La Révolution de la finance : acte II

André Lévy-Lang

André Lévy-Lang analyse les relations entre l’essor des outils numériques et les innovations financières, pour décrypter les enjeux à venir pour le secteur bancaire et financier au XXIème siècle.

 

Dans cet ouvrage, André Lévy-Lang évoque les implications de la révolution numérique pour le secteur bancaire et financier. S’il remarque que la confiance est fondamentale tant dans le monde de la finance que dans celui de l’Internet, elle est davantage réglementée dans le premier cas, surtout depuis la crise financière de 2008, mais reste tacite dans le second, notamment via les sites que les consommateurs visitent et les applications qu’ils utilisent. Or il se produit un tournant aujourd’hui : les géants du high tech, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) en Occident, et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) en Chine, commencent à s’intéresser aux échanges monétaires et financiers, avec à la clé de gigantesques bouleversements à venir dans tout le système financier.

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Introduction

André Lévy-Lang analyse les relations entre l’essor des outils numériques et les innovations financières, pour décrypter les enjeux à venir pour le secteur bancaire et financier au XXIème siècle.

 

Dans cet ouvrage, André Lévy-Lang évoque les implications de la révolution numérique pour le secteur bancaire et financier. S’il remarque que la confiance est fondamentale tant dans le monde de la finance que dans celui de l’Internet, elle est davantage réglementée dans le premier cas, surtout depuis la crise financière de 2008, mais reste tacite dans le second, notamment via les sites que les consommateurs visitent et les applications qu’ils utilisent. Or il se produit un tournant aujourd’hui : les géants du high tech, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) en Occident, et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) en Chine, commencent à s’intéresser aux échanges monétaires et financiers, avec à la clé de gigantesques bouleversements à venir dans tout le système financier.

Dans la mesure où en 2019, plus d’un humain sur deux peut avoir accès à Internet, avec la diffusion rapide des smartphones en Inde et en Afrique, il est tout à fait notable que les Internautes consultent les pages web, véhiculent des informations, partagent leurs données en confiance, sans bien souvent prendre le temps de lire les conditions générales qui peuvent occuper plusieurs pages d’écran. Pour André Lévy-Lang, il pourrait dans le futur se produire un « choc des confiances » : si l’usage de la monnaie a depuis toujours reposé sur la confiance dans sa valeur, la progression exponentielle des réseaux sociaux et l’intérêt des grandes sociétés technologiques pour les services monétaires et les moyens de paiement, nécessitera que leurs gestionnaires fassent preuve d’un autocontrôle très strict sur la gestion de nos données privées, en l’absence de réels moyens de contrôle et de régulation qui pèsent sur eux aujourd’hui. Peut-on être sûr qu’ils s’y attelleront ?

 

Révolution numérique et révolution financière : des interactions multiples

Aujourd’hui selon André Lévy-Lang, « le monde des réseaux sociaux fait irruption dans le monde de la finance » : cette révolution touche tous les métiers de la banque et des marchés financiers, et met au défi les entreprises traditionnelles, banques, assurances et gérants de fonds, de s’adapter. Cela ne sera pas simple, et l’auteur rappelle la prophétie du rapport Nora-Minc de 1978 selon laquelle « la banque pourrait être la sidérurgie de demain » : pour éviter cela, et des destructions massives d’emplois, le secteur bancaire et financier devra accompagner avec doigté ce processus de « destruction créatrice » pour reprendre la formule de l’économiste Joseph Schumpeter.

La révolution numérique va nécessiter une transformation profonde de l’industrie financière :  André Lévy-Lang revient dans son ouvrage sur l’histoire financière tumultueuse depuis les années 1970, de la chute du système monétaire de Bretton Woods en 1971, jusqu’à la grande crise financière de 2008 (et les réponses des banques centrales et des autorités publiques), en passant par le boom de la « nouvelle économie » des Technologies de l’informatisation et de la communication (TIC), puis le krach boursier de mars 2000. Depuis, la globalisation financière, avec l’explosion du volume des échanges financiers et la constitution d’un marché unique de l’argent à l’échelle mondiale, s’est naturellement appuyée sur l’informatisation et la robotisation d’un nombre croissant de transactions financières (avec le trading haute fréquence notamment). Les progrès technologiques ont aussi permis la sophistication grandissante de certains produits financiers (dérivés de crédit, produits de crédits structurés), et l’essor de mécanismes comme la titrisation. Mais il faut garder à l’esprit que cette complexité n’a pas empêché l’effondrement soudain de la confiance en 2008, avec le phénomène de panique boursière et les fortes inquiétudes sur la solidité du système bancaire.

