de moins en moins marquée, à la fois du fait de l’affaiblissement des marqueurs de ce passage qui étaient le service militaire pour les hommes (supprimé en 1997), l’accès à un emploi stable, le mariage (qui se fait de plus en plus tard, et même beaucoup plus rarement qu’auparavant) et l’installation dans un logement pour le couple. On remarque de plus en plus des aller-retour entre des éléments de statut de l’âge adulte et ceux de l’adolescence : des étudiants quittent jeunes le foyer familial mais y retournent parfois, la fin d’un contrat de travail ou la dissolution d’un couple obligent parfois à renoncer à l’autonomie vis-à-vis de ses parents…

De la même manière, le sociologue Rémi Lenoir a mis en évidence, dans les années 1970, « L’invention du troisième âge ». Le développement des systèmes de retraite, la réduction de l’âge au départ à la retraite et l’allongement de la durée de la vie ont conduit à l’émergence d’un âge intermédiaire entre la fin de la carrière professionnelle (qui marque aussi l’arrivée à l’âge adulte de ses enfants) et la vieillesse, que l’on a qualifié de 3e âge. Là aussi, la frontière entre les âges est parfois floue et, par exemple, la retraite ne signifie pas toujours l’arrêt de toute activité professionnelle. En France, ces catégories d’âge correspondent aux générations du baby-boom et sont caractérisées par un pouvoir d’achat moyen assez élevé. On parle même de « silver economy » pour désigner les activités économiques qui se développent autour de cette génération. Ce sont aussi les individus de ces catégories d’âge que l’on retrouve les plus investis dans le bénévolat associatif. La notion de 4e âge prend acte de l’existence de ce 3e âge et permet de nommer les personnes qui sont dans une situation de dépendance du fait de leur état de santé. La prise en charge de ces personnes est un enjeu important de la solidarité intergénérationnelle.

La question se pose de la pertinence des catégories d’âge et de leurs frontières. Pour les sociologues, cela revient à se demander si les catégories d’âge sont des groupes nominaux (construits par les scientifiques ou l’administration) ou des groupes réels (avec un sentiment d’appartenance au groupe). Pierre Bourdieu a proposé une réponse importante à cette question en posant que « La jeunesse n’est qu’un mot ». Pour lui, les catégories d’âge sont des catégories nominales (des « données socialement manipulées et manipulables »), qui cachent des disparités importantes. D’une part, il indique que l’image typique de la jeunesse, celle du temps des loisirs est celle des enfants de la bourgeoisie alors que les enfants d’ouvriers seraient beaucoup plus vite confrontés au marché du travail, d’autre part, il indique également que plus les « jeunes » sont proches du pouvoir et plus ils perdent les attributs de jeunes, leurs tenues vestimentaires, leurs manières d’être, leur perception par les autres se rapprochent de celles des adultes. L’allongement de la durée des études et la démocratisation « quantitative » de l’école a fait que le temps de jeunesse s’est allongé, notamment pour les enfants issus des catégories populaires. Si l’accès au statut d’étudiant crée un entre-deux entre l’adolescence et l’âge adulte, les difficultés d’insertion sur le marché du travail caractérisent aussi la jeunesse actuelle et retardent l’accès au statut effectif d’adulte. Cependant, des « jeunes » sont aussi caractérisés par la « galère » pour reprendre l’expression de François Dubet.

C’est alors aussi la question des inégalités intergénérationnelles qui mérite d’être posée.Louis Chauvel met en évidence dans La spirale du déclassement les risques de déclassement pour les générations les plus jeunes, du fait de la dégradation du marché du travail, du déclassement scolaire (perte de valeur des diplômes), d’un déclassement résidentiel… Ce risque toucherait particulièrement les classes moyennes et populaires. Cependant, les relations entre les générations sont aussi marquées par des solidarités, notamment dans le cadre familial

Voir le cours de : Terminale Comment est structurée la société française actuelle ?

3 questions à : ( à venir)

1) Les frontières entre classes d’âge sont-elles encore pertinentes ?

2) Peut-on parler de nos jours d’un « 4e âge » ?

3) Les crises économiques touchent-elles plus fortement certaines catégories d’âge ?

Lire à ce propos :

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