L'Argent, la finance et le risque

André Lévy-Lang

L'ouvrage

La finance fait figure de démon pour les détracteurs de la mondialisation contemporaine. L'ouvrage d'André Lévy-Lang, ancien président de Paribas et professeur à Dauphine, tente de répondre à ces critiques en démontrant l'utilité de la finance pour l'ensemble de l'économie. La double casquette de pédagogue et de praticien conduit André Lévy-Lang à un exposé des principaux mécanismes de la finance destiné à en faire saisir les logiques au profane. Une réflexion transversale sert de canevas au raisonnement de l'auteur : l'incertitude crée un risque contre lequel l'homme, en tant qu'agent économique, cherche à se prémunir.

Cette aversion au risque peut expliquer l'introduction de la monnaie, initialement sous forme de coquillages. Comme étalon, elle a permis d'améliorer la comparaison entre les termes de l'échange. Comme réserve de valeur, elle a pallié le problème de la péremption de certains biens, notamment alimentaires, peu propices au troc. Un progrès substantiel a été accompli avec la décision d'émettre des pièces de monnaie métalliques, afin d'une part de garantir leur intégrité physique dans le temps et d'autre part de leur conférer une valeur intrinsèque, indispensable pour développer les échanges internationaux. Cette indexation, apparue au Moyen-Age, a perduré jusqu'en 1971, date à laquelle Nixon a décidé de mettre un terme à l'étalon-or, pourtant au cœur des accords de Bretton Woods.

La spécialisation progressive de l'économie, puis son industrialisation, ont rendu nécessaires le développement de financements nouveaux en même temps que des mécanismes de gestion des risques. L'ouvrage de Lévy-Lang consacre de longs développements à la finance comme réponse au temps et donc au risque. L'épargne, qui est une défense des individus face à l'incertitude de l'avenir, a pu être mise au service du besoin de financement des entrepreneurs, puis des particuliers grâce aux banques. "Le métier central des banques consiste à utiliser l'argent des dépôts à vue pour faire des crédits de durée plus ou moins longue. C'est ce qu'on appelle la transformation financière. Elle est nécessaire pour accorder l'offre et la demande d'argent dans le temps" (pp. 49-50). Le système bancaire a dû s'organiser tout d'abord pour assurer la sécurité des dépôts, puis pour étendre son offre de services jusqu'à fournir aux entreprises les leviers nécessaires à leur financement et aux particuliers les crédits leur permettant d'acquérir des biens immobiliers ainsi que des biens de consommation courante. Le marché est aujourd'hui fortement concurrentiel, chaque enseigne cherchant à attirer le plus grand nombre de clients, en particulier les étudiants et les jeunes actifs. Ces cibles sont privilégiées dans la mesure où les consommateurs changent très peu de banque au cours de leur existence.

L'intermédiation de la banque s'est toutefois avérée insuffisante pour répondre aux besoins de financement de l'économie. Ce qui explique l'apparition, à partir de la première révolution industrielle, des marchés financiers. Les entreprises ont alors eu la possibilité de proposer directement aux épargnants (individuels ou collectifs) des titres de propriété. L'apparition de produits standardisés (actions, obligations) disponibles sur des marchés liquides a constitué une innovation considérable pour le développement économique. "La Bourse (…) attire les épargnants et les investisseurs, et elle permet aux entreprises de trouver l'argent de leur développement, sous forme de dette ou de capital, dans de bonnes conditions. Une bonne partie de cet argent ne s'investirait pas en capital dans les entreprises si la Bourse n'existait pas" (p. 77). Progressivement, les marchés financiers ont étendu leur emprise. Loin de se limiter à offrir des actions ou des obligations, ils proposent de très nombreux produits et services, dont André Lévy-Lang dresse un tableau pédagogique et fort instructif.

