France, portrait social

INSEE

L'ouvrage

L’édition 2010 a été l’occasion d’une refonte importante de la publication. L’originalité majeure est que les différents chapitres offrent une perspective qui est en phase avec le rapport de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social , remis au président de la République le 14 septembre 2009. Dans cette perspective, le chapitre sur la démographie et l’éducation vise à mieux cerner les « capabilités » des individus telles qu’elles ont pu être définies par Amartya Sen. Le chapitre sur les salaires et les revenus ne quantifie plus seulement les potentialités, mais les réalisations en termes d’inégalités observées, portant donc principalement sur les inégalités monétaires. Enfin, le chapitre sur les conditions de vie a désormais l’ambition de fournir des éléments synthétiques sur ce qui fait la qualité de la vie.

Population

Au 1er janvier 2010, la France comptait 64,7 millions d’habitants. Cela la situe à la 2ème place de l’Union européenne, derrière l’Allemagne (81 millions), et devant la Grande-Bretagne (62 millions) et l’Italie (60 millions). La croissance démographique  française (+ 350 000 habitants en 2009, soit 0,5 %) est supérieure à celle de la moyenne européenne (+ 0,3 %) et se distingue surtout par son origine, puisqu’elle provient pour l’essentiel du solde de l’excédent des naissances sur les décès, que l’on appelle le solde naturel, alors que le solde migratoire a une contribution faible à la croissance de la population. Le nombre de naissances est de 824 641 en 2009 pour la France entière, correspondant à un indicateur conjoncturel de fécondité égal à 1,99 enfant par femme. Jusqu’à présent, la crise économique n’a pas eu d’effet visible sur l’évolution des naissances. L’espérance de vie continue par ailleurs de progresser, pour atteindre 84,5 ans pour les femmes et 77,8 ans pour les hommes. Il y a eu 548 000 décès en 2009.

En ce qui concerne les unions, le Pacte civil de solidarité (Pacs) connaît une forte hausse (+ 20 % en 2009), après une année 2008 encore plus forte (+ 40 %). L’originalité française est que c’est aux couples hétérosexuels que le Pacs doit ce succès, alors que la plupart des pays européens proposent des contrats pour les seuls couples homosexuels. De ce fait, le nombre de mariages en France ne cesse de baisser (256 000 en 2009), et il y a eu toujours en 2009 deux Pacs conclus pour trois mariages. Une autre évolution significative est que les trajectoires familiales poursuivent leur évolution : une famille sur cinq est monoparentale, et une sur treize est recomposée. Ces transformations ne freinent cependant pas la natalité dans la mesure où les parents ont en France des enfants dans des situations très variées (en 2009, 53 % des enfants naissent hors mariage, contre 6 % en Grèce, 22 % en Italie, ou encore 32 % en Allemagne).

Si la population augmente quantitativement, le capital humain s’élève aussi régulièrement. De 1985 à 1995, le taux d’accès au baccalauréat a plus que doublé : 29 % d’une génération obtenait le baccalauréat en 1985, 62 % en 1995. Cette progression spectaculaire résulte à la fois de la création du baccalauréat professionnel en 1987 et de la diffusion des baccalauréats déjà existants. Si ces résultats sont très positifs, la situation de l’enseignement supérieur est moins bonne. De 1985 à 1995, la proportion d’une génération qui accède à l’enseignement supérieur avait bien évolué, puisqu’elle était passée d’un quart à un peu plus de la moitié. De fait, l’espérance de scolarité dans l’enseignement avait gagné un peu plus d’un an (2,4 années contre 1,3) entre 1985 et 1995, et les effectifs du supérieur avaient progressé de 60 %. Cependant, depuis 1995, l’espérance de scolarisation dans l’enseignement supérieur a peu évolué. Elle a faiblement progressé de 1995 à 2004, et même légèrement baissé depuis cette date. La France doit encore faire des efforts notables par rapport à bon nombre de pays développés, et notamment pour atteindre l’objectif européen de 50 % d’une génération titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Salaires et redistribution

