La Marque. Une puissance fragile.

Andrea Semprini

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L'ouvrage

Andrea Semprini est tout à la fois un théoricien et un praticien de la marque. Son dernier ouvrage présente les différentes explications du phénomène et propose un approfondissement de la théorie spécifique de l'auteur.

Celle-ci repose sur un modèle baptisé "projet/manifestation". Le projet synthétise la raison d'être d'une marque, et tient le plus souvent en quelques mots. Pour exister aux yeux du public, il doit faire l'objet de manifestations dont les services de communication sont responsables.

Andrea Semprini emprunte ses méthodes d'analyse à la sémiologie et à la linguistique pour décortiquer le processus à l'œuvre dans le phénomène de marque. Les connaissances du praticien complètent les réflexions du théoricien, et le conduisent à illustrer son modèle d'exemples qui permettent de saisir la pertinence de son modèle.

A plusieurs reprises, l'auteur mentionne ainsi, parmi de nombreuses autres, la marque La Laitière . Son projet tient dans ce résumé : “une gamme de produits de qualité, riches, aux goûts traditionnels”. L'identité visuelle des différents produits La Laitière appuie ce projet, et permet par exemple de les distinguer des glaces Carte d'Or , dont le projet repose davantage sur l'originalité et la finesse des arômes.

Le projet de marque est souvent à l'origine du succès d'une entreprise, dans la mesure où il est le signe d'une juste conscience de son apport sur le marché et de son positionnement par rapport à la concurrence. Si la publicité est une composante essentielle de cette démarche, elle est loin de l'épuiser. Certaines marques, comme Bang & Olufsen , ont tourné le dos pendant des années à la publicité, tout en affirmant un projet très personnel (l'alliance de la poésie et de la technologie). Les projets ont une existence bien au-delà de la réclame, et se déclinent dans tous les signifiants que la marque émet, volontairement ou involontairement, à destination des consommateurs. L'auteur considère la marque comme un contrat, auquel le consommateur adhère et qu'il est libre de rompre, notamment quand l'entreprise s'écarte de son projet.

Cette théorie projet/manifestations offre ainsi des perspectives intéressantes pour comprendre le redressement ou à l'inverse l'effondrement de certaines entreprises. Sur le marché automobile, par exemple, Citroën a su se redresser en reformulant son projet et ses différentes manifestations (forme et nom des voitures, notamment). Fiat, tout au contraire, a perdu tout projet de marque et ne parvient plus à réitérer les succès qu'ont été la Panda et la Fiat Uno, car l'entreprise ne semble plus en mesure de comprendre ce qu'elle à offrir sur le marché et quel projet elle porte.

A mi-chemin entre pratique et théorie, Andrea Semprini souligne aussi les rapports que la notion de marque devrait entretenir avec les sciences sociales, qui pourtant ne se sont jamais véritablement intéressées au phénomène. Sans proposer de théorie sociologique ou économique nouvelle, l'auteur met en évidence quelques champs de recherche qui mériteraient d'être investis par les spécialistes contemporains des sciences sociales pour mieux cerner le phénomène de la marque, à la croisée des chemins de la consommation, de la communication et de l'économie.

D'un point de vue sociologique, la marque peut être une porte d'entrée fructueuse pour approfondir les recherches sur l'individu et l'espace social post-modernes. Elle peut tout autant générer de nouveaux travaux de sociologie de la communication, en estompant les frontières entre communication et communication commerciale, qui peu à peu s'affaissent. Andrea Semprini déplore par ailleurs la faible quantité de recherches microéconomiques sur ce thème – tout en omettant de mentionner la théorie de la concurrence monopolistique, largement fondée sur la marque et l'image de marque. « A partir du moment où tout le jeu économique est pénétré par la communication et donc se trouve plus directement arrimé dans l'espace social, il devient également plus sensible aux valeurs culturelles qui façonnent l'espace social dans son ensemble. Cette évolution impose une redéfinition de la rationalité économique, car les consommateurs ne sont pas plus irrationnels aujourd'hui qu'il y a cinquante ou cent ans. Toutefois, ils orientent leurs choix à partir d'une information disponible infiniment plus complexe » (p. 67). La science économique ne pourrait-elle pas modéliser ce que le marketing a développé depuis plus d'un siècle ? La marque illustre par ailleurs très bien le développement d'une Winner-Take-All Economy . Ce modèle, inventé par les deux économistes américains Franck et Cook, se fonde sur une situation dans laquelle l'écart entre le haut de la pyramide et le niveau juste en dessous devient gigantesque, et donc où "le gagnant rafle tout". L'auteur décrit longuement les implications de cette théorie et son intérêt pour comprendre le monde des marques, où la position de leader garantit un surplus conséquent de bénéfices.

Soucieux de ne pas prendre à la légère les critiques portées à la marque, et en particulier celles du best-seller de Naomi Klein No Logo , Andrea Semprini s'attache donc à replacer le phénomène de marque dans son contexte contemporain. Ce travail donne lieu à de très intéressants développements sur l'essor des marques hors du champ commercial, vers les domaines où on l'attendait le moins.

