Comment réussir dans un monde d'égoïste. Théorie du comportement coopératif.

Robert Axelrod

Achetez ce livre avec

 

 

L'ouvrage

Le dilemme du prisonnier est l'une des figures les plus connues de la science économique. Deux joueurs s'affrontent, chacun ayant la possibilité soit de coopérer, soit de faire cavalier seul. Si les deux décident de coopérer, le bénéfice est maximum pour les deux – mais si l'un des deux trahit, le coopérant se retrouve totalement perdant. Cette situation de départ se complexifie dès qu'entrent en ligne de compte la dimension temporelle et l'expérience, qui permettent à chacun des deux d'anticiper le comportement de l'autre. Le dilemme du prisonnier est alors dit "itératif", la situation initiale se reproduisant de multiples fois dans le temps. L'ouvrage de Robert Axelrod, publié en 1984 mais dont la traduction française est très récente, propose non seulement une analyse en profondeur des schémas à l'œuvre dans le dilemme du prisonnier, mais explore aussi ses implications pratiques et en particulier la question de savoir comment peut apparaître la coopération dans un schéma où chacun à un intérêt rationnel à faire cavalier seul plutôt qu'à être seul à coopérer.

A la base de sa démarche intellectuelle se situe une expérience fort intéressante. Axelrod a convié de nombreux spécialistes (économistes, mathématiciens, psychologues, biologistes, sociologues,…) à un dilemme du prisonnier en temps réel. Chacun a soumis sa propre formule de comportement, enregistrée dans un ordinateur. Plusieurs centaines de parties ont été jouées successivement, jusqu'à proclamation d'un vainqueur final, dont la formule était l'une des plus élémentaires. Il s'agissait d'un comportement dit DONNANT-DONNANT, qui consiste à coopérer à la première partie, puis à coopérer si l'adversaire a coopéré, ou à trahir s'il a trahi. La même formule est arrivée de nouveau en tête lors d'une nouvelle manche de la même expérience, conduisant donc à la considérer comme la plus efficace.

L'exercice, intellectuellement stimulant, trouve un écho intéressant sur le terrain pratique. "On a l'habitude de réfléchir en termes d'interaction à somme nulle. Dans ces contextes, un gain pour l'un est une perte pour l'autre. Un tournoi d'échecs en est un bon exemple. Pour réussir, un concurrent doit faire mieux que son adversaire la plupart du temps. Un gain pour les blancs représente une perte pour les noirs. Seulement, la plus grande partie de l'existence n'est pas un jeu à somme nulle. Généralement, les deux camps peuvent obtenir des résultats honorables ou, au contraire, médiocres. La coopération mutuelle est souvent possible, mais pas toujours acquise. Voilà pourquoi le dilemme du prisonnier est si utile dans un grand nombre de situations quotidiennes".

Suivant sa piste de réflexion initiale, Axelrod expose une première hypothèse dans laquelle la coopération apparaît, qu'il développe à l'aide d'un exemple historique significatif. Durant la Première Guerre mondiale, les soldats ont à plusieurs reprises, avant d'être repris en main par les états-majors, développé une forme singulière de coopération se fondant sur une situation initiale caractéristique d'un dilemme du prisonnier. Chaque camp va cesser d'attaquer l'autre (et va donc démarrer un processus de coopération) pour éviter la riposte de l'ennemi et préserver sa propre existence. Le modèle initial DONNANT DONNANT est ici enrichi, puisque la stratégie des combattants était de tirer deux coups pour chaque coup reçu. La coopération est donc progressivement apparue dans cette structure sociale en fonction de l'intérêt de chaque camp à la coopération de l'autre. "L'amitié est à peine nécessaire pour que se développe la coopération fondée sur la réciprocité. Dans des circonstances favorables, la coopération peut se déclencher même entre antagonistes".

Si l'amitié n'est pas nécessaire, elle peut toutefois être à l'origine du développement de la coopération. Prenant comme point de départ une situation dite TOUJOURS SEUL, où chacun pratique systématiquement la défection, Axelrod démontre qu'un joueur isolé ne pourra pas imposer un comportement coopératif, ses adversaires ayant intégré la logique du cavalier seul. En revanche, la coopération peut se développer si un petit groupe adopte cette stratégie, faisant la démonstration des bénéfices réciproques tirés d'une attitude bienveillante. Cette stratégie en groupe peut provenir d'un intérêt bien compris de tous à s'unir pour faire évoluer leur environnement, mais aussi de liens de parenté entre les mutants (ceux qui souhaitent coopérer), propices à des comportements bienveillants. Cette adaptation de la théorie des jeux à la biologie a permis, comme le souligne l'auteur, de renouveler l'approche scientifique de l'évolution, dans un sens d'ailleurs plus proche de celui de Darwin. La biologie enseigne d'ailleurs au spécialiste de la théorie des jeux que la coopération n'est pas seulement le fait d'êtres rationnels, puisque des mécanismes d'adaptation à l'environnement et de collaboration ont été observés chez des bactéries, ce qui démontre que la conscience de son intérêt n'est pas nécessaire à l'adoption d'une démarche bienveillante.