Les inégalités salariales viennent à la fois du salaire payé pour l’emploi occupé, et de la disparité des temps travaillés dans l’année. Si on considère le salaire horaire, on constate que le quart des heures travaillées les mieux rémunérées sont en moyenne trois fois mieux payées que le quart des heures les moins rémunérées en 2008. En élargissant au salaire annuel pour un emploi en équivalent temps plein (EQTP) , et en prenant comme référence le Smic, il apparaît selon la méthode des quartiles  que le quart des emplois est payé moins de 1,3 fois le Smic, un autre quart est rémunéré entre 1,3 et 1,6 Smic, un troisième entre 1,6 et 2,2 Smic, et le dernier quart plus de 2,2 Smic. Evidemment, le salaire EQTP ne tient pas compte du fait que les salariés n’ont pas travaillé le même nombre d’heures dans l’année. Si la moitié des salariés travaillent à temps complet, les situations sont diverses pour les autres : certains travaillent à temps partiel (17 % des personnes en emploi), d’autres ont des périodes de chômage entre deux emplois, ou concilient plusieurs emplois en parallèle avec des employeurs différents (les « multiactifs »). En intégrant la quotité du temps de travail, et en mesurant maintenant le revenu salarial annuel qui évalue la somme des salaires effectivement perçus par une personne sur les différents emplois qu’elle a pu occuper, les écarts de revenus salariaux sont encore plus marqués : un quart des salariés ont reçu moins de 9 000 euros au cours de l’année 2008 (soit moins de 0,73 Smic sur l’année), un deuxième quart a perçu un revenu salarial compris entre 0,73 et 1,36 Smic, un troisième entre 1,36 et 1,92 Smic, et le dernier quart a touché un revenu salarial supérieur à 1,92 Smic. La moyenne des revenus salariaux de ce dernier quart est de 3,1 Smic : il s’agit de salariés qui sont souvent des hommes, relativement âgés, cadres, et qui travaillent plutôt soit dans l’industrie, soit dans la fonction publique.

Au-delà de ces inégalités salariales, il est cependant plus pertinent de s’interroger sur la réduction finale des inégalités suite à l’action de redistribution des pouvoirs publics. Cette redistribution consiste pour les personnes à s’acquitter de prélèvements, à savoir les impôts et les cotisations sociales, et à bénéficier des prestations sociales. Le revenu après redistribution est appelé revenu disponible. Globalement, on peut dire que les prestations réduisent plus les inégalités de niveau de vie que les prélèvements. Ces prestations réduisent les inégalités à hauteur de 63 % contre 37 % pour l’ensemble des prélèvements. Du côté des prélèvements, et du fait de leur faible progressivité (un prélèvement est progressif si son taux augmente avec le niveau de vie), l’essentiel de la réduction des inégalités est réalisé par l’impôt sur le revenu, qui ne représente pourtant que le quart du total des prélèvements. Du côté des prestations, ce sont les prestations familiales avec ou sans conditions de ressources qui opèrent une redistribution notable. Les prestations familiales sans conditions de ressources participent pour près de 17% à la réduction des inégalités de niveaux de vie. Les prestations sous conditions de ressources, bien que représentant une masse financière faible (15 % de l’ensemble des prestations sociales) contribuent à elles seules pour 10 % à la réduction des inégalités de niveaux de vie.

L’action des pouvoirs publics consiste aussi à mettre à la disposition des citoyens des recettes sous la forme de prestations « en nature », dont les deux principales sont les dépenses d’éducation et de santé (on passe ainsi au revenu final qui est le revenu disponible corrigé des transferts en nature et des impôts indirects comme la taxe à la valeur ajoutée).Cette forme de redistribution est très importante : en intégrant les services publics de santé et d’éducation dans le niveau de vie des ménages, le rapport entre le niveau de vie corrigé des 20 % les plus riches et des 20 % les moins aisés (quintiles) n’est plus que de 2,7. Ces services publics réalisent ainsi la moitié de la réduction totale des inégalités de niveau de vie.

Niveau de vie

Le niveau de vie d’une personne ne repose pas seulement sur ses ressources individuelles, mais dépend aussi des ressources des éventuels autres membres du ménage. Il dépend également du nombre d’adultes et d’enfants qui composent ce ménage, puisque celui-ci détermine à la fois une partie de ses ressources (impôts et prestations diverses), et une partie de ses dépenses de logement, d’équipement, de nourriture, de loisir etc. Pour appréhender le niveau de vie des personnes d’un même ménage, on divisera donc les ressources totales du ménage par le nombre d’unités de consommation (UC) qui le composent.