Ainsi, l'univers du show business et de la culture, typiques d'un marché Winner-Take-All (il n'y a qu'à comparer les salaires des cinq plus grands acteurs avec ceux des quinze suivants pour s'en convaincre) ont importé la logique de marque. Le créateur de Star Wars, Georg Lukas, en est d'ailleurs l'un des pionniers puisqu'il a accepté pour son premier film des cachets très réduits en échange de droits sur les produits dérivés qui lui garantissent aujourd'hui encore une situation confortable. Tom Cruise ou Céline Dion sont aujourd'hui plus que des vedettes, et tiennent pour une large part du phénomène de marque.

Le musée Guggenheim de New York et Beaubourg importent à leur tour la démarche de marque, déclinant le concept en plusieurs manifestations (Guggenheim de Bilbao et bientôt de Berlin, Beaubourg à Metz).

Le sport a lui aussi intégré la logique de marque autour de quelques très grands noms des stades, et les sites géographiques (villes, petits Etats) s'y mettent peu à peu.

La politique d'ailleurs n'échappent pas au phénomène, les hommes politiques contemporains tels George Bush ou Nicolas Sarkozy développant une stratégie de marque qui désarçonne leurs adversaires, formés à l'école ancienne de la communication politique, et qui permet de multiplier les manifestations d'un même projet (chef de guerre ou Président paternaliste pour le premier, ministre de l'Intérieur, de l'Economie, Président de parti et pourquoi pas de la République pour le second).

C'est, selon l'auteur de l'ouvrage, dans ce phénomène d'extension de la logique de la marque qu'il faut chercher les racines de sa contestation actuelle. Elle a d'abord servi de gage de confiance pour le consommateur à l'époque de l'industrialisation des processus de production (en particulier alimentaires), avant de servir de point de repère dans une société d'abondance. Elle semble avoir aujourd'hui franchi un autre cap, et devenir progressivement une démarche de communication à part entière, alimentant les inquiétudes de marchandisation progressive de l'espace social. C'est dans cet expansionnisme que reposerait le risque principal pour la marque dans les prochaines années.

L'auteur

Andrea Semprini est un spécialiste reconnu de la marque. Il dirige l'Institut d'études Arkéma et conseille de nombreuses marques françaises et internationales. Sur le même thème, il a publié Le Marketing de la marque (1992) et La Marque (1996).

Table des matières

Introduction

  1. Une puissance fragile
    1. Une histoire tumultueuse
    2. Les tendances : confirmations et évolutions
  2. La marque dans l'espace social post-moderne
    1. La marque à la croisée des chemins
    2. La consommation
    3. La communication
    4. L'économie
  3. Les dimensions clé de la marque
    1. La nature sémiotique
    2. La nature relationnelle
    3. La nature évolutive
  4. L'identité de marque : la quête du Graal
    1. Retour sur quelques modélisations de la marque
    2. La star stratégie de Jacques Séguéla
    3. Le modèle cognitiviste de Kevin Keller
    4. La rosace de marque de Marie-Claude Sicard
    5. La charnière de marque de Jean-Marie Floch
    6. Lignes directrices pour une modélisation de la marque
    7. Le duel marque-produit : la fin d'une querelle
  5. Le modèle projet / manifestation
  6. Manifestations et médiations de la marque
    1. La peau de la marque
    2. La généralisation du paradigme esthétique
    3. Esthétisation et logique de marque
    4. Médiations
    5. Médiations spatiales
    6. Médiations humaines
    7. Médiations virtuelles
  7. Pièges de marque
    1. La course à la valeur
    2. La course à la diversification
    3. Le piège de l'innovation
    4. La marque entre puissance et contraintes
  8. La marque au-delà du marché
    1. La dissémination sociale de la marque
    2. La critique sociale de la marque
    3. La forme-marque
    4. Marque et mondes possibles dans un espace post-moderne

Conclusion

Quatrième de couverture

Les marques contemporaines n'ont jamais été aussi puissantes et convoitées et, en même temps, elles n'ont jamais été autant critiquées, voire attaquées. Ce paradoxe n'est qu'apparent, car les mêmes vecteurs expliquent à la fois la centralité des marques dans notre mode de vie et les critiques qu'on formule à leur encontre. L'imbrication croissante des sphères de l'économie, de la consommation et de la communication permet de comprendre cette mutation, de type postmoderne.

A partir de ce contexte socio-économique, l'ouvrage élabore un modèle du fonctionnement des marques actuelles. Il montre comment fonctionne une marque postmoderne et décrit quelques "pièges" qui contribuent à la mauvaise image des marques auprès de l'opinion.

La dernière partie traite de la dissémination sociale de la marque, son débordement du territoire de la consommation et de sa généralisation à d'autres univers (le cinéma, la politique, les médias, le tourisme, la culture, l'humanitaire). Dans une société dominée par l'immatériel, les marques proposent des "mondes possibles" qui concourent à la construction des représentations individuelles et collectives. Ces mondes possibles fournissent aux individus des stimulations qui les aident à attribuer un contenu et un sens à leurs projets.

Ni plaidoyer, ni instruction à charge, cet ouvrage est une analyse lucide et prospective des facteurs socio-économiques et des choix de management qui génèrent la puissance mais également la fragilité des marques contemporaines.  
 

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