Mes années Renault. Entre Billancourt et le marché mondial

Louis Schweitzer

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L'ouvrage

Bien qu'il n'y consacre que de courts passages dans l'ouvrage, il faut, pour saisir la portée de ce témoignage, rappeler le parcours professionnel de Louis Schweitzer. Proche collaborateur de Laurent Fabius, il sera son directeur de cabinet dès l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, d'abord au ministère de l'Industrie puis à Matignon. Lorsque la droite revient au gouvernement, en 1986, Louis Schweitzer fait son entrée au sein de l'entreprise publique Renault. Il y exerce des fonctions de management, avant d'en prendre la direction en 1992. Il restera PDG jusqu'en 2005. C'est donc d'abord comme tutelle, puis comme acteur de l'entreprise que Louis Schweitzer a suivi et déterminé l'évolution de Renault.

L'histoire qu'il raconte au fil de cet ouvrage est sans aucun doute une des illustrations les plus frappantes des mutations qu'a connues l'économie française au cours des vingt dernières années. Entreprise nationalisée en 1945, Renault est, à l'orée des années 80, une entreprise vieillissante, dont certains prédisent la disparition. Le mandat de Georges Besse à la tête de l'entreprise, de sa nomination en 1985 à son assassinat par Action directe en 1986, a été déterminant. "En dépit de la brièveté de son action, Georges Besse a été l'homme de la rupture. Il a changé l'idée que l'entreprise se faisait de sa mission, telle qu'elle avait été définie depuis 1945. A mes yeux, au cours des cent huit années de l'histoire de Renault, il y a eu l'entreprise individuelle jusqu'en 1944, l'entreprise nationalisée de 1945 à 1985 et l'entreprise tout court à partir de 1985", souligne Louis Schweitzer (p. 23). En 1987, Renault renoue avec le profit. Plusieurs évolutions majeures se dessinent à cette époque.

Jusqu'alors, Renault avait l'image d'un constructeur peu cher mais de qualité très moyenne. L'entreprise se lance, au tournant des années 90, dans la conquête de la qualité. Plutôt que le modèle allemand, très coûteux car reposant sur une série de contrôles a posteriori de la production, Renault opte pour le modèle japonais, fondé sur la formation des salariés et le bon geste du premier coût. "Le modèle japonais a permis à la Régie non seulement de sortir du cercle vicieux dans lequel elle s'enfermait à l'égard de ses clients, mais d'orienter vers plus d'efficacité son système de production en échappant aux conflits traditionnels entre patronat et ouvriers" (p. 46).

Parallèlement, Renault s'affranchit peu à peu du contrôle de l'Etat. Une première étape, psychologique, est franchie lors du plan d'aide de l'Etat, au milieu des années 80, âprement négocié à Bruxelles. Si la Commission européenne a fini par accepter ce plan, "cet épisode a été salutaire, car il a fait comprendre aux cadres et à la grande majorité des salariés de Renault que l'Etat ne pouvait plus rien pour eux. Il n'y avait plus de parachute, plus de filet, plus de recours" (p. 29). Cet épisode prépare la privatisation, par étapes successives, qui interviendra à partir des années 90.

La dernière mutation se joue sur la scène européenne. Très présent en Europe latine, Renault voyait ses parts de marché en Europe du Nord stagner autour de 3%. A la faveur de la réunification allemande, Renault va s'implanter rapidement en ex-RDA. Puis, profitant de la crise des constructeurs britanniques, Renault s'installe facilement au Royaume-Uni. Ses parts de marché européennes restent comprises entre 10 et 11%, mais beaucoup mieux réparties entre les différents pays.

Ces trois orientations, voire révolutions, procédant de décisions antérieures à l'arrivée de Louis Schweitzer à la tête de l'entreprise, préfigurent les grands défis que ce dernier va relever. Tout d'abord, l'internationalisation. Au-delà de l'Europe, Renault a en effet, sous le mandat de Louis Schweitzer, noué plusieurs partenariats qui ont permis son développement dans de nombreux pays du monde. Suite à l'échec de la fusion avec Volvo, le constructeur français a réussi une alliance stratégique avec Nissan, qui fait du groupe le cinquième mondial sur le marché automobile. Ce rapprochement doit son succès à l'approche retenue par la direction de Renault, qui a d'emblée écarter la fusion mais a placé l'opération sous le signe de la constitution d'un groupe, dans lequel chaque entité conserverait son identité.

