Les jeunes Francais ont-ils raison d'avoir peur ?

Olivier Galland

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L’ouvrage

 

Le constat 

 

Les jeunes Français ne croient pas en leur avenir. D'après une enquête récemment réalisée en Europe et aux Etats-Unis (Anne Stellinger, « Les jeunes face à leur avenir », Fondation pour l'Innovation Politique, 2008), ils obtiennent les scores d'optimisme et de confiance les plus bas de toute l'Europe : 25 % d'entre eux pensent que leur avenir est prometteur, contre 60 % des Danois. Certes, les Français ne sont pas les seuls à exprimer ce pessimisme et on constate que celui-ci est assez répandu dans les pays du Sud de l'Europe de tradition catholique (Espagne, Italie, Portugal) alors que les pays du Nord, de tradition protestante, se déclarent plus satisfaits de leur vie. Cependant, le malaise de la jeunesse y est plus marqué en France qu'ailleurs. Et il s'y amplifie sans cesse. D'après le CREDOC (« Evolution des valeurs des jeunes entre 1979 et 2006 », Horizons stratégiques , revue du Centre d'analyse stratégique, n°4, avril 2007), le pourcentage des jeunes inquiets est passé de 13 % en 1982 à 28 % en 2006. L'inquiétude et le pessimisme sont liés à l'idée que la société française est bloquée et qu'il faut la transformer profondément. Toujours selon l'enquête du CREDOC, 82 % des jeunes Français interrogés estiment que la société française a besoin d'un changement radical. Ils s'avèrent également résignés, comme si leur sort était inscrit à l'avance et qu'ils n'avaient pas le moyen d'orienter le cours de leur vie dans un sens favorable. Ce pessimisme et cette résignation s'accompagnent d'une défiance importante de la jeunesse à l'égard des institutions et des élites : seulement 3 % des jeunes Français font confiance au gouvernement de leur pays et 2 % aux médias. Cette désaffection à l'égard des institutions se traduit dans leurs attitudes politiques : les jeunes sont plus abstentionnistes, comme si les débats politiques sur l'orientation à donner à la société de demain ne les concernaient pas, et cette tendance est encore plus nette dans les générations les plus jeunes.

  Causes et conséquences

 

L'explication la plus évidente du malaise est l'explication économique. Pour le sens commun, les jeunes Français sont victimes d'un ensemble de discriminations (instabilité professionnelle, déclassement massif des diplômes, etc.) qui retardent ou empêchent leur accès à l'âge adulte. Toutefois, cette explication est-elle si évidente que cela ? Si Louis Chauvel ( Le destin des générations , Paris, PUF, 1998) croit pouvoir conclure que les inégalités générationnelles se sont fortement renforcées au détriment des jeunes et constituent un handicap profond et durable, d'autres auteurs (par exemple Malik Koubi, « Les trajectoires professionnelles : une analyse par cohorte », Economie et statistique , n° 369-370, 2003) ont un jugement plus nuancé en considérant que le retard initial des jeunes lié à l'allongement des études et à la précarité des premières années de travail est aisément rattrapé dans la suite dans la carrière. D'ailleurs, l'existence même d'un retard initial ne s'interprète pas forcément en termes d'injustice, puisqu'on peut considérer que les positions dans le cycle de vie sont par essence inégalitaires : les jeunes sont moins bien dotés parce-qu'ils débutent dans la vie, et cela vaut aussi bien pour aujourd'hui que pour hier. Une autre explication du malaise de la jeunesse repose sur la crise de la transmission des valeurs et le recul de l'autorité. Pour certains observateurs, il y aurait une crise profonde des instances de socialisation que sont la famille et l'école, et cette crise serait une des causes de l'éloignement perceptible entre les jeunes et la société. Si ce diagnostic est loin d'être partagé par tous les sociologues (voir notamment François de Singly, Les Adonaissants , Paris, Armand Colin, 2006), on comprend toutefois que l'appartenance à une société exige de partager ses valeurs et que, si le doute s'installe, la « conscience collective » (comme dirait Durkheim) s'affaiblit et l'intégration sociale est désormais menacée. On peut aussi rendre compte de la crise de confiance de la jeunesse française par sa sous-représentation politique. Il est vrai que les mécanismes de représentation des jeunes (à l'échelle associative, au niveau des collectivités locales) fonctionnent mal. Il est vrai aussi que les questions relatives à la jeunesse sont parfois mal mises en relief dans les politiques publiques et au sein de l'appareil politico-administratif. Même si les trois explications précédentes ont chacune leur degré de pertinence, Olivier Galland préfère mettre l'accent sur un phénomène qui semble majeur, à savoir la crise du modèle français de formation. Cette crise se repère aux mauvaises performances du système éducatif français (que l'on pense aux 130 000 jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire, au taux élevé - 20 % - d'abandon des études supérieures, aux mauvais résultats de la France à l'évaluation internationale PISA). Elle s'explique par la faillite du modèle égalitaire en vigueur dans notre pays qui, au nom d'un cadre uniforme et formel animé par une intention méritocratique, s'avère incapable de gérer la diversité des talents et des modèles de réussite ; elle se comprend aussi au regard de la faillite de l'orientation, largement subie par un grand nombre d'élèves. En tout cas, les conséquences pour l'ensemble de la société du malaise des jeunes générations sont très graves. Beaucoup de jeunes sont en effet atteints dans leur identité et démarrent leur vie d'adulte avec un sentiment de révolte à l'égard d'une société qui ne les reconnaît pas tout à fait comme des acteurs à part entière. Quant aux autres, comprenant plus ou moins que le système est opaque et qu'il ne faut pas s'en remettre à ses intentions affichées, ils se réfugient dans un individualisme qui peut s'avérer néfaste, et qui , peu à peu, menace le lien social qui est pourtant le fondement même de la vie en commun.