André Lévy-Lang note que les efforts des Etats et du Conseil de Stabilité financière (CSF) pour mettre en œuvre des réglementations ont cherché à l’époque à restaurer la confiance et mieux lutter contre le problème de l’aléa moral, notamment la fraude fiscale (via le système d’échange de données fiscales entre Etats de l’OCDE) et le blanchiment. Une des voies empruntées de la régulation financière a été de réduire le levier financier des banques d’investissement et d’imposer des fonds propres plus importants dans le cadre des réglementations prudentielles. Cet ensemble de réglementations a augmenté les coûts pour les banques, mais elle a accru la sécurité des dépôts aux yeux des clients. C’est la raison pour laquelle en 2007-2008, les autorités politiques en France ont cherché à rassurer les déposants en se portant garant, afin d’éviter les phénomènes catastrophiques de panique bancaire. A grand prix, la confiance dans les institutions financières a tout de même été rétablie.

 

Une autre révolution à la fois technologique et sociétale a eu lieu depuis la dernière grande crise financière : le succès phénoménal du smartphone à partir de 2007 (avec la sortie de l’iPhone notamment), qui, couplé aux réseaux sociaux à l’image de Facebook qui regroupe plusieurs milliards d’individus, et aux moteurs de recherche comme Google, a profondément transformé les relations sociales et les modèles économiques. Sur ces réseaux, la valeur de chaque information fournie par un internaute augmente avec le nombre total d’utilisateurs car le traitement statistique de la masse de données recueillies est d’autant meilleur qu’il porte sur un volume important. L’attractivité de ces réseaux augmente en fonction du nombre de participants. L’auteur rappelle cette formule souvent reprise par les experts, selon laquelle « les données sont le pétrole du XXIème siècle », et le fait que les grandes compagnies pétrolières cotées valent aujourd’hui moins cher en Bourse que les GAFAM. Mais le monde numérique pose des questions redoutables à partir du moment où les internautes doivent faire une confiance pratiquement aveugle dans la gestion de leurs informations privées, en l’absence de lois ou de règlements qui pèsent sur les géants de la technologie et des réseaux. L’auteur fait remarquer que tant les autorités américaines antitrust que la Commission européenne commencent à s’inquiéter de la surpuissance des GAFAM et de son implication pour le respect de la vie privée des citoyens et la concurrence sur les marchés (à l’image du RGPD en Europe). Les BATX en Chine ont un autre modèle économique puisqu’ils entretiennent des liens forts avec le pouvoir politique, et ils ne tirent pas l’essentiel de leurs revenus de la publicité.

Les géants de la tech investissent la finance

Le projet annoncé par Facebook de développer une monnaie universelle, le LIBRA, va créer selon André Lévy-Lang une émulation dans le secteur de la tech et inciter des mastodontes comme Google, Apple et Amazon à emboîter le pas du célèbre réseau social et accélérer le développement de leurs propres projets. Il est à noter d’ailleurs que ces entreprises technologiques ont d’ores et déjà investi le domaine des échanges monétaires avec Apple Pay et Amazon Pay par exemple. Si chacune de ces sociétés peut avoir des stratégies spécifiques, certaines ont déjà noué des coopérations et des partenariats avec des grands acteurs du secteur bancaire (comme Apple avec la banque Goldman Sachs). L’auteur note incidemment qu’Apple a fait le choix dans son modèle d’insister sur la protection de la vie privée des internautes, sans doute car certains géants du high tech ont compris que la confiance totale des consommateurs dans l’Internet commence à s’effriter. Mais en tout état de cause, la montée en puissance de monnaies nouvelles comme le LIBRA pourrait à terme bouleverser le système monétaire international, en particulier si ce type de monnaie se transforme en instrument de crédit, alors même que les banques centrales du monde seraient confrontées au gonflement d’un système bancaire parallèle. Pour André Lévy-Lang, « Facebook lance avec LIBRA un défi majeur aux banques : quelles que soient les promesses initiales, LIBRA peut devenir non seulement une monnaie mondiale mais aussi un gigantesque système bancaire non réglementé car rien ne l’empêchera de faire du crédit ». Malgré la diversité de leurs modèles, les GAFAM ont toutes la volonté d’élargir le plus possible les relations avec leurs clients, les rendre les plus fréquentes possible en augmentant les occasions d’intervention et de contact. Les entreprises s’observent dans la concurrence et prennent des initiatives en fonction des coups joués par les autres acteurs.