Historiquement, la finance a donc joué un rôle essentiel dans le développement économique. La thèse centrale de l'ouvrage est que ce rôle n'appartient pas qu'au passé, et que la finance est bel et bien indispensable aujourd'hui et demain. Le paysage s'est considérablement complexifié avec l'apparition de nouveaux acteurs sur le marché. Ainsi, les fonds d'arbitrage (hedge fund) occupent une place croissante sur les places financières mondiales. Initialement destinés à couvrir les erreurs de marché, ces fonds jouent de plus en plus un jeu spéculatif. De même, les private equity (fonds d'investissement dans des entreprises non cotées) gagnent du terrain et perturbent les équilibres traditionnels sur les marchés. Comme le souligne André Lévy-Lang, ces fonds sont largement à l'origine de la critique de court-termisme adressée fréquemment à la Bourse. Le chapitre consacré aux gendarmes de la Bourse répond en creux aux détracteurs des marchés financiers. La réglementation interbancaire, ainsi que les autorités de marché assurent en effet un contrôle rigoureux des transactions et des comportements des investisseurs et des offreurs. Les scandales financiers récents démontrent la limite de ces contrôles et la nécessité d'une amélioration de la législation existante mais ne peuvent, selon l'auteur, conduire à une remise en cause de la finance.

Car, contrairement à un discours récurrent, la finance est étroitement corrélée, pour André Lévy-Lang, à l'économie réelle. La volatilité des cours de Bourse peut parfois apparaître comme arbitraire et spéculative, mais elle ne doit pas faire perdre de vue que "le seul et vrai rôle de la finance est d'inventer et de gérer les instruments qui permettent à l'offre et à la demande d'argent et de risques d'être au service du développement économique et de la croissance" (p. 234). La concurrence des pays asiatiques, le développement des nouvelles technologies, et plus largement l'ensemble des défis économiques qui s'annoncent nécessiteront des moyens de financement réactifs et innovants. Pour André Lévy-Lang, le cœur du problème se situe moins dans la finance elle-même que dans la tentation de lui faire porter la responsabilité des défaillances et de l'absence de volonté des dirigeants politiques. Une analyse qui vaut non seulement pour les marchés financiers, mais plus largement pour la politique monétaire, les Banques centrales ne pouvant être incriminées pour des faits qui leur sont étrangers, et pour le développement des pays du Sud, le FMI et la Banque mondiale n'ayant pas vocation à remplacer les gouvernements. Le dernier chapitre replace intelligemment les enjeux de la finance dans le contexte économique et politique contemporain, démontrant que la finance est un outil utile mais qu'elle ne saurait à elle seule résoudre les défis de l'avenir.

L'auteur

André Lévy-Lang a été président de la banque Paribas. Physicien et économiste de formation il enseigne aujourd'hui la finance à l'université Paris-Dauphine et il est administrateur de plusieurs entreprises cotées et fondations de recherches en finance et en science.

Table des matières


Introduction
Chapitre 1 – La finance, une affaire de risque, de temps et d'espace

L'argent
Le risque
Le temps
L'espace
La finance et le droit

Chapitre 2 – Les acteurs
La banque
La Bourse et les marchés
L'assurance : la gestion des risques

Chapitre 3 – Les utilisateurs
Préliminaires : éléments de comptabilité
Quelques commentaires sur les scandales comptables les plus récents
La finance, outil de l'entreprise
Les particuliers

Chapitre 4 – Les gendarmes de la finance
La sécurité des clients des banques
La sécurité des clients des assurances
Les gendarmes de la Bourse et la sécurité des marchés
La nouvelle donne des marchés : progrès ou danger ?
Finance et société : réglementation ou jeu de la concurrence ?
Le financement de l'innovation et de la création d'entreprises
L'indemnisation des victimes
Les dilemmes de la politique monétaire
Finance et développement : ami ou ennemi

Chapitre 5 – Quelle finance demain ?
Les nouvelles technologies
La Chine et l'Inde
Résumé des épisodes précédents
Où va-t-on ?
Quelle finance ?
Quelles limites ?

 

Quatrième de couverture


De quoi la finance traite-t-elle ? Comment fonctionnent ses acteurs ? Quels sont ses apports, ses limites, ses risques ? Comment la contrôler ?
Exemples concrets à l'appui et sans jargon, André Lévy-Lang dévoile les arcanes de cet univers. Grâce à lui, on comprendra mieux le fonctionnement des banques, des assurances et des marchés financiers, le financement des entreprises, les changes, les produits dérivés, etc. Un ouvrage indispensable, par un grand professionnel, dans le débat sur les excès et les dérives du "monde de l'argent".
 

 

 

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