Entre 1996 et 2008, les inégalités de niveaux de vie ont peu évolué. Le rapport entre le niveau de vie des 10 % des personnes les plus aisées et le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes (écart interdécile) a même diminué légèrement, passant de 3,5 à 3,4. Cela dit, le taux de pauvreté monétaire (mesuré par la proportion de personnes ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, correspondant à 60 %  de la moyenne des niveaux de vie) est toujours de 13 % en 2008 (stable depuis 2005), soit 7,8 millions de personnes qui ont un niveau de vie inférieur à 950 euros par mois. Parmi les actifs, le risque de pauvreté est 4,9 fois plus élevé pour les chômeurs que pour ceux qui ont un emploi : le taux de pauvreté des chômeurs est de 35,8 %.

Par ailleurs, on observe aussi que les inégalités s’accroissent vers le haut. En 2008, les 10 % des personnes les plus aisées détiennent 24,3 % des niveaux de vie (22,5 % en 1996), alors que la part des personnes les plus modestes a aussi très légèrement augmenté au cours de la période, passant de 8,9 % à 9 %. Ce sont les personnes de niveau intermédiaire (du 3ème au 9ème décile) qui voient leur part diminuer de 1,9 point. On retrouve là les constatations déjà faites dans plusieurs travaux statistiques selon lesquelles ce sont les classes moyennes qui souffrent le plus de la crise, et selon lesquelles aussi l’augmentation des inégalités par le haut se fait surtout au bénéfice des très hauts revenus, à savoir des 1 % les plus élevés.

Un autre point à considérer est que les retraités ont désormais un niveau de vie proche de celui des actifs. Alors que les actifs occupés ont en moyenne un niveau de vie de 24 110 euros, le niveau de vie des retraités est de 22 520 euros (et 15 720 euros pour les chômeurs). Le taux de pauvreté des retraités a beaucoup diminué en 30 ans avec l’arrivée à l’âge de la retraite de générations ayant des droits à la retraite complets. Il est aujourd’hui de 9,9 %, mais varie beaucoup selon l’âge, puisque les retraités les plus âgés sont issus de générations qui n’avaient pas forcément beaucoup de droits à la retraite et où les femmes n’avaient pas toujours travaillé. De plus, le veuvage accentue encore le risque de pauvreté.

Qualité de la vie

Le concept de « qualité de la vie » est plus large que celui de niveau de vie ou que les conditions matérielles d’existence qui sont utilisées pour mesurer la pauvreté en conditions de vie. L’Insee  opérationnalise cette dernière en s’appuyant sur une liste de questions portant sur les contraintes budgétaires, les retards de paiement, les restrictions de consommation et les difficultés de logement éventuelles des personnes. Pour appréhender la qualité de la vie de manière objective (il existe aussi des mesures du bien-être ressenti à partir d’enquêtes qualitatives), on évalue la situation d’une personne selon 9 dimensions qui correspondent aux recommandations de la Commission Stiglitz-Fitoussi-Sen . Il s’agit des conditions de vie matérielles, des contraintes financières pesant sur les personnes, de la santé, du niveau d’éducation, des conditions de travail, de la participation à la vie publique, des contacts avec les autres, de la sécurité économique et de la sécurité physique. Pour chacune de ces dimensions, des mesures statistiques sont d’ores et déjà disponibles. Les conditions de vie sont appréhendées par les conditions du logement et les restrictions de consommation, les contraintes financières par 8 indicateurs (part du remboursement dans le revenu supérieure à un tiers, opinion sur le niveau de vie, découverts bancaires, couverture des dépenses par le revenu difficile, recours aux économies, aucune épargne de précaution, retards de paiement de factures, retards de paiement de loyers et de charges, retards de versements d’impôts), la santé au travers de deux indicateurs (appréciation subjective que les personnes ont de leur santé, existence de limitations dans la vie quotidienne dues à des problèmes de santé), l’éducation par le niveau de diplôme, les conditions de travail par 12 indicateurs (travail à la chaîne, mauvaises relations avec les collègues, compétences non utilisées, exposition à des produits nocifs ou toxiques, travail de nuit etc.), la participation à la vie publique à partir de 3 aspects (engagement politique, engagement professionnel et engagement syndical), les contacts avec les autres par des indicateurs d’intensité (participation à des activités de groupe ou à des organisations de loisirs, contacts avec la famille et les amis au cours des 12 derniers mois), l’insécurité économique par le risque objectif de perdre son emploi dans l’année qui suit, et l’insécurité physique à partir d’indicateurs objectifs issus de l’enquête « Cadre de vie et sécurité 2009 » (cambriolages, dégradations du logement, vols avec violence, violences physiques et sexuelles).

