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L'ouvrage
Malgré nombre de travaux qui lui sont consacrés, la figure de l'entrepreneur reste partiellement insaisissable, sans doute parce qu'elle peut avoir une double face. C'est le point de départ que retiennent Jean-Christian Fauvet et Marc Smia dans un petit ouvrage fort passionnant où ils opposent le jeu d'échec et le jeu de go comme deux analogies concurrentes pour comprendre la fonction entrepreneuriale.
Au premier, le jeu d'échec, correspond un mode de fonctionnement occidental, au moins dans sa tradition hiérarchique. Les fonctions, représentées par les règles de déplacement des pièces y sont prédéfinies ; les relations y sont frontales, puisqu'il s'agit de se saisir des pièces de l'adversaire pour l'affaiblir ; l'issue en est fatale car c'est la victoire ou la mort.
Dans le jeu de go, au contraire, la valeur des pièces est identique et ce qui définit leur force, c'est leur association. On reconnaît ici la nature sociale de la production, chère à K. Marx ! L'objet de la partie n'est pas tant de se saisir de l'adversaire que de marquer son territoire, de sorte que tout le monde a le droit d'exister. Le jeu se termine par accord des adversaires et le gagnant est celui dont le territoire est le plus vaste. Pour être vainqueur, il n'en laisse pas moins la vie sauve à son adversaire…
Le travail de nos auteurs ne s'arrête pas à cette analogie, déjà très parlante. Ils approfondissent les points forts d'une stratégie gagnante au jeu de go pour les transposer au management. Et le résultat en est fort convaincant. Nous ne prendrons que deux exemples qui, logiquement, s'appuieront l'un sur l'autre pour faire ressortir cette fameuse figure du dirigeant.
Au commencement était le dessein : au début de la partie, le damier est vide, au contraire du jeu d'échec. Pas question donc de mettre en branle une armée de pions et de fous, à la cadence militaire – autrement dit de motiver des troupes salariales sur un projet précis. Ici, le dessein structure progressivement l'espace en s'appuyant sur le jeu adverse plutôt qu'en en brisant la stratégie. La mobilisation des collaborateurs se fait donc sur ce flou qui, quelque part, libère leurs initiatives. Dans un monde complexe, souplesse et adaptation au terrain sont les conditions du succès et l'une et l'autre reposent sur les ressorts de l'initiative locale. Le manager, c'est celui qui fait exister l'autre…
Au fil du jeu, la réalisation du dessein peut être compromise. L'entrepreneur est celui qui ne perd pas la main. Cela signifie que si le dessein est unique, même si la stratégie est définie pour trois ans, elle peut être revue tous les trois mois ! Pour cela, il a besoin de jouer en même temps dans plusieurs espaces du damier. Au projet convergent et presque mathématique du joueur d'échec se substitue un projet aux facettes multiples mais finalement complémentaires – ce sont les espaces séparés, même modestes, qui peuvent faire la victoire finale.
On le voit, l'analogie du jeu d'échec ou de go détermine presque naturellement le type de relations qu'un entrepreneur va avoir avec ses collaborateurs, du management mécaniste ou management par projet. La convergence avec la sociodynamique est évidente.
Reste à savoir comment ces principes peuvent être déclinés au quotidien de la vie de l'entreprise. On trouve bien quelques exemples dans l'ouvrage, mais ils suscitent l'intérêt plus qu'ils ne satisfont la curiosité. Il est vrai que c'est le travail du cabinet Kea & Partners d'aider les entrepreneurs à se saisir de cet outil pour mieux percevoir leur mode de fonctionnement propre et celui de leur entreprise. Les exemples se développeront avec le temps. Ils se développeront d'autant plus rapidement que, phénomène culturel s'il en est, les challengers de nos entrepreneurs sont aujourd'hui pour une part chinois ; ils pratiquent le jeu de go depuis 4300 ans alors que la France ne le connaît que depuis 35 ans !