  Pistes d’action

 

Pour Olivier Galland, une première piste d'action pour redonner à la jeunesse confiance en elle-même et en la société consiste à réformer l'organisation du marché du travail, dès lors que l'on considère que la dichotomie entre Contrat à durée indéterminée (CDI) et Contrat à durée déterminée (CDD) n'est pas favorable aux jeunes. Parmi les solutions originales à ce niveau, on peut retenir la proposition de Pierre Cahuc et Francis Kramartz (« De la précarité à la mobilité ; vers une sécurité sociale professionnelle », Rapport au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, La Documentation Française, 2004) d'expérimenter un contrat unique de travail pour les jeunes de moins de 25 ans, qui aurait la caractéristique d'être un CDI où il serait possible d'envisager une durée minimale qui engagerait les deux parties selon des termes identiques à ceux prévalant aujourd'hui dans le CDD. Une autre mesure est de renforcer la protection des jeunes contre la précarité économique. Jusqu'à présent, ceux qui n'ont pas de soutien familial sont peu aidés par la puissance publique, puisqu'ils ne bénéficient plus de l'allocation d'insertion depuis la réforme de 1992, qu'ils sont généralement exclus du bénéfice du Revenu minimum d'insertion (RMI) avant 25 ans et qu'ils connaissent des restrictions importantes en matière d'indemnisation du chômage. Tout cela fait qu'actuellement seuls 8 % des jeunes chômeurs de moins de 25 ans touchent une allocation chômage ou le RMI. Une des solutions serait de faire en sorte que la précarité économique des jeunes soit mieux prise en compte par le système d'indemnisation du chômage, et peut-être aussi d'ouvrir le revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes de 18 à 25 ans, même si cette dernière mesure comporte le risque de stigmatisation des bénéficiaires. Une mesure décisive pour changer l'état d'esprit des jeunes est de repenser le rôle de l'école. Selon Olivier Galland, il est urgent d'abandonner la vision sélective qui prévaut encore dans le système éducatif français pour promouvoir une politique de réussite de tous les élèves, fondée sur la reconnaissance de la pluralité des excellences, ce qui suppose de mettre en place une personnalisation de l'enseignement et des pratiques pédagogiques pour les adapter aux besoins de chaque enfant. Il convient aussi de repenser l'orientation en renonçant à la primauté du psychologique dans la conception de celle-ci, et en faisant en sorte que les choix d'orientation soient moins précoces et tout particulièrement dans la voie professionnelle. Dernier aspect de la réforme de l'école : l'université doit accepter de devenir plus professionnelle en acceptant de remplir sa fonction qui est de former des jeunes qui puissent trouver un emploi correspondant à leurs compétences. Enfin, on ne peut espérer réconcilier les jeunes avec la société qu'en relançant leur participation active à la vie sociale et politique. Pourquoi, par exemple, ne pas reconnaître que leur engagement dans une association ou une organisation humanitaire puisse ouvrir un droit à une forme de validation et être reconnu par exemple dans un curriculum vitae ou dans un bilan d'activités professionnelles ?

 

L’auteur

Olivier Galland , directeur de recherches au CNRS, membre du Groupe d'Etude des Méthodes de l'Analyse Sociologique (GEMAS), est spécialiste des questions de jeunesse et a notamment publié, chez Armand Colin, Sociologie de la jeunesse (2007, 4è édition)

 

Table des matières

Remerciements Avant propos I. De quoi les jeunes Français ont-ils peur ?

  • Les jeunes Français ne croient pas en l'avenir
  • Les jeunes ne croient plus ce qu'on leur dit
  • Les troubles de l'adolescence

II. La faible intégration de la jeunesse

  • Le repli culturel
  • La tentation individualiste
  • La montée d'une culture politique protestataire

III. Une génération sacrifiée ?

  • Le partage inégal de la flexibilité
  • L'ascenseur social est-il en panne ?
  • Le difficile chemin vers l'indépendance
  • La crise de la transmission
  • La sous-représentation politique
  • Y a-t-il une unité de la jeunesse

IV. La crise du modèle méritocratique à la française

  • Les mauvaises performances du système éducatif
  • La fonction égalitaire
  • La faillite de l'orientation
  • La préférence pour le statu quo

V. Quelques pistes d'action

  • Mieux partager les risques et accompagner la phase de transition
  • Une meilleure protection contre la précarité économique
  • Repenser le rôle de l'école
  • Une université plus professionnelle
  • De nouvelles formes de représentation et de participation

Conclusion Annexes

 

Quatrième de couverture

Parmi tous les facteurs de préoccupation qui nous assaillent (crise mondiale, risque environnemental, etc.), il en est un qui ne doit pas passer inaperçu et devrait même retenir prioritairement l'attention : la jeunesse française témoigne d'un pessimisme, d'un manque de confiance en l'avenir et d'une résignation qui tranchent complètement avec ce que l'on constate ailleurs.
A qui la faute ? Comment a-t-on pu en arriver là ? Dans notre « modèle » français tant vanté, qu'est-ce qui parvient ainsi à casser la jeunesse ? Comment les choses se combinent-elles, entre crise globale et ratés spécifiques du système éducatif, entre ici, « jeunisme » démagogique et, là, passéisme profond ? Pourquoi les jeunes eux-mêmes pensent-ils et agissent-ils, si souvent, au rebours de leurs intérêts réels ?
Olivier Galland nous offre une analyse à la fois équilibrée, nuancée et parfaitement décapante de ce marasme national, et définit des pistes concrètes pour rouvrir à la jeunesse, et donc au pays lui-même, la voie de l'avenir.

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