Le rachat du Roumain Dacia a par ailleurs permis la concrétisation d'un projet apparemment irréalisable, la Logan. Cette voiture à bas coût, voulue par Louis Schweitzer suite à un voyage en Russie, avait initialement pour objectif de conquérir les marchés des pays émergents, où la classe moyenne ne peut guère investir plus de 4 000 euros dans une voiture. En interne, ce projet a constitué un véritable défi pour les équipes de Renault.  "Cet objet que je proposais n'intéressait pas, parce qu'il allait à rebours de la ligne du progrès continu, du  toujours plus ", explique l'auteur (p. 81). Son intuition se révélera juste, au point que la Logan se développe non seulement dans des pays émergents comme l'Inde ou la Russie, mais s'implante également sur le marché français, contre toute attente.

Louis Schweitzer développe par ailleurs dans cet ouvrage une réflexion très nourrie sur l'automobile en tant qu'objet social. La voiture se trouve en effet au croisement de trois problématiques cruciales pour le 21ème siècle : l'environnement, l'urbanisme et la sécurité routière. Ces trois paramètres seront déterminants pour l'activité à venir des constructeurs automobiles. La sécurité des voitures a été considérablement renforcée. La préservation de l'environnement doit, selon l'auteur, se comprendre selon deux aspects très différents. D'une part, l'émission de polluants, qui a été fortement réduite dans les moteurs modernes, d'autre part, la production de CO2, contre laquelle aucune solution satisfaisante n'existe à l'heure actuelle. L'encombrement automobile des grandes villes, enfin, dépend de politiques publiques pour partie extérieures aux constructeurs automobiles. Louis Schweitzer développe d'ailleurs une réflexion intéressante sur le lobby automobile, auquel il est si couramment fait référence. Pour lui, il faut parler des lobbies de l'automobile, car les intérêts des consommateurs, ceux des constructeurs, ceux des pétroliers ou encore celui des concessionnaires ne convergent pas nécessairement.

L'ouvrage de Louis Schweitzer, aussi éloigné de l'autobiographie que de l'autocélébration, retrace donc vingt années de l'histoire d'une des entreprises les plus profondément enracinées dans la culture française. Passée de la forteresse ouvrière à la multinationale performante, Renault est à bien des égards la meilleure illustration de l'ouverture de l'économie française depuis les années 80.

L'auteur

Louis Schweitzer , ancien PDG de Renault, est Président de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE).

Table des matières

1. De Billancourt à la multinationale

  • De la nationalisation à la privatisation
  • Conquête de la qualité, conquête de l'Europe
  • L'internationalisation
  • L'alliance avec Nissan, ou la mondialisation du management


2. L'objet automobile

  • Les grandes familles de l'automobile
  • Conception et vente d'une automobile
  • L'avenir de l'industrie automobile
  • Jouer avec le monde tel qu'il est

Quatrième de couverture

S'il est un événement qui illustre les changements qu'a connus la France depuis vingt ans, c'est bien la métamorphose de Renault. Comment est-on passé de la "forteresse ouvrière" de Billancourt, l'entreprise publique à la française par excellence, à l'entreprise mondiale qu'est aujourd'hui Renault ?
Louis Schweitzer est entré chez Renault et en a été le patron de 1992 à 2005. Au fil de ce livre d'entretiens, il éclaire de l'intérieur cette mue à laquelle il a présidé, orientant le développement de l'entreprise vers l'international et lançant des paris inédits, tels que l'alliance avec Nissan ou la voiture à cinq mille euros, la Logan.
Il y développe une réflexion très personnelle sur cet objet singulier qu'est l'automobile. Quel peut être l'avenir d'une "société de l'automobile" face aux fléaux conjugués de l'encombrement urbain, de la pollution atmosphérique et de l'insécurité routière ?
Un témoignage rare, au plus près de la marche de l'économie, qui est aussi la vision stratégique d'un de ses grands acteurs.

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