Pédagogiquement, cette analogie est très intéressante. Elle évite l'approche par les fonctions qui ne dit rien de ce qu'est un entrepreneur – seulement les indicateurs qu'il doit surveiller. Elle passe par l'intuition autant que par la raison. Au final, le jeu est une excellente ouverture à la considération que la vie de chacun est le fruit de son propre dessein. Le fait que les desseins des uns et des autres peuvent vouloir occuper le même terrain n'est ni frustrant ni inquiétant car le terrain de jeu est vaste et il n'a pas été complètement défriché. Le progrès technique l'élargit même chaque jour, sans compter les espaces ouverts par la mondialisation !
Les auteurs
Jean-Christian Fauvet a marqué le monde du conseil français. Ancien vice-président de Bossard Consultants, il est également un conférencier apprécié. En près de 30 ans, il a initié plus de 20 000 managers et dirigeants à la sociodynamique, une méthode pour comprendre le fonctionnement réel des organisations et pour l'améliorer, qui est devenus l'un des concepts clés du management. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont L'élan sociodynamique. Marc Smia est associé fondateur du cabinet de conseil en stratégie et management Kéa & Partners. Marc Smia a installé sa réputation de consultant sur sa capacité à impulser et mettre en œuvre des initiatives stratégiques gagnantes. LE développement est son maître mot, celui des hommes, des idées et des entreprises. Titulaire d'un 3° cycle en sciences des organisations à Dauphine, il est également joueur de go.
Table des matières
Vous voilà engagé à votre insu dans un jeu de go universel
Controverse entre un manager, un joueur d'échecs et un joueur de go
Le jeu de go dans l'histoire des stratégies
Bienvenue dans un parcours de découverte construit comme une partie de go
Jalon 1 : Le damier (ou go-ban) représente votre "terrain de jeu" de manager
Jalon 2 : Ayez un dessein et faites-le émerger au sein de votre entreprise
Jalon 3 : Les pierres posées sur le damier figurent les actes de management au service de votre dessein
Jalon 4 : Considérez l'adversité comme un handicap stimulant à surmonter
Jalon 5 : Visez large et… tenez serré
Jalon 6 : Faites que chacune de vos décisions vous ouvre de nouveaux "espaces de vie"
Jalon 7 : Privilégiez les liens sociaux, donc misez sur la culture et les valeurs partagées
Jalon 8 : Adaptez une "stratégie de bord de damier"
Jalon 9 : Suscitez des liens et des comportements de coopération
Jalon 10 : Construisez vos territoires, ces formes accomplies de votre dessein
Jalon 11 : Faites de votre organisation un archipel et non une île
Jalon 12 : Pratiquez l'extension enveloppante, évitez de vous faire envelopper
Jalon 13 : Considérez votre prise de parole comme une conquête de territoires
Jalon 14 : Acceptez le mouvement perpétuel de la vie, transformez !
Jalon 15 : Composez avec l'incertitude du monde et sa complexité
Jalon 16 : Au-delà de l'efficacité, visez la performance
Jalon 17 : Prenez de la hauteur
Jalon 18 : Prenez du plaisir, soyez performant et… stressé : le jeu, c'est ça ! Postface : Le jeu de go, un jeu éminemment "sociodynamique" Annexe : Le jeu de go en quelques règles
Quatrième de couverture
Le jeu de go est riche d'enseignements pour la vie professionnelle. Dans ce livre, les auteurs invitent les dirigeants d'entreprise et les managers à suivre une partie fictive pour s'exercer au jeu des analogies entre go et management.
Le lecteur appréciera un ouvrage limpide qui ouvre des perspectives nouvelles. La métaphore du jeu de go lui permettra de porter un regard neuf sur ses pratiques pour :
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Se représenter simplement la complexité :
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Voir loin, jalonner et exister partout ;
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Coexister avec les forces d'opposition ;
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Créer du lien et construire des territoires d'influence ;
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Être consistant et cohérent dans l'action ;
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En toutes circonstances, se ménager des degrés de liberté ;
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Développer des aptitudes mentales de conquête ;
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Savoir manier les stratégies d'extension comme les stratégies de contention ;
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Tout en conservant un comportement éthique…
La lecture de ce livre ne nécessite pas la connaissance préalable des règles du jeu de go. Au contraire, elle peut devenir un moyen de s'y initier.
