La croissance par la réforme

Michel Didier

L'ouvrage

Alors que le débat sur le déclin de la France , réel ou supposé, rebondit avec le rapport dirigé par Michel Camdessus, les économistes de Rexecode ont choisi une autre voie d'analyse du sujet. Il s'agit de s'attacher à la capacité de réforme de la France, elle-même régulièrement remise en cause, et de faire le point de ce qui a été réalisé sur ce chemin.

Notons d'abord que, pour qu'une réforme puisse être considérée comme nécessaire, il faut que l'opinion publique, sans qui rien ne se fait, en soit consciente. Or, les messages qu'elle émet semblent en contradiction avec les faits. En effet, sur deux points au moins, la perception de la réalité est biaisée. Depuis le début du XXI° siècle en effet, les Français surestiment à la fois l'inflation et le chômage. En même temps, ils ont fortement augmenté leur endettement par rapport à leur revenu disponible et, plus récemment, commencé à réduire leur épargne. Faut-il en conclure que les anticipations d'inflation justifient l'endettement et la réalité du chômage oblige à prélever sur l'épargne accumulée ? Faut-il au contraire estimer que la réforme des retraites à finalement libéré les comportements d'achat – puisque l'avenir est assuré, nous pouvons consommer ?

On le voit, l'enjeu est grand pour l'avenir des réformes. L'hypothèse de travail retenue par les auteurs est que "dans un premier temps, les réformes font peur" tandis qu'"elles rassurent et libèrent les comportements lorsqu'elles sont décidées et mises en œuvre" (p. 13). Un tel message ne peut qu'être encourageant, et pour la démocratie, et pour les décideurs politiques – à condition d'avoir le courage de passer par la première phase de la courbe en J de la réforme (p. 32). Encore faut-il bien repérer qu'une réforme a des conséquences différentes sur les agents économiques ; il convient alors de bien identifier les bénéficiaires et les perdants, de façon à engager le dialogue sur les bien fondés de la réforme et prévoir, le cas échéant, les compensations appropriées.

Bien entendu, on ne fait pas des réformes pour le plaisir de réformer. Les faits sont là : la croissance tendancielle de la France (1998-2003) ne paraît pas très dynamique, en elle-même comme par rapport à ce que font certains de nos compétiteurs. Faut-il penser, pour parler en termes marxistes, que certains aspects de la superstructure juridico-politique sont un obstacle à la croissance ? Beaucoup de pays axés sur la liberté économique (Etats-Unis, Royaume-Uni…) aussi bien que d'autres, à l'origine de la social-démocratie moderne (Suède, Danemark…) l'ont considéré. On ne se souvient pas assez que les uns et les autres étaient dans une situation difficile, voire critique – justement l'une de celles où la croissance économique réelle paraît bien inférieure à la croissance potentielle.

En tous cas, les "sept piliers de la réforme structurelle" sont analysés (p. 22 et suivantes). Ils permettent de bien mettre en lumière les domaines qui méritent d'être régulièrement analysés. On se souvient à ce moment du souhait de Jacques Rueff que, chaque année, des thesmothètes soient chargés d'étudier "les répercussions financières (des propositions soumises au Parlement), non seulement dans leurs conséquences immédiates et directes, mais aussi dans leurs effets lointains" ( L'ordre social , Paris, Editions Génin, 1967, p. 639, 1ère édition, 1948) et l'on se prend à imaginer que, de la même façon, un Comité d'experts vienne expliquer aux parlementaires quels domaines de la législation méritaient d'être abrogés, transformés, amendés. Dans ces domaines, la difficulté vient toujours de la charge de la preuve. Les experts internationaux (FMI, OCDE) se sont attelés à la difficile tâche de donner une mesure objective des réformes engagées. Parallèlement, des Comités d'experts ont été créés (Banque mondiale) pour donner une mesure subjective des mêmes réformes. Faut-il croire que les premiers ont influencé les seconds ? En tous cas (cf. p. 47), les résultats sont assez largement convergents.

Alors, qu'en est-il de la France ? Les résultats sont, on s'en doute, assez mitigés… comme si les décideurs politiques n'hésitaient pas à révolutionner un domaine sensible longtemps tenu fermement en mains par un Banque centrale elle-même sous contrôle ministériel (cf. la libéralisation du secteur financier, p. 54) tandis que, sur le domaine tout aussi sensible de la libéralisation du marché du travail, rien ne peut se faire qu'en catimini (cf. le graphique éclairant sur le coût relatif du Smic, charges incluses, p. 67).

Finalement, si Rexecode tient le pari d'une publication annuelle sur le sujet, le lecteur trouvera un intérêt certain à comparer les progrès de la France par rapport à elle-même (cf. l'analyse de la politique de décentralisation, la loi sur la cohésion sociale ou la réforme de l'assurance maladie) et par rapport à ses partenaires (cf. pour l'édition 2004, une analyse des réformes structurelles en Allemagne).

Les auteurs

  • Sylvie Duchassaing, Denis Ferrand, Jean-Louis Guérin, Eric Louvert et Michel Martinez sont économistes à Rexecode.
  • Rexecode (Centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises) est un des tout premiers centres français d'observation, de recherches et d'études économiques. Il regroupe environ quatre-vingt adhérents, entreprises industrielles, banques et institutions privées ou publiques.

Table des matières

Première partie

  • Le rapport 2005
  • La croissance en avance sur la confiance
  • Plaidoyer pour la réforme
  • Evaluation de la réforme
  • Position de la France dans la réforme

Deuxième partie

  • Les éclairages thématiques
  • Réformes structurelles en Allemagne
  • Evaluation des réglementations publiques aux Etats-Unis.
  • Chronologie des réformes structurelles en France.

Quatrième de couverture

Pour éclairer l'ensemble des acteurs économiques et sociaux, Rexecode fait le point sur l'état d'avancement des réformes structurelles en France, examine le chemin parcouru au cours des années récentes et celui qui reste à parcourir vers l'objectif d'une croissance durable au rythme de 3% l'an. II montre les progrès accomplis dans le domaine de l'économie politique de la réforme. Le rapport 2005 sur la réforme structurelle en France est le premier de ce genre dans notre pays.

A l'occasion des Premières Rencontres de la Croissance, en mai 2003, l'ouvrage Des idées pour la croissance (Economica, Paris 2003) avait réuni les propositions de Rexecode et de 77 économistes. L'ensemble des idées exprimées tant par les économistes que par les acteurs professionnels et sociaux convergeaient sur un point : des changements sont indispensables pour accroître notre croissance potentielle et viser une croissance durable de 3% en France.

Ce livre a été préparé par l'équipe de Rexecode dirigée par Michel Didier, Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers. II s'adresse aux responsables politiques, aux enseignants, aux étudiants et aux chercheurs, ainsi qu'à l'ensemble des personnes soucieuses de voir s'accroître le niveau de vie et l'emploi en France.
 

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