 

André Lévy-Lang insiste dans son livre sur les entreprises à la pointe de la révolution numérique, les fameuses « fintechs » (soit les start-up de la finance, par contraction de « finance » et de « technologie »). Selon certaines études, la Chine serait à la tête du nombre de fintechs considérés comme les leaders de leur secteur dans le monde, suivie par les Etats-Unis puis par l’ensemble de l’Europe. Les fintechs (dans le crédit, les assurances), plus de 300 en France, et les néo-banques ont évidemment pris appui sur les outils de la révolution numérique, avec la généralisation des smartphones (avec la 4G puis la 5G), et l’internet haut débit.

André Lévy-Lang insiste tout spécialement sur ce point : si les robots vont se développer, notamment dans la gestion de patrimoine (avec les robots-conseillers), le smartphone connecté va peser lourd dans la transformation des modèles bancaires :  il s’agit de séduire une nouvelle clientèle cruciale que sont les millenials, soit les jeunes générations qui utilisent intensivement les outils numériques, et attendent des services bancaires une facilité d’utilisation, une rapidité d’exécution et une sécurité des transactions. La banque américaine Citicorp, considérée comme la meilleure banque numérique du monde par la revue Global Finance en 2018, a massivement investi dans ses services destinés à une utilisation via le smartphone. C’est sans doute aussi la raison du développement des banques en ligne comme Revolut, Lydia ou bien N26. Certes pour l’heure le poids des fintechs reste faible dans le total des services financiers, mais leur croissance et leur potentiel de développement en font des concurrents potentiellement très importants des entreprises classiques, banques, assurances et gestion de patrimoine.

Dès lors, pour André Lévy-Lang, construire une banque de détail autour des smartphones pour la relation quotidienne avec les clients et autour de nouvelles agences pour conserver un certain contact humain nécessaire, est un défi considérable. L’essor de la banque numérique ne signifie pas la fermeture des agences car pour l’auteur, les agences pourront constituer des points de rencontre et « les banques doivent donc considérer le réseau d’agences comme un atout et une opportunité et non pas seulement comme un centre de coût ».

Tout l’enjeu du XXIème siècle sera ainsi pour les entreprises bancaires et financières, mais aussi pour les autorités de régulation, d’articuler la confiance des clients dans les outils numériques avec la confiance dans les nouveaux services financiers.

Quatrième de couverture

La finance face aux réseaux sociaux… Deux mondes, deux types de confiances : l’une fondée sur des règles exigeantes, l’autre sur une adhésion quasi automatique. C’est ce choc des confiances que retrace ici André Lévy-Lang. Forts de leurs millions d’abonnés, les réseaux sociaux cherchent désormais à se substituer aux acteurs traditionnels de la finance, comme en témoigne récemment la création de Libra, la nouvelle monnaie de Facebook. André Lévy-Lang montre avec ce livre que la défaite de la finance n’est pas inéluctable, pour peu qu’elle accepte de changer radicalement sa vision du métier et son organisation. Polytechnicien et PhD Stanford, André Lévy-Lang a une double expérience d’industriel, au sein du groupe Schlumberger, et de banquier, comme président de Paribas. Il est président de l’Institut Louis-Bachelier qu’il a fondé, il enseigne la finance à l’université Paris-Dauphine, est président du conseil de surveillance des Échos, et investisseur dans des start-up Internet. 

 

L’auteur

André Lévy-Lang a été président de la banque Paribas. Physicien et économiste de formation, il est professeur associé émérite à l'université Paris-Dauphine. Il préside le Conseil de surveillance du quotidien Les Échos, l'Institut Louis Bachelier, ainsi que l'Institut Français des Relations Internationales et de la Fondation du Risque.

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Note de lecture
Le 02/01/2020
Cercle Turgot et Laboratoire Régulation Financière, Sous la direction de Constantin Mellios et Jean-Jacques Pluchart

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