La coopération peut donc apparaître, selon les conclusions de cet ouvrage, sans qu'il soit besoin de recourir aux liens d'amitié ni même au calcul rationnel. Il n'est pas non plus nécessaire qu'elle émane d'une autorité centrale imposant cette norme de comportement. En effet, Axelrod démontre à plusieurs endroits que la coopération est génératrice d'un ordre spontané et peut être adoptée hors de toute hiérarchie. C'est évident dans l'exemple des soldats de la Première Guerre mondiale, qui ont développé une relation réciproque contre les intérêts de leur hiérarchie. C'est également le cas lors d'une entente entre entreprises, chacune tirant des avantages considérables d'un comportement réprouvé par la société et combattu par les autorités centrales. Comprendre les conditions d'apparition de la coopération peut donc permettre de l'encourager, notamment dans les relations internationales, mais aussi servir à combattre certaines de ses manifestations, lorsque celle-ci s'avère contraire au but recherché par l'Etat ou la société. Puisant ses illustrations aussi bien dans l'histoire que dans la biologie, la science politique, l'économie et même la vie quotidienne, Axelrod développe une théorie de la coopération fondée à la fois sur l'intérêt personnel (comme le suggère le titre de l'ouvrage) et sur l'intérêt général, montrant que le comportement coopératif est susceptible de se développer dans quasiment toutes les circonstances de l'existence.

Soucieux de favoriser l'essor de la coopération dans tous les domaines de la sphère sociale, Axelrod propose d'ailleurs dans cet ouvrage une série de conseils à ceux qui souhaitent coopérer. Il convient tout d'abord de ne pas être envieux, l'essentiel étant d'engranger des gains, sans qu'il soit nécessaire que ceux-ci soient supérieurs à ceux de l'autre joueur, mais simplement supérieurs à ceux issus d'un comportement de cavalier seul. En n'étant jamais le premier à pratiquer le cavalier seul, le joueur ne s'exposera pas à la vengeance de l'adversaire et laissera la voie ouverte à une entente réciproque. Enfin, le succès de la règle simplissime du DONNANT DONNANT (adaptation au terrain de la logique de prescriptions morales ancestales) face à des règles beaucoup plus élaborées démontre qu'il n'est pas nécessaire de se montrer trop malin, mais qu'il importe avant tout d'avoir une règle de comportement claire et aisément déchiffrable par l'autre, condition nécessaire à l'instauration d'une relation de confiance.

L'auteur

Spécialiste en théorie des jeux, Robert Axelrod enseigne les sciences de l'information à l'Université du Michigan, aux États-Unis. Il est l'auteur, avec Michael D. Cohen, de Réussir dans un monde complexe.

Table des matières

Avant-propos

Introduction – Le problème de la coopération

Première partie – L'émergence de la coopération

Chapitre I. Le succès de DONNANT DONNANT dans les tournois informatiques

Chapitre II. La chronologie de la coopération

Deuxième partie – La coopération ou l'absence d'amitié ou de prévoyance

Chapitre III. Le système "vivre et laisser vivre" dans les tranchées de la Première Guerre mondiale

Chapitre IV. L'évolution de la coopération dans les systèmes biologiques

Troisième partie – Conseils aux participants et aux réformateurs

Chapitre V. Comment choisir efficacement

Chapitre VI. Comment promouvoir la coopération

Quatrième partie – Conclusions

Chapitre VII. La structure sociale de la coopération

Chapitre VIII. La robustesse de la réciprocité

Annexe A. Les résultats du tournoi

Annexe B. Démonstration des propositions théoriques

Notes

Bibliographie

 

 

Quatrième de couverture

Si la coopération est le ciment de la vie sociale, c'est aussi l'un de ses grands mystères. Fondant son analyse tant sur la théorie des jeux que sur des exemples concrets comme la guerre des tranchées en 1914-1918 ou les négociations internationales, Robert Axelrod explore les raisons, simples et surprenantes, qui permettent à la coopération de s'installer, même dans les situations les plus défavorables. Stratèges, décideurs, managers, hommes de bon sens, mais aussi de bonne ou de mauvaise foi, chacun trouvera matière à réflexion dans les pages de ce livre désormais considéré comme un classique

Newsletter

Suivre toute l'actualité de Melchior et être invité aux événements