L’approche dimension par dimension ne permettant pas de saisir la qualité de la vie dans son ensemble, l’Insee a élaboré un indicateur synthétique, résultat de l’agrégation des indicateurs relatifs à chacune des dimensions de la qualité de la vie. Si cet indicateur synthétique soulève des difficultés méthodologiques importantes (importance à accorder à chacune des dimensions, prise en compte de la corrélation entre les différents aspects de la qualité de la vie), il permet tout de même de dégager quelques enseignements.

Globalement, on observe que certains groupes sociaux cumulent les désavantages dans plusieurs dimensions. Par rapport à l’ensemble de la population, les 25 % (premier quartile) de personnes aux niveaux de vie les plus faibles encourent un plus grand risque de difficultés dans toutes les dimensions de la qualité de la vie. A l’inverse, les personnes les plus aisées financièrement cumulent des avantages dans tous les domaines, sauf en matière de sécurité physique. L’ampleur des désavantages des personnes aux bas niveaux de vie est variable : importante en matière de conditions matérielles et financières, assez marquée en matière de santé et d’éducation, de relations sociales ou d’insécurité économique, mais moins nette en ce qui concerne l’insécurité physique, la participation à la vie publique et les conditions de travail. La situation des jeunes est contrastée : ils ont des conditions matérielles et financières plus défavorables que le reste de la population, mais présentent des niveaux d’éducation et de santé meilleurs, et ont aussi plus de contacts sociaux. A l’inverse, les plus de 60 ans ont une santé dégradée, moins de contacts avec les autres et un niveau d’éducation plus faible, mais sont moins contraints financièrement et ont de meilleures conditions de vie matérielle, et aussi un niveau de sécurité physique élevé. Parmi les configurations familiales, ce sont les familles monoparentales qui connaissent les désavantages les plus importants dans la plupart des dimensions.

Table des matières

Vue d’ensemble
Premier bilan 2009-2010

Répercussions de la crise sur l’emploi, les salaires et les revenus
Portrait de la population
Un bilan démographique 2009 dans la tendance des années précédentes
En Europe, des dynamiques démographiques différentes
8 % d’immigrés et 11 % de descendants d’immigrés
Depuis 25 ans, combien de temps passe-t-on à l’école ?
Salaires et niveaux de vie
La disparité des temps annuels de travail amplifie les inégalités salariales
Niveaux de vie et activité
La redistribution en 2009
Conditions de vie
Une mesure de la qualité de la vie
Qu’est-ce que le capital social ?
Les enfants des baby-boomers votent par intermittence surtout quand ils sont peu diplômés
La pauvreté en conditions de vie a touché plus d’une personne sur cinq entre 2004 et 2007
Dossiers
Les écarts de taux d’emploi selon l’origine des parents : comment varient-ils avec l’âge et le diplôme ?
La facture énergétique des ménages serait 10 % plus faible sans l’étalement urbain des 20 dernières années
Les inégalités face au coût du logement se sont creusées entre 1996 et 2006

Fiches thématiques

  1. Economie générale

  2. Population, éducation

  3. Travail et emploi

  4. Salaires, niveaux de vie

  5. Conditions de vie

  6. Cadrage européen Annexes

Quatrième de couverture

« France, portrait social » s’adresse à tous ceux qui souhaitent mieux connaître la société française.
La vue d’ensemble présente le bilan des évolutions économiques et sociales de l’année écoulée. Elle dresse le portrait de la population en matière de démographie et d’éducation, décrit les disparités et évolutions de salaires et de niveaux de vie et dépeint les conditions de vie. Elle est complétée par une trentaine de fiches qui commentent les chiffres essentiels et intègrent des comparaisons européennes.
Les trois dossiers de cette édition 2010 apportent en outre un éclairage particulier sur la situation d’emploi des français descendants d’immigrés, l’évolution sur vingt ans de la facture énergétique des ménages et les inégalités face au coût